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4° Les portiers-concierges des places de guerre 1;

5o Les portiers-concierges des établissements militaires qui sont à la charge de l'État *;

6o Les greffiers des conseils de guerre et des conseils de révision commissionnés aux termes de l'article 8 du décret du 3 mai 1848 par le ministre de la guerre. La Cour de cassation a jugé « que, si l'application de l'article 10, no 5, de la loi du 13 brumaire an V aux greffiers des conseils de guerre et de révision a pu paraître douteuse lorsque leur nomination était abandonnée par l'article 2 de cette loi aux rapporteurs de ces conseils, et lorsque, par suite, leurs fonctions n'avaient légalement rien de permanent, l'état précaire dans lequel ils se trouvaient alors a cessé par l'effet du décret du 3 mai 1848 et de l'exécution qui lui a été donnée; que, suivant ce décret, ils sont commissionnés par le ministre de la guerre, ne peuvent être révoqués que par lui, reçoivent un traitement fixe et ont ainsi été investis du caractère de fonctionnaires publics attachés à l'armée; qu'à ce titre ils sont justiciables des tribunaux militaires ».

Il résulte de tout ce qui précède que la qualité de militaire n'appartient 1° qu'aux individus qui font partie de l'armée; 2° qu'aux individus que la loi a assimilés aux militaires et qui, sans faire partie de l'armée, sont attachés à son service et à sa suite.

2417. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'à côté des militaires et des assimilés aux militaires, le Code du 4 août 1857 a placé une troisième classe d'individus qui, sans avoir cette qualité, sont justiciables des conseils de guerre. Ce sont : 1° en état de guerre et aux armées, « les individus employés, à quelque titre que ce soit, dans les états-majors et dans les administrations et services qui dépendent de l'armée, les vivandiers et vivandières; cantiniers et cantinières, les blanchisseurs, les marchands, les domestiques et autres individus à la suite de l'armée en vertu de permissions » (art. 62); 2o sur le territoire ennemi, « tous individus prévenus soit comme auteurs, soit comme complices d'un

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↑ Arr. 15 niv. an V; L. 23 fruct. an VII, art. 5; cass. 15 prair. an VIII (Bull., no 134).

2 Vic. 16 sept. 1811, art. 27 et 40.
3 Cass. 12 déc. 1840 (Bull., no 418).

des crimes ou délits prévus par le titre II du livre IV du Code » (art. 63); 3° sur le territoire français en présence de l'ennemi, « les étrangers prévenus des crimes et délits prévus par l'article précédent, et tous individus prévenus comme auteurs ou complices des crimes prévus par les articles 204 à 208, 250 à 254 du Code (art. 64). L'article 77 déclare, en conséquence, que, en cas de complicité, « tous les prévenus sont traduits devant les tribunaux militaires : 1° lorsqu'ils sont tous militaires ou assimilés aux militaires; 2° s'il s'agit de crimes ou de délits commis par des justiciables des conseils de guerre et par des étrangers; 3° s'il s'agit de crimes ou délits commis aux armées en pays étranger; 4° s'il s'agit de crimes ou de délits commis à l'armée sur le territoire français en présence de l'ennemi » .

La question s'est élevée de savoir ce qu'il faut entendre par territoire ennemi dans l'article 63, qui étend la compétence des conseils de guerre à tous les individus, même étrangers, prévenus d'avoir commis sur ce territoire un des crimes ou délits prévus par la loi militaire. La Cour de cassation a jugé que par ces mots «il faut entendre le territoire étranger occupé par les troupes françaises, même à la suite de la guerre, et lorsque cette occupation se continue pour la défense des mêmes intérêts publics qui l'ont commandée; que le principe de compétence extraordinaire ainsi créé pour la protection de l'armée, contre tous individus habitant ce territoire, ne cesse pas alors de produire ses effets 1». Il a été jugé, en conséquence, en ce qui touche le territoire de Rome, alors occupé par une armée française: 1o que Mariani et Rosati, habitant le territoire de Rome, prévenus de vols, dont l'un au préjudice d'un militaire français, avaient pu être jugés par un conseil de guerre de la division d'occupation; 2o que la même juridiction avait pu juger Graziani de Luca, Italien, prévenu de rébellion en bande armée, crime prévu par les articles 217 et 225 du Code militaire ; Luzzi, Italien, prévenu d'association de malfaiteurs et de blessures faites à deux militaires français, crime prévu par l'article 77, § 3, du Code militaire ; Tribuzio, Italien, prévenu de vols commis envers les habitants et de rébellion contre la troupe française, crimes prévus par les articles 217 1. et 2 Cass. 23 juin 1865 (Bull., no 133).

3 Cass. 19 janv. 1865 (Bull., no 14). 4 Cass. 30 nov. 1865 (Bull., no 214).

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et 225 du Code militaire'. Enfin, l'un des conseils de guerre de l'armée expéditionnaire du Mexique a jugé Manuel Gonzalès, sujet mexicain, prévenu d'empoisonnement sur trois militaires français, crime prévu par le Code pénal ordinaire, mais non prévu par le Code militaire. Tous ces arrêts invoquent à leur appui une sorte de nécessité supérieure aux règles du droit, ils déclarent qu'en pays étranger tous les faits criminels impliquant une atteinte à la sûreté de notre armée sont essentiellement de la compétence des conseils de guerre; qu'ainsi l'exigent impérieusement les règles supérieures du droit public et des gens, l'armée qui occupe le territoire étranger devant pouvoir trouver en elle-même tous les éléments de puissance qui lui sont nécessaires pour pourvoir à sa sûreté ». Il est à regretter que la jurisprudence, par suite de la rédaction imprévoyante et trop peu explicite de la loi, se trouve dans l'alternative de compromettre, par une rigide interprétation, la sûreté d'un corps d'armée, ou de faire fléchir les textes et les règles de la compétence.

2418. La qualité de militaire, ainsi définie, constitue la première condition de la compétence des tribunaux militaires; mais il ne suffit pas que le prévenu soit militaire pour être justiciable du tribunal militaire, il faut que le délit rentre dans la compétence de ces tribunaux.

Quels sont les délits qui, dans la législation actuelle, sont militaires ou du moins réputés tels? L'avis du conseil d'État du 7 fructidor an XII les a définis : ce sont « les délits commis par les militaires contre leurs lois particulières, ou contre les lois générales lorsque, se trouvant sous les drapeaux et à leur corps, ils sont astreints à une discipline et à une surveillance plus sévères». Et l'article 57 du Code militaire ajoute: «Sont également justiciables des conseils de guerre des divisions territoriales en état de paix, mais seulement pour les crimes et les délits prévus par le titre II du livre IV, les militaires de tous grades, les membres de l'intendance militaire et tous individus assimilés aux militaires 1° lorsque, sans être employés, ils reçoivent un traitement et restent à la disposition du gouvernement; 2° lorsqu'ils sont en congé ou en permission. » D'où il suit que les militaires 1 Cass. 14 déc. 1865 (Bull., no 225). 2 Cass. 24 août 1865 (Bull., no 179).

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et les assimilés aux militaires sont justiciables des tribunaux ordinaires à raison des délits communs qu'ils commettent en congé'.

Il faut donc examiner dans quels cas un militaire doit être réputé en congé ou hors de son corps.

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Les militaires sont réputés en congé: 1° quand ils ont quitté leur corps en vertu d'un congé de libération provisoire, qui a nécessairement les effets d'un congé ordinaire et temporaire'; 2o en vertu d'un congé limité ; 3° à plus forte raison en vertu d'un congé illimité. Mais ils ne sont point réputés en congé par cela qu'ils ont dépassé la limite de leur garnison, s'ils ne sont pas pourvus d'une permission temporaire . Ainsi, ce qui constitue un militaire en congé, c'est la libération du service pendant un temps déterminé en vertu d'une permission régulière.

2419. Quelle est la juridiction compétente à raison des délits commis en dehors du corps?

La question de savoir dans quel cas les militaires sont réputés hors de leur corps donne lieu à quelques difficultés. Ils sont, sans aucun doute, hors de leur corps: 1o quand ils sont en état de désertion, puisque, par ce seul fait, ils sont hors du corps auquel ils appartiennent; 2° quand ils voyagent isolément, porteurs d'une feuille de route, pour rejoindre le corps sur lequel ils sont dirigés ; 3° quand ils se trouvent dans un hôpital hors du lieu de la garnison; 4° quand ils font partie d'un convoi de condamnés graciés destinés à être incorporés dans les compagnies de discipline et qui marchent sous l'escorte de la gendarmerie sans recevoir de solde '; 5° enfin, quand ils se trouvent dans une prison non militaire, où ils sont momentanément déposés, pendant la translation dont ils sont l'objet et qui a pour but de les

1 Cass. 6 févr. 1818 (Bull., no 36).

2 Cass. 3 juillet 1829 (J. P., tom. XXII, p. 1197). 3 Cass. 1er déc. 1827 (J. P., tom. XXI, p. 905).

4 Cass. 29 juin 1837 (Bull., no 292).

5 Coss. 14 déc. 1827 (J. P., tom. XXI, p. 949).

6 Cass. 3 pluv. an XIII (J. P., tom. IV, p. 349); 22 févr. 1828 (J. P., tom. XXI, p. 1201).

7 Cass. 3 janv. 1846 (Bull., no 7); 2 août 1838 (Bull., no 254); 2 oct. 1828 (J. P., tom. XXII, p. 303); 9 pluv. an XIII (J. P., tom. IV, p. 362).

8 Cass. 29 avril 1836 (Bull., no 134); 9 août 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 865).

9 Cass. 22 juillet 1836 (Bull., no 238).

conduire au lieu où ils doivent subir une peine antérieurement prononcée '.

Ils sont, d'une autre part, réputés, d'après les dispositions de la loi, à leur corps tant qu'ils se trouvent dans les limites du camp, du cantonnement ou de la garnison: 1o même lorsqu'ils sont, au moment du délit, détenus dans la prison militaire de la division; 2° ou lorsqu'ils se trouvent hors des limites de la garnison, mais par suite d'une délégation spéciale qui les affecte à un service particulier, par exemple, au service du recrutement 3; 3o ou lorsqu'ils se trouvent au lieu du dépôt du recrutement, qui, pour les jeunes soldats mis en activité, est réputé le lieu où réside le corps'; 4° ou lorsqu'ils sont détenus dans les pénitenciers militaires, parce que ces établissements sont soumis au régime militaire, et que les individus qui y sont détenus ne cessent pas de faire partie de l'armée.

Mais les difficultés s'élèvent toutes les fois que les militaires. commettent des crimes ou des délits communs, après avoir illégalement quitté leur corps, et lorsque leur position, qui n'est encore ni l'état de désertion, ni l'état d'une simple absence, présente des doutes. Les solutions de la jurisprudence ne sont pas exemptes sur ce point d'une certaine confusion.

Il est certain, d'abord, et nous avons déjà noté ce point, que tous les délits commis par les militaires en état de désertion sont justiciables des tribunaux ordinaires, et cette règle n'est nullement modifiée par cela seul qu'ils auraient été saisis dans le lieu de la garnison, et que leurs noms ont été maintenus sur les contrôles; car par le seul fait de la désertion, ils sont hors du corps et n'appartiennent plus à la juridiction militaire à raison de leurs délits subséquents. Mais si les délits ont été commis dans les jours qui ont suivi l'abandon du corps et dans le délai que l'article 26 de la loi du 30 septembre 1791 a laissé aux déserteurs pour se repentir, il y a lieu de faire plusieurs distinctions. Il faut noter d'abord que l'article 231 du Code militaire considère comme déserteur à l'intérieur « six jours après celui de l'absence con1 Cass. 10 juin 1843 (Bull., no 140).

2 Cass. 10 déc. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 1208).

3 Cass. 15 mars 1835 (Bull., no 95).

4 Cass. 4 août 1831 (J. P., tom. XXIV, p. 98).

5 Cass. 2 avril 1840 (J. P., tom. II, p. 182).

6 Cass. 10 avril 1829 (J. P., tom. 22, p. 913).

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