Page images
PDF
EPUB

jugé, en cassant deux jugemens du tribunal civil de Mortagne, que ni la loi du 27 ventose an 8, ni l'arrêté du gouvernement du 22 thermidor de la même année, en donnant aux huissiers de chaque tribunal d'arrondissement, le droit de faire tous exploits dans le ressort de ce tribunal, n'avaient dérogé à l'art. 27 de la loi du 19 vendémiaire an 4, qui leur défend de faire aucun exploit pour les justices de paix et les bureaux de conciliation?

» Et si de tout cela il résulte que, quand même l'art. 800 du Code de procédure dirait en forme dispositive ce qu'il ne dit qu'en forme suppositive; que, quand même il dirait : Le débiteur qui a commencé sa 70o année, ne peut plus être Contraint par corps, on ne pourrait pas encore en inférer qu'il déroge à la loi spéciale qui, dans le Code civil, excepte de cette même disposition les débiteurs pour fait de commerce; à combien plus forte raison ne peut-on pas, sans heurter de front toutes les règles de la logique, tirer une pareille conséquence de l'art. Soo du Code de procedure, tel qu'il est conçu? A combien plus forte raison ne peut-on pas argumenter ainsi d'après les termes de cet article, qui ne font que supposer qu'en général le débiteur qui a commencé sa 70o. année, est à l'abri de la Contrainte par corps?

» Cela paraîtra surtout d'une extrême évi dence, si l'on veut bien faire attention qu'en faisant cette su pposition, l'art. 800 du Code de procédure se reporte nécessairement à l'art. 2066 du Code civil, qui le justifie par la disposition qu'il renferme; et qu'il ne peut pas se reporter à l'art. 2066 du Code civil, sans sous-entendre l'exception qu'y apporte l'art. 2070 du même Code.

» Enfin, messieurs, il est une dernière considération qui nous paraît décisive; c'est qu'en disant que le débiteur légalement incarcéré obtiendra son élargissement, lorsqu'il aura commencé sa 70o. année, le Code de procédure n'a eu et n'a pu avoir d'autre objet que de décider législativement deux questions sur lesquelles l'ancienne jurisprudence avait varié : la première, de savoir si, pour jouir de la faveur accordée par la loi aux septuagénaires, il fallait avoir soixantedix ans accomplis, comme l'avaient jugé trois arrêts du parlement de Paris, des 6 septembre 1706, 24 juillet 1737 et 4 septembre 1742; ou s'il suffisait que la 70o. année fùt commencée, comme l'avait jugé un arrêt de la même du 24 juillet 1700; la seconde, si l'emprisonnement pratiqué avant la 70o. année du débiteur, devait subsister et continuer TOME VI.

cour,

après que le débiteur était devenu septuagénaire, comme l'avait jugé un arrêt du parlement de Dijon, du 27 janvier 1668, ou si, du moment que le débiteur précédemment incarcéré était devenu septuagénaire, la prison devait lui être ouverte, comme l'avait jugé l'ancien conseil d'état, en cassant cet arrêt le 8 mai suivant. —Or, il en est de l'interprétation des lois comme de l'interprétation des contrats; et l'on connaît la loi 81, D. de regulis juris, suivant laquelle les clauses qui sont insérées dans un contrat à l'effet de prévenir des doutes, ne dérogent pas au droit commun : Quæ, dubitationis tollendæ causá, contractibus inseruntur, jus commune non lædunt. Donc, en faisant cesser, par son Sooe. article, les doutes qui s'étaient élevés dans l'ancienne jurisprudence sur l'application du privilége qu'ont en général les septuagénaires de ne pouvoir être contraints par corps, le Code de procédure n'a pas dérogé à la disposition du Code civil qui, par son renvoi à la loi du 15 germinal an 6, soumet les septuagénaires à la Contrainte par corps pour dettes de commerce et lettres de change; donc, l'arrêt qui vous est dénoncé n'a pas violé l'art. 800 du Code de procé dure; donc cet arrêt a bien jugé et doit être maintenu.

» Nous estimons en conséquence qu'il y a lieu de rejeter la requête du demandeur, et de le condamner à l'amende ».

Arrêt du 10 juin 1807, au rapport de M. Bailly, par lequel,

« Considérant que la loi du 15 germinal an 6, qui a rétabli la Contrainte par corps, n'en a exempté les septuagénaires qu'en matière purement civile, et non en matière de commerce; que cette loi est maintenue par l'art. 2070 du Code civil; et que l'art. 800 du Code de procédure civile ne renfermant point de dérogation à cet art. 2070 du Code civil, il doit être entendu dans ses rapports avec les lois antérieures subsistantes;

» La cour rejette le pourvoi.... ».

La question s'est représentée depuis, et a encore été jugée de même par un arrêt de cassation, du 3 février 1813. Voici comment il est conçu:

« Le procureur général expose que la cour de Caen a rendu, le 26 août dernier, un arrêt qui paraît violer ouvertement la loi, et dont il croit, par cette raison, devoir requé rir la cassation dans l'intérêt de la loi ellemême, d'après l'acquiescement qu'y a donné la partie contre laquelle il est intervenu, par l'acte ci-joint, lequel a été passé devant

28

Macaire et son confrère, notaires à Caen, le 10 novembre suivant.

» Le fait est très-simple. Un jugement en dernier ressort avait condamné, par corps, Jean-Jacques Jouin à payer une somme d'argent à Charles-François Montier, qui en était créancier, pour fait de commerce.

> En vertu de ce jugement, Jean-Jacques Jouin a été emprisonné à la requête de Charles-François Montier.

ans,

» Mais comme il avait plus de soixante-dix il a prétendu que la Contrainte par corps ne pouvait plus l'atteindre; en conséquence, il a demandé l'annullation de son emprisonnement.

»Cette annullation a été prononcée par un jugement du tribunal civil de Caen, du 16 16 juillet 1812 ».

que

Charles-François Montier en a appelé; et la cause ayant été plaidée contradictoirement devant la cour de Caen, le ministère public a donné des conclusions dont l'arrêt cité présente ainsi la substance: « Attendu, en fait, » que la dette pour laquelle Jouin a été in» carcéré, est, par un jugement en dernier » ressort et non attaqué, jugée dette commer. »ciale; en droit, vu les dispositions de la loi » du 13 germinal an 6, sur l'exercice de la » Contrainte par corps en matière de com» merce; et attendu qu'il en résulte que le » privilege accordé aux septuagénaires est » restreint aux matières purement civiles, et » ne peut s'étendre aux affaires de commerce, » ainsi l'a décidé le conseil d'état; vu qu'il » n'a point été dérogé, sous ce rapport à la »loi sus-énoncée par le Code civil qui, par » son art. 2070, maintient au contraire et ré» serve formellement l'exécution des lois par»ticulières qui autorisent la Contrainte par » corps dans les matières de commerce; vu » que la loi de germinal an 6 n'est pas davanntage abrogée par l'art. 800 du Code de pro»cédure civile, qui se réfère à l'art. 2066 du » Code civil, restreint et modifié par l'art. » 2070; attendu que le Code de procédure ci» vile, destiné à mettre en action le Code ci» vil, ne peut être présumé y avoir dérogé, » et que l'on ne peut admettre à cet égard » d'abrogation que celle qui résulte formelle»ment et nécessairement de ses dispositions; » attendu enfin que du silence du Code de » commerce et de ce qu'il ne s'est pas occupé » de l'exercice de la Contrainte par corps en » matière de commerce, la seule conséquence » à tirer, c'est que les règlemens qui, à l'é»poque de sa publication, étaient en vigueur, » continuent de subsister; par ces motifs, ré» former le jugement dont est appel, et main

>> tenir en conséquence l'emprisonnement, le » déclarer valable, ordonner la restitution de » l'amende avec dépens ».

» Des conclusions aussi bien raisonnées paraissaient ne devoir éprouver aucune contradiction. Néanmoins, par l'arrêt dont il s'agit, la cour de Caen les a rejetées et a confirmé le jugement dont était appel.

Avant de rendre compte de ses motifs, l'exposant croit devoir approfondir ceux que le ministère public avait fait valoir, et à cet effet passer en revue les différentes lois qui se sont succédées sur la Contrainte par corps, relativement aux septuagénaires condamnés pour dettes de commerce; comparer leurs dispositions respectives, et déterminer celle qui, sur cette matière, forme le dernier état de la législation.... (1).

» Maintenant examinons les motifs de l'arrêt de la cour de Caen, du 25 août.

» 1er, Motif. Considérant que l'ordonnance de 1667, art. 4 du tit. 34, en déterminant les cas dans lesquels la Contrainte par corps pouvait étre prononcée, avait confondu dans la classe des matières civiles, les condamnations prononcées, soit par les tribunaux de commerce, d'où il suit que, par l'expression EN MATIÈRE CIVILE, on doit entendre les matières ordinaires, comme les matières de commerce; et que les matières non civiles sont celles qui ont pour objet la répression des crimes ou des délits de police correctionnelle ou de simple police.

"

Réponse. Rien de plus vrai dans le langage de l'ordonnance de 1667; mais en est-il de même dans le langage de la loi du 15 germinal an 6? L'exposant croit pouvoir se flatter d'avoir démontré que non.

9

» 2o. Motif. Considérant que, par l'article du même titre, cette ordonnance avait défendu pour dettes purement civiles, et par conséquent pour dettes méme commerciales, l'emprisonnement des septuagénaires, si ce n'est pour stellionat, recélé et pour dépens en matière criminelle; d'où il faut conclure que, sous l'empire de l'ordonnance de 1667, un septuagénaire ne pouvait pas plus étre emprisonné pour une dette de commerce que pour toute autre dette, à moins qu'il n'y eút stellionat, recélé, etc., telle était aussi la jurisprudence observée même pour les dettes de deniers royaux.

» Réponse. Tout cela est encore très-vrai; mais quelle conséquence peut-on en tirer au jourd'hui?

(1) Ici, j'ai transcrit à peu près tout le plaidoyer du 10 juin 1807, rapporté ci-dessus.

» 3o. Motif. Considérant que la Contrainte par corps ayant été entièrement abolie, et ensuite remise en vigueur par la loi du 15 germinal an 6, cette loi renferme dans son art. 5, une exception pareille à celle comprise en l'art. 9 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667, en faveur des septuagénaires. Il est vrai que cet art. 5 de la loi du 15 germinal, fait partie du tit. 1er, intitulé DE LA CONTRAINTE PAR CORPS EN MATIÈRE CIVILE, et qu'elle renferme un second titre intitulé DE LA CONTRAINTE PAR CORPS en matière de comMERCE, dans lequel l'exception portée en l'art. 5, ne se trouve pas répétée, mais doit-on induire du silence de la loi dans ce titre, que l'exception dont il s'agit, ne doive pas avoir lieu en matière de commerce? La loi du 15 germinal semble calquée sur l'ordonnance de 1667; et peut-on croire que le législateur en l'an 6 ait voulu montrer pour la vieillesse et pour l'humanité moins de respect et moins d'égards que n'en avait montré l'ordonnance de 1667? Si, pour plus de clarté, la loi du 15 germinal a divisé en deux titres les cas dans lesquels la Contrainte par corps pouvait être prononcée, soit en matière ordinaire, soit en matière de commerce, peut-on induire du silence qu'elle a gardé, au titre des matières de commerce, sur l'exception qu'elle avait précédemment consacrée en faveur des septuagénaires, que cette exception cessait de leur être applicable? Et si telle eút été l'intention du législateur, aurait-il manqué de s'en expliquer formellement ?

» Réponse. Toute cette argumentation n'est, de la part de la cour royale de Caen, qu'une rébellion ouverte à l'avis du conseil d'etat du 6 brumaire an 12, qui a, pour elle comme pour tous les tribunaux, l'autorité d'une loi interprétative. Et d'ailleurs quand cet avis n'existerait pas, l'interprétation qu'il a donnée au tit. 2 de la loi du 15 germinal au 6, ne sortirait-elle pas nécessairement du texte même de cette loi? Dans son premier titre, cette loi avait excepté de la Contrainte par corps en matière civile, les septuagénaires, les mineurs, les femmes et les filles. Dans son second titre, elle n'en excepte, pour les matiéres commerciales, que les femmes, les filles, les mineurs; et elle ne parle point des septuagénaires. Peut-on dire plus clairement qu'en matière commerciale, les septuagénaires ne sont pas exceptés de la règle commune? Peuton dire plus clairement qu'en matière commerciale, les septuagénaires sont soumis à la Contrainte par corps, comme les femmes, les filles et les mineurs y auraient été soumis cux-mêmes, si la loi n'avait pas cru devoir répéter, à leur égard, pour les matières com

merciales, l'exception qu'elle avait établie en leur faveur pour les matières civiles? Du reste, on conçoit facilement pourquoi le législateur de l'an 6 s'est montré plus sévère que le légis lateur de 1667 envers les septuagénaires commerçans: c'est que, dans l'intervalle de 1667 à 1798, la mauvaise foi avait fait, dans le commerce, des progrès auxquels il était devenu nécessaire d'opposer de nouveaux freins.

» Suite du 3e. Motif. On peut appliquer ici ce qui arriva à la suite de l'ordonnance de 1667. L'ordonnance de 1673, sur le commerce, art. 1er, du tit. 7, prononçait la Contrainte par corps en matière de commerce, comme elle est prononcée par le tit. 2 de la loi du 15 germinal, mais ne renferma aucune exception en faveur des septuagénaires, d'où l'on pouvait induire que de son silence à cet égard, il résultait qu'en matière de commerce, les septuagénaires pouvaient être incarcérés nonobstant la disposition de l'art. 9 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667, et, cependant la juris prudence des arrêts continuait d'appliquer aux septuagénaires l'exception portée dans l'ordonnance de 1667, malgré que l'ordon nance du commerce de 1673, füt demeurée muette sur ce point. M. Merlin, dans son Répertoire de Jurisprudence, nous en donne la raison (aux mots Contrainte par corps): « C'est (dit-il) qu'il est de principe général, » que les lois nouvelles sont toujours censées » se référer aux lois anciennes qu'elles ne >> contrarient pas formellement ». Or, si le tit. 2 de la loi de germinal, qu'on peut comparer à l'ordonnance de 1673, ne contrarie pas formellement le tit. 1er, de cette même loi, qu'on peut comparer à l'ordonnance de 1667, pourquoi déciderait-on, d'après ces deux titres, autrement qu'on ne décida d'après l'ordonnance de 1667, et celle de 1673? Au contraire on doit dire que, s'il y avait du doute sur le vrai sens et le véritable esprit de la loi du 15 germinal, il devrait s'interpréter par ce qui se pratiquait auparavant et dans le même cas, d'après ce principe encore invoqué par M. Merlin, loco citato, que les lois nouvelles se plient de plein droit à toutes les exceptions qui, dans les lois anciennes modifient les dis、 positions qu'elles rappellent.

» Réponse. Ces raisonnemens, quand ils seraient aussi fondés qu'ils le sont peu, viendraient encore se briser contre l'avis du conseil d'état du 6 brumaire an 12; mais deux mots suffisent pour justifier cet avis du reproche de les avoir proscrits.

» D'une part, il s'en faut beaucoup qu'il y ait entre le tit. 2 et le titre 1er. de la loi du 15 germinal an 6, le même rapport qu'il y

1

avait entre l'ordonnance de 1673 et l'ordonnance de 1667. L'art. 1er, du tit. 7 de l'ordonnance de 1673 ne faisait que renouveler la disposition de l'art. 9 du tit. 54 de l'ordonnance de 1667; il était tout simple d'en conclure qu'il ne dérogeait pas à l'exception qui, dans l'ordonnance de 1667, modifiait cette disposition en faveur des septuagénaires; mais le tit. 2 de la loi du 15 germinal an 6, n'est pas, pour les matières commerciales, une simple répétition du tit. 1er. de la même loi concernant les matières civiles ordinaires; c'est, pour celle-là, une série de dispositions toutà-fait indépendantes des dispositions relatives à celle-ci; et le législateur a si peu entendu ordonner ou permettre aux juges d'appliquer aux secondes, par interprétation doctrinale, toutes les exceptions qui modifient les premières, qu'il a lui-même pris le soin de répéter dans le tit. 2 quelques-unes de ces exceptions, et qu'en ne les y répétant pas toutes, il a évidemment exclu de ce titre celles qu'il n'y a pas répétées.

» D'un autre côté, comment la cour de Caen peut-elle dire que l'on doit suppléer, par les dispositions de l'ordonnance de 1667, au prétendu silence du tit. 2 de la loi du 15 germinal an 6, sur les septuagénaires ? Toutes les dispositions de l'ordonnance de 1667, sur la Contrainte par corps, sont expressément abrogées par le dernier article de la loi du 15 germinal an 6; et il serait bien étrange qu'une loi ancienne suppléât au silence réel ou supposé de la loi nouvelle qui en a prononcé l'abrogation.

» 4o. Motif. Considérant que, postérieurement à cette loi du 15 germinal, est intervenu le Code civil, qui, au titre 16, détermine un certain nombre de cas dans lesquels, cn matière civile, la Contrainte par corps peut étre prononcée; et sous ce titre, art. 2066, ce Code porte qu'elle ne peut l'étre contre les septuagénaires, les femmes et les filles que dans les cas de stellionat. Voilà donc encore cette exception établie en faveur de la vieillesse consacrée de nouveau par le Code. Il est vrai que l'art. 2070 ajoute qu'il n'est point dérogé aux lois particulières qui autorisent la Contrainte par corps dans les matières de commerce, ni aux lois de police ou correctionnelles, ni à celles qui concernent l'administration des deniers publics; mais si cet article ne diminue point la force de la loi du 15 germinal, on ne peut pas dire non plus qu'il l'augmente; d'où il résulte qu'elle doit être entendue et appliquée selon son véritable esprit, et conformément aux lois anciennes dont elle n'est que la répétition ».

» Réponse. Non sans doute, l'art. 2070 du Code civil n'augmente point la force des dispositions du tit. 2 de la loi du 15 germinal an 6, relatives à la Contrainte par corps en matière commerciale. Mais, sans en augmenter la force, il les maintient telles qu'elles sont et dans leur parfaite intégrité. Or, le tit. 2 de la loi du 15 germinal an 6, assujettit les septuagénaires à la Contrainte par corps en matière commerciale; l'art. 2070 les y assujettit donc également.

» 5o. Motif. Considérant que l'avis du conseil d'état du 6 brumaire an 12, semblerait contrarier l'interprétation qui vient d'être donnée à la loi du 15 germinal; et si tel était le dernier état de la législation sur ce point, il serait sans doute difficile de prendre une interprétation opposée à cet avis; mais depuis ce temps, est intervenu le Code de procédure civile qui dispose, au §. 5 de l'art. 800, que, si le débiteur a commencé sa soixante-dixième année, et s'il n'est pas stellionataire, il sera élargi. Cet article est d'autant plus imposant, qu'il est général et doit s'appliquer à l'exécu tion des jugemens des tribunaux de com merce, comme à l'exécution des jugemens des tribunaux civils, puisque ce sont les tribu naux civils qui sont chargés de l'exécution des premiers comme des seconds jugemens ».

» Réponse. Enfin, la cour de Caen, après avoir péniblement lutte contre l'avis du conseil d'état du 6 brumaire an 12, veut bien convenir qu'elle ne pourrait pas se dispenser de s'y soumettre, s'il était encore en vigueur. Mais elle prétend qu'il est abrogé par l'art. 800 du Code de procédure civile. A cet égard l'exposant ne peut que se référer à ce qu'il a dit plus haut.

6e. Motif. Considérant que ce qui est décisif, c'est que le projet du Code de procédure fut envoyé par le gouvernement pour être soumis aux observations des cours d'appel; et que ce projet contenait la même disposition que renferme l'art. 800, avec cette différence qu'il y était ajouté : SI LE DÉBiteur n'est ni ÉTRANGER, NI STELLIONATAIRE, NI BANQUEROUTIER FRAUDULEUX, NI MARCHAND, NI NÉGOCIANT. Les cours d'appel de Bourges, de Poitiers, de Bruxelles, et méme celle de Caen, réclamèrent contre cet article, et demandèrent qu'un négociant honnéte, parvenu à sa soixantedixième année, fút admis à participer à l'avantage que l'on accordait aux autres citoyens. Sans doute que le conseil d'état sentit la justice de cette réclamation, puisqu'on n'a laissé subsister dans l'article d'autre exception à la faveur accordée aux septuagénaires, que celle du stellionat; d'où l'on doit induire que la vo

lonté bien prononcée du législateur a été de ne pas excepter les débiteurs pour cause de commerce de la règle générale, posée par le Code civil et par toutes les lois précédentes ».

[ocr errors]

Réponse. Ce raisonnement ne prouve rien précisément, parcequ'il prouve trop. Il en résulterait effectivement que, par la rédaction définitive de l'art. 8oo du Code de procédure civile, le législateur a entendu affranchir de la Contrainte par corps, nonseulement les septuagénaires commerçans, mais encore les septuagénaires banqueroutiers frauduleux. Car les mots banqueroutier frauduleux ont été retranchés de la rédaction définitive, comme les mots marchand et négociant. Or, assurément personne n'osera prêter au législateur une intention aussi fa vorable aux banqueroutiers frauduleux.

» Pourquoi, au surplus, les mots étrangers, banqueroutier frauduleux, marchand ni négociant, ont-ils été retranchés de la rédaction définitive de l'art. 800 du Code de procédure civile? Parceque le conseil d'état a reconnu que la commission qui avait rédigé le projet de cet article, y avait mal à propos mêlé des objets qui étaient hors du droit commun, et qui devaient être régis par des lois spéciales; parcequ'il a cru devoir renvoyer ces objets aux lois spéciales qui devaient les régir.

» Et ce n'est point une vaine conjecture qu'avance ici l'exposant : c'est une vérité mathématiquement démontrée par le procèsverbal même de la discussion du Code de commerce au conseil d'état.

» A la séance du conseil d'état du 26 mai 1807, un article formant le vingt-deuxième du titre de la compétence des tribunaux de commerce, avait été adopté en ces termes : Les septuagénaires qui auront été constitués prisonniers pour dettes de commerce, obtiendront leur liberté après six mois de détention, en justifiant devant le tribunal civil qu'ils ont atteint leur soixante-dixième année, et qu'ils sont en arrestation depuis ledit délai de six mois.

» Assurément, si le sort des septuagénaires incarcérés pour dettes commerciales, eût été réglé par l'art. 800 du Code de procédure civile, le conseil d'état ne s'en serait plus occupé dans le Code de commerce. Il n'y avait pas encore six mois que le Code de procédure civile était en activité; et on ne peut pas raisonnablement supposer que le conseil d'état eût youlu, par celui-ci, déroger aux règles qui eussent été établies par celui-là, en matiere de Contrainte par corps, pour les septuagénaires commerçans.

» Mais ce qui est bien plus décisif encore, c'est que la disposition même dont il s'agit, a été retranchée, sur la demande du tribunat, de la rédaction définitive du Code de commerce, et qu'elle l'a été précisément par la raison que les septuagénaires commerçans ne doivent pas être admis à la faveur qu'accorde aux débiteurs incarcérés peur dettes civiles ordinaires, l'art. Soo du Code de procédure civile.

[ocr errors]

» A la séance du conseil d'état du 18 juillet 1801, il a été rendu compte par M. Beugnot, au nom des sections de législation et de l'intérieur, des observations faites par le tribunat sur le titre adopté le 26 mai; et voici ce que l'exposant a extrait lui-même, à cet égard, de la minute du procès-verbal du conseil d'état : « M. Beugnot dit que le tribunat » demande la suppression de l'art. 22; voici » ses motifs : l'article tel qu'il est dans le pro»jet, paraît un terme moyen adopté par les » rédacteurs, entre deux opinions opposées qui » se sont manifestées dans les tribunaux de» puis le Code civil. Suivant l'une de ces opi»nions, la Contrainte par corps, en matière de » commerce, doit être restreinte par prin»cipes d'humanité, comme elle l'est dans les » matières civiles; et les septuagénaires, ainsi » que les femmes, en doivent êtres affranchis. Suivant l'autre opinion, au contraire, » il faut maintenir la rigueur de l'ancienne » ordonnance de commerce (1) et laisser, » dans les matières commerciales, les septua» génaires et les femmes ayant qualité de » marchandes publiques, assujettis, comme » tous autres, à la Contrainte par corps. » Quelque parti qu'on prenne à cet égard, » le moyen terme proposé paraît choquer » également l'une et l'autre opinion. La Con»trainte par corps n'a été introduite que » pour donner, dans la personne même da » débiteur, un gage à la créance. Or, de quel » usage ce gage sera-t-il, si le créancier est >> certain qu'il doit lui échapper six mois » après? Ou plutôt quel sera l'homme as» sez mauvais calculateur pour hasarder les » frais d'une prise de corps et les avances » qu'exigera la nourriture de son débiteur » en prison, lorsqu'il verra que ce débiteur » peut sortir de la prison sans le payer? La disposition, à cet égard, aura le défaut de » n'offrir qu'une rigueur apparente, mais >> inutile et purement comminatoire. Il vaut

[ocr errors]

(1) Il y a ici une légère méprise: l'ancienne or donnance du commerce est mise à la place de la loi du 15 germinal an 6; mais la question reste la même.

« PreviousContinue »