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canonniers et ouvriers du corps d'artillerie de la marine, prévenus du crime de désertion, seront traduits à des conseils de guerre permanents. Il sera établi en conséquence des conseils permanents et des conseils de révision dans chacun de nos ports de Brest, Toulon, Rochefort, Lorient et Cherbourg ». Ces conseils permanents avaient une attribution exclusive pour le jugement du délit de désertion: toutefois les troupes d'infanterie de marine, assimilées par l'article 14 de l'ordonnance du 20 novembre 1836 aux troupes de ligne, demeuraient soumises aux conseils de guerre organisés conformément à la loi du 13 brumaire an XIII'. Les conseils de guerre maritimes permanents étaient, en outre, les juges ordinaires des troupes de la marine. Ainsi, l'artillerie de la marine, d'après l'ordonnance du 30 avril 1844, est exclusivement destinée au service des batteries de terre en France et aux colonies; elle ne fait plus partie de l'équipage des vaisseaux. Les soldats de ce corps sont donc justiciables des conseils de guerre, en vertu des lois des 3 brumaire an IV et 18 vendémiaire an VI. La Cour de cassation a jugé dans ce sens que les soldats d'artillerie de la marine prévenus de voies de fait envers des habitants et présents à leur corps au moment du délit avaient été compétemment jugés par le conseil de guerre maritime permanent de Brest. Cette juridiction se trouve aujourd'hui absorbée dans celle des conseils de guerre permanents des arrondissements maritimes.

§ V. Juridictions spéciales.

2434. Les conseils de préfecture connaissent :

1. Des contraventions en matière de grande voirie, telles qu'anticipations, dépôts de fumier et d'autres objets et toutes espèces de détériorations commises soit sur les grandes routes, sur les arbres qui les bordent, sur les fossés, ouvrages d'art et matériaux des tinés à leur entretien, soit sur les canaux, fleuves et rivières navi gables, leurs chemins de halage, francs bords, fossés et ouvrages d'art. Ne sont point comprises dans cette attribution et sont par conséquent réservées aux tribunaux ordinaires : 1° Les

1 Cass 2 déc. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 1167).

2 Cass. 2 juillet 1840 (Bull., no 191).

3 Cass. 19 janv. 1840 (Bull., no 25).

4 L. 9

Bor. an X, art. 1 et 4; décr. 16 déc. 1811, art. 114.

contraventions de voiric commises sur les rues, quais et places. publiques des villes, bourgs ou villages qui sont la prolongation d'une grande route'; 2° les contraventions à la police des rivières, qui ont pour objet soit de faciliter la pêche, soit le passage des ponts, et les contraventions aux règlements administratifs sur les autres cours d'eau ‘.

2o Des contraventions qui concernent la conservation des fortifications. Ainsi, le fait de faire pâturer des vaches sur les glacis d'un fort, prévu par l'article 22, titre I, de la loi du 10 juillet 1791, appartient à leur compétence, lors même qu'un arrêté municipal l'aurait spécialement défendu ".

3o Des contraventions qui sont relatives au dépôt ou jet d'immondices ou dégradations dans les canaux, rivières navigables, ports maritimes, de commerce et travaux à la mer. Le décret du 10 avril 1812 porte: « Le titre IX du décret du 16 décembre 1811, relatif à l'entretien des routes, est applicable aux canaux, rivières navigables, ports maritimes de commerce et travaux à la mer. Or, l'article 114 de ce dernier décret, compris dans le titre IX porte: « Il sera statué sans délai par les conseils de préfecture tant sur les oppositions qui auraient été formées par les délinquants que sur les amendes encourues par eux. » Ainsi, le fait d'avoir jeté des immondices dans un port, prévu par l'article 4, titre II, livre IV de l'ordonnance de 1681 et par l'article 113 du décret du 16 décembre 1811, rentre dans leurs attributions".

4o Des contraventions aux lois et règlements sur les carrières, lorsqu'un décret spécial les leur a attribuées. Deux décrets, l'un du 22 mars 1813, l'autre du 4 juillet 1813, relatifs à l'exploitation des carrières dans les départements de la Seine et de Seineet-Oise, renvoient aux conseils de préfecture les contraventions aux dispositions réglementaires qu'ils contiennent. Mais cette attribution exceptionnelle, contraire à la règle générale posée par

1 Cass. 13 juin 1811 (S. V. 12. 1. 64); 13 avril 1824 (S. 24. 1. 334); 6 déc. 1826 (S. V. 27. 1. 513).

2 Cass. 26 juillet 1827 (Bull., no 630).

3 Cass. 22 mai 1830 (S. V. 30. 1. 339).

4 Cass. 16 déc. 1833 (Bull., no 582).

5 L. 29 flor. an X, art. 1; l. 17 juillet 1819, art. 11; ord. 1er août 1821, art. 31.

6 Cass. 16 juin 1848 (Bull., no 181).

7 Čass. 7 oct. 1842 (Bull., no 265).

l'article 95 de la loi du 21 avril 1810, qui défère à la juridiction correctionnelle toutes les contraventions en matière de mines et de carrières, doit être restreinte dans ses termes : il a même été reconnu qu'une ordonnance royale n'avait pas eu le pouvoir de substituer en cette matière, comme l'ont fait les deux décrets cités, la juridiction des conseils de préfecture à celle des juges ordinaires'.

L'article 8 de la loi du 28 ventôse an XIII avait attribué à ces conseils la connaissance des contraventions aux règlements relatifs à la largeur des chemins vicinaux et aux plantations faites sur les bords de ces chemins. Mais la loi du 21 mai 1836, qui contient un système complet de législation sur les chemins vicinaux, a virtuellement et nécessairement abrogé cette attribution administrative les usurpations qui peuvent y être commises, de quelque œuvre qu'elles résultent, ne constituent plus aujourd'hui qu'une contravention au règlement général fait par les préfets, en exécution de l'article 21 de cette nouvelle loi, et les tribunaux de police sont seuls compétents.

2435. Il ne faut pas perdre de vue que les tribunaux de police sont exclusivement compétents pour réprimer toutes les contraventions aux lois et règlements de police qui ne sont pas expressément dévolues à une autre juridiction: ce principe de compétence résulte expressément des articles 122 de la loi du 16-24 août 1790, 137 et 138 du Code d'instruction criminelle et 471, n° 15, du Code pénal. Il faut nécessairement en déduire que toute attribution faite aux conseils de préfecture, étant une exception au droit commun, doit être limitée strictement dans ses termes et qu'il n'est pas permis d'étendre leur juridiction à des faits qui ne leur sont pas formellement déférés.

C'est par application de cette règle d'interprétation qu'il a été reconnu que les contraventions à l'arrêté d'un préfet sur les précautions à prendre pour le service des bateaux à vapeur appartiennent aux tribunaux de police: « attendu que la loi du 29 floréal an X n'attribue aux conseils de préfecture le jugement des infractions aux règlements émanés de l'autorité administrative

1 Cass. 29 août 1851 (Bull., no 365).

2 Cass. 10 sept. 1840 (Bull., no 260); et conf. cass. 2 mars 1837, 4 oct. 1839, 8 déc. 1843, 12 déc. 1846, etc.

que lorsqu'elles constituent soit une anticipation ou une détérioration sur les grandes routes, sur les canaux, fleuves et rivières navigables ou flottables et tout ce qui en dépend, soit un empèchement ou une entrave quelconque à la libre circulation sur ces communications de grande voirie ou au libre cours des eaux de ces canaux, fleuves et rivières; que la disposition limitative et restrictive de cette loi ne permet pas d'étendre la juridiction exceptionnelle de ces conseils sur des faits qu'elle ne leur défère point formellement; d'où la conséquence que la répression des contraventions aux règlements qui intéressent la sûreté desdites communications ne doit appartenir qu'aux tribunaux ordinaires '.»

C'est par une autre application de la même règle qu'il a été décidé que l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, qui réserve aux conseils de préfecture la connaissance des difficultés entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration sur l'exécution de leurs marchés et des réclamations des particuliers contre les entrepreneurs, ne fait point obstacle à la compétence du tribunal de police en ce qui concerne soit les contraventions aux règlements de police commises par les entrepreneurs, soit les fouilles et extractions de matériaux faites sur des terrains qui ne leur sont indiquées ni par leur cahier des charges, ni par aucun devis supplémentaire '.

2436. Le conseil de l'université connaît, indépendamment des infractions disciplinaires dont le jugement lui est attribué, des délits commis dans l'intérieur des lycées et colléges par les élèves.

Les articles 76, 77, 78 et 79 du décret du 15 novembre 1811 sont ainsi conçus : « Les élèves des lycées et des collèges au-dessous de seize ans ne seront justiciables, pour délits commis par eux dans l'intérieur de ces maisons, que de l'université. Ils seront punis, selon la gravité des cas, d'une détention de trois jours à trois mois dans l'intérieur du lycée ou du collège, dans un local destiné à cet effet. Si les père, mère ou tuteurs s'opposaient à l'exercice de ces mesures, l'élève leur sera remis et ne

1 Cass. 14 nov. 1835 (Bull., no 428).

2 Cass. 4 févr. 1831 (J. P., tom. XXIII, p. 1192); et conf. cass. 5 déc. 1838 (S. V. 34. 1. 360).

3 Cass. 16 avril 1836 (Bull., no 120); et conf. 3 août 1837 (Dall. 37. 1. 553).

pourra plus être reçu dans aucun autre lycée ou collège de l'université, et sera renvoyé, le cas échéant, à la justice ordinaire. Pour les délits commis par les élèves au dehors, dans les sorties et promenades faites en commun, la partie lésée conservera le droit de poursuivre, si elle le veut, les réparations par les voies ordinaires. »

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L'article 41 du même décret porte, en outre, qu'en conséquence du décret du 17 mars 1808, qui ne contient toutefois aucune disposition précise sur ce point: «l'université impériale aura juridiction sur ses membres en tout ce qui touche... les plaintes et les réclamations contre ses membres relativement à l'exercice de leurs fonctions, les injures, diffamations et scandales entre eux, et l'application des peines encourues par les délinquants. Mais, comme les peines prévues dans ce cas par les articles 72 et 73 du même décret sont purement disciplinaires, que le conseil, aux termes des articles 57 et 79 du décret du 17 mars 1808, n'a pas compétence pour en prononcer d'autres, et que l'article 74 du décret du 15 novembre 1811 réserve formellement la poursuite devant les juges ordinaires quand il y a délit commun, il y a lieu de penser que ces dispositions n'ont créé qu'une haute attribution disciplinaire, mais ne feraient point obstacle à l'action de la justice si elle était régulièrement saisic et que les faits qualifiés diffamations ou voies de fait eussent le caractère d'un délit.

2437. Les conseils de prud'hommes, institués par la loi du 18 mars 1806, réorganisés par les lois des 27 mai 26 juin 1848 et ramenés à leur première organisation par le décret du 2 mars 1852, connaissent :

1° Comme officiers de police seulement et à la charge de renvoyer leurs procès-verbaux aux juges compétents, des contraventions aux lois et règlements sur les manufactures; des soustractions de matières premières faites par les ouvriers au préjudice des fabricants; des infidélités commises par les teinturiers (2-16 mars 1806, art. 10, 11, 12 et 13).

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2o Comme juges, des délits tendant à troubler l'ordre et la discipline des ateliers et de tout manquement grave des apprentis envers leurs maitres (déc. 3 août 1808, art. 4). Toutefois, cette attribution, qui leur permet de prononcer un emprisonnement qui

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