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les observations de cette commission : « La loi de brumaire an IV, article 234, parlait de la connexité des délits sans les définir. La commission pense qu'il est à propos de définir cette connexité, quoique ordinairement toute définition soit difficile et embarrassante. Cette définition sera utile parce que la connexité peut influer sur la détermination de la complicité et sur la détermination de l'application à plusieurs coupables de la peine la plus forte attachée à un délit commis particulièrement par l'un d'eux '. Cette définition est encore utile, parce qu'elle servira de régulateur à l'article 308, qui prévoit le cas où l'acte d'accusation contiendra plusieurs délits non connexes. Mais la définition contenue dans l'article 227 a paru à la commission ne pas se présenter avec toute l'exactitude désirable. Elle propose de substituer à la rédaction de l'article celle qui suit : « ... (Cette rédaction est le texte de l'article 227.) Voici les motifs du changement proposé. Il n'est pas inutile de rapporter des exemples pour l'éclaircissement d'une matière naturellement compliquée. Une diligence est attaquée par plusieurs particuliers. Les uns, en embuscade, tuent le conducteur, les autres tuent les voyageurs, les autres volent les effets qui sont dans la diligence. Il se commet des délits de diverses natures de la part de chacun de ces particuliers. Mais il est évident que ces délits sont connexes et se fondent même, pour ainsi dire, en un seul. Or, ce cas et les autres semblables ne paraissent pas rendus par ces expressions de l'article du projet, soit lorsqu'ils ont été commis en même temps par les mêmes personnes d'après l'énergie que doivent avoir ces mots mêmes personnes, l'esprit se reporte principalement à deux délits qui auraient été commis par les mêmes individus à des époques différentes, sans qu'il en résultât nécessairement une connexité entre ces délits. Dès qu'il est question, dans le projet, de délits commis en même temps, il semble qu'il est plus à propos de dire, comme on le propose, par plusieurs personnes réunies. C'est là le premier cas prévu par l'article. Des délits seraient connexes lorsqu'ils auraient été commis par différentes personnes qui seraient associées de crimes, ou, ce qui est de même, par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, et c'est le second cas prévu

1 Ces paroles seraient inexactes si elles étaient prises dans un sens trop absolu: la connexité n'est qu'une règle de compétence; elle n'exerce aucune influence sur la responsabilité pénale de l'agent.

par l'article du projet. Mais dans ce cas il est aisé de sentir que, pour qu'il y ait connexité, il n'est pas nécessaire que les délits aient été commis en même temps et dans le même lieu. Cela se sent aisément sans en venir à des exemples. Il paraît donc indispensable de faire supposer, dans la définition, la différence de temps et de lieux, et cet effet paraît être le résultat des termes de la rédaction proposée soit lorsqu'ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite, etc. Sans cette addition de différence de temps et de lieux, les termes du projet, relativement au deuxième cas, sembleraient régis par ces mots en même temps.

Vient le troisième cas, qui est celui où différents délits ont été commis, où les uns l'ont été pour se procurer les moyens de commettre les autres. Or, ce cas de connexité peut arriver pour des délits commis par un seul, comme pour des délits commis par plusieurs. Cela se sent aussi sans en venir à des exemples. Ainsi, pour rendre cette idée, il est à propos d'ajouter, dans le troisième membre de l'article 227, comme on le propose, soit lorsque le coupable ou les coupables, au lieu de soit lorsque les coupables. Le conseil d'État approuva les deux premières modifications: la troisième lui parut sans doute inutile parce qu'elle ne changeait rien au sens véritable du projet.

2361. Il résulte de l'article 227 que les délits sont réputés connexes dans les trois hypothèses suivantes :

1° Lorsqu'ils ont été commis en même temps par plusieurs personnes réunies;

2° Lorsqu'ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles;

3° Lorsque les coupables ont commis les uns pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité.

Première hypothèse : Les délits sont connexes lorsqu'ils ont été commis en même temps par plusieurs personnes réunies. Est-il nécessaire qu'ils aient été commis dans un but commun? M. Mangin répond affirmativement. « Ce n'est point une réunion accidentelle, une rencontre fortuite, dit cet auteur, que la loi a 1 Locré, tom. XXV, p. 529.

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eue en vue. Deux délits commis en même temps, au même lieu, par plusieurs personnes différentes, ne seraient pas connexes si ces personnes ne s'étaient pas concertées pour s'y rendre et y agir en commun. » Cette opinion ne nous paraît point exacte. Les délits sont connexes par cela seul qu'ils sont commis au même moment, par plusieurs personnes réunies, et, par conséquent, au même lieu tels sont les délits concomitants qui peuvent être commis dans un rassemblement de personnes par différents membres de l'attroupement. Il est possible que l'un de ces délits ait été commis dans un but que n'avait pas l'auteur de la seconde infraction, que l'un ait eu pour but d'obtenir le redressement de quelque grief populaire, comme la réduction de la taxe du pain, et que l'autre ait eu en vue un acte de rébellion; il est possible que les deux agents ne se fussent point concertés avant de commettre les deux faits; mais comme les actes émanent de la même réunion, comme ils sont unis par les rapports de temps et de lieu, ils sont réputés connexes. Tel est le sens littéral de la loi et telle est aussi l'interprétation que la jurisprudence lui a donnée.

Une rixe violente s'était élevée dans une auberge. Le maire et l'adjoint, accompagnés de la garde nationale, arrivèrent pour rétablir la tranquillité. Il y eut résistance, et dans cette résistance non concertée des coups furent donnés à la garde et aux deux officiers municipaux. L'instruction avait séparé le fait de rébellion envers la force armée et le fait de violences envers les fonctionnaires. La Cour de cassation, en statuant, même avant la promulgation du Code, a annulé cette division: « Attendu que les différents délits avaient entre eux une connexité nécessaire; qu'ils ne formaient même qu'un seul délit de nature parfaitement identique, puisque, dans l'objet de leur intervention, le maire et l'adjoint requéraient l'obéissance à la force armée, dont ils dirigeaient l'action; que tous les faits particuliers qui composent, dans l'espèce, le délit de rébellion et d'offense à la loi, devaient être soumis à la même instruction; que, s'il eût été possible de distinguer deux différents délits dans la prévention, leur connexité les aurait encore soumis à la même instruction et à la même juridiction 2. »

Plusieurs individus étaient prévenus d'opposition à l'exercice 1 Tom. II, p. 436.

2 Cass. 21 janv. 1808 (Dall., v° Comp. crim., n. 149).

des préposés des douanes, et de résistance avec violences et voies de fait envers les préposés. La Cour de cassation a jugé que c'est avec raison que l'une et l'autre infraction avaient été comprises dans la même procédure et portées devant la juridiction correctionnelle : « Attendu que, lorsque l'opposition est accompagnée de violences et de voies de fait de nature à constituer le délit de rébellion, et être poursuivie à la requête du procureur du roi devant le tribunal correctionnel, elle rentre, en raison de la connexité, dans la compétence de cette juridiction '. » Il en est encore ainsi du délit d'outrage envers un fonctionnaire public et de la contravention de tapage nocturne, lorsque l'outrage a été commis au milieu de ce tapage, et du crime d'attentat à la pudeur avec violences et du délit de voies de fait et de violences envers la même personne.

2362. Deuxième hypothèse : Les rapports du temps, du lieu et des personnes ne lient plus les délits entre eux, mais ces délits sont unis par un but commun, ils ont été commis par suite d'un concert formé à l'avance entre les auteurs; c'est ce concert préalable, ce but commun qui les rend connexes. Tel serait le cas où différents individus appartenant à la même association de malfaiteurs commettraient dans un but commun des crimes distincts dans diverses localités. C'est ainsi que, les auteurs de divers vols commis dans les départements du Doubs, du Tarn et de la HauteSaône ayant été arrêtés, il fut reconnu qu'ils faisaient partie de la même bande de malfaiteurs. Le ministère public se pourvut en règlement de juges et exposa qu'il importait essentiellement à la manifestation de la vérité, et, par conséquent, à l'ordre public, que tous les prévenus fussent soumis à la même juridiction. Et, en effet, disait-il, « s'il y a autant d'instructions que de tribunaux différents dans le ressort desquels les crimes ont été commis, il résultera de cette division que les individus condamnés ou absous sur les crimes dont ils sont accusés ne figuraient point dans les circonstances relatives à des crimes commis dans le ressort d'un tribunal différent, ces instructions particulières n'atteindront peut-être pas le degré de lumière qu'une instruction

1 Cass. 8 déc. 1837 (Bull., no 427), et 13 août 1836 (Bull., 2 Cass. 5 juillet 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 1241).

3 Cass. 6 févr. 1829 (J. P., tom. XXII, p. 655).

n° 276).

commune à tous pourrait seule obtenir. » La Cour de cassation ordonna la jonction : « Attendu que l'intérêt public, lié à la manifestation de la vérité et surtout à la dissolution des associations criminelles qui infestent la société, appelle plus que jamais l'application du principe qui veut que l'instruction sur les crimes, quoique commis en lieux divers, soit commune et cumulée, quand ces crimes ont entre eux de la connexité et paraissent dériver de ces associations qu'il paraît si urgent de briser. » C'est cet arrêt qui a été la source du deuxième paragraphe de l'article 227.

Il a été reconnu, par application de cette disposition, 1° qu'il y a connexité entre le délit d'un imprimeur prévenu d'avoir imprimé un écrit sans désigner son nom ni sa demeure et la contravention, à laquelle cet imprimeur a participé, de publication et distribution de cet écrit 2; 2° qu'il y a également connexité entre les faits, commis en différents lieux par des marins, d'avoir soustrait les marchandises chargées sur un navire, d'avoir fait périr ce navire et de faux témoignage dans une instance relative à cette perte. L'arrêt porte: «< Que, d'après les termes de l'article 227, les crimes imputés aux prévenus sont connexes, quoiqu'ils aient été commis en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre les accusés, non-seulement pour parvenir à frauder les assureurs du navire, mais encore pour empêcher la découverte et le châtiment du vol de vin et eau-de-vie, et que c'est dans ce but aussi que le navire a été détruit, et que le faux témoignage a été porté *. »

2363. Troisième hypothèse. Le rapport qui, dans ce troisième cas, lie les délits entre eux, n'est plus ni l'unité de temps, ni l'unité de lieu, ni même l'unité de volonté attestée par un concert préalable; c'est une relation de cause à effet, c'est l'enchaînement d'une série de faits distincts nés les uns des autres, et qui dès lors peuvent être considérés comme le développement d'une

même action.

C'est d'après cette disposition qu'il y a lieu de reconnaître qu'il y a connexité :

1 Cass. 11 nivòse an IX (J. P., tom. II, p. 72).

2 Cass. 18 janv. 1839 (Dall., vo Comp. crim., n. 153).

3 Cass. 6 avril 1837 (Bull., no 101).

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