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RÉGIME DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE.

obtenu, et ne pouvant être exploité hors du lieu pour lequel il avait été délivré. Le brevet pouvait être vendu, sauf au successeur à se faire agréer par l'administration, à qui une condamnation encourue pour contravention aux lois et règlements conférait le droit de retirer le brevet. Ceux qui imprimaient sans brevet étaient coupables du délit de possession d'imprimerie clandestine, puni par la loi de 1844 (art. 13); le décret du 17 février 1852 (art. 24) avait également réprimé l'exercice illégal de la librairie, impuni jusque-là, malgré l'interdiction de la loi de 1844. Les imprimeurs lithographes et en taille-douce étaient assimilés aux imprimeurs, par l'ordonnance du 8 octobre 1817 et le décret du 22 mars 1852, et les loueurs de livres aux libraires par la jurisprudence.

779. Le projet de loi sur la presse, discuté en 1868 par le Corps législatif et devenu la loi du 11 mai 1868, proposait de revenir, pour les libraires et imprimeurs, au principe de la liberté professionnelle [no 787]. Il supprimait pour eux, comme pour le journal, la nécessité du brevet et ne leur imposait plus que la déclaration préalable. Mais, des difficultés s'étant produites sur le principe même du droit à une indemnité pour les imprimeurs et libraires, une proposition d'enquête sur la question fut agréée, et l'article du projet remplacé par la disposition de l'article 44 de la loi de 4868, qui assurait aux gérants de journaux « l'autorisation d'établir une » imprimerie exclusivement destinée à l'impression du journal ». On ne voulut résoudre la question de liberté industrielle qu'en même temps que la question d'indemnité.

780. Un décret du gouvernement de la défense nationale du 10 septembre 1870 a cru devoir, au contraire, s'empresser de résoudre la première question en réservant la seconde. Il proclame la liberté absolue des professions d'imprimeur et de libraire, en soumettant à une simple déclaration, dépourvue même de sanction pénale, l'exercice de ces professions; et il dispose qu'il sera ulterieurement statué sur les conséquences de cette mesure à l'égard des titulaires actuels de brevets.

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Les professions d'imprimeur et de libraire sont libres (Décret du 10 septembre 1870, art. 1). Toute personne qui voudra exercer l'une ou l'autre de ces professions sera tenue à une simple déclaration faite au ministère de l térieur (art. 2). Toute publication portera le nom de l'imprimeur (art. 3). Il sera ultérieurement statué sur les conséquences du présent décret à l'égard des titulaires actuels de brevets (art. 4).

DES DISTRIBUTEURS ET COLPORTEURS DE LIVRES.

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784. La loi sur le colportage du 27 juillet 1849 (art. 6), avait umis tous distributeurs ou colporteurs de livres à l'obligation e se pourvoir d'une autorisation préfectorale. La prohibition s'apliquait aussi à une distribution accidentelle, même gratuite et tite à domicile (c. cass. 29 avril 1859, 17 août 1860, 7 mars 1863); ême à celle faite par l'auteur de l'écrit (ch. crim. 12 décembre 862, Guibouin); même à celle d'un mémoire sur procès, nonobsint la protection donnée par la loi du 17 mai 1849, art. 23, aux crits produits en justice dans le seul intérêt de la libre défense es parties, si l'écrit n'a pas trait direct à une instance pendante c. cass. 7 mars 1863, Mirès), si la distribution a eu lieu dans le ublic avant l'introduction de l'action en justice (c. cass. 25 juin 852), ou dans le public après le prononcé du jugement (ch. crim. 14 mars 1874, Lorbaud), ou même d'après la cour de Douai (1er décembre 1872) pendant l'instance, mais en dehors des juges et des parties en cause; même à la distribution faite par l'auteur de l'écrit orsqu'il la considère comme rentrant dans l'exercice de ses fonctions de ministre d'un culte reconnu par l'État, comme la distribution d'une brochure contre l'ivrognerie faisant appel aux sentiments religieux et chrétiens (Lyon, 44 janvier 1873, Dardier). Cette dernière application d'un texte absolu pouvait, en même temps, en être la satire.

Ce texte avait été étendu par la jurisprudence à la distribution des bulletins électoraux; la loi du 30 novembre 1875 sur l'élection des députés, par son article 3 [n° 561], impose une solution contraire.

La loi ci-dessus analysée [n° 777] du 29 décembre 1875 a trèslargement interprété aussi cet article 6 de la loi du 27 juillet 1849, en considérant qu'il fallait un texte pour retirer à l'autorité administrative le droit d'interdire la vente et la distribution d'un journal déterminé sur la voie publique (art. 3); en outre elle a étendu les règles du droit commun en matière de complicité, des cas de crimes et délits, à ceux de simples contraventions à la législation sur le colportage (art. 2).

De ces textes il résultait: qu'en supposant que cet article 6 fût applicable aux journaux et que l'autorité préfectorale eût le droit d'interdire la vente sur la voie publique d'un journal déterminé, ce droit avait cessé de lui appartenir; que le colportage des journaux ne peut avoir lieu que par des vendeurs et distributeurs pourvus de l'autorisation ordinaire de colportage exigée par l'article 6; que la règle s'applique à tous les journaux sans exception (circulaires du ministre de l'intérieur des 2 avril et 5 mai

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LOI DU 17 JUIN 1880 SUR LE COLPORTAGE.

1876); que la simple distribution des journaux aux abonnés on souscripteurs ne constitue pas le fait de colportage; mais l'interdiction générale de toute vente de journaux quelconques sur la voie publique restait dans le droit de l'administration [voir no 785].

782. En exposant l'état de la législation et de la jurisprudence avant 1880, nous venons de présenter le commentaire de la loi relative au colportage du 17 juin 1880 qui a pris le contrepied des lois antérieures en les abrogeant, et établi la liberté du colportage, sauf les poursuites de droit commun, en substituant le régime de la simple déclaration à celui de l'autorisation administrative pour les professions de colporteur et distributeur de tout produit de l'imprimerie, de la lithographie, de la gravure et de la photographie. La distribution et le colportage accidentels ne sont même assujettis à aucune déclaration.

Quiconque voudra exercer la profession de colporteur ou de distributeur sur la voie publique ou tout autre lieu public ou privé, de livres, écrits, brochures, journaux, dessins, gravures, lithographies et photographies, sera tenu de faire la déclaration à la préfecture du département où il a son domicile, et de justifier qu'il est Français et qu'il n'a pas encouru une condamnation pouvant entraîner privation de ses droits civils et politiques. Toutefois, en ce qui concerne les journaux et autres feuilles périodiques, la déclaration pourra être faite. soit à la mairie de la commune dans laquelle doit se faire la distribution, sait à la sous-préfecture. Dans ce dernier cas, la déclaration produira son efe pour toutes les communes de l'arrondissement (Loi du 17 juin 1880, relative au colportage des livres, brochures, lithographies et autres écrits imprimés, art. 1). — La déclaration contiendra les nom, prénoms, profession, domicile, âge et lieu de naissance du déclarant. Il sera délivré immédiatement et sa frais au déclarant un récépissé de sa déclaration. Tout colporteur ou distributeur devra être, en outre, muni d'un catalogue qui contiendra l'indication des objets énumérés à l'article 1er destinés à la vente. Ce catalogue sera dressé sur ca livret qui sera coté, visé et paraphé à l'avance par le préfet ou le sous-préfet. Pour le colportage et la distribution des journaux dans une commune, le livret pourra être visé par le maire. Le récépissé et le catalogue devront être présentés, par le colporteur, à toute réquisition de l'autorité compétente, qui aura toujours le droit de vérifier si les objets colportés ou distribués sont mentionnés au catalogue. Les objets mentionnés au catalogue pourront seuls être cul portés ou distribués (art. 2). — La distribution et le colportage accidentels ne sont assujettis à aucune déclaration (art. 3). — L'exercice de la profession de colporteur ou de distributeur sans déclaration préalable, ou après déclaration faite par un individu incapable, en vertu de l'article 5 ci-après, la fausseté de la déclaration, l'absence de catalogue, la détention par le colporteur on distribut d'objets non mentionnés au catalogue, le défaut de présentation à toute roȚusition du récépissé ou du catalogue, constituent des contraventions. Les cuttrevenants seront punis d'une amende de 5 à 15 francs et pourront l'être en outre d'un emprisonnement d'un à cinq jours. En cas de récidive, de declaration mensongère ou de déclaration faite par un individu incapable en vertu de l'ar

LOIS SUR L'AFFICHAGE.

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le 5 ci-après, l'emprisonnement sera nécessairement prononcé. L'article 463 Code pénal pourra être appliqué (art. 4). Les colporteurs et distributeurs urront être poursuivis conformément au droit commun, s'ils ont sciemment lporté ou distribué des livres, écrits, etc., présentant un caractère délictueux. es tribunaux pourront prononcer l'interdiction de l'exercice de la profession colporteur ou de distributeur à tout individu condamné en vertu du présent ticle (art. 5). L'article 6 de la loi du 27 juillet 1849, l'article 2 de la loi du décembre 1875, la loi du 9 mars 1878, et toutes les dispositions des lois, donnances, décrets ou règlements relatifs au colportage ou à la distribution s objets énumérés à l'article 1er, sont abrogés (art. 6).

783. La loi du 10 décembre 1830, portant abrogation de l'arcle 290 du Code pénal, prohibe toute publication politique par la ie de l'affichage, sauf en ce qui concerne les affiches de l'autorité ublique, qui seules, aux termes de la loi des 22–28 juillet 1791, euvent être imprimées sur papier blanc [no 1292 3o], et sauf, pour s particuliers, les périodes électorales dont l'époque et la durée ont déterminées par la loi du 16 juillet 1850, article 10. Par suite, en dehors de ces exceptions strictement limitées, aucun écrit ontenant des nouvelles politiques ou traitant d'objets politiques e peut être affiché ou placardé dans les rues, places ou autres eux publics; la règle est générale et absolue; elle s'applique à ut écrit rentrant dans la définition de la loi, tel qu'un avis onné aux citoyens d'avoir à réclamer leur inscription sur la liste lectorale (Paris, 1er octobre 1874, Germinet et Maurice), et quel u'en soit le signataire, simple particulier ou membre d'un conseil lectif, même député ou sénateur. Mais comme il s'agit dans espèce d'une contravention et que les articles 59 et 60 du Code énal sur la complicité ne s'étendent pas de plein droit aux conaventions, dans le silence de la loi de 1830, l'afficheur seul, et non auteur de l'écrit étranger à l'affichage, peut être poursuivi (arrêt -dessus). On peut supposer que dans l'espèce l'auteur a payé les 00 fr. d'amende; ce n'en était pas moins une lacune peu équitable, irtout depuis la loi du 29 décembre 1875, art. 2.

784. La loi du 10 décembre 1830, n'étant relative qu'aux maères politiques, n'a aucunement modifié ni restreint le droit, que autorité municipale tient des lois antérieures, de subordonner à on autorisation préalable les publications et affiches de tous plaards et annonces relatifs à d'autres objets, les actes de l'autorité ublique exceptés (ch. crim. 19 juillet 1862, Lemille) [voir, no 203, loi des 16-24 août 1790, titre XI, art. 3, et, no 202, la loi du 8 juillet 1837, art. 1031].

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LOI ORGANIQUE SUR LA PRESSE DE 1884.

785. Cette même loi du 10 décembre 1830 oblige, en outre, quiconque voudra exercer, même temporairement, le méie d'afficheur ou crieur, de vendeur ou distributeur, sur la v publique, d'écrits quelconques, à en faire préalablement la déc ration devant l'autorité municipale et à indiquer son domicile. La loi du 16 février 1834 est venue transformer la simple déclara exigée par la loi précédente, en la nécessité d'une autorisatio: préalable de l'autorité municipale pour les crieurs (jugé qu'z seul fait de criage sur la voie publique sans autorisation préala constitue le délit; Colmar, 2 oct. 1866), vendeurs et distributes sur la voie publique, d'écrits, dessins ou emblèmes; les chanter sur la voie publique sont compris dans cette disposition.

786. Tous les développements qui précèdent [no 764 à 78 attestent l'extrême complication de la législation sur la presse telle qu'elle existe encore au moment où s'impriment ces ligne (mars 1881). Cette législation est éparse dans 42 lois différente dont les parties non abrogées présentent un total de 325 artide dont nous n'avons pu donner qu'un résumé sommaire dans ce de leurs prescriptions qui touchent le plus au droit administra. [voir aussi, no 815 et 816, les questions relatives aux insertions jac ciaires et légales]. Dès 1876, une commission de la Chambre de députés de 22 membres a commencé l'élaboration d'une loi or nique sur la liberté de la presse. Le travail de cette commission: donné lieu à un rapport très-étendu déposé sur le burean 2 la Chambre le 5 juillet 1880; il a été l'objet d'une discussion approfondie, qui a amené des modifications dans le projet de k présenté par la commission; et, dans sa séance du 17 février iss la Chambre des députés a voté ce nouveau code de la presse, car posé de 69 articles. Le double principe dont s'inspire ce projet é loi, destiné à remplacer toutes les lois diverses sur la presse, siste: 1° à ne permettre aucune restriction antérieure aux pab.cations, ce qui est le signe essentiel et constitutif de la liberté de b presse; et 2o à attacher la répression des crimes, délits et contr ventions commis par la voie de la presse, à ceux de ces actes cŒLsidérés par la loi comme des délits de droit commun. Bien que nous ayons attendu l'achèvement entier de cet ouvrage, pour çar cette feuille ne fût livrée à l'impression que la dernière de toutes nous ne pouvons que donner l'œuvre de la Chambre des députés l'état de projet de loi, pendant qu'il est soumis aux délibération du Sénat. Nous le reproduisons in extenso dans un appendice plac à la fin du présent volume [page 788].

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