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même tribunal; qu'en cet état, le maire de la Bastide, juge de police, en se déclarant incompétent, et renvoyant les parties devant le tribunal de police du juge de paix du canton, n'a point violé les règles de la compétence'. »

Ainsi les contraventions qui sont connexes à des faits qualifiés délits doivent être portées avec ceux-ci devant la juridiction correctionnelle. Il a été jugé dans ce sens : 1° que le fait d'injures verbales et de voies de fait légères rentrait dans la compétence du tribunal correctionnel quand le prévenu portait une plainte récriminatoire pour coups portés par le plaignant; 2° que, lorsque celui contre lequel une plainte pour vol a été faite exerce une action en injures contre le plaignant, cette action, se trouvant nécessairement liée avec la dénonciation du vol, puisque le caractère des propos est subordonné au résultat de l'instruction, doit être portée devant le tribunal correctionnel 3.

Ainsi, enfin, les délits qui sont connexes à des faits qualifiés crimes doivent être déférés à la cour d'assises. La Cour de cassation a consacré cette règle en décidant 1° que la chambre d'accusation saisie de deux préventions connexes de banqueroute simple et de banqueroute frauduleuse a l'attribution de statuer sur l'une et sur l'autre par un seul et même arrêt, et, par conséquent, de renvoyer l'une et l'autre à la cour d'assises *; 2° que les cours d'assises ont caractère, d'après l'article 226, pour connaître des délits accessoires et connexes au délit principal, et, par conséquent, de la tentative d'évasion imputée à un accusé3; 3° que, lorsque la prévention comprenait un délit de provocation non suivie d'effet et un délit d'outrage envers un fonctionnaire public, il y avait lieu, avant le décret du 17 février 1852, de renvoyer les deux délits devant la cour d'assises, « attendu que le délit de provocation est plus grave et entraînerait, en cas de conviction, des peines plus fortes que le délit d'outrage qui est connexeo. »

La jurisprudence a appliqué la même décision au jugement d'un même fait dont toutes les parties sont nécessairement indivisibles. Ainsi, il a été jugé: 1o dans une affaire où l'un des pré1 Cass. 20 août 1818 (Dall., vo Comp. crim., n. 164).

2 Cass. 9 juillet 1807 (eod. loc., n. 159).

3 Cass. 26 mai 1809 (J. P., tom. VII, p. 580).

4 Cass. 8 nov. 1813 (J. P., tom. I, p. 776).
5 Cass. 13 oct. 1815 (J. P., tom. XIII, p. 82).
Cass. 10 nov. 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 1543).

venus se trouvait, à raison de la récidive, justiciable d'un tribunal criminel, que ses coprévenus devaient l'y suivre, quoique le fait fût purement correctionnel : « Attendu que ceux qui sont prévenus du même délit doivent être jugés par le même tribunal, alors même qu'il peut y avoir lieu de prononcer contre chacun des peines différentes, et que, dans ces cas, celui des prévenus qui doit subir l'instruction la plus solennelle attire à soi son co-prévenu»; 2° dans une prévention de destruction de deux titres obligatoires, dont l'un constituait un effet de commerce : « Que ce fait était indivisible quant à la poursuite, quoiqu'il eût eu pour objet deux actes différents, dont la destruction entraînait des peines différentes; qu'il s'agit d'une seule et même action qui ne peut être appréciée et jugée que par une seule juridiction; qu'en en attribuant la connaissance à la juridiction compétente pour appliquer à la fois la peine la plus forte et la peine la plus faible, le jugement attaqué s'est conformé à la loi»; 3° dans une poursuite exercée à raison d'un écrit qui contenait des injures contre une personne considérée comme simple particulier et comme personne publique : « Que cette prévention d'injures privées serait une dépendance nécessaire et indivisible de la prévention de diffamation dirigée contre une personne publique par la voie de la presse, puisqu'elle y serait elle-même contenue; que, d'après l'article 365, en cas de conviction sur les deux genres de prévention, la peine la plus forte pourrait seule être prononcée; que d'ailleurs la compétence de la cour d'assises est générale3.

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La règle portée par la loi a donc été que tous les délits indivisibles ou connexes, lorsque les prévenus sont présents et que les diverses préventions sont instruites, fussent déférés non-seulement à la même juridiction, mais à celle dont la compétence est la plus étendue. L'unité du débat et du jugement est, dans ce cas, la plus puissante garantie de la manifestation de la vérité. Et la juridiction la plus haute attire à elle tous les faits accessoires ou concomitants du fait principal.

2374. Cette règle, toutefois, ne doit être appliquée qu'à l'aide de quelques distinctions. En premier lieu, la raison de la jonction 1 Cass. 14 nov. 1810 (Dall., vo Comp. crim., n. 159).

2 Cass. 26 juin 1829 (eod. loc., n. 160).

3 Cass. 13 janv. 1837 (Bull., no 19).

des procédures étant l'indivisibilité du délit ou la connexité des faits, il est clair que, lorsque ce lien n'est pas nettement constaté, la division est de droit. Une chambre d'accusation saisie de deux faits de vol, l'un simple, l'autre avec effraction, commis en même temps par le même agent, avait cru devoir prononcer le renvoi de l'un devant la cour d'assises, et, en cas d'acquittement, réserver à l'égard de l'autre le renvoi en police correctionnelle, par le motif que ces deux vols, n'ayant pas été commis par plusieurs personnes réunies, n'étaient pas connexes. Cet arrêt a été déféré dans l'intérêt de la loi à la Cour de cassation: « La cour royale, a dit le procureur général, a fait une fausse application de l'article 227. Le législateur a dû, par des dispositions explicites, fixer le caractère de la connexité lorsqu'il y a plusieurs individus. Mais lorsqu'il n'y a qu'une seule personne et qu'elle est poursuivie pour plusieurs faits qui ont eu lieu en même temps, la connexité dérive de la nature des choses, et il y a un à fortiori tellement sensible, que l'on ne conçoit pas comment la cour royale n'en a pas été frappée. Elle a établi une distinction qu'il serait impossible de justifier moralement. Aussi ne s'est-elle attachée qu'à la lettre de la loi. Là il y a erreur, et l'erreur est très-préjudiciable. La raison de douter pourrait venir non de l'article 227, mais de l'article 226. Quel est le sens de cet article? Est-ce satisfaire à ce qu'il prescrit que de renvoyer le crime à la cour d'assises et le délit au tribunal correctionnel? Non sans doute parce qu'alors on disjoint et qu'on contrarie ouvertement l'article 227. Le sens de l'article 226 est que la chambre d'accusation doit examiner s'il y a présomptions suffisantes pour le tout, et, dans le cas d'affirmative, renvoyer le tout à la cour d'assises. En un mot, le système de la loi est que les faits s'éclairent l'un par l'autre, et qu'il faut qu'un seul tribunal examine et prononce. » Mais le pourvoi fut néanmoins rejeté : « Attendu que, dans l'état des faits reconnus et déclarés par l'arrêt attaqué, la cour royale de Paris, en renvoyant Straub, en cas d'acquittement du crime à raison duquel elle a prononcé la mise en accusation, devant la juridiction correctionnelle, à raison du délit à lui imputė, loin d'avoir violé l'article 227, s'y est exactement conformée'. » Tout ce qu'il faut induire de cet arrêt, c'est que, lorsque les faits ne sont pas légalement connexes, il n'y a pas lieu de les réunir dans le même 1 Cass. 14 mai 1829 (Dall., vo Comp. crim., n. 163).

débat. En admettant la connexité, la doctrine du réquisitoire est à l'abri de toute controverse; mais c'était là le point contesté. Nous avons vu qu'il convient, en général, de réunir dans un même débat tous les délits imputés à un même prévenu; mais cette réunion, qui est surtout sollicitée par l'intérêt de la bonne administration de la justice, n'est que facultative.

2375. En second lieu, le délit dont un tribunal est saisi n'est pas nécessairement attiré par la connexité qui le lie à un délit plus grave, vers la juridiction compétente pour connaître de ce dernier délit, si cette juridiction n'en est pas elle-même actuellement saisie. Un tribunal de police, devant lequel plusieurs individus avaient été cités pour tapage injurieux et nocturne, s'était déclaré incompétent, parce qu'il résultait de l'instruction que des injures avaient été publiquement proférées et des voies de fait commises contre des personnes revêtues d'un caractère public. Ce jugement a été cassé : « Attendu qu'il n'y a pas plainte du sieur André, qui imprime un moyen d'action au ministère public, relativement aux outrages dont il aurait été l'objet; que même il a formellement déclaré renoncer à toutes poursuites; que l'ordonnance de la chambre du conseil déclare que les auteurs des voies de fait exercées contre le sieur Aubry ne sont pas suffisamment connus; que, dans cet état, il ne reste à poursuivre que les auteurs du tapage injurieux et nocturne'. » Dans une autre espèce, le tribunal de police s'était également déclaré incompétent, attendu que le plaignant avait proféré à l'audience des paroles diffamatoires contre le prévenu, et que ce délit, connexe à la contravention dont il était saisi, devait entraîner les deux faits devant la juridiction correctionnelle. Ce jugement a encore été cassé : « Attendu qu'en matière criminelle, correctionnelle et de police, la reconvention n'a pas lieu, et que toute juridiction valablement saisie de la connaissance d'un fait sujet à pénalité doit statuer sur l'existence du fait et sur l'application de la peine, s'il y a lieu, sauf à dresser procès-verbal des faits qui seraient révélés à l'audience, et qui seraient de nature à exiger une répression, dans le cas où cette juridiction serait incompétente pour y statuer *. »

2376. Il faudrait appliquer cette règle dans le cas même où le

1 Cass. 5 juillet 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 1241). 2 Cass. 5 juin 1835 (J. P., tom. XXVII, p. 282).

délit connexe, imputé à un membre de l'ordre judiciaire, devrait être porté devant la chambre civile de la cour impériale; car il ne peut appartenir au tribunal saisi de se dessaisir en vue d'un délit connexe qui n'est pas encore poursuivi, ni d'enlever aux prévenus par ce renvoi le double degré de juridiction que leur assure la juridiction ordinaire, ni enfin de saisir la chambre civile devant laquelle le procureur général peut seul faire citer. Ce point a été décidé dans une espèce où le prévenu de tentative de corruption envers un juge de paix avait porté contre ce magistrat une plainte récriminatoire pour excès et mauvais traitements. Le tribunal correctionnel, saisi de la première prévention, avait, au lieu d'y statuer, joint la nouvelle plainte à cette procédure, et renvoyé les parties devant qui de droit, à raison de ces plaintes respectives. Ce jugement a été annulé : « Attendu que, par un tel jugement, le tribunal correctionnel a violé les règles de la compétence, et privé d'un degré de juridiction Vincent Brunel, prévenu d'une tentative de corruption dont la connaissance était exclusivement attribuée aux tribunaux correctionnels par l'article 179, § 2, du Code pénal, ce qui a constitué en même temps un excès de pouvoir et a interverti l'ordre des juridictions; et que, d'un autre côté, le jugement a suspendu par cette disposition arbitraire une poursuite légalement dirigée par le ministère public, et porté atteinte au droit accordé au procureur général de saisir la cour royale d'une plainte portée contre un magistrat, ce qui établit encore, sous ces deux rapports, la violation des articles 182 et 479 du Code d'instruction criminelle1. "

2377. Mais faut-il étendre cette décision au cas où le tribunal correctionnel constaterait que, parmi les prévenus compris dans la poursuite dont il est saisi, se trouve un des membres de l'ordre judiciaire désignés par l'article 479 du Code d'instruction criminelle? Cette hypothèse diffère essentiellement de celle qui précède : il ne s'agit plus d'envelopper dans la procédure un délit connexe qui n'est encore l'objet d'aucune poursuite; il s'agit de ne pas diviser une procédure relative à un même délit, en renvoyant des coprévenus devant deux juridictions distinctes. Il est clair, d'après les règles qui ont été posées, que tous les complices du même délit doivent être traduits devant un même tribunal; mais quel 1 Cass. 14 avril 1827 (J. P., tom. XXI, p. 350).

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