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comptabilité de leur corps, sont attribués aux juges ordinaires, et que tous les délits militaires et, par exemple, le détournement de la solde des hommes de la brigade', sont attribués aux conseils de guerre.

6o Les officiers en disponibilité à raison des délits militaires qu'ils commettent; car ils doivent, à raison des délits communs, être traduits, comme les militaires en retraite, devant les tribunaux ordinaires 3.

7° Les prisonniers de guerre : un arrêté du 17 pluviòse an VIII porte << que les prisonniers de guerre étrangers sont justiciables des conseils de guerre pour tous les délits dont ils pourraient se rendre coupables » .

A cette deuxième catégorie, il faut encore ajouter les individus attachés à l'armée et à sa suite, que l'article 9 de la loi du 18 brumaire an V assimile aux militaires, et qui, par conséquent, sont soumis à la juridiction militaire. Les individus qui composent cette troisième catégorie sont :

1o Les voituriers, charretiers et autres, employés aux transports de l'armée, dans les marches, camps, cantonnements, et pour l'approvisionnement des places en état de siége.

2o Les ouvriers suivant l'armée.

3o Les garde-magasins d'artillerie, ceux des vivres et fourrages pour les distributions, soit au camp, soit dans les cantonnements, soit dans les places en état de siège; ce qui comprend, suivant un avis du conseil d'État du 25 janvier 1807, les garde-magasins dans les places de l'intérieur et dans les divisions militaires, mais non les habitants employés, momentanément et sans commission, à la manutention des vivres.

4° Tous les préposés aux administrations pour le service des troupes.

5o Les secrétaires, commis et écrivains des administrations et des états-majors.

6° Les agents de la trésorerie près les armées.

7° Les commissaires des guerres, aujourd'hui remplacés par les intendants et sous-intendants militaires.

1 Cass. 5 févr. 1819 (Bull., no 56).

2 Cass. 23 déc. 1819 (S. V. 20. 1. 155).

3 Avis du conseil d'État, 12 janv. 1811; cass. 3 sept. 1813 (J. P., tom. III, p. 496).

8° Les individus chargés de l'établissement et de la levée des réquisitions et des contributions militaires.

9o Les médecins, chirurgiens, infirmiers, aides et élèves des hôpitaux militaires et ambulances.

10° Les vivandiers, munitionnaires et boulangers de l'armée. Sous cette dénomination de vivandiers, faut-il comprendre les vivandières? Le doute vient de ce que l'article 10 de la loi du 13 brumaire an V a gardé le silence à leur égard. Il y a lieu toutefois de remarquer que l'article 3 du décret du 30 avril 1793 attache à chaque bataillon quatre blanchisseuses, et que l'ordonnance du 14 avril 1832, articles 6 et 7, détermine leur nombre et les conditions de leur admission. La Cour de cassation a jugé en conséquence « que dans l'expression de vivandiers il y a lieu de comprendre les blanchisseuses vivandières, qu'en effet les blanchisseuses vivandières ne sont point attachées à l'armée en vertu d'une simple tolérance de l'autorité militaire, mais en vertu d'une loi formelle, celle du 30 avril 1793, qui décide, dans son article 3, qu'il y en aura un certain nombre pour chaque bataillon; que cette loi n'a jamais cessé d'être exécutée et qu'elle est encore en vigueur; qu'ainsi les blanchisseuses vivandières sont légalement attachées à l'armée et doivent être soumises à la juridiction de ces tribunaux 1». Quant aux vivandières autres que les blanchisseuses, il faut décider, d'après le principe même de cet arrêt, que, si elles ne sont pas légalement attachées au corps qu'elles suivent, que si elles n'y sont que tolérées, elles ne peuvent entrer dans la classe des personnes qui sont réputées à la suite de l'armée. La jurisprudence a appliqué une distinction analogue aux munitionnaires : les sous-traitants rentrent dans ce terme, mais les simples ouvriers et agents des entrepreneurs n'y sont pas compris”.

11o Les domestiques au service des officiers et des employés à la suite de l'armée ne sont point compris toutefois dans cette disposition les domestiques des officiers employés à l'intérieur; ces derniers ne sont justiciables que des tribunaux ordinaires 3.

2415. Telle est la nomenclature des personnes que l'article 10

1 Cass. 11 juin 1847 (Bull., no 127).

2 Cass. 20 fruct. an XIII (Dall., Alp., tom. III, p. 595). * Cass. 5 mars 1818 (J. P., tom. XIV, p. 653).

de la loi du 13 brumaire an V et les articles 56 et 57 du Code du 4 août 1857 déclarent assimiler aux militaires comme étant attachées à l'armée et à sa suite. Nous ferons à cet égard deux observations.

on y

La première est que cette assimilation n'avait lieu sous la première de ces lois qu'au cas de formation d'un corps d'armée. Lorsqu'on se reporte au texte des articles 9 et 10 de la loi du 13 brumaire an V, on voit que ces articles n'ont eu en vue que le service d'une armée en marche ou en campagne : les no 1, 2, 3 de l'article 10 parlent de la distribution des vivres et des fourrages dans les camps, dans les cantonnements et dans les places en état de siége, les n° 2 et 11 ne mentionnent que les ouvriers et les employés suivant l'armée; le n° 8 s'occupe des agents chargés de la levée des réquisitions pour l'approvisionnement des armées ou de la perception des contributions militaires; enfin l'article 9 prévoit les délits des habitants du pays ennemi occupé par l'armée. En rapprochant ces dispositions de l'article 1, qui proclame que la loi a été faite pour l'état de guerre, trouve un ensemble de précautions nécessaires pour assurer le service d'une armée en marche : il faut alors que tous les délits qui peuvent entraver ce service soient justiciables de la juridiction militaire; car ces délits se rattachent à l'administration du corps d'armée et peuvent exercer une grave influence sur ses opérations. Mais la sollicitude de la loi ne s'est point portée au delà : elle n'a attiré devant les tribunaux militaires que les personnes qui sont attachées à l'armée et à sa suite. Or, les troupes qui sont disséminées dans les diverses garnisons de l'intérieur ne constituent point un corps d'armée; les personnes qui sont à la suite de ces troupes ne rentrent donc pas dans les termes de l'article 9. Les motifs de la juridiction militaire n'existent plus; les nécessités du service et les conséquences des infractions ne sont plus les mêmes, et dans chaque lieu de garnison les juges ordinaires peuvent saisir immédiatement les prévenus. La Cour de cassation a consacré cette distinction : 1o en déclarant que le domestique d'un officier en garnison dans l'intérieur n'est pas justiciable du conseil de guerre : « attendu que, lors du vol imputé à ce domestique, le régiment dans lequel sert le sieur de Chabane était en garnison dans l'intérieur; qu'il ne faisait partie d'aucun corps d'armée; que le prévenu ne peut donc, malgré sa

qualité de domestique au service d'un officier, être rangé dans la classe des individus attachés à la suite de l'armée »; 2o en jugeant, relativement à un musicien gagiste d'un régiment, « que même en admettant que ce musicien dût être rangé dans l'une des classes d'individus désignées par l'article 10 de la loi du 13 brumaire an V, dans l'espèce, le délit imputé au prévenu, simple musicien gagiste et non soldat musicien, aurait été commis alors que le régiment auquel il était attaché se trouvait en garnison dans l'intérieur et ne faisait partie d'aucun corps d'armée; qu'ainsi le demandeur n'avait pu être considéré comme étant à la suite de l'armée». Aujourd'hui, la loi du 4 août 1857 distingue l'état de paix et l'état de guerre. Les articles 56 et 57 désignent les justiciables des conseils de guerre en état de paix, et les articles 62, 63 et 64 ajoutent, en état de guerre, à ces premières catégories: 1° les individus employés, à quelque titre que ce soit, dans les services de l'armée; 2° les vivandiers et vivandières, cantiniers et cantinières, marchands et domestiques à la suite de l'armée; 3° les individus prévenus d'embauchage; 4o les étrangers et tous individus coupables de trahison, de pillage, de destruction de munitions, etc.

2416. La seconde observation est relative aux faits à raison desquels les individus à la suite de l'armée peuvent être traduits devant les juges militaires. L'article 1er de la loi du 13 brumaire an V n'a établi les conseils de guerre permanents que pour connaître des délits militaires. L'article 10 de la même loi, qui dénomme les personnes qui, comme attachées à l'armée et à sa suite, sont justiciables des conseils de guerre, ne soumet donc ces personnes à cette juridiction qu'à raison des délits militaires qu'elles commettent. Or, quels sont les délits militaires des voituriers, des ouvriers, des préposés ou des officiers de santé qui sont attachés au service de l'armée? Il est clair que ces délits ne peuvent être que ceux qui se rapportent à leur service, à l'emploi dont ils sont chargés et dans lequel ils peuvent avoir quelque influence sur le bien-être ou sur la situation de l'armée; ce sont là, en ce qui les concerne, les délits militaires qu'ils peuvent commettre, parce qu'ils sont relatifs à l'exercice d'une fonction 1 Cass. 5 mars 1818, cité suprà, p. 617.

2 Cass. 19 mai 1838 (Bull., no 434).

qui est assimilée à un service militaire. A la vérité, l'avis du conseil d'État du 7 fructidor an XII considère comme délits militaires les délits commis par des militaires contre les lois générales, lorsqu'ils sont sous les drapeaux ou à leur corps. Mais cet acte législatif ne s'applique qu'aux seuls militaires et non aux individus qui sont à la suite de l'armée; on ne peut donc l'étendre à ces derniers, surtout quand ils ne sont soumis ni à la même surveillance, ni à la même discipline. Enfin, quel serait l'intérêt de déférer à la juridiction militaire les délits des employés à la suite de l'armée qui ne se rattachent pas au service dont ils sont chargés? Ces employés ou ouvriers sont à la suite de l'armée, mais n'en font pas partie; leurs délits ne sont ni des infractions à la discipline, ni des atteintes à l'honneur de l'armée; les motifs qui sont invoqués pour retenir les délits communs des militaires ne s'appliquent donc plus ici : une seule chose importe à l'administration de l'armée, c'est que le service soit fait, c'est que l'emploi soit rempli; la personne du préposé lui est étrangère dès que ce préposé n'agit plus dans sa fonction et pour l'accomplissement de la mission dont il est chargé. Toutefois, il y a lieu de remarquer que les articles 56 et 62 du Code militaire établissent la compétence des conseils de guerre pour tous crimes ou délits.

Ces observations ne s'appliquent, au surplus, qu'aux agents qui, par le service qu'ils ont accepté, se trouvent accidentellement attachés à l'armée; elle ne s'appliquent point aux individus qui exercent habituellement un service militaire; car ce service, en les soumettant à la discipline, les soumet à la fois à la juridiction. Tels sont :

1o Les enfants de troupe';

2o Les élèves trompettes ';

3o Les musiciens des régiments, quand ils ont été appelés par le recrutement ou quand ils sont militaires engagés, non quand ils sont simplement gagistes, c'est-à-dire quand ils ont loué leurs services pour un prix convenu et pour un temps déterminé *;

1 Réquis. qui a précédé l'arrêt du 11 juin 1847 (Bull., no 127).

2 Cass. 2 sept. 1836 (Bull., no 292).

3 Cass. 4 avril 1833 (J. P., tom. XXV, p. 344).

4 Cass. 19 mai 1838 (Bull., no 134).

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