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Cet usage de la Contrainte par corps après les quatre mois, a été ensuite abrogé par l'art. 1er. du tit. 34 de l'ordonnance de 1667. Cette loi a défendu aux cours et à tout autre juge d'ordonner cette sorte de Contrainte, à peine de nullité; et à tout huissier ou sergent de la mettre en exécution, à peine de dépens, dommages et intérêts.

3

III. Comme les dépens, les dommages et
intérêts et les restitutions de fruits sont des

accessoires de la condamnation principale,
il semble d'abord qu'ils ne devraient pas plus
qu'elle, entraîner la Contrainte par corps;
cependant le législateur a considéré ces acces-
soires comme autant de peines judiciaires
qui sont infligées aux plaideurs téméraires,
et dont il est nécessaire d'assurer l'exécution
par les voies les plus sévères, pour empêcher,
autant qu'il est possible, les mauvaises con-
testations en conséquence, il a voulu, par
l'art. 2 du titre cité, que la Contrainte par
corps, après les quatre mois, pût être ordon-
née pour les dépens adjugés, lorsqu'ils mon-
teraient au moins à 200 livres; et pour les
restitutions de fruits et des dommages et inté-
rêts, lorsqu'ils excéderaient la même somme.

Au reste, il y a quelques personnes que
Jeurs qualités font excepter de la rigueur de
la loi, surtout en ce qui concerne les dépens.
Une femme, par exemple, ne peut pas user
de la Contrainte par corps pour les dépens
qu'on lui a adjuges contre son mari : le par-
lement de Paris l'a ainsi jugé par arrêt rendu
en la grand'chambre le 2 avril 1694.

Pour donner lieu à la Contrainte par corps, il n'est pas nécessaire que les dépens soient compris dans un seul exécutoire il suffit qu'ils procedent du même fait. Boniface rapporte un arrêt du parlement d'Aix, du 16 janvier 1672, qui l'a ainsi juge. Thibaut, dans son Traité des Criées, en cite un autre conforme, rendu au parlement de Dijon, le 10 février 1696.

Deux arrêts du parlement de Paris, des 13 juillet 1707 et 8 février 1708, ont aussi jugé que les épices et coût d'arrêt donnent lieu, comme les depens, à la Contrainte par corps, après les quatre mois.

Pour obtenir la Contrainte par corps après les quatre mois, dans les cas specifies par l'art. 2 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667, l'art. 10 veut que le créancier fasse signifier le jugement à la personne ou au domicile du débiteur, avec commandement de payer, et déclaration qu'il y sera Contraint par corps après les quatre mois.

Ce délai ne court que du jour de la signifi

cation. Lorsqu'il est expiré, le créancier
doit, suivant l'art. 11, se présenter de nou;
veau à la justice, et obtenir un second juge-
ment, appelé pour cette raison jugement d'i,
terato, portant que le débiteur sera Contrainț
par corps dans la quinzaine. On fait pareil-
lement signifier ce jugement avec protesta-
tion de le mettre à exécution après ce
delai.

Aussitôt qu'il est expiré, la Contrainte par corps peut être mise à exécution et le débi teur emprisonné, à moins qu'il n'ait attaqué le jugement d'iterato par quelque voie de droit, c'est-à-dire, par l'opposition, s'il a été rendu par défaut, ou par l'appel, si ce jugement en est susceptible.

Mais si la partie condamnée laisse écouler cette dernière quinzaine, ou qu'après avoir été arrêtée, elle veuille former opposition au jugement ou en interjeter appel, cette opposition ou cet appel tardif ne lui procu rera pas sa liberté provisoire. C'est ce qui résulte de l'art. 12.

[[Les dépens, en matière civile, n'empor. tent plus la Contrainte par corps. V. la loi du 15 germinal an 6, et le Code civil, art. 2060 et suivans.

A l'égard des dommages et intérêts et des restitutions de fruits, il faut distinguer :

En cas de réintégrande, la Contrainte par corps doit être prononcée pour ces objets; cela résulte de l'art. 2060 du Code civil,

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Dans tout autre cas, il est laissé à la prudence du juge de prononcer la Contrainte par corps, pourvu que les dommages et intérêts s'élèvent au-dessus de 300 francs. V. le Code de procédure civile, art. 126 et 127. ]]

IV. En matière criminelle, la Contrainte par corps peut être exercée, tant pour les dommages et intérêts que pour les dépens, quoiqu'ils soient au-dessous de 200 livres. On

trouve dans Brodeau sur Louet, un arrêt du
3 avril 1675, qui l'a ainsi jugé. Le parlement
de Rouen a rendu un arrêt conforme le 4 mai
d'environ 100 livres.
1686, dans une cause où il s'agissait de dé-
que
pens qui n'étaient
C'est d'ailleurs ce qu'on peut induire des dis-
positions de l'art. 9 du tit. 34 de l'ordonnance
de 1667.

Observez néanmoins que le parlement de Bretagne a une jurisprudence contraire. Devolant rapporte un arrêt du 13 mai 1718, par lequel cette cour a réformé un exécutoire de dépens montant à 156 livres en ce qu'il portait la Contrainte par corps; et faisant droit sur les conclusions du procureur général, a

..

falt défense aux } Juges criminels d'ordonner la Contrainte par corps dans les exécutoires de dépens au-dessous de 200 livres.

[[Cet arrêt a évidemment mal jugé, et l'on ne doit y avoir aucun égard.

Du reste, l'art. 52 du Code pénal de 1810 permet expressément la Contrainte par corps pour les amendes, les dommages-intérêts et les dépens, en matière criminelle, correctionnelle et de police. V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Procédure criminelle, (Frais de.)]]

V. Suivant l'art. 3 du tit. 34 de l'ordon nance de 1667, les tuteurs et les curateurs peuvent être Contraints par corps, après les quatre mois, pour les sommes qu'ils doivent à cause de leur administration, lorsqu'il y a sentence, jugement ou arrêt définitif, ou que la somme est liquide et certaine. Cette déci sion est fondée sur ce que les tuteurs et les curateurs sont des dépositaires de justice, puisque c'est de la justice qu'ils tiennent leur mission. [[V. le Code de procédure civile, art. 126 et 127.]]

La même règle s'étend aux fermiers judiciaires, aux gardiens, séquestres, marguil liers ou fabriciens, et autres qui ont adminis tré le bien d'autrui. C'est ce qu'on peut induire des art. et 8 du tit. 29 de l'ordonnance de 1667.

[[Il y a là-dessus plusieurs observations à faire :

1o. Il n'y a plus de fermiers judiciaires. 2o. Les séquestres et gardiens différent, relativement à la Contrainte par corps, des tuteurs et curateurs, en ce que ceux-ci peuvent être dispensés par le juge de la Contrainte par corps, au lieu que le juge est obligé de la prononcer contre ceux-là. V. le Code civil, art. 2060, no. 4, et le Code de procédure civile, art. 126.

3o. C'est une question si, dans le cas où les effets saisis, dont un gardien s'est chargé sans déplacer, se trouvent détournés ou dissipés par le fait de la partie, on peut et doit accorder au gardien Contraint par corps, le recours par la même voie contre cette partie? V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrainte par corps, §. 5.

4o. Les marguilliers ou fabriciens sont, en cette matière, assimilés aux tuteurs et curateurs. Il en est de même des administrateurs et receveurs des communes, des établissemens publics quelconques, et généralement de tous ceux à qui une administration a été confiée par la justice. (V. l'article cité du Code de procédure civile.) Mais on ne peut pas leur

assimiler ceux à qui des particuliers ont librement confié l'administration de leurs biens. ]]

VI. La Contrainte par corps se prononce aussi, suivant l'art. 4 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667,

1o. Dans le cas de réintégrande, pour obli ger la partie condamnée à délaisser la possession d'un heritage [[Code civil, art. 2060, n.2]];

2o. Pour stellionat, comme quand un particulier vend un héritage qui ne lui appartient pas; ou qu'en empruntant une somme, il hypothèque et déclare francs des immeubles qui étaient déjà hypothéqués par son fait à d'autres créanciers. [[ Code civil, art. 2066. ]] -Un particulier ayant emprunté une somme avec promesse de l'employer à payer des créanciers aux droits desquels il devait faire subroger le prêteur, fut condamné par corps, au châtelet, à rendre la somme prêtée, faute d'avoir rempli son obligation; et la sentence fut confirmée par arrêt de la grand'chambre du 20 décembre 1759. Cette décision fut fondée sur ce qu'on regarda comme une espèce de stellionat, le défaut d'exécution de la promesse du débiteur.

3o. Pour dépôt nécessaire, tel que ceux qu'on peut être obligé de faire dans un cas d'incendie, de chute de maison, d'émotion populaire, etc. [[ Code civil, art. 2060, no. 1. ]]

4o. Pour la représentation des choses consignées par ordonnance de justice, telles que les sommes remises entre les mains des receveurs des consignations, des commissaires aux saisies réelles, ou autres personnes publiques. [[Code civil, art. 2060, no. 3; loi du 28 nivóse an 13, art. 5. ]]

Cette règle doit être étendue aux greffiers, aux avocats, aux procureurs et aux huissiers, relativement aux pièces qui leur ont été con fiées, et aux sommes payées entre leurs mains. On trouve au Journal des audiences un arrêt du 31 août 1682, qui l'a ainsi jugé à l'égard des pieces dont un procureur avait été charge.

Par un autre arrêt du 27 juillet 1759, le parlement de Paris a condamné par corps un procureur à rendre 300 livres qu'il avait tou chées au delà des frais qui lui étaient dus dans un procès.

[[V. le Code civil, art. 2060, art. 7; et observez bien qu'il n'y est parlé ni des avocats, ni des sommes indûment reçues par les notaires, avoués et huissiers. Au surplus, V. ci-après, no 15, les articles Concussion et Dépôt, S. 2.]]

5o. Pour les lettres de change, lorsqu'il y à remise de place en place. Il faut en dire

autant des billets de change, c'est-à-dire, des billets portant promesse de fournir des lettres de change avec remise de place en place. C'est ce qui résulte de l'art. 1 du tit. de l'ordonnance du commerce du mois de mars 1673. [[Code civil, art. 2070; loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 1, no. · 4.]]

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6o. Pour les dettes contractées entre marchands, relativement aux marchandises dont ils se mêlent. [[Loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 1, nos. 2 et 3.]]

Cette règle ne s'applique pas seulement aux dettes contractées par un marchand envers un autre marchand; elle s'entend aussi des dettes qu'un marchand contracte, relativement à son commerce, envers des particuliers qui ne sont pas marchands.

[[Cette proposition s'accorderait difficilement avec la loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 1, no. 2.]]

Celui qui, n'étant pas marchand pár état, fait un commerce momentané de quelques marchandises, est soumis, pour cet effet, à la Contrainte par corps comme les marchands. Le grand conseil l'a ainsi jugé par arrêt du 7 février 1709, en condamnant par corps un gendarme né gentilhomme, à payer des billets au porteur qu'il avait passés relativement à un commerce de pierreries dont il se mêlait.

Le parlement de Paris a même confirmé, par arrêt du 7 juillet 1676, une sentence de la juridiction consulaire de la même ville, du 16 mars précédent, par laquelle un bourgeois avait été déclaré sujet à la Contrainte par corps, en qualité de caution d'un marchand qui avait acheté à crédit d'un autre marchand, des marchandises du commerce dont ces marchands se mêlaient.

[[La loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 1, ne parle pas des cautions des marchands; et dès-là, plus de Contrainte par corps à exercer contre elles, à moins qu'elles ne soient ellesmêmes marchandes.

Il en faut seulement excepter, d'après l'art. 2060, no. 5 du Code civil, les cautions qui se sont expressément soumises à cette Contrainte.

-Cette exception est même commune, suivant l'article cité, à toutes les cautions des contraignables par corps.

La Contrainte par corps peut-elle être prononcée contre l'endosseur non marchand d'un billet à ordre, souscrit par un marchand? V. l'article Endossement, no. 14.

Il y a, au surplus, une différence remarquable, relativement à la Contrainte par corps en matière de commerce, entre les aneiennes ordonnances et les lois nouvelles : les

anciennes ordonnances permettaient aux juges de la prononcer, les lois nouvelles les y obligent. V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrainte par corps, S. 4. La loi du 9 mars 1793 avait aboli la Contrainte par corps en matière civile et de commerce. Celle du 24 ventôse an 5 l'a rétablie, mais ne l'a pas réorganisée.

si

De là sont nées deux questions: l'une, les engagemens de commerce contractés avant la loi du 9 mars 1793, et dont l'exécution n'a été demandée que depuis celle du 24 ventôse an 5, emportent la Contrainte par corps; l'autre, si cette Contrainte peut être prononcée pour des engagemens de commerce contractés dans l'intervalle de la loi du 24 ventôse an 5, à celle du 16 germinal an 6.

Ces deux questions ont été jugées pour l'affirmative par plusieurs arrêts de la cour de cassation, rapportés dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrainte par corps, §. 1 et 2.

La première l'a encore été de même dans les trois espèces suivantes :

à

<< Par jugemens rendus en dernier ressort par le ci-devant tribunal de district de SaintEtienne, les 23 septembre 1791 et 21 janvier 1792, le sieur Jean-Antoine Mourgues avait été condamné, avec Contrainte par corps, payer aux sieurs Cusset père et fils, 927 livres 15 sous, montant de billets à ordre qu'il avait souscrits, valeur en marchandises. La loi du 9 mars 1793 ayant aboli la Contrainte par corps, les sieurs Cusset ne purent faire mettre à exécution les jugemens qu'ils avaient obtenus. —La loi du 24 ventôse an 5 ayant rapporté la loi du 9 mars 1793, les sieurs Cusset ont fait signifier à Mourgues les jugemens rendus contre lui, avec iteratif commandement de s'y conformer, et déclaration que, faute d'y satisfaire, il y serait Contraint par toutes les voies énoncées dans lesdits jugemens. Mourgues a fait assigner les sieurs Cusset devant le tribunal de première instance de Saint-Etienne, pour voir dire que, conformément aux lois abolitives de la Contrainte par corps, il serait déchargé de celle qui avait été prononcée contre lui par les jugemens susdits: ce qui a été ordonné par jugement rendu en premier et dernier ressort le 21 mai 1806. Ce jugement est motivé sur ce que la loi du 9 mars 1793 a aboli la Contrainte par corps, et qu'elle est applicable à l'espèce. Fausse application de la loi du 9 mars 1793, qui est rapportée par l'art. 1er. de celle du 24 ventóse an 5; et contravention à cette dernière. L'arrêt de cassation (du 2 août 1808) est ainsi conçu :

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l'art. r

» Out le rapport de M. Audier-Massillon.... vu l'art. 1 de la loi du 34 ventôse an 5; attendu que les jugemens des 23 septembre 1791 et 20 janvier 1792, qui ont condamné Mourgues avec Contrainte par eorps, ont été rendus avant la loi du 9 mars 1793, et dans un temps où cette Contrainte était autorisée par les lois; attendu que la loi du 9 mars 1793 qui avait aboli la Contrainte par corps, en matière civile, a été rapportée par de celle du 24 ventóse an 5: d'où il suit que le jugement du 21 mai 1806, qui a déchargé Mourgues de la Contrainte par corps pronon cée contre lui par les jugemens susdits, a fait une fausse application de la loi du 9 mars 1793, et par suite a violé l'art. 1 de celle du 24 ventóse an 5; par ces motifs, la cour casse et annulle..... ». (Bulletin civil de la cour de cassation.)

« Une lettre de change de 1200 livres, signée et acceptée en 1785, est échue en 1786. -Le propriétaire de cette lettre néglige de la faire payer par l'accepteur, condamné dès l'an 1786 à la payer.- La Contrainte par corps est abolie par la loi du 9 mars 1793. -Cette loi est rapportée par celle du 24 ventóse an 5.-Long-temps après, l'accepteur a soutenu que le propriétaire avait irrévocablement perdu, dès l'an 1793, le droit de le poursuivre par la voie de la Contrainte par corps. Ce système a été accueilli par la cour d'appel de Paris. La cour de cassation a réprimé cette erreur (le 3 août 1808), par l'arrêt dont la teneur suit:

I

» Ouï le rapport de M. Bauchau....................; vu la loi du 9 mars 1793, et l'art. 1 de la loi du 24 ventôse an 5; considérant que la loi du 9 mars 1793 n'a pu abolir la Contrainte par corps que pour le cours de son régime; qu'ayant été rapportée par la loi du 24 ventôse an 5, elle n'a fait que suspendre la Contrainte par corps, relativement aux obligations (qui en étaient susceptibles) contractées avant son émanation, et non acquittées avant la publication de la loi qui l'a rapportée; considérant que, dans l'espèce, il s'agit d'une lettre de change signée et acceptée en 1785; que cette lettre de change n'est pas encore payée; considérant que, si la loi du 9 mars 1793 a empêché les demandeurs, pendant son régime, de poursuivre les effets de cette obligation par la voie de la Contrainte par corps, la loi du 24 ventôse an 5 a levé cet obstacle et rendu à ce titre commercial toute la force qu'il avait primitivement; considérant que la cour d'appel de Paris, en prononçant en sens contraire, a fait une fausse application de la loi du 9 mars 1793, et violé l'art.

1er. de la loi du 24 ventóse an 5; par ces motifs, la cour casse et annulle... ». ( Ibid.) Le 18 mars 1812, arrêt semblable, au rapport de M. Boyer. (Ibid.)

V. l'article Effet rétroactif, sect. 3, S. 1o.]].

VII. De ce que l'art. 5 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667 a défendu de condamner par corps en matière civile, aucun sujet du roi, sinon dans les cas qu'on vient de détailler, on a tiré la conséquence que la Contrainte par corps pouvait être prononcée contre les étrangers. En effet, on trouve au Journal des Audiences, un arrêt du 2 septembre 1684, qui a condamné par corps un étranger à payer le montant d'une obligation qu'il avait passée relativement à sa pension et à son logement.

[[L'art. 1 de la loi du 4 floréal an 6 confirmait cette décision, relativement aux étrangers résidant en France, pour les engagemens qu'ils y contractaient avec des Français, à moins qu'ils n'y possédassent des propriétés foncières ou des établissemens de commerce.

Dans ce dernier cas, l'art. 2 les assimilait aux Français, quant à la Contrainte par corps, mais seulement pour les engagemens qu'ils contractaient en France avec des Français.

L'art. 3 ajoutait que la Contrainte par corps aurait lieu contre eux pour tous les engagemens qu'ils contracteraient en pays étranger, et dont l'exécution réclamée en France emporterait la Contrainte par corps dans le lieu où ces engagemens auraient été formés,

Suivant l'art. 4,« tout Français qui s'était » soumis à la Contrainte par corps en pays » étranger, pour l'exécution d'un engage»ment qu'il y avait contracté, y était éga»lement contraignable en France ».

Mais ces dispositions n'étant pas rappelées dans le Code civil, n'a-t-on pas dû, par cela seul, les regarder comme abrogées ? L'art. 7 de la loi du 30 ventóse an 12 ne laisse aucun doute sur l'affirmative. Il y a plus: l'art. 2063 du Code civil déroge expressément à l'art. 4 de la loi du 4 floréal an 6.

Est-ce à dire pour cela, qu'immédiatement après la publication du Code civil, les étrangers ont dû jouir indistinctement des mêmes droits que les Français, relativement à la Contrainte par corps?

Oui, s'ils étaient domiciliés en France, avec la permission du gouvernement. (Code civil, art. 13.)

Mais s'ils n'avaient pas de domicile en France, où si c'était sans la permission du gouvernement qu'ils y résidaient (V. Domicile, S. 12), ils devaient, quant à la Contrainte

par corps, être traités comme l'auraient été chez eux les Français, d'après les conventions politiques qui liaient leur nation à la nation française. Cela résulte de l'art. 11 du Code civil. Mais la loi du 10 septembre 1807, rapportée au mot Etranger, §. 1, no. 5, a établi là-dessus de nouvelles règles. ]]

VIII. Par l'art. 5 du titre cité de l'ordonnance de 1667, le législateur a déclaré que, dans l'article précédent, il n'avait point en tendu déroger au privilége des deniers royaux, ni à celui des foires, ports, étapes et marchés et des villes d'arrêt.

Le privilége des deniers royaux consiste en ce que le roi a la Contrainte par corps contre tous ceux qui ont le maniement de ses deniers, et qui en sont débiteurs. Cette Contrainte peut même être exercée par les fermiers généraux contre ceux qui sont en demeure de compter ou de payer. C'est ce qui résulte de l'art. 12 du titre commun de l'ordonnance des fermes du mois de juillet 1681. [[ V. la loi du 30 mars 1793, et l'art. 2070 du Code civil.]

Le privilége des foires, ports, étapes et marchés, consiste en ce que les marchandises vendues dans ces sortes d'endroits, devant être payées comptant, celui qui ne remplit par son obligation, devient sujet à la Contrainte par corps, comme ayant manqué à la foi publique.

[[Ce privilége est aboli, relativement à ceux qui d'ailleurs ne sont point, par leur état, sujets à la Contrainte par corps. V. la loi du 15 germinal an 6, et le Code civil, art. 2060 et 2063. ]]

Le privilege des villes d'arrêt consiste en ce que les habitans peuvent y faire arrêter leurs débiteurs forains et les retenir prisonniers jusqu'à ce qu'ils aient payé ce qu'ils doivent. Les villes de Paris, de Reims, de Montpellier, de Tours, de la Rochelle, et la plupart des villes de Flandre jouissent de ce privilege. [[Mais V. l'article Ville d'arrêt. ]]

IX. Outre les cas dont on a parlé, il en est plusieurs autres dans lesquels la Contrainte par corps peut être prononcée: ainsi, les agens de change, les courtiers et autres qui s'entremêlent de faire vendre ou acheter des marchandises moyennant salaire, peuvent être contraints par corps à rendre ou à payer les marchandises qu'on leur a confiées. [[Loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 1, no. 1.]]

X. Les adjudicataires des meubles et im meubles vendus judiciairement, peuvent aussi être contraints par corps à en payer le prix. C'est la disposition de plusieurs coutumes et le droit commun du royaume.

[[Le Code civil n'a pas conservé cette disposition ; et par-là, il paraîtrait l'avoir abro gée (V. l'art. 2063). Cependant l'art. 744 da Code de procédure civile porte que « le fol »enchérisseur est tenu par corps de la diffé»rence de son prix d'avec celui de la revente » sur folle enchère ». ]]

XI. L'art. 17 du tit. 15 de l'ordonnance des eaux et forêts du mois d'août 1669 veut que l'adjudicataire d'une vente de bois faite judiciairement, qui se désiste de son enchère, soit emprisonné jusqu'à ce qu'il ait payé sa folle enchère, ou qu'il ait donné bonne et suffisante caution. Le conseil a même jugé, par arrêt du 28 février 1696, que la minorité n'était pas un moyen suffisant pour em pêcher, dans ce cas, la Contrainte par corps. [[ V. la loi du 30 mars 1793, et le Code civil, art. 2070. ]]

XII. Les jugemens donnés en matière de vente et achat de vaisseaux, fret ou nolis, engagement ou loyers de matelots, assu rance, grosse aventure ou autre contrat concernant le commerce et la pêche de la mer, emportent pareillement la Contrainte par corps. Ce sont les dispositions de l'art. 5 du tit. 13 da liv. 1 de l'ordonnance de la marine, du mois d'août 1681.

L'article suivant permet « en outre aux » parties de s'obliger par corps en tous con>> Lrats maritimes, aux notaires d'en insérer la » clause dans ceux qu'ils recevront, et aux » huissiers d'emprisonner en vertu de la sou» mission, sans qu'il soit besoin de juge

>>ment ».

Cette loi a dérogé, en ce point, à l'art. 6 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667; [[ et cette dérogation est maintenue par l'art. 4 du tit. 2 de la loi du 15 germinal an 6. ]]

XIII. Suivant un acte de notoriété donné

par le conseil provincial d'Artois, le 8 juin 1706, la Contrainte par corps a lieu dans cette province pour le recouvrement des deniers royaux, deniers d'octroi, impôts, assises, deniers des états et des villes.

[[Elle a lieu partout contre les débiteurs directs du trésor public; c'est ce que décident la loi du 30 mars 1793, et celle du 15 germinal an 6, tit. 1, art. 3. L'art. 2070 du Code civil maintient leur disposition.

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On a cependant douté si la Contrainte par corps peut être exercée pour les droits de douanes, ainsi que pour les amendes et confiscations qui y sont accessoires. Mais voici ce que porte là-dessus un avis du conseil d'état, du 28 thermidor an 12, approuvé le 17 fruc tidor suivant :

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