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DROIT DE POLIce de l'adminISTRATION.

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361. Tous les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, sans distinction de classe, sont soumis à la surveillance et au pouvoir de police de l'administration active représentée par le préfet. Il ordonne la fermeture des établissements non autorisés; seul, à l'exclusion des conseils de préfecture, il peut également ordonner celle des établissements autorisés (C. d'Ét. 28 janvier 1864, Delmas; 5 août 1868, Delmas c. Raynaud), sauf recours au ministre de l'agrigulture et du commerce (C. d'Ét. 20 juillet 1867, de Fieux), mais sans que le recours contentieux au conseil d'État soit ouvert contre ces décisions (C. d'Ét. 18 mai 1870, de Fieux) : lorsque le fabricant a méconnu les prescriptions qui lui sont imposées par les règlements sous peine de déchéance du bénéfice de l'acte d'autorisation, en laissant écouler six mois à partir de l'autorisation sans mettre son établissement en activité, en interrompant son exploitation pendant le même laps de temps, en déplaçant son établissement, en n'observant pas les conditions stipulées dans l'acte d'autorisation, ou en introduisant dans la constitution de l'atelier des modifications de nature à intéresser la sûreté, la salubrité ou la commodité publiques.

Mais lorsqu'un établissement destiné à pourvoir à un service public a été créé par ordonnance, en dehors des conditions prescrites par le décret de 1810, c'est au gouvernement seul qu'il appartient de statuer sur les demandes de suppression ou de modification, sans qu'il y ait également de recours ouvert par la voie contentieuse (C. d'Ét. 2 août 1870, voirie de Bondy).

D'autre part, le pouvoir conféré à l'administration supérieure d'autoriser la formation des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, et d'en déterminer les conditions d'existence, le mode d'exploitation et le régime intérieur, n'est pas exclusif du droit général de police confié à l'autorité municipale, et, dès lors, ne fait pas obstacle à ce qu'un maire ordonne certaines mesures dans l'intérêt de la salubrité publique, telles que la défense de faire écouler dans un cours d'eau des eaux infectes ou des matières nuisibles, pourvu que ces mesures ne fassent pas obstacle au bénéfice de l'autorisation donnée (c. cass. 15 mars 1861, Hennecart; 1er août 1862, Renard; 1er août 1862 et 7 février 1863, Blanchard); il en est ainsi même à l'égard d'un établissement existant avant 1810 (c. cass. 1er août 1862 et 7 février 1863).

362. Il en est autrement de la suppression de l'établissement, prononcée non, comme dans l'hypothèse qui précède, pour vio

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DROIT DE SUPPRESSION DES ATELIERS AUTORISÉS.

lation des prescriptions réglementaires ou des conditions de l'acte d'autorisation, mais pour inconvénients imprévus. En accordant l'autorisation nécessaire à la création de l'établissement, l'administration a usé de son droit de police; en vertu de ce même droit inaliénable et imprescriptible, l'administration peut le supprimer lorsque l'ordre et l'intérêt publics le réclament. Ce principe est consacré par l'article 12 du décret du 15 octobre 1810; il s'agit de l'exercice du pouvoir de police et, par conséquent, d'un acte d'administration pure aussi n'est-ce pas l'assemblée du contentieux, mais l'assemblée générale du conseil d'État qui, dans ce cas, prépare le décret conformément à la disposition finale du numéro 26 de l'article 7 du décret réglementaire du 2 août 1879 [n° 85].

En cas de graves inconvénients pour la salubrité publique, la culture ou l'intérêt général, les fabriques et ateliers de première classe qui les causent pourront être supprimés, en vertu d'un décret rendu en notre conseil d'État, apres avoir entendu la police locale, pris l'avis des préfets, reçu la défense des manufacturiers ou fabricants (D. 15 octobre 1810, art. 12).

363. Les tribunaux judiciaires ont aussi, comme l'administration active, comme la juridiction gracieuse et la juridiction contentieuse administratives, leur part de compétence en cette matière.

Les tribunaux de simple police sont chargés de réprimer l'exploitation non autorisée, qui constitue la contravention prévue et punie par la disposition générale de l'article 474 45 du Code pénal. Il en est ainsi, parce que les décrets de classement des établissements dangereux, incommodes ou insalubres ont le caractère réglementaire. Toutefois, c'est à l'autorité administrative seule qu'appartient le droit de décider si un établissement est incommode ou insalubre, ou s'il a été fondé avant le décret du 45 octobre 1810, et, par suite, si son ouverture est soumise à la condition de l'autorisation préalable; de sorte que si l'industriel poursuivi conteste l'exactitude de la qualification donnée par la poursuite à son établissement, la justice répressive doit surseir à statuer au fond et renvoyer à l'autorité administrative la solation de la question préjudicielle ainsi soulevée (ch. crim. 47 juillet 4863; 7 août 1868, Digne, S. 69, 1, 368). Mais le tribunal de simple police doit réprimer, comme contravention, toute modification reconnue et non autorisée à l'arrêté d'autorisation (e. cass. 20 novembre 1863, Garnier); il ne peut non plus surseoir à statuer jusqu'à la décision à intervenir sur le recours au conseil d'État formé par le prévenu contre l'arrêté du préfet portant refus d'autorisation (c. cass. 17 décembre 1864, Priou); entin, ü

COMPÉTENCE JUDICIAIRE; RÉServe des droits des tiers. 329

ne peut se dispenser de prononcer, indépendamment de l'amende encourue par le contrevenant, la fermeture de l'établissement non autorisé requise par le ministère public (c. cass. 26 mars 1868, Haas).

364. Les tribunaux civils (D. 4810, art. 11 in fine) peuvent allouer, par application des articles 1382 et 1383 du Code civil, des dommages-intérêts aux tiers à qui le voisinage de l'établissement autorisé, en tant qu'établissement industriel classé, ou en vertu de lois de police d'une autre nature, fait subir soit un préjudice direct et matériel, soit un simple préjudice moral consistant dans la dépréciation de la propriété et l'atteinte aux relations de bon voisinage. Le conseil d'État a abandonné, dans un arrêt sur conflit du 9 juin 4859 (Cuesnot), la distinction qu'il avait établie sur ce point dans deux arrêts du 15 décembre 1824 (Lez) et du 27 décembre 1826 (Paris); la cour de cassation avait refusé de l'accueillir dans un arrêt du 20 février 1849, dont la doctrine a été reproduite dans plusieurs arrêts de la même cour (3 décembre 1860, Nélaton et Pouchouloux c. Cuesnot; 27 août 1864, Pertuiset et Dubuisson c. Joly; 24 avril 1865, Bourgeois et Harel c. Hubert; 46 avril 1866; 19 mai 1868, salines de l'Est; 25 août 1869, Beudin).

Si les émanations pernicieuses d'une usine altéraient des fruits et récoltes, le tribunal de justice de paix serait compétent, de pareils dommages rentrant dans la catégorie de ceux dont parle l'article 5 de la loi du 5 mai 1838; peu importe qu'ils procèdent du fait de l'homme ou d'une cause permanente; le juge de paix ne cesserait d'être compétent que si le dommage avait été causé non aux récoltes, mais au fonds lui-même (c. cass. ch. req. 24 janvier 1866, Prat c. Michel).

Ainsi la règle que l'autorisation administrative n'est accordée que « sous la réserve des droits des tiers » reçoit ici une application complète et absolue; il faut généraliser et dire qu'en matière d'établissements classés ou non classés, les tiers ont toujours le droit de réclamer des dommages-intérêts devant l'autorité judiciaire, dès qu'il est constaté que le préjudice qu'ils éprouvent excède les obligations ordinaires du voisinage.

365. Logements insalubres. La loi du 13 avril 1850, relative à l'assainissement des logements insalubres (dont l'article 2 est modifié par la loi du 31 mai 1864, qui porte à trente pour la ville de Paris le nombre des membres de la commission dont il va être

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LOGEMENTS INSALUBRES.

parlé), permet d'instituer dans toute commune où le conseil municipal l'aura déclaré nécessaire, une commission chargée de rechercher les logements insalubres et d'indiquer les mesures à prendre pour atténuer ou faire disparaître les causes reconnues d'insalubrité.

Il résulte du rapport général sur les travaux de la commission des logements insalubres de la ville de Paris pour les années 1866 à 1869 que le chiffre des affaires s'est élevé à 11,342, ce qui n'est pas un chiffre trop élevé dans une ville où déjà l'on comptait alors 68,000 maisons et 600,000 logements; la moyenne annuelle des visites de logements insalubres était de 2,812; d'après le dernier rapport général de cette commission pour les années 1870 à 1878, la moyenne annuelle s'est élevée à 3,168 logements insalubres visités chaque année.

L'arrêté municipal (préfectoral à Paris) qui constate l'état d'insalubrité d'un logement et prescrit des travaux à exécuter pour y remédier, lie les tribunaux sur tous ces points, à défaut de recours en temps utile devant la juridiction administrative, et ne permet plus de les discuter devant eux, conformément au principe de la séparation des autorités [no 650], mais laisse aux tribunaux de police correctionnelle saisis de la contravention à l'arrêté contre celui qui soutient n'être ni propriétaire ni usufruitier de l'immeuble le pouvoir de juger ces questions préjudicielles de propriété (cass. 20 novembre 1868; Rouen, 26 février 4869; contra, Paris, 7 février 1868, Moynet).

Cette loi, en étendant la juridiction des conseils de préfecture à deux cas distincts, semble avoir considéré leur décision dans le premier cas comme étant en dernier ressort; mais il eût fallu, pour l'interdire, un texte formel prohibant expressément le recours au conseil d'État; en l'absence d'un texte de cette nature, le recours au conseil d'État est recevable, conformément au principe même de l'institution des conseils de préfecture en qualité de tribunaux administratifs de première instance; le législateur de 4830 a moins voulu interdire le recours dans le premier cas, que Tassurer surabondamment dans le second (C. d'Ét. 7 avril 1865, de Madre).

Le conseil municipal déterminera: 1o les travaux d'assainissement et les lieux où ils devront être entièrement ou partiellement exécutés, ainsi que les délais de leur achèvement; 2o les habitations qui ne sont pas susceptibles d'assainissement (art. 5). Un recours est ouvert aux intéressés contre ces décisions devant le conseil de préfecture, dans le délai d'un mois à dater de la notification de l'arrêté municipal; ce recours sera suspensif (art. 6). — S'il est reconnu que le

COMPÉTENCE DES CONSEILS DE PRÉFECTURE.

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logement n'est pas susceptible d'assainissement, et que les causes d'insalubrité sont dépendantes de l'habitation elle-même, l'autorité municipale pourra, dans le délai qu'elle fixera, en interdire provisoirement la location à titre d'habitation. L'interdiction absolue ne pourra être prononcée que par le conseil de préfecture, et, dans ce cas, il y aura recours de sa décision devant le conseil d'État (art. 10).

B. Lois relatives à un intérêt de défense nationale.

366. Servitudes militaires ou défensives; défense des places de guerre; faits de guerre.

367. Définition et législation des servitudes militaires ou défensives.

368. Du pouvoir de faire construire, de classer et déclasser les places de guerre; loi du 10 juillet 1851.

369. Rayon de défense des places de guerre; travaux mixtes; zones des servitudes militaires; objet de la servitude.

370. Compétence contentieuse et répressive des conseils de préfecture. 371. Défaut de droit à indemnité pour l'établissement des servitudes militaires ou défensives.

372. Cas d'ouverture à indemnité écrits dans la législation relative aux places fortes; caractères du décret du 10 août 1853; lois de 1791, 1811 et 1819.

373. Quatre états des places de guerre relativement aux questions d'indemnité. 374. État de paix.

375. État de guerre.

376. État de siége fictif; lois du 9 août 1849 et du 3 avril 1878.

377. État de siége effectif.

378. Compétence des tribunaux civils et de simple police.

379. Compétence de l'autorité administrative pour déclarer si une ville est classée comme place de guerre; difficulté relative à la place de Paris. 380. Autres questions de la compétence de l'autorité administrative. 381. Défaut de droit à indemnité contre l'État, le département et la commune, pour tous faits de guerre dommageables provenant de la défense nationale ou de l'ennemi.

382. Action de gestion d'affaires pouvant être exercée dans certains cas contre les communes.

383 et 383 bis. Lois spéciales du 6 septembre 1871 et du 7 avril 1873 qui accordent un dédommagement aux victimes des événements de 1870-1871. 384. Loi du 28 juillet 1874 accordant un dédommagement en raison des travaux militaires de la défense.

385. Servitudes autour des magasins à poudre de la guerre et de la marine; indemnité due seulement pour suppression de l'état de choses antérieur. 386. Compétence contentieuse et répressive du conseil de préfecture.

387. Zone frontière; travaux mixtes.

388. Compétence du conseil de préfecture.

389. Lignes télégraphiques.

366. Servitudes militaires ou défensives; défense des places de

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