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ports et arsenaux relatifs soit à leur police et sûreté, soit au service maritime, ce serait forcer le sens et l'esprit de la loi d'institution que de comprendre parmi les délits relatifs au service maritime les délits d'insubordination accompagnés de circonstances plus ou moins graves, lesquels sont purement militaires et peuvent même avoir lieu de l'inférieur à son supérieur, indépendamment du service maritime, seulement à l'occasion et accessoirement dudit service; que dans toutes les armes les délits d'insubordination sont passibles de peines de discipline ou de pemes plus sévères qui doivent être appliquées ou par la police intérieure du corps, ou par les conseils de guerre, à raison du plus ou moins de gravité des éléments qui composent ces délits et les caractérisent; que dès lors ces délits sont de la compétence des conseils de guerre. Cette décision est confirmée par l'article 78 1. »

Les tribunaux maritimes étaient encore incompétents pour connaître des délits des marins non embarqués envers les habitants. D'abord, leur compétence était restreinte par l'article 10 du décret du 12 novembre 1806 aux délits relatifs à la police ou sûreté des ports et arsenaux ou au service maritime; ensuite, l'article 76 du décret du 22 juillet 1806, ayant attribué aux juges des lieux la connaissance des crimes et délits commis contre les habitants par les officiers, matelots et soldats, cette disposition générale enlevait ces délits aussi bien aux tribunaux maritimes qu'aux conseils de justice et aux conseils de guerre'. Mais nous avons vu que cette disposition avait été absorbée par l'article 94 du nouveau Code.

Les tribunaux maritimes sont-ils compétents pour connaître des crimes et des délits commis par les individus qui appartiennent au service de la marine sans appartenir à aucun équipage? Le doute vient de ce que l'article 12 du décret du 12 novembre 1806 ne parle que des équipages des bâtiments; mais il est évident qu'il s'applique à tous les officiers, matelots ou soldats en activité de service. Telle est la disposition formelle des articles 2 et 3 du titre I de la loi des 20 septembre-12 octobre 1791. L'article 2 ajoute même les délits relatifs au service maritime commis par les employés d'administration et autres employés du ser1 Cass. 18 août 1826 (J. P., tom. XX, p. 814).

2 Conf. Mangin, n. 166.

vice de la marine. Il a été 'jugė, d'après cette interprétation, " que les marins inscrits n'appartiennent point au service actif de la marine, qu'ils sont seulement susceptibles d'être appelés à en faire partie; que jusqu'à cet appel ils doivent être considérés comme de simples habitants pour tous les crimes et délits dont ils peuvent se rendre coupables1». Mais la Cour de cassation a reconnu en même temps que le fait d'un sous-commissaire de la marine d'avoir fait procéder à l'arrestation illégale d'un citoyen est justiciable des tribunaux maritimes . L'article 88 du Code embrasse tous individus, encore qu'ils ne soient ni marins ni militaires.

Mais cette compétence s'étend-elle aux personnes attachées au service de la marine et à sa suite? Il faut remarquer qu'il n'existe aucun doute à cet égard quand ces personnes sont embarquées; la question ne s'élève que quand elles sont à terre et dans le port. M. Merlin l'a nettement résolue : « L'article 10 de la loi du 13 brumaire an V range expressément dans la classe des personnes attachées à l'armée et comme telles justiciables des conseils de guerre, les vivandiers, les munitionnaires et les boulangers de l'armée. On dira peut-être que cet article ne dispose ainsi que pour les conseils de guerre des armées de terre. Mais cet article n'introduit pas pour les armées de terre un droit nouveau : il n'est à leur égard que le développement du principe proclamé par toutes les lois précédentes que l'on doit, quant à la juridiction, assimiler aux militaires toutes les personnes attachées aux armées de terre et de mer, et dès là, nulle raison pour ne pas adapter aux armées navales l'application que donne à ce principe pour les armées de terre l'article 10 de la loi du 13 brumaire an V. » Cette interprétation a été adoptée par un arrêt de la Cour de cassation du 25 mars 1808. La faiblesse de l'argumentation sur laquelle elle repose est évidente: est-ce qu'une compétence exceptionnelle, qui a pour résultat de distraire des citoyens de leurs juges naturels pour les déférer à des juges spéciaux, peut être établie par une simple assimilation? Est-ce qu'il n'est pas de principe que toute juridiction extraordinaire doit être strictement limitée aux personnes et aux faits désignés par la loi

1 Cass. 14 juillet 1827 (J. P., tom. XXI, p. 616).
2 Cass. 13 déc 1828 (J. P., tom. XXII, p. 458).
3 Rép., vo Conf. de guerre maritime, n. 1.

4 Journ. du Pal., tom. VI, p. 579.

de son institution? L'article 10 de la loi du 13 brumaire an V n'a, d'ailleurs, enveloppé dans la compétence des conseils de guerre que les personnes qui sont attachées à un corps d'armée, à une armée en campagne ou en marche : or, n'en est-il pas ainsi en ce qui concerne l'armée navale, puisque toutes les personnes qui sont attachées à son service, dès qu'elles sont embarquées, sont soumises à la juridiction maritime? Ce que propose M. Merlin c'est donc non-seulement d'étendre l'article 10 de la loi du 13 brumaire an V de l'armée de terre à l'armée navale, mais de l'appliquer là où l'armée de terre elle-même ne l'applique pas, à des personnes qui résident dans les ports, qui ne sont pas à la suite de l'armée, qui restent dans le lieu de la garnison. Or, non-seulement, dans ce cas, les mêmes motifs ne subsistent plus, mais il n'y a plus même d'intérêt à étendre l'exception '. Aujourd'hui, la question est tranchée par les articles 77 et 78 du Code de justice maritime.

Au surplus, la Cour de cassation a reconnu : 1° que les préposés des magasins des munitionnaires ne sont pas soumis à cette juridiction « attendu que les cours martiales maritimes ne sont point compétentes pour prononcer sur des délits qui n'ont été commis ni dans des arsenaux, ni par des officiers d'administration ou employés dans le département de la marine »; 2° que la même décision doit être appliquée aux entrepreneurs des charrois de la marine : « attendu qu'on ne saurait considérer comme attachés à la marine, c'est-à-dire comme ayant engagé sa personne au service de cette administration, un citoyen qui n'a contracté avec elle d'autres obligations que celles dont une convention purement industrielle a déterminé la nature et les limites'. »

2431. La troisième attribution des tribunaux maritimes a pour objet les faits de piraterie. L'article 17 de la loi du 10 avril 1845 porte : « S'il y a capture de navires ou arrestation de personnes, les prévenus de piraterie seront jugés par le tribunal maritime du chef-lieu de l'arrondissement maritime dans les ports desquels ils auront été amenés. Dans tous les autres cas, les prévenus seront jugés par le tribunal maritime de Toulon si le crime a été

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commis dans le détroit de Gibraltar, la mer Méditerranée ou les autres mers du Levant, et par le tribunal de Brest lorsque le crime aura été commis sur les autres mers. Toutefois, lorsqu'un tribunal maritime aura été régulièrement saisi du jugement de l'un des prévenus, ce tribunal jugera tous les autres prévenus du même crime, à quelque époque qu'ils soient découverts et dans quelque lieu qu'ils soient arrêtés. Sont exceptés des dispositions du présent article les prévenus du crime spécifié au paragraphe 1 de l'article 3, lesquels seront jugés suivant les personnes et par les tribunaux ordinaires. » Ce cas excepté a pour objet le fait d'un Français qui prend commission d'une puissance étrangère pour commander un navire armé en course, L'article 19 ajoute : « Les complices des crimes de piraterie seront jugés par les tribunaux maritimes, » La constitutionnalité de cette attribution a été contestée sous la charte de 1830; mais la Cour de cassation a déclaré « que les tribunaux maritimes établis par un décret qui avait force de loi et reconnus postérieurement par la loi du 19 avril 1825 sont compétents pour juger tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de mer français, accusé d'un fait de piraterie ». Cette compétence a été, en dernier lieu, confirmée par le décret du 26 mars 1852 et par les articles 90, 91 et 374 du Code de justice maritime.

2432. Les conseils et tribunaux de révision placés à côté des conseils de guerre et des tribunaux maritimes par les articles 26, 46 et 63 du Code de justice maritime, ne connaissent pas du fond des affaires et prononcent la nullité des jugements dans les cas suivants 1° lorsque la juridiction n'a pas été légalement composée; 2o lorsque les règles de compétence ont été violées; 3o lorsque la peine a été faussement appliquée; 4o lorsqu'il y a eu omission ou violation des formes prescrites à peine de nullité; 5o lorsqu'il y a eu omission de statuer sur les conclusions ou réquisitions des parties (art. 87 et 183).

2433. Les tribunaux maritimes spéciaux avaient pour objet la police des chiourmes et des bagnes, Ils connaissaient, sans aucun recours, de tous les délits relatifs à cette police'.

1 Cass. 11 avril 1839 (Bull., no 119).

2 Art. 66, décr. 12 nov. 1808.

Les articles 70 et 71 du décret du 12 novembre 1806 portaient en outre ; « Tous délits commis par les individus employés au service des bagnes et à la garde des forçats seront punis en conformité des règlements rendus pour la police et la justice des chiourmes. Tous fauteurs et complices d'évasion de forçat étaient justiciables des tribunaux maritimes spéciaux. Mais une ordonnance du 2 janvier 1817 avait modifié ces deux dispositions. L'article 2 de cette ordonnance portait : « Les forçats détenus dans les bagnes seront seuls justiciables des tribunaux maritimes spéciaux; les crimes et délits commis par d'autres individus, et dont la connaissance était attribuée à ces tribunaux, seront jugés par les tribunaux maritimes ordinaires, lorsque les crimes ou délits auront été commis dans l'intérieur des ports et arsenaux. » Une autre ordonnance du 16 février 1827 ajoutait que les forçats, même libérés sont justiciables du tribunal maritime spécial, à raison des crimes et délits qu'ils ont commis dans les bagnes avant leur libération.

La Cour de cassation a reconnu, en appliquant cette législation spéciale, 1° que les forçats en état de libération ne sont point justiciables des tribunaux maritimes spéciaux, à raison des délits qu'ils ont commis avant cette libération, non dans le port et l'arsenal, mais dans l'intérieur de la ville'; 2° que les forçats sont justiciables des tribunaux ordinaires toutes les fois qu'ils ont des complices non forçats ; 3° que l'évasion des forçats et les crimes à l'aide desquels elle se commet rentrent dans la compétence exceptionnelle, quand elle n'a point de complices étrangers au bagne.

Les tribunaux maritimes ont été abolis par l'article 374 du Code de justice militaire; leurs attributions appartiennent aux tribunaux maritimes permanents.

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Deux arrêtés des 5 germinal et 1 floréal an XII avaient établi des conseils de guerre spéciaux pour juger les déserteurs de la marine l'article 32 du décret du 22 juillet 1806 les avait formellement maintenus. Une ordonnance du 22 mai 1816 a changé ces conseils spéciaux en conseils permanents. L'article 1" dispose que « les officiers mariniers et marins, les sous-officiers,

1 Cass. 4 févr. 1832 (J. P., tom. XXIV, p. 665). 2 Cass. 3 août 1827 (J. P., tom. XXI, p. 697).

3 Cass. 2 janv. 1845 (Bull., no 3).

4 Cass. 14 mars 1845 (Bull., n® 96).

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