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sieurs actes d'accusation dressés à raison du même délit contre différents accusés; que si cette disposition n'est pas limitative et si elle n'exclut pas l'application de la même mesure même en dehors des termes de l'article 307, dans les cas analogues à celui prévu par cet article, lorsqu'elle est sollicitée par l'intérêt de la découverte de la vérité et de la bonne administration de la justice, il ne s'ensuit pas néanmoins qu'elle puisse être étendue arbitrairement et au détriment de la défense à des accusations qui n'auraient entre elles aucun lien de connexité, ou qui ne seraient pas intentées contre les mêmes accusés; mais que les accusés dont les procès ont été joints ont le droit de réclamer devant la cour d'assises contre l'ordonnance du président qui a réuni les procédures, toutes les fois qu'ils croient que cette jonction peut être préjudiciable à leurs intérêts; que dès lors, s'ils n'ont élevé aucune réclamation à cet égard, il y a lieu de présumer que la jonction des accusations n'a apporté aucune entrave à leur défense, et qu'ils sont non recevables à se faire ultérieurement un grief à cette mesure '. »

La fin de non-recevoir que cet arrêt et celui qui précède opposent à la réclamation des prévenus est uniquement fondée sur ce qu'elle aurait été tardivement proposée. Ces arrêts supposent donc que l'illégalité de la jonction peut fonder un moyen de nullité, et le dernier le décide même en termes exprès lorsqu'il déclare : « que cette mesure ne peut être étendue arbitrairement et au détriment de la défense à des accusations qui n'auraient entre elles aucun lien de connexité, ou qui ne seraient pas intentées contre les mêmes accusés. » C'est ce qui résulte encore d'un autre arrêt qui, sur le moyen pris de la jonction irrégulière de deux accusations distinctes, relatives l'une à un fait de faux, l'autre à un fait d'incendie, déclare : « que l'article 227 n'a rien de limitatif; qu'il appartient aux juges du fait d'apprécier la nécessité de la jonction ou sa convenance, dans l'intérêt d'une bonne et prompte administration de la justice, et que rien n'éta blit au procès les inconvénients prétendus qui seraient résultės, pour la défense du demandeur, de l'adoption de cette mesure."

2371. Mais, dans quelques espèces, la Cour est allée plus loin

1 Cass. 11 mars 1853 (Bull., no 88). 2 Cass. 3 avril 1847 (Bull., no 72).

en déclarant « que si, d'après l'article 226, les chambres d'accusation doivent statuer par un seul et même arrêt sur tous les délits connexes dont les pièces se trouvent en même temps produites devant elles, quelle que soit d'ailleurs la nature des peines dont ces délits peuvent être susceptibles, néanmoins ledit article n'étant pas prescrit à peine de nullité, son inobservation ne peut être censurée par la Cour de cassation». Il y a lieu de penser que cette décision, qui a été contredite par les arrêts plus récents que nous venons de rapporter, ne doit point être considérée comme l'expression définitive de la jurisprudence. Si l'article 226 n'est point prescrit à peine de nullité, si l'article 227 n'est point limitatif, s'ensuit-il que les tribunaux puissent, à leur gré, et sans suivre aucune règle, joindre et disjoindre les procédures, sans se préoccuper de la connexité ou de la non-connexité des faits? Ce qui résulte de l'article 227, c'est que les juges ont la faculté de joindre les procédures, même en dehors des termes de cet article, pourvu que ce soit, comme l'exige l'arrêt du 11 mars 1853, dans des cas analogues à ceux qu'il a prévus; ce qui résulte de l'article 226, c'est que les juges peuvent exercer la faculté que la loi leur a donnée, suivant qu'ils le jugent utile à l'administration de la justice, pourvu qu'ils n'excèdent pas les limites que la loi leur a tracées. Les tribunaux peuvent discrétionnairement, lorsqu'ils ne sortent pas du cercle de leurs attributions, admettre ou rejeter la jonction; la loi leur a donné une faculté qu'ils exercent d'après leurs lumières; et lorsqu'ils n'excèdent pas leur pouvoir, il est vrai de dire que la loi n'ayant point prononcé de nullité, son application ne peut être censurée. Mais si la mesure a été ordonnée, non point seulement en dehors des termes de la loi, mais contrairement à ses termes, si la jonction a été rejetée quand elle était nécessaire aux intérêts de l'action publique, si elle a été prescrite arbitrairement quand aucun lien de connexité n'enchaînait les faits et les prévenus, pourrait-on soutenir encore, en présence des réclamations de l'accusation ou de la défense, que la loi n'ayant point prononcé de nullité, son inobservation ne peut entraîner aucune censure? Il faut distinguer l'exercice de la faculté légale et l'excès de pouvoir commis en dehors de cette faculté toutes les mesures prises dans les limites de la faculté établie par la loi sont à l'abri de 757).

1 Cass. 28 déc. 1816 (J. P., tom. XIII, p.

tout contrôle; mais celles qui sont prises en dehors de ces limites, soit que la jonction ait été ordonnée quand la loi ne permettait pas de la faire, soit qu'elle ait été écartée quand elle était indis pensable à la manifestation de la vérité, ne peuvent plus se couvrir du pouvoir discrétionnaire du juge; car ce pouvoir, dès qu'il dépasse ses bornes, expose ses actes à la censure de la Cour de

cassation.

§ III. Du concours des juridictions dans les cas d'indivisibilité ou de connexité.

2372. Lorsque les faits indivisibles ou connexes sont de la même nature, qu'ils ont été commis dans le même lieu, et que tous les prévenus ont la même qualité, il ne peut exister aucune difficulté en ce qui touche la juridiction: dès que l'indivisibilité ou la connexité est constatée, ils doivent être réunis dans la même procédure et portés devant le même juge. Ainsi les délits d'habitude d'usure et d'escroquerie, étant indivisibles quand ils résultent des mêmes faits, doivent être portés devant le même tribunal correctionnel'. Ainsi les crimes de fabrication d'une pièce fausse et d'usage de cette pièce, étant nécessairement connexes, doivent également être jugés par la même cour d'assises *.

Lorsque les faits connexes, étant de la même nature et imputés à des agents d'une même qualité, ont été commis dans le ressort de différents tribunaux, la jurisprudence a posé la règle que « le fait le plus grave attire à lui les faits accessoires ». Il paraît juste, en effet, que le fait le plus grave conserve ses juges naturels de préférence aux faits accessoires auxquels se rattachent des intérêts moins considérables.

Mais cette règle fléchit si le tribunal compétent ratione loci pour connaître du fait accessoire est le premier saisi. Car, par quel motif pourrait-il se dessaisir, lorsqu'il se trouve régulièrement saisi d'un fait de sa compétence, et que le délit connexe n'a donné lieu jusqu'alors à aucune procédure? Quel pouvoir aurait-il de renvoyer ce fait au tribunal compétent pour juger le délit connexe? Il a été jugé dans ce sens qu'une cour d'appel, « en sup

1 Cass. 7 août 1847 (Bull., no 178).

2 Cass. 18 févr. 1813 et 28 juillet 1814 (Dall., vo Comp. crim., n. 157). 3 Cass. 18 janv. 1839 (Dall., v° Comp. crim., n. 153).

posant qu'elle eût aperçu, en voyant les pièces de l'instruction, un autre délit que celui qui était imputé au prévenu (le délit de concussion, par exemple), avait bien incontestablement le droit de dénoncer civiquement ce délit, mais qu'elle ne pouvait pas, sous ce prétexte, se dispenser de statuer sur le mérite de l'appel qui lui était soumis, et qu'en le faisant elle a évidemment excédé ses pouvoirs. »

La juridiction saisie ne pourrait même pas surseoir par le motif que le prévenu se trouverait inculpé d'un fait connexe dont elle n'est pas saisie; car il ne lui appartient point de reconnaître et de déclarer la connexité qui peut lier le fait dont elle est saisie avec le fait qui lui est étranger. La Cour de cassation a annulé, en conséquence, le sursis prononcé par une chambre d'accusation: << Attendu que la chambre d'accusation, régulièrement saisie par l'ordonnance de la chambre du conseil, devait statuer sur la prévention, sauf au ministère public et aux prévenus à se pourvoir en règlement de juges, s'il y avait délit connexe pendant devant une autre cour; d'où il suit qu'en refusant de prononcer sur la prévention, la chambre d'accusation a méconnu les règles de sa compétence. » Dans une autre espèce, le tribunal correctionnel avait sursis à statuer sur un délit, à raison de sa connexité avec d'autres faits, et en se fondant sur ce qu'il est de principe, en matière criminelle, qu'un individu prévenu de plusieurs actions coupables doit subir la peine la plus forte, et que cette règle serait inapplicable si, successivement et devant des juridictions différentes, le prévenu encourait des peines qui ne pourraient plus se combiner avec la peine plus rigoureuse attachée au fait le plus grave. La cassation a été prononcée : « Attendu que le tribunal correctionnel, compétent pour juger le fait qui lui était déféré, n'avait point à s'occuper d'un autre fait dont il n'était point saisi et dont la connaissance était étrangère à ses attributions; que dès lors il ne pouvait surseoir à statuer sur le fondement d'une connexité prétendue qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier; que le principe consacré par l'article 365 ne s'applique point à des chefs de prévention qui n'ont été l'objet d'aucun débat judiciaire'. »

1 Cass. 8 frim. an XIV (J. P., tom. V, p. 56).
2 Cass. 13 juin 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 634).
3 Cass. 20 juillet 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 1306).

2373. Si les délits indivisibles ou connexes ne sont pas, soit à raison de la qualité des prévenus, soit à raison de la matière, justiciables des mêmes tribunaux, quel est le tribunal qui doit être préféré?

Cette question doit être examinée dans deux hypothèses : celle où les faits incriminés et les prévenus sont justiciables des tribunaux ordinaires, c'est-à-dire des tribunaux de police, des tribunaux correctionnels et des cours d'assises; et celle où les faits et les prévenus sont justiciables les uns des tribunaux ordinaires, les autres des tribunaux exceptionnels. Examinons d'abord la première hypothèse.

:

En règle générale, les prévenus de faits indivisibles ou connexes qui appartiennent à des tribunaux différents doivent être traduits devant celui dont la juridiction est la plus étendue. La raison en est évidente le tribunal inférieur ne peut étendre sa compétence à des faits qui excèdent les limites qui lui ont été fixées, tandis que le tribunal supérieur, par cela seul qu'il est constitué pour connaître de faits plus graves, peut étendre sa compétence à des faits d'un ordre inférieur. Ensuite, les garanties que présentent les juridictions, soit par leur constitution, soit par leurs formes, s'accroissent en raison de l'importance de leurs attributions; et, par conséquent, le préjudice que peuvent éprouver les inculpés des délits les moins graves d'être renvoyés devant un autre juge que leur juge naturel est compensé par les garanties nouvelles et plus hautes qu'ils trouvent devant cette juridiction.

Ainsi les contraventions connexes dont l'une est de la compétence exclusive du juge de paix ne peuvent être attribuées au tribunal de police tenu par le maire. Ce point a été reconnu par un arrêt qui déclare : « Que le procès-verbal et les poursuites du ministère public avaient tout à la fois pour objet des injures verbales et des bruits et tapages nocturnes; que le maire de la Bastide était, comme juge de police, incompétent pour connaître des injures verbales rentrant, d'après le n° 5 de l'article 139 du Code d'instruction criminelle, dans les attributions du juge de paix en tribunal de police; que néanmoins, dans l'espèce, le fait des injures verbales et celui des bruits et tapages nocturnes commis au même instant et par les mêmes personnes formaient deux chefs de prévention essentiellement connexes qui ne pouvaient être bien appréciés que dans la même instruction et devant le

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