Page images
PDF
EPUB

que le motif importe peu; car, outre le système accidentel et les conjectures quant à l'usage, il n'y a rien qui ait tant empêché une bonne réglementation de la contrebande de guerre que l'habitude de se fonder sur des intentions supposées.

D'ailleurs, la littérature a acquis, par l'exposé de M. Perels, la reconnaissance formelle de sa part de plus d'un principe d'une grande valeur, dont la consécration est conforme à nos vues. Nous y comptons d'abord sa déclaration qu'une définition des articles de contrebande « répond mieux aux idées actuelles », pourvu qu'elle soit restreinte dans les limites des objets vraiment belliqueux (p. 273-274). Seulement, il faut déplorer que cette juste notion générale n'ait pas été suivie par lui dans tous les détails de son exposé. Non moins précieuse est la condamnation prononcée contre le droit de préemption (p. 280), quelque étonnant qu'il soit de la trouver chez celui qui prend fait et cause pour d'autres prétendus droits tels que l'angarie et le droit de nécessité. Finalement, M. Perels se montre beaucoup plus équitable envers les neutres quand il s'agit des corrections que pour la culpabilité. Il reconnaît, avec justesse, tout ce qu'il y a d'absurde dans la confiscation de la partie innocente d'une cargaison à laquelle sont mêlés des objets prohibés, et, quant au navire lui-même, il hésite à le condamner à cause d'une cargaison illégale, hésitation bien justifiée, selon notre avis, puisqu'il manquerait dans la plupart des cas toute proportion raisonnable entre le délit et la peine. La contrebande pourrait représenter une bagatelle, le navire toute une fortune (1).

De l'exposé qui précède, il nous semble donc résulter que la littérature contemporaine tend visiblement à l'accord basé sur un fondement stable et rationnel. Sous ce rapport, les dernières années ont opéré un changement notable dans le groupement des auteurs, autrefois divisés en deux camps, l'école anglo-américaine et l'école continentale européenne. Depuis que les Américains ont graduellement quitté les traditions héritées de l'époque du despotisme maritime, pour s'approprier des maximes plus strictement juridiques, l'Amérique se trouve maintenant réunie à l'Europe continentale quant aux larges principes du

(1) Le service de transport interdit (de militaires, d'agents ou de dépêches) est désigné par M. Perels sous le nom de « contrebande par accident ». Nous ne comprenons pas bien le sens de cette dénomination, introduite par Heffter (loc. cit., § 161a). L'action prohibée dans ces cas n'est pas d'essence plus accidentelle que toute autre action de transport ou de contrebande.

règlement. L'ancien point de vue nationaliste a cédé le terrain au droit de neutralité objectif. Même en Angleterre, un revirement lent et circonspect se fait jour et tend à formuler les lois de contrebande d'après des principes non moins objectifs et équitables que ceux des autres parties de la neutralité. L'époque des partisans d'une hégémonie belligérante écrasante sur mer, des esprits tels qu'un Manning, un Wildman, etc., paraît appartenir désormais à l'histoire.

(La fin à la prochaine livraison.)

LA LÉGISLATION FISCALE ITALIENNE

DANS SES RAPPORTS

AVEC LE DROIT INTERNATIONAL,

PAR

M. P. ESPERSON,

professeur de droit international à l'Université de Pavie, membre du Conseil de contentieux diplomatique du royaume d'Italie

et de l'Institut de droit international.

SOMMAIRE :

1. L'étranger est obligé au payement des impôts directs ou indirects, de même que le citoyen.

2. Il est inadmissible qu'on puisse l'obliger à payer des impôts plus onéreux.

3. Il est d'autant moins admissible qu'un État ait le droit d'établir des impôts spéciaux qui frappent exclusivement les étrangers.

4. Dispositions du droit international conventionnel établi par l'Italie et la plupart des puissances étrangères, qui se rapportent aux impôts dont les étrangers ne sont pas tenus.

5. Disposition ayant pour but d'assurer l'application du principe indiqué au no 2. 6. Exemption des emprunts forcés.

7. Les étrangers sont tenus de payer les impôts sur les terrains et sur les édifices, quoiqu'une telle obligation ne soit pas établie par les lois italiennes qui regardent ces impôts.

8. Dispositions qui se rapportent aux étrangers du texte unique des lois d'impôts sur les rentes de la richesse mobilière (24 août 1877).

9. Discussion de ces dispositions dans les Chambres italiennes.

10. Le principe auquel se réfère le législateur italien c'est que tous, tant nationaux qu'étrangers, doivent payer l'impôt sur les rentes qu'ils ont dans l'État et non pas sur celles qu'ils possèdent à l'étranger. Ce principe est irréprochable.

11. Aucune condition de domicile ni de résidence n'est exigée pour que l'étranger soit tenu en Italie de l'impôt sur les rentes de richesse mobilière qu'on possède dans

le pays.

12. Réfutation de l'objection tirée de l'article 7 des dispositions préliminaires du Code civil.

13. Exemption accordée aux agents diplomatiques et consulaires étrangers.

14. Système de la retenue et système de la perception moyennant des listes nominatives employées pour la levée du tribut mentionné.

15. Application du premier système aux rentes sur la dette publique, tant nominatives qu'au porteur, qui regardent même les étrangers, qu'ils soient ou non domiciliés ou résidant en Italie.

16 Taxe due par les corps moraux et établissements de mainmorte qui ont leur siège à l'étranger.

17. L'étranger est obligé à payer les impôts directs, qu'ils soient gouvernementaux, communaux ou provinciaux.

18. Taxes de timbre pour les actes et les écrits faits à l'étranger ou qui viennent de l'étranger, avant qu'il en soit fait usage.

19. Les transmissions de biens immobiliers situés à l'étranger, quel que soit leur titre, sont exempts d'une taxe proportionnelle d'enregistrement.

20. De même les transmissions pour cause de mort de biens mobiliers également situés à l'étranger.

21. Disposition de la loi française du 23 août 1871.

22. Dans quel cas les actes faits à l'étranger sont sujets à l'enregistrement.

23. Enumération de plusieurs dispositions qui se rapportent aux actes faits à l'étranger. 24. Les étrangers sont obligés au payement des droits de douane, et de même au payement de l'octroi de consommation gouvernemental et communal.

25. Ils sont aussi obligés au payement des taxes proprement dites.

1. Selon le droit international, les étrangers sont obligés au payement des impôts, tant directs qu'indirects, de même que les citoyens. Comme on exige les impôts pour pourvoir aux dépenses nécessaires à la conservation et au perfectionnement de l'État, il est juste que les impôts soient payés par les étrangers aussi bien que par les citoyens. En effet, ceux-ci, de même que ceux-là, jouissent de la protection sociale pour les biens mobiliers et immobiliers, pour les industries ou les professions qu'ils exercent, pour les actes de la vie civile qu'ils font, ou pour ceux que l'on fait à leur avantage. Il serait sans doute bien étrange de voir que tandis que les citoyens doivent rémunérer au moyen des impôts les services que l'État leur rend, afin de pourvoir par ces rémunérations aux dépenses publiques, on dût au contraire prodiguer les mêmes services gratuitement aux étrangers, bien que ces dépenses tournent aussi à leur avantage. La condition des uns et des autres doit être égale pour ce qui se rapporte aux charges inhérentes à la vie civile, comme elle est égale dans la participation aux avantages, c'est-à-dire dans la jouissance des droits civils que l'étranger peut aujourd'hui exercer de même que le citoyen selon toutes les législations, et particulièrement selon la législation italienne, qui, dans l'article 3 du Code civil, dispose sans aucune condition : « L'étranger est admis à la jouissance des droits civils attribués aux citoyens.

(1) Voir mon ouvrage Condizione giuridica dello straniero, secondo le legislazioni italiana ed estero. Parte prima: Diritti e doveri dello straniero in Italia e dell' italiano

2. Selon quelques publicistes, il ne serait pas défendu à un État d'obliger les étrangers de payer des impôts plus onéreux que ceux qui sont payés par les citoyens : ils craignent tout au plus que l'inégalité ne produise des représailles. Une telle doctrine, soutenue par G.-F. de Martens et par Klüber (1), est évidemment inadmissible au point de vue juridique d'abord, parce que les étrangers jouissent d'une protection égale et non plus grande que celle accordée aux citoyens, et que dès lors l'inégalité de traitement entre les uns et les autres dans le payement des impôts ne se justifierait pas; au point de vue économique ensuite, parce que la présence des étrangers est utile au progrès de la prospérité commune, à raison de leurs capitaux et de leurs industries. Il est donc de bonne politique d'en faciliter le concours et non de les éloigner par des rigueurs inopportunes.

3. On ne peut davantage admettre qu'un État ait le droit d'établir des impôts spéciaux, frappant exclusivement les étrangers. La qualité de sujet d'une puissance étrangère suffit pour les exclure de la jouissance des droits politiques, c'est-à-dire de la participation à la souveraineté et à l'administration locale de la chose publique, car cette participation n'appartient qu'aux citoyens, qui peuvent seuls offrir des garanties d'une bonne gestion des intérêts de l'État et des collectivités secondaires qui vivent dans son sein, c'est-à-dire des communes et des provinces. Mais cette qualité ne saurait être invoquée pour justifier l'imposition de taxes spéciales ne pesant que sur les étrangers. Ces redevances sont contraires au droit naturel d'immigration, dont l'exercice serait ainsi frappé d'un impôt onéreux. On ne pourrait non plus justifier une taxe spéciale sous prétexte qu'en la payant l'étranger acquiert l'exemption du service militaire. Une telle exemption est inhérente à la qualité d'étranger, parce que le service militaire constitue une obligation essentiellement politique. Il s'agit en effet de participer à la force publique d'un État pour sa défense intérieure et extérieure et par cela même à l'exercice de la souveraineté. Il est juste que les étrangers, étant esclaves quant aux droits politiques, soient aussi exemptés de l'accomplissement des devoirs de nature politique, et particulièrement de celui qui se rapporte au service militaire, et qui les mettrait peut-être dans la dure nécessité de verser leur sang

all'estero, dans lequel se trouve développée cette disposition de la législation italienne, comparée avec les dispositions des autres législations.

(1) G.-F. DE MARTENS, Précis de droit des gens moderne de l'Europe, § 88. — Klüber, Droit des gens moderne de l'Europe, § 68.

« PreviousContinue »