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SANCTION DE L'ARTICLE 75 ABROGÉ DE LA

reur c. Fouque, S. 64, 1, 56; P. 64, 395; ch. crim. 45 mai 1868, Lafranchi c. Peretti, S. 69, 4, 389). Toutefois, les deux arrêts déjà cités du 15 mai 1866 (Sens c. Pinard; Coll c. Pinard) avaient décidé que, « s'il est vrai que la demande formée contre un agent du » gouvernement pour un fait relatif à ses fonctions n'est pas nulle » dans son principe, par cela seul que l'autorisation de pour» suivre n'a pas été accordée, un tribunal peut, en l'absence de » toute conclusion à fin de sursis, déclarer cette demande n » recevable; cette non-recevabilité, se référant nécessairement à » l'état dans lequel se trouvait la cause en l'absence de toute de>> mande de sursis, ne portait pas préjudice aux droits que les par >> ties pourraient prétendre exercer en remplissant ultérieuremen. » le vœu de la loi ».

La seconde sanction que recevait la règle de la garantie administrative était d'ordre pénal; la forfaiture et la dégradation civique sont écrites dans le texte [cité n° 649 et 656] de la loi des 46-21 act 1790 et dans l'article 427 du Code pénal, et une amende de 4001 500 francs dans l'article 429 du même Code, contre chacun des officiers de police judiciaire ou du ministère public et des juges, qui, après réclamation de la partie poursuivie et avec volonté e violer la loi, auraient méconnu la prescription de l'article 75 l'Acte constitutionnel du 22 frimaire de l'an VIII.

Il faut rappeler que l'article 3 de l'ordonnance du 1er juin 482 [reproduit au no 668] refuse expressément la sanction résultar pour l'administration de la faculté d'élever le conflit. Cette inter diction s'expliquait par ce motif, que le tribunal judiciaire devan lequel on poursuivait un fonctionnaire sans l'autorisation du cor seil, quoique irrégulièrement saisi en l'état, était compétent an fond, circonstance qui écarte les éléments juridiques constitutis du conflit d'atributions'.

Comme c'était par un motif d'ordre public et d'intérêt général que la ge rantie administrative était assurée par la loi aux agents du gouvernement, % non dans leur intérêt privé, l'agent du gouvernement poursuivi ne pouval ! renoncer ni formellement, ni tacitement en s'abstenant de s'en prevaloir. Ins ce cas, le ministère public et même les juges devaient suppléer d'office erke exception protectrice des fonctions administratives. Il en était encore aizs.. l'autorisation du conseil d'État était nécessaire, même lorsqu'au moment del poursuite le fonctionnaire avait cessé ses fonctions; la garantie n'abanken. jamais l'acte auquel le fonctionnaire avait procédé en cette qualité. Un avis conseil d'État du 16 mars 1807, approuvé par décret impérial, avail fall exc ion à cette dernière règle en ce qui concerne les « comptables re.cula de deniers publics et passibles, à ce titre, de poursuites criminelles. Nous 2

CONSTITUTION DE L'AN VIII; OBSERVATIONS.

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86. Une triple observation découle de l'exposé qui précède : • En présence de la disposition si laconique de l'article 75 de la stitution de l'an VIII, la jurisprudence avait, en cette mae, une mission très-étendue, aussi bien celle des tribunaux de dre judiciaire que celle du conseil d'État; de là les difficultés >plication multiples dont ce texte était l'objet.

• L'interdiction d'élever le conflit pour cause d'inobservation ces prescriptions avait pour conséquence de laisser à l'autorité ciaire le dernier mot sur la question d'application de l'article 75, s'il s'est produit sur certaines questions débattues [notamit n° 684 2o] une tendance à exagérer la portée de cet article, e tendance se révèle plus dans la jurisprudence des cours pel et de la cour de cassation que dans celle du conseil d'État. • Enfin, au lieu d'un texte de trois lignes, il n'eût pas été trop e loi complète pour réglementer le principe de la garantie inistrative, en déterminer d'une manière précise toutes les

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ns, conformément à la jurisprudence du conseil d'État, contraire en ce à celle de la cour de cassation, que cette disposition de l'avis de 1807 Lituait une dérogation au principe, et qu'elle devait être restreinte à l'esqu'il prévoit. En conséquence du même principe, la cour de cassation iv. deux arrêts du 15 mai 1866: Sens c. Pinard; Coll c. Pinard) avait déque l'article 75 de la Constitution de l'an VIII était applicable en Algérie e en France. — La demande d'autorisation de poursuivre était formée, soit partie, en forme de lettre ou de pétition au conseil d'État, soit par le mi-e public. Si la partie demandait à poursuivre devant les tribunaux de réon, elle devait avoir préalablement déposé une plainte, et était tenue de Darvenir sa requête par l'intermédiaire du ministère public et du ministre justice; si elle voulait, au contraire, agir devant les tribunaux civils, elle it adresser sa requête au secrétariat général du conseil d'État, par l'indiaire du préfet ou du ministère public. L'instruction de l'affaire était e par l'ordonnance du 18 septembre 1839 à la section de législation à qui cemis l'avis du ministre au département duquel appartenait le fonctioninculpé; l'assemblée générale du conseil d'État, sur le rapport de la sectatuait comme toujours en la forme administrative, c'est-à-dire sans puni débat oral; les parties ou leurs avocals pouvaient seulement faire vaurs moyens par mémoires déposés au secrétariat du conseil d'État. Les préparés par le conseil d'État en cette matière pouvaient contenir trois de décisions: 1o refus d'autorisation; 2° autorisation accordée; 3° nonstatuer. Cette dernière solution intervenait lorsque l'autorisation était dée par un fonctionnaire ou à l'occasion d'un acte auquel l'article 75 de stitution de l'an VIII était inapplicable, ou lorsque les formalités voulues =nt pas été remplies, telles que la plainte préalable de la partie civile qui poursuivre devant un tribunal correctionnel, ou l'instruction préalable ment exigée par interprétation du décret du 9 août 1806) lorsque c'était le ere public qui sollicitait l'autorisation de mettre en jugement.

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DÉCRET DU 19 SEPTEMBRE 1870

conditions d'application, en proscrire toute tentative d'empl abusif, et, par là, prévenir ou empêcher une partie des attaques dont il a été l'objet. En 1835, un projet de loi destiné à remplacer l'article 75 avait été soumis à la chambre des pairs et à la chambr des députés; il n'aboutit pas, et il est regrettable pour l'institut. que l'idée n'ait pas été reprise.

687. Le décret du gouvernement de la défense nationale di 19 septembre 1870 est ainsi conçu : « Art. 4. L'article 75 de à » Constitution de l'an VIII est abrogé. Sont également abroges » toutes autres dispositions des lois générales ou spéciales a » pour but d'entraver les poursuites dirigées contre les fonct »naires publics de tout ordre. Art. 2. Il sera ultérieure >> statué sur les peines civiles qu'il peut y avoir lieu d'édicter de » l'intérêt public contre les particuliers qui auraient dirige » poursuites téméraires contre les fonctionnaires ».

688. De l'abrogation de l'article 75, prononcée par le 1 l'article 4 du décret ci-dessus, il résulte, comme conséquen directe, que l'action publique, redevenue indépendante en a matière, n'est plus soumise à aucun préalable, quand il s'agi faits, réprimés par les lois pénales, commis par des agent gouvernement en abusant de leurs fonctions. Toutes les dise tions du Code d'instruction criminelle, et l'article 11 de la la 20 avril 1840, en un mot le droit commun, deviennent als ment applicables. Il en est de même, pour l'action civile & partie qui se prétend lésée, des dispositions soit du Code dep cédure civile, soit du Code d'instruction criminelle. Enfis, portion des articles 127 et 129 du Code pénal, relative à la en jugement des agents du gouvernement, et qui formait la su tion répressive de l'article 75, participe de son abrogation.

689. On a déjà pu voir ci-dessus, à propos d'une importa affaire de diffamation [n° 670], les conséquences immédias décret du 19 septembre 1870 en ce qui touche les pou l'autorité judiciaire saisie d'actions en responsabilité contre agents du gouvernement. Ces conséquences ont été de no consacrées dans la jurisprudence judiciaire. La cour de cast tion (ch. req. 3 juin 1872, Meyère c. Rollin), après et com cour d'appel de Dijon (9 août 1871), dans une affaire qui a d le ministre de la justice et le ministre de la guerre, a été am

PORTANT ABROGATION DE L'ARTICLE 75.

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écider que « l'abrogation, par le décret du 19 septembre 1870, le l'article 75 de la Constitution de l'an VIII, ainsi que de toutes es autres dispositions législatives qui entravaient les poursuites lirigées contre les fonctionnaires publics, a nécessairement our effet de rendre les tribunaux compétents pour apprécier et qualifier les actes imputés aux agents du gouvernement et qui onnent lieu à une action en réparation ». Sans aucun doute, aurait tort de prétendre qu'il suit de là que le principe de séparation des deux autorités aurait cessé d'exister; c'est ce ont parfaitement démontré les conclusions (Sirey, 1872, 4, ; Dalloz, 72, 4, 385), conformes à l'arrêt ', données dans cette aire par feu M. l'avocat général Reverchon, dont la parole tours autorisée empruntait particulièrement, dans un débat de cette ure, une autorité considérable aux remarquables travaux par publiés sur le droit administratif, et spécialement sur ce sujet. s il faut aussi reconnaître que le savant magistrat disait vrai tenant ce langage devant la cour suprême : « Oui, il (le décret u 19 septembre 1870) a porté une atteinte incontestable au

Voici le texte entier de cet important arrêt de la chambre des requêtes du in 1872 :

La Cour, sur le moyen unique du pourvoi, tiré de la violation du cipe de la séparation des pouvoirs, de l'article 10 de la loi du 10 juillet , et de l'article 101 du décret du 24 décembre 1811; attendu que le et rendu par le gouvernement de la défense nationale le 19 septembre , lequel abroge l'article 75 de la Constitution de l'an VIII, ainsi que toutes autres dispositions des lois générales et spéciales ayant pour objet d'ener les poursuites dirigées contre les fonctionnaires publics de tout ordre, cessairement pour effet d'appeler les tribunaux à apprécier et qualifier ctes imputés aux agents du gouvernement, et qui donnent lieu à une n en réparation civile; attendu que si les tribunaux saisis devaient eoir à statuer sur le fond jusqu'à ce que l'acte imputé eût été soumis à men de l'autorité administrative, ce serait faire revivre, sous une autre e, en faveur des agents poursuivis, la garantie stipulée par l'article 75 de onstitution de l'an VIII, que le décret du 19 septembre 1870 a eu pour but ire entièrement disparaître; attendu, d'une part, qu'il appartenait à la d'appel de déterminer la qualité des parties en cause devant elle, et de rer si le demandeur originaire était militaire ou devait être assimilé à ilitaire; attendu enfin que nul texte de loi ne donne à un général nandant une place en état de siége le droit de faire arrêter et incarcérer imple citoyen sans le faire traduire devant la justice répressive; ors qu'en statuant au fond sur l'action dirigée par Rollin contre Meyère, condamnant ce dernier à des dommages-intérêts pour avoir fait arrêter tenir illégalement pendant quinze jours, dans la prison de Langres, le deur éventuel, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes de loi invoqués e pourvoi; rejette..... »

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attendu

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EFFETS DU DÉCRET DU 19 SEPTEMBRE 1870 SUR

» principe de la séparation des pouvoirs, et l'on ne peut guère » supposer que ses auteurs ne l'aient pas signé en pleine connais»sance de cause. Mais alors même qu'ils n'en n'auraient pas vu >> toute la gravité, l'autorité judiciaire n'a pas à le juger, et elle » doit, comme le conseil d'État l'a déjà fait dans des circonstances >> identiques, en assurer l'exacte et sincère application ». D'autres décisions de cours d'appel et de la cour de cassation ont également déduit du décret du 19 septembre 1870 certaines extensions de la compétence judiciaire (Lyon, 23 juillet 1872, Valentin; Paris, 28 mars 1873, Petit; c. c. ch. civ. février 1873, Blanc c. faillie Beaucourt et fabrique d'Allanck; ch. req. 18 mars 1873, arrè d'admission, Héraud c. Beaupré-Fouché; ch. crim. 20 juin 1873; [voir, no 670, arrêts de la chambre criminelle et du conseil d'Ent dans l'affaire d'Angers de 1870]).

C'est en s'inspirant de cette jurisprudence qu'un jugement & tribunal de Senlis du 7 mai 1873 s'était déclaré compétent, por connaître d'une demande en dommages-intérêts à raison de sais et interdiction de journal ordonnées par le général commanda l'état de siége et le préfet de l'Oise, et avait rejeté le déclinat proposé par le préfet. Mais, sur l'arrêté de conflit, le tribunal de conflits a rendu, le 26 juillet 1873 (Pelletier c. de Ladmires Choppin et Leudot), une décision en sens contraire annulant

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Voici la partie essentielle de cette grave décision du tribunal des c du 26 juillet 1873 :

« Considérant que l'ensemble de ces textes [ceux rapportés no 680 etf établissait deux prohibitions distinctes qui, bien que dérivant l'une et l'autr du principe de la séparation des pouvoirs dont elles avaient pour but d'ass l'exacte application, se référaient néanmoins à des objets divers et ne preds saient pas les mêmes conséquences au point de vue de la juridiction; que • prohibition faite aux tribunaux judiciaires de connaître des actes d'admin tration de quelque espèce qu'ils soient, constituait une règle de compens absolue et d'ordre public, destinée à protéger l'acte administratif, trouvait sa sanction dans le droit conféré à l'autorité administrative de p*poser le déclinatoire et d'élever le conflit d'attributions, lorsque, contraire. à cette prohibition, les tribunaux judiciaires étaient saisis de la connaissa d'un acte administratif; que la prohibition de poursuivre les agents du g vernement sans autorisation préalable, destinée surtout à protéger les | tionnaires publics contre des poursuites téméraires, ne constituait pas règle de compétence, mais créait une fin de non-recevoir formant obsta toutes poursuites dirigées contre ces agents pour des faits relatifs à leurs f tions, alors même que ces faits n'avaient pas un caractère administra• constituaient des crimes ou délits de la compétence des tribunaux judiiri que cette fin de non-recevoir ne relevait que des tribunaux judiciaires et TM pouvait jamais donner lieu, de la part de l'autorité administrative, 4

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