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DE LA COLLATION DES GRADES.

cerne le baccalauréat ès lettres et le baccalauréat ès sciences, pour tous les candidats indistinctement, et, en ce qui concerne tous les autres grades, pour tous les élèves des facultés de l'État, pour ceux des facultés libres réunissant moins de trois facultés, et pour ceuxlà même de ces facultés se présentant pour l'obtention des grades devant les facultés de l'État.

Le législateur de 1875 avait cru sauvegarder encore ce principe tutélaire de tant d'intérêts sociaux, le droit exclusif de l'Etat de conférer les grades, dans les dispositions de ses articles 44 et 45 permettant aux étudiants de cette dernière catégorie de subir les épreuves devant un jury spécial ou mixte (partiellement emprunté à l'ancien jury combiné de la Belgique), présidé par un professeur de l'enseignement public et dont tous les membres devaient être nommés par le ministre, partie parmi les membres de l'enseignement public, partic parmi les membres de l'enseignement libre.

Ces dispositions de la loi de 1875 étaient considérées, avec raison suivant nous, dans une partie très-considérable de l'opinion publique, comme un empiétement par le nouvel enseignement libre sur les droits de l'Etat. Aussi, dès l'ouverture de la session législative de 1876, une déclaration du gouvernement, lue an deux Chambres dans leurs séances du 14 mars, avait annoncé la présentation d'un projet de loi relatif à la collation des grades, destiné à concilier la liberté de l'enseignement supérieur, nouvellement proclamée par la loi du 42 juillet 1875, « avec les droits de » l'État et les prérogatives nécessaires du pouvoir exécutif ». Ce projet de loi présenté par le ministre de l'instruction publique, an nom du gouvernement, le 23 mars 1876, avait été voté par la Chambre des députés le 7 juin, à la majorité de 357 voix contre 423; mais il fut rejeté par le Sénat dans sa séance du 24 juillet 1876, à la majorité de 444 voix contre 139.

469. La loi du 18 mars 1880, votée à une très-grande majorité par la Chambre des députés (364 voix contre 92), et par le Sénat (483 contre 98), a réalisé ce qui n'avait pu l'être en 1876. Cette loi, que nous reproduisons en entier, avec les dispositions principales conservées de la loi du 12 juillet 4875, ne s'est pas bornée à rendre à l'État la collation exclusive des grades (art. 4 et 5); comme il a été dit précédemment [no 464], la loi du 18 mars 1880 (art. 4 a rendu en outre à l'État la possession exclusive de son titre d'Université que les facultés libres ne pourront plus prendre, de mère que les certificats qu'elles pourront délivrer ne devront jamais

LOIS DU 12 JUILLET 1875 ET DU 18 MARS 1880.

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porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat. La loi de 1880, établissant la loyale concurrence du bon marché, établit la gratuité des inscriptions dans les facultés de l'État (art. 3) sans élever les droits d'examens; un décret du 20 mars 1880 a fait l'application immédiate de cet article 3 de la loi du 18 mars. Elle ajoute en outre à la liberté de l'enseignement supérieur la liberté des cours isolés que la loi de 1875 en avait retranchée et qui ne seront plus soumis qu'au régime de la déclaration préalable (art. 6); enfin l'article 7 fait disparaître la disposition anormale de la loi de 1875 (art. 44) qui permettait de conférer par décret la personnalité civile à des établissements qui ne pouvaient la perdre que par une loi [no 1579].

L'enseignement supérieur est libre (L. 12 juillet 1875, relative à la liberté de l'enseignement supérieur, art. 1er).. Tout Français âgé de vingt-cinq ans, n'ayant encouru aucune des incapacités prévues par l'article 8 de la présente loi; les associations formées légalement dans un dessein d'enseignement supérieur, pourront ouvrir librement des cours et des établissements d'enseignement supérieur, aux seules conditions prescrites par les articles suivants. Toutefois, pour l'enseignement de la médecine et de la pharmacie, il faudra justifler, en outre, des conditions requises pour l'exercice des professions de médecin ou de pharmacien. Les cours isolés dont la publicité ne sera pas restreinte aux auditeurs régulièrement inscrits resteront soumis aux prescriptions des lois sur les réunions publiques (abrogé). Un règlement d'administration publique déterminera les formes et les délais des inscriptions exigées par le paragraphe précédent (art. 2). —L'ouverture de chaque cours devra être précédée d'une déclaration signée par l'auteur de ce cours. Cette déclaration indiquera les noms, qualités et domicile du déclarant, le local où seront faits les cours, et l'objet ou les divers objets de l'enseignement qui y sera donné. Elle sera remise au recteur dans les départements où est établi le chef-lieu de l'académie, et à l'inspecteur d'académie dans les autres départements. Il en sera donné immédiatement récépissé. L'ouverture du cours ne pourra avoir lieu que dix jours francs après la délivrance du récépissé. Toute modification aux points qui auront fait l'objet de la déclaration primitive devra être portée à la connaissance des autorités désignées dans le paragraphe précédent. Il ne pourra être donné suite aux modifications projetées que cinq jours après la délivrance du récépissé (art. 3). — Les établissements libres d'enseignement supérieur devront être administrés par trois personnes au moins. La déclaration prescrite par l'article 3 de la présente loi devra être signée par les administrateurs ci-dessus désignés; elle indiquera leurs noms, qualités et domiciles, le siége et les statuts de l'établissement, ainsi que les autres énonciations mentionnées dans ledit article 3. En cas de décès ou de retraite de l'un des administrateurs, il devra être procédé à son remplacement dans le délai de six mois. Avis en sera donné au recteur ou à l'inspecteur d'académie. La liste des professeurs et le programme des cours seront communiqués chaque année aux autorités désignées dans le paragraphe précédent. Indépendamment des cours proprement dits, il pourra être fait dans lesdits établissements des conférences spéciales sans qu'il soit besoin d'autorisation préalable. Les autres

T. I.

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LOI DU 18 MARS 1880.

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formalités prescrites par l'article 3 de la présente loi sont applicables à l'ouverture et à l'administration des établissements libres (art. 4). Les cours et établissements libres d'enseignement supérieur seront toujours ouverts et accessibles aux délégués du ministre de l'instruction publique. La surveillance ne pourra porter sur l'enseignement que pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la Constitution et aux lois (art. 7).

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Les examens et épreuves pratiques qui déterminent la collation des grades ne peuvent être subis que devant les facultés de l'État. Les examens et épreuves pratiques qui déterminent la collation des titres d'officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et herboristes ne peuvent être subis que devant les facultes de l'État, les écoles supérieures de pharmacie de l'État et les écoles secondaires de médecine de l'État (Loi du 18 mars 1880, relative à la liberté de l'enseignement supérieur, art. 1). Tous les candidats sont soumis aux mêmes règles en ce qui concerne les programmes, les conditions d'âge, de grades, d'inscriptions, de travaux pratiques, de stage dans les hôpitaux et dans les officines, les délais obligatoires entre chaque examen et les droits à percevoir au profit du Tresor public (art. 2).— Les inscriptions prises dans les facultés de l'État sont gratuites (art. 3). Les établissements libres d'enseignement supérieur ne pourront, en aucun cas, prendre le titre d'universités. Les certificats d'études qu'on y jugera à propos de décerner aux élèves ne pourront porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat (art. 4). — Les titres ou grades universitaires ne peuvent être attribués qu'aux personnes qui les ont obtenus après les examens ou les concours réglementaires subis devant les professeurs ou les jurys de l'État (art. 5). L'ouverture des cours isolés est soumise, sans autre réserve, aux formalités prévues par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1875 (art. 6). — Aucun établissement d'enseignement libre, aucune association formée en vue de l'enseignement supérieur ne peut être reconnue d'utilité publique qu'en vertu d'une loi (art. 7).—Toute infraction aux dispositions des articles 4 et 5 de la présente loi sera punie d'une amende de 100 à 1,000 fr., et de 1,000 à 3,000 fr. en cas de récidive (art. 8). - Sont abrogées les dispositions des lois, décrets, ordonnances et règlements contraires à la présente loi, notamment l'avant-dernier paragraphe de l'article 2, le paragraphe 2 de l'article 5 et les articles 11, 13, 14 et 15 de la loi du 12 juillet 1875 (art. 9).

470. Après avoir indiqué dans les numéros qui précèdent les bases principales de la législation sur l'enseignement et l'Université, nous devons commencer l'étude des trois sortes de conseils [no 467] préposés, avec l'administration universitaire, à la représentation et à la direction de ces grands intérêts.

La loi du 27 février 1880, après de solennelles discussions, a fixé le régime du conseil supérieur de l'instruction publique, en abrogeant la loi antérieure du 19 mars 1873. Les remarquables rapports présentés aux deux chambres ont exposé ou résumé ' les nom

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« Nous ne dirons que très-peu de mots sur les précédents de la question que nous avons à discuter. Il y a soixante-dix ans qu'un conseil de l'instruetion publique a été créé chez nous pour la première fois, et que, sous divers

HISTOIRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR.

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breuses vicissitudes de cette institution. Tantôt le principe de la nomination par décret des membres du conseil comme dans le conseil de l'Université de 1808, le conseil royal de 1820 à 1848 et le conseil impérial de 1852 à 1870, tantôt le principe électif comme en 1850 et en 1873, l'ont emporté. Tantôt le législateur a été inspiré par l'idée, dominante à ces trois dates dernières (1850, 1852, 1873), de placer dans le conseil supérieur la représentation « des grandes >> influences sociales », et surtout l'épiscopat, et de leur donner, avec la protection de l'enseignement libre, une part dans le gouvernement de l'Université, cependant étrangère à la direction de l'enseignement libre; tantôt au contraire, comme de 1808 à 1850 et dans la loi du 27 février 1880, le législateur a voulu faire du conseil « le congrès des représentants de l'enseignement en France », fondé sur le principe de la compétence pédagogique et de l'exercice réel de l'enseignement par tous ceux qui le composent.

C'est à ces divers points de vue que l'on a pu dire que la loi du 27 février 1880 rendait l'Université à elle-même. En raison de ses attributions administratives et pédagogiques qui priment de beaucoup ses attributions de juridiction, le conseil supérieur ne se compose plus, en principe, et sauf quatre membres de l'enseignement libre, que d'universitaires, au lieu des éléments divers pris depuis 1850 dans le clergé des divers cultes reconnus par l'État, le conseil d'État, la cour de cassation, et même la marine

noms et sous diverses formes, cette institution a toujours subsisté, au milieu des bouleversements politiques dont notre pays a continué d'être le théâtre et la victime depuis le début de ce siècle. Fondé par les grands décrets-lois du 17 mars 1808 et du 15 novembre 1811; maintenu, quoique mutilé, par l'ordonnance du 17 février 1815 qui détruisait l'Université impériale; réduit, par l'ordonnance du 15 août suivant, à une commission de cinq membres dont M. RoyerCollard était le président; rétabli en partie et successivement avec l'Université par les ordonnances du 27 février 1821, du 1er juin 1822, du 26 août 1824, du 4 janvier et du 10 février 1828; ramené à sa première organisation de 1808 par l'ordonnance du 7 décembre 1845; profondément modifié par la loi du 15 mars 1850, que vint aggraver encore le décret-loi du 19 avril 1852; enfin, restauré par la loi du 19 mars 1873 dans le même esprit qui avait inspiré celle de 1850, le conseil de l'instruction publique, dont on n'a jamais pu se passer tout à fait, a subi les phases les plus contraires sous l'Empire, sous la monarchie légitime, sous la royauté de Juillet, sous la seconde République, sous le second Empire et sous la troisième République... La composition du conseil, ses attributions, sa compétence juridique, son action et son influence ont varié au moins autant que son personnel; et cette branche de l'administration, où la fixité et la tradition seraient mieux placées que partout ailleurs, a été livrée à de continuelles et fatales vicissitudes (Rapport au Sénat par M. Barthélemy SaintHilaire ».

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CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE;

et l'armée. La Chambre des députés avait eu le tort d'admettre dans le nouveau conseil deux sénateurs et deux députés; le Sénat a bien fait de supprimer ces quatre membres du parlement, représenté dans le conseil par la haute autorité du ministre; leur présence dans le conseil eût été contraire au principe posé; le Sénat s'en est rapproché en leur substituant cinq membres pris chacun dans une des cinq classes de l'Institut, dont la haute capacité pédagogique est incontestable. C'est aussi en vertu d'une application exacte du principe de la loi nouvelle que le Sénat a introduit dans le conseil, à côté des représentants des autres facultes, deux délégués des facultés de théologie catholiques et protes

tantes.

Le conseil supérieur formé sur ces bases est composé de 58 menbres le ministre, président; 44 membres élus par les divers corps universitaires, d'enseignement supérieur, secondaire et primaire, par l'Institut de France, le Collége de France, le Muséum, l'École des chartes, l'École polytechnique, l'École des beaux-arts, le Conservatoire des arts et métiers, l'École centrale des arts et manufactures et l'Institut agronomique; et 13 membres nommés par décret, sur la proposition du ministre, neuf parmi certains fonctionnaires ou anciens fonctionnaires de l'Université, et quatre parmi les membres de l'enseignement libre.

Un arrêté ministériel du 16 mars 1880, rendu en exécution da règlement étudié au numéro suivant, a fixé aux 45 et 29 avril 4888 la première élection des membres du conseil, qui ait eu lieu en vertu de la loi nouvelle. Tous sont élus ou nommés pour quatre ans et peuvent être indéfiniment réélus ou renommés.

Le conseil supérieur de l'instruction publique est composé comme il Le ministre, président; cinq membres de l'Institut, élus par l'Institut en assezblée générale et choisis dans chacune des cinq classes; neuf cons-L. S nommés par décret du président de la République en conseil des min sur la présentation du ministre de l'instruction publique, et choisis parti directeurs et anciens directeurs du ministère de l'instruction publique, les pecteurs généraux et anciens inspecteurs généraux, les recteurs et anciens reo teurs, les inspecteurs et anciens inspecteurs d'académie, les professeus exercice et anciens professeurs de l'enseignement public; deux professeurs à Collège de France, élus par leurs collègues; un professeur du Museum, ture ses collègues; un professeur titulaire des facultés de théologie catholique, par l'ensemble des professeurs, des suppléants et des chargés de cours de-* facultés; un professeur titulaire des facultés de théologie protestante, capt les professeurs, les chargés de cours et les maîtres de conférences; deux pr fesseurs titulaires des facultés de droit, élus au scrutin de liste par les fesseurs, les agrégés et les chargés de cours; deux professeurs titulaires .9 facultés de médecine ou des facultés mixtes, élus au scrutin de liste par .#

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