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qu'il nous paraît avoir surmonté aussi habilement que possible l'énorme difficulté de cette traduction. Il y a, même en Allemagne, où la limpidité du texte ne parait pas être regardée comme la condition essentielle. d'un code, peu de législations aussi abstraites et d'une compréhension aussi laborieuse dans bien des parties, que le savant projet élaboré pour l'empire, de 1874 à 1888. Si nous disions que M. de la Grasserie est arrivé à faire, d'un original aussi peu accessible aux profanes, une traduction d'une lecture toujours agréable, nons irions au delà de notre pensée et, probablement, de ses ambitions. Mais il a rendu avec beaucoup d'exactitude et de précision, et aussi clairement qu'il était possible de le faire, des propositions dont généralement le sens intime ne saute pas aux yeux et qu'il faut relire plusieurs fois avant d'en pénétrer toute la portée. Ce travail-là présentait déjà de grosses difficultés; M. de la Grasserie s'est acquis, en le menant à bonne fin, des titres très sérieux à la gratitude des jurisconsultes. Il y a joint, dans une Introduction d'une soixantaine de pages, un résumé fort bien fait de l'esprit du code, de la méthode suivie, des solutions proposées, des innovations introduites. Son livre donne à réfléchir; il sera consulté avec fruit par tous ceux qui pensent avec nous que, pour progresser dans le domaine législatif, il importe d'étudier avec grand soin tout ce qui se fait ou se prépare chez les nations voisines.

ERNEST LEHR.

24. Diccionario da legislação commercial brazileira, par A. DE SOUSA PINTO, t. I, fascic. 1 (Abatroacão-Brilhantes). - Lisbonne, Tavares Cardoso et irmão, 1893.

La législation commerciale brésilienne est encore peu connue en Europe. M. A. de Sousa Pinto, ancien avocat à Recife (Pernambouc), a entrepris de nous y initier sous la forme, d'ailleurs la plus pratique : celle d'un dictionnaire, où il reproduit, analyse et annote, à propos de chaque mot ayant une acception juridique, tous les articles du code de commerce ou des lois actuellement en vigueur concernant le commerce terrestre et maritime, les sociétés anonymes, la procédure devant le tribunal fédéral, etc. Ce dictionnaire, dont nous avons sous les yeux les cent quatre-vingts premières pages, est précédé d'une introduction très bien faite, où l'auteur indique, en partie d'après l'ouvrage magistral de nos amis MM. L. Renault et Lyon-Caen, en partie d'après sa connaissance personnelle du droit américain, toutes les sources du droit commercial dans les diverses parties du monde. Le travail de M A. de Sousa Pinto nous paraît fait avec autant de soin que de clarté, et nous le recommandons avec plaisir aux jurisconsultes, qui ne reculeront pas, pour étudier une législation intéressante, devant la petite difficulté de l'apprendre dans un livre en portugais.

ERNEST LEHR.

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25. Les codes du Congo, suivis des décrets, ordonnances et arrêtés complémentaires mis en ordre et annotés d'après leur concordance avec les codes et les textes du droit belge, utiles à leur interprétation et précédés des traités et autres actes internationaux, ainsi que des lois et actes législatifs belges relatifs à l'Etat indépendant, par LOUIS HÉBETTE et LAMBERT PETIT (2e édition).-1 vol. in-8° de xv et 360 pages. -Bruxelles, Ve Ferdinand Larcier, et Paris, G. Pédone-Lauriel, 1892. Après avoir reproduit ci-dessus tout au long le titre de cet ouvrage, nous n'avons besoin de rien ajouter pour que le lecteur soit parfaitement au fait de ce qu'il doit y trouver. Empressons-nous de dire que les auteurs ont fidèlement exécuté le programme. Les codes du Congo renferment par ordre de matière tout l'ensemble de la législation élaborée par le jeune État indépendant, depuis sa reconnaissance en février 1885 jusqu'en avril 1892. Nous avons déjà eu l'occasion ici même de constater l'importance de cette œuvre législative (1). Depuis la dernière fois qu'il en a été parlé dans la Rerue, les décrets les plus intéressants à signaler, au point de vue auquel nous nous plaçons, sont ceux du 15 septembre 1890 pour la recherche des infractions aux lois sur la liberté individuelle et le trafic des armes et des spiritueux;

Du 8 octobre 1890, sur l'organisation du conseil supérieur;
Du 20 février 1891, sur les étrangers et l'application des lois;

Du 4 mai 1891, sur la procédure (spécialement devant le Conseil supérieur, haute cour d'appel et de cassation);

Du 1er juillet 1891, pour répression de la traite des esclaves;

Du 4 août 1891, sur le trafic et le débit des spiritueux dans le bas Congo;

Du 10 mars 1892, sur l'importation et le trafic des armes à feu;

Du 9 avril 1892, sur l'établissement des droits d'entrée et de droits de sortie.

Citons aussi le décret sur la nationalité, qui ne date que du 27 dẻcembre 1892 et qui en conséquence ne se trouve pas reproduit dans le livre de MM. Hebette et Petit (2).

On remarquera que plusieurs de ces décrets sont la suite de l'Acte général et de la déclaration de la conférence de Bruxelles du 27 juillet 1890 (pour la répression de la traite des esclaves africains); aussi avons-nous été fort surpris de ne pas retrouver le texte de cet acte si important parmi les actes internationaux qui forment la première partie de l'ouvrage. Il y a là une omission à réparer dans une nouvelle édition.

Les actes législatifs belges se rapportant au Congo, reproduits dans une partie spéciale, méritent un examen attentif. Ils précèdent les relations. politiques et financières qui se sont établies jusqu'à ce jour entre la Bel

(1) T. XXI, 1889, p. 172 et 495.

(2) Voir le Bulletin officiel de l'État indépendant du Congo, 8° année, p. 326.

gique et le Congo et stipulent notamment le droit d'annexion réservé à l'État belge à partir de l'année 1900. Rien n'empêcherait au surplus que, de l'accord des deux États, cette annexion eût lieu plus tôt et la revision constitutionnelle qui se poursuit actuellement devant les Chambres belg s fournira sans doute au gouvernement l'occasion d'en ouvrir les voies.

En tête des codes du Congo figure une introduction qui forme un aperçu de l'organisation politique et administrative de l'État indépendant. Les tables chronologique, méthodique et alphabétique des matières contenues dans ce volume lui donnent un caractère d'utilité pratique indiscutable pour ceux qui ont intérêt à être informés de la législation congolaise. ÉDOUARD ROLIN.

26.

Sulla controversia del divorzio in Italia, par PASQUALE FIORE, professeur ordinaire à l'Université de Naples. Une brochure in-8°, de 64 pages. Turin, Unione tip.-editr., 1891.

Nous avons à nous reprocher de ne pas avoir signalé en son temps cette étude théorique très complète, faite par l'éminent jurisconsulte napolitain, sur la question du divorce en Italie, à propos d'un projet de loi présenté en février 1881 par le ministre Villa et qui, depuis lors, figure toujours à l'ordre du jour de la Chambre des députés. L'institution du divorce n'a pas pénétré jusqu'ici dans la législation italienne; le projet Villa a pour objet de l'y introduire, en l'entourant, bien entendu, de toutes les garanties qu'exige la constitution de la famille. Mais, en Italie, comme jadis dans d'autres pays où domine la religion catholique, cette réforme est vivement combattue. C'est ce qui a engagé M. Fiore à examiner successivement le principe de l'indissolubilité du mariage, les arguments présentés en faveur du divorce et les arguments, tant de fond que d'opportunité, contre l'institution du divorce. L'auteur a apporté à ce travail l'esprit de méthode, la clarté et aussi l'ingéniosité qui ont valu à ses autres œuvres, si nombreuses et considérables, une réputation universelle. Avec l'impartialité d'un esprit juridique, il se prononce en faveur du divorce, en tant bien entendu que simple exception à la règle essentielle de l'indissolubilité du lien conjugal, exception motivée non par les principes applicables aux contrats ordinaires, ni par le respect de la liberté individuelle, mais avant tout par l'intérêt même de la famille et de la morale sociale.

A nous qui avons en Belgique, depuis un nombre d'années déjà long, le régime du Code Napoléon en matière de divorce, ces discussions et ces hésitations causent un peu de surprise. En songeant aux controverses si chaudes dont le divorce a fait, il y a peu d'années, l'objet en France et dont il fait actuellement l'objet en Italie, les catholiques belges doivent songer aux « bâtons flottant sur l'onde » :

"De loin c'est quelque chose, et de près ce n'est rien. »

Il est permis au catholique le plus consciencieux d'avoir recours au divorce pour dissoudre le lien civil du mariage; ce qu'il ne peut se permettre, c'est de contracter de nouveaux liens conjugaux tant qu'il est lié à sa première femme suivant les lois religieuses. C'est là un point qui relève de la conscience de chacun. Nous voyons, du reste, en Belgique des cas très fréquents où le divorce, suivant la loi civile et l'annulation du mariage religieux, suivant le droit canon, viennent compléter leurs effets et dissoudre des unions malheureuses.

ÉDOUARD ROLIN.

27. Les syndicats de producteurs et détenteurs de marchandises au double point de vue économique et pénal, par HENRY BABLED, avocat à la cour d'appel. 1 vol. gr. in-8° de 255 pages. Rousseau, 1893.

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Paris, Arthur

Le livre de M. Babled a des mérites marqués de clarté, de science, d'exposition lucide, de discussion logique et serrée, auxquels s'en ajoute un autre qui en augmente le relief: le mérite de l'actualité. Dans ces dernières années, en effet, on a vu se former de formidables syndicats, qui, après avoir réussi pendant quelque temps à imposer leur loi sur les grands marchés du monde, se sont subitement effondrés, engloutissant dans leurs ruines des fortunes immenses et une multitude de capitaux modestes, fruits de l'épargne des petits.

M. Babled a déduit avec beaucoup de sagacité les causes économiques de la constitution de ces associations industrielles qui trop souvent ne poursuivent qu'un but d'accaparement et d'agiotage. Une production exagérée et dépassant les besoins, les débouchés extérieurs resserrés par les barrières protectionnistes qui de toutes parts se relèvent, une concurrence fièvreuse, la passion croissante de la spéculation, la baisse constante du revenu du capital, telles sont les origines des syndicats. Enrayer la diminution des prix, assurer aux capitaux un maximum de profits, en réglant et en limitant la production, telles sont leurs fins.

Lorsqu'ils dégénèrent en coalition et tendent à l'accaparement du marché, ils deviennent malfaisants, car ils nuisent au commerce tout autant qu'à l'industrie en créant sur le marché des perturbations dangereuses, suivies d'inévitables débâcles, et ils suppriment la concurrence par l'érection de monopoles, manœuvre artificielle de pur agiotage. L'auteur a divisé très heureusement son intéressant ouvrage de manière à en rendre l'étude plus simple et plus facile. Dans la première partie, il examine l'historique des syndicats, leurs méthodes et leurs résultats.

Il y a trois espèces de syndicats industriels ou commerciaux : les syndicats de limitation, qui ont pour but d'augmenter la valeur de leurs produits; les syndicats de répartition, qui ont pour but de leur procurer un écoulement plus régulier; les syndicats de groupement, qui poursuivent ces deux buts simultanément. Dans la seconde partie, il se place

au point de vue purement juridique et discute le caractère legal des coalitions et les moyens répressifs à l'aide desquels on peut tenter de les vaincre. Enfin, dans une troisième partie, il s'occupe de la législation comparée sur cette matière et des mesures rationnelles qu'il y aurait lieu de prendre à l'égard des coalitions de producteurs et détenteurs de marchandises.

C'est en Amérique que le mal a pris les plus grands développements et a appelé la première intervention des pouvoirs publics.

Les guerres de tarifs entre lignes rivales de chemins de fer provoquèrent la formation de pools, arrangements par lesquels diverses sociétés conviennent de verser dans une caisse commune (pool) les bénéfices de leurs exploitations, et de les répartir, après les avoir centralisés, suivant des proportions déterminées d'avance.

Il y a des exemples nombreux de fédérations de ce genre depuis les vingt dernières années, dans l'industrie des chemins de fer notamment. Le pool fait la guerre à ses concurrents à coups de tarifs réduits. Lorsqu'il les a vaincus ou contraints d'entrer dans l'alliance, les cours remontent brusquement. Les syndicats de producteurs, qui se multipliérent rapidement, sont connus sous le nom de trusts. Les trusts cherchent à s'assurer le monopole d'une industrie, puis à profiter de la suppression de la concurrence, afin de régir à leur gré la production et le prix.

Dės 1877, le législateur se vit dans la nécessité d'intervenir pour remédier aux abus et aux troubles économiques engendrés par ces coalitions tyranniques. et meurtrières. Une loi du 4 février (Interstate commerce Act), s'appliquant spécialement aux industries du transport, exigea que les prix perçus pour le transport des voyageurs et des choses, réception et magasinage des marchandises, fussent « justes et raisonnables », interdit aux entrepreneurs d'établir des distinctions, préfėrences ou différences de tarifs entre les personnes, compagnies ou localités et institua une commission dite de trafic entre États (interstate commerce commission), ayant pouvoir de vérifier l'administration commerciale de tous les entrepreneurs auxquels ces dispositions étaient applicables.

Le mal, cependant, se développa, gagna les autres industries. Et, dans le but de l'extirper radicalement, la législature des États-Unis vota une loi fédérale (2 juin 1890) qui déclare illégal tout accord (trust), toute entente secrète (conspiracy) en vue de restreindre le trafic et le commerce entre les divers États ou avec les États étrangers et ouvre un recours en dommages-intérêts à toute personne à qui ces manœuvres illicites porteraient préjudice. L'indemnité est triple du dommage causé. Il résulte des renseignements recueillis par M. Babled que les mesures législatives prises contre les trusts n'ont eu jusqu'ici que de médiocres résultats pratiques. La tendance à la concentration des capitaux reste la même; ainsi que le fait justement observer l'auteur, elle résulte des

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