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renvoyées devant les conseils de guerre permanents de l'arrondissement maritime'.

5° Enfin, ils sont compétents, aux termes des articles 95, 96, 97, 98 et 99, pour connaître 1° des crimes ou délits prévus par les articles 262 à 265, 288, 316, 321, 331, 336, 337, 338, 342, 343, 361, 362 et 363 du Code maritime, commis par tous individus embarqués sur des navires convoyés; 2o des crimes et délits prévus par les articles 265, 321, 362 et 363 commis hors de France ou des colonies par tous individus embarqués sur des navires de commerce français; 3° des crimes et délits prévus par les articles 263, no 2, et 360 commis par les pilotes; 4o des crimes et délits prévus par les articles 262 à 265, 321, 331, 336 à 338, 342, 343 et 363, commis sur les rades françaises ou étrangères occupées militairement par tous individus ; 5° les crimes et délits prévus par le titre II du livre IV, commis par des étrangers à bord des bâtiments de l'État hors de l'enceinte d'un arsenal maritime.

2427. Les tribunaux maritimes, qui ont remplacé les cours martiales maritimes, sont les juges correctionnels et criminels à la fois des faits relatifs au service de la marine commis à terre. Ils sont composés de sept juges : un capitaine de vaisseau, un commissaire et un sous-ingénieur de la marine, deux juges du tribunal civil, deux lieutenants de vaisseau; ils sont permanents, et leurs jugements peuvent être sujets à révision'.

La constitutionnalité de cette juridiction a été attaquée, comme celle de toutes les juridictions maritimes, avant la loi du 4 juin 1858. La Cour de cassation l'a déclarée maintenue: « Attendu que le décret du 14 novembre 1806, sur les tribunaux maritimes, a été exécuté comme loi antérieurement à la charte et que les dispositions de ce décret ne sont point contraires au texte de la charte et ne sont incompatibles avec l'esprit d'aucune de ses dispositions, en ce qui regarde les marins ou attachés au service de la marine; qu'ils sont formellement reconnus par la loi du 10 avril 1825 3. »

Ils connaissent 1°, aux termes de l'article 10, décret du 12 no

1 Cass. 30 nov. 1860 (Bull., no 265); 9 juillet 1863 (no 190).

2 Décr. 12 nov. 1806, art. 2, 4, 51.

3 Cass. 14 nov. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 1012).

vembre 1806, de tous les délits commis dans les ports et arsenaux, qui sont relatifs soit à leur police ou sûreté, soit au service maritime; 2o de tous les délits commis par les équipages des bâtiments de l'État relatifs au service maritime, jusqu'au moment de la mise en rade, et au désarmement, depuis la rentrée dans le port jusqu'au licenciement de l'équipage (art. 12 du même décret); 3° de tous les faits de piraterie (loi du 10 avril 1825, art. 16). L'article 88 du Code de justice maritime porte: « Sont justiciables des tribunaux maritimes, encore qu'ils ne soient ni marins ni militaires, tous individus auteurs ou complices de crimes et délits commis dans l'intérieur des ports, arsenaux et établissements de la marine, lorsque ces crimes et délits sont de nature à compromettre soit la police ou la sûreté de ces établissements, soit le service maritime. » Les articles 89 et 90 ajoutent les crimes et délits des condamnés aux travaux forcés dans les ports et arsenaux et les faits de piraterie.

2428. Ces différentes attributions demandent quelques explications. La première exige deux conditions: 1° que les délits aient été commis dans les ports et arsenaux; 2° qu'ils soient relatifs soit à leur police ou sûreté, soit au service maritime. La dénomination de ports et arsenaux comprend tous les établissements et bâtiments appartenant à la marine, affectés à son service, et dans la régie et administration desquels il est défendu, par un décret du 20 mars 1791, à tous corps administratifs de s'immiscer. C'est ce qui résulte d'une ordonnance du 12 janvier 1822, rendue sur la question de savoir si l'article 10 du décret doit s'appliquer aux crimes et délits commis dans les établissements des ports ou arsenaux maritimes, mais situés hors de leur enceinte, et qui décide que les délits qui ont été commis, soit dans une caserne placée en dehors d'un arsenal, soit dans le port même, étant commis dans un établissement dépendant de l'arsenal, soumis à la même police et aux mêmes règlements, rentrent dans la compétence des tribunaux maritimes.

Il a été jugé, d'après cette ordonnance, que l'établissement d'Indret, chantier de constructions navales administré par le département de la marine, doit être assimilé aux arsenaux maritimes. Mais le vol qui serait commis, non dans le port et arse1 Cass. 14 nov. 1834 (J. P., tom. XXVI, p. 1012).

nal, mais dans la ville de Rochefort, ne pourrait à aucun titre appartenir au tribunal maritime '.

Mais que faut-il entendre par la police ou la sûreté des ports et arsenaux? Cette condition est la base fondamentale de la compétence, car l'article 13 du décret ajoute : « Dans le cas où les délits commis dans les ports et arsenaux ne seront relatifs ni à la police, ni à la sûreté desdits ports et arsenaux, ni au service maritime, les prévenus seront renvoyés devant les tribunaux qui en doivent connaître. » Et l'article 58 du Code est conçu dans le même sens. Ces termes, il faut le reconnaître, sont vagues et indėfinis. 1o Il a été jugė, par suite, que les propos injurieux tenus dans l'intérieur d'un arsenal par un employé de cet arsenal contre un autre employé étaient relatifs à la police: « Attendu que le fait de la cause constituait évidemment un délit commis dans l'arsenal par un calfat envers le contre-maître calfat; qu'il caractérisait un trouble à la police, à l'ordre et au service maritime qui doivent être observés dans un arsenal, et une insubordination manifeste de la part de l'inférieur envers son supérieur; que dès lors la connaissance de ce délit appartenait exclusivement au tribunal maritime; » 2° que le vol commis par un gardechiourme dans le port de Brest, pendant qu'il était de service, rentre dans la même compétence'; qu'il en est de même du vol, commis par un gardien distributeur des chantiers d'Indret, d'objets confiés à sa surveillance'; 4° du vol commis dans une caserne flottante amarrée dans le port de Toulon par un matelot au préjudice d'un matelot : « Attendu qu'il suffit que le délit soit relatif à la police et à la sûreté de l'arsenal ou au service maritime, pour qu'il rentre dans les attributions du tribunal maritime; que tel est le caractère d'un vol commis dans une caserne dépendante de l'arsenal; qu'il intéresse tout à la fois sa police et sa sûreté; qu'il trouble même le service maritime, en ce que le matelot, dépouillé par l'effet de cette soustraction des vêtements qui lui ont été fournis par l'État, peut avoir été momentanément empêché dans le service auquel il est assujetti; » 5° que les voies

1 Cass. 4 févr. 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 665).
2 Cass. 12 nov. 1819 (J. P., tom. XV,
p. 554).
3 Cass. 21 juin 1833 (J. P., tom. XXV, p. 589).
4 cass. 14 nov. 1834, cité suprà.

5 Cass. 2 sept. 1836 (Bull., no 291).

de fait d'un ouvrier de l'arsenal envers le maître de l'atelier appartiennent encore à la même juridiction'. Toutefois, un arrêt postérieur a jugé que le vol d'objets appartenant à un fournisseur, quoique commis sur le quai de l'arsenal, n'est pas de nature à compromettre la sûreté et appartient aux tribunaux ordinaires *.

La loi veut que les délits soient relatifs soit à la police ou sûreté des ports et arsenaux, soit au service maritime. Quel est le sens de ces derniers mots? La Cour de cassation a déclaré « que les termes généraux service maritime qui se trouvent à la suite, dans le même contexte et en corrélation avec les délits commis dans les ports et arsenaux, relatifs soit à leur police, soit à leur sûrelė, doivent s'entendre naturellement du service spécial desdits ports et arsenaux 3».

Lorsque les deux conditions du lieu de la perpétration et de la nature du délit coexistent, la juridiction des tribunaux maritimes s'étend à toute personne, qu'elle soit ou non attachée à l'administration de la marine. Telle est la disposition de l'article 11 du décret : « Ils connaîtront de ces délits à l'égard de tous ceux qui en seraient auteurs, fauteurs ou complices, encore qu'ils ne fussent pas gens de guerre ou attachés au service de la marine. » Telle est aussi la disposition de l'article 88 du Code.

2429. Cette disposition avait été déclarée inconstitutionnelle par trois arrêts des 12 avril 1834, 23 janvier 1835 et 20 janvier 1848, qui ont décidé a qu'elle est inconciliable avec le texte comme avec l'esprit des articles 53 et 54 de la charte; que les tribunaux maritimes ne sont des tribunaux ordinaires que pour le jugement des crimes et délits commis par des gens de mer ou par des individus qui leur sont assimilés par la loi; qu'ils deviennent des tribunaux extraordinaires lorsqu'ils étendent leur compétence sur des citoyens qui n'appartiennent ni à l'une ni à l'autre de ces catégories». Mais le décret du 26 mars 1852 est venu maintenir cette compétence. L'article 4 de ce décret porte: « La compétence des tribunaux maritimes établis par le décret 1 Cass. 26 févr. 1847 (Bull., no 59).

2 Cass. 10 avril 1863 (Bull., no 109).

3 Cass. 18 août 1826 (J. P., tom. XX, p. 814).

4 Cass. 12 avril 1834 (J. P., t. XXVI, p. 382); 23 janv. 1835 (ibid., p. 1297); 20 janv. 1848 (Bull., no 19).

impérial du 12 novembre 1806 est désormais fixée telle qu'elle a été réglée par le titre II dudit décret, ainsi conçu. » (Suivent les textes des articles 10, 11, 12 et 13.) Le rapport du ministre de la marine qui précède ce décret déclare que « la police de nos arsenaux, gravement compromise au point de vue de la conservation du matériel naval, se trouvera désormais sauvegardée, en vertu d'une consécration nouvelle donnée au titre II du décret du 12 novembre 1806, laquelle rendra aux tribunaux maritimes une compétence qui s'était progressivement démembrée en présence de principes tirés de l'interprétation des chartes ». Et les considérants qui sont en tête de ce nouveau décret ajoutent « que divers arrêts, en enlevant aux tribunaux maritimes une partie essentielle de leur compétence, ont porté une grave atteinte à la répression des délits et des crimes commis dans les arsenaux maritimes et qu'il est urgent d'y remédier ». Il n'est donc pas douteux que, par ce décret, qui, aux termes de l'article 58 de la constitution du 14 janvier 1852, à force de loi, la jurisprudence qui vient d'être citée a été abrogée, et que, par une notable exception au principe proclamé en 1789 que les citoyens ne peuvent être distraits de leurs juges naturels, lés tribunaux maritimes, juridiction exceptionnelle et temporaire, étendent leur compétence à des personnes qu'aucun lien n'attache au service maritime. L'article 88 du Code de justice maritime reproduit la même exception.

2430. Nous avons vu que ces tribunaux, aux termes de l'article 12 du décret du 12 novembre 1806, exerçaient, en second lieu, leur juridiction sur les marins qui ne sont pas encore embarqués ou qui cessent de l'être; car, pendant toute la durée de l'embarquement, ils sont soumis à la juridiction des conseils de justice et des conseils de guerre. Aujourd'hui, cette partie de leurs attributions a été transportée aux conseils de guerre permanents des arrondissements maritimes par l'article 78 du Code maritime.

Les tribunaux maritimes n'étaient pas d'ailleurs compétents pour connaître des délits militaires ou disciplinaires commis par les marins dans le port. La Cour de cassation leur avait dénié cette autorité : « attendu que, si les tribunaux maritimes sont compétents pour connaître de tous les délits commis dans les

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