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» mieux choisir franchement entre les deux » opinions opposées que de les concilier par » un tel moyen. A cet égard, les sections » réunies pensent que le système de l'an»cienne jurisprudence, tout sévère qu'il fût, » n'était que juste et nécessaire. Le Code » civil n'y a pas dérogé, puisqu'il a formel»lement laissé les matières de commerce » sous l'empire de la législation commerciale; wet véritablement il y a grande raison pour » distinguer relativement à la Contrainte par » corps, l'obligation civile de l'obligation » commerciale. Le créancier qui contracte » civilement, connaît son débiteur; il peut » voir son âge et s'en assurer; et quand il » consent à traiter avec lui, quoique sep »tuagénaire, ou près de le devenir, il est » censé n'avoir pas compté sur la garantie » que la Contrainte par corps aurait pu lui » donner à l'égard d'un débiteur moins âgé. Mais celui qui reçoit ou endosse une >> lettre de change, ne connaît, la plupart » du temps, ni le tireur, ni les autres endos» seurs; et il doit toujours compter qu'il aura contre eux la plénitude de toutes les » garanties légales: autrement, les moyens » de fraude deviendraient si faciles qu'il y au» rait grand danger de les voir se multiplier » encore davantage; les hommes astucieux » ne manqueraient pas d'avoir, parmi leurs >> commis ou leurs confidens, des septuagé » naires tout prêts à leur donner des signa»tures. Peut-on concevoir d'ailleurs qu'en» tre deux endosseurs du même effet, il y >> aurait une telle inégalité que, faute de

» paiement, le second serait mis en prison

» parcequ'il n'aurait que soixante ans, tan» dis que le premier resterait libre, parce» qu'il aurait soixante-dix ans? De sorte que,

» par un renversement de toute justice, le » garanti paierait de sa personne en l'ac» quit du garant, et ne pourrait rejeter sur » lui les rigueurs dont il souffrirait à cause » de lui. - La proposition du tribunat est

» adoptée ».

Ici, toute espèce de doute disparaît; et il est clair, plus clair que le jour, que le conseil d'état et le tribunat se sont accordés, dans la rédaction définitive du Code de commerce, à regarder comme étrangère aux matières commerciales, la disposition de l'art. 8oo du Code de procédure civile, qui ordonne que les portes de la prison seront ouvertes au débiteur incarcéré, du moment qu'il sera entré dans sa soixante-dixième année; et que leur intention commune a été de laisser subsister la disposition du titre 2 de la loi du 15 germinal an 6, manifestée par l'avis du 6 bru

maire an 12, qui fait cesser, dans les matiéres commerciales, le privilége des débiteurs septuagénaires.

«6e. Motif. Considérant enfin, qu'on ne peut supposer que les législateurs de l'an 6 aient voulu être plus sévères que les anciens législateurs, puisqu'on les voit au contraire établir, en faveur de tous les débiteurs sans exception, des causes et des moyens d'élargissement qui n'étaient pas connus au. paravant. Ainsi, au bout de cinq ans de détention, la loi du 15 germinal veut que le débiteur soit élargi de plein droit, et qu'il le soit même avant, s'il paie un tiers de sa dette, et s'il donne une caution pour le surplus

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» Réponse. Ici, la cour de Caen revient encore à son premier système sur la manière d'entendre le tit. 2 de la loi du 15 germinal an 6; elle persiste encore à soutenir que le titre 2 de la loi du 15 germinal an 6 maintient, en faveur des septuagénaires commerçans, le privilege que leur accordait l'ordonnance de 1667, relativement à la Contrainte par corps; et par-là, elle se remet en état de rebellion contre l'avis du conseil d'état du 6 brumaire an 12.

» Du reste, rien de plus futile que le prétexte dont elle étaie sa doctrine. De ce que l'art. 18 de son troisième titre concernant le

mode d'exécution des jugemens emportant la Contrainte par corps (titre qui était commun

aux matières civiles ordinaires et aux ma

tières de commerce et qui est aujourd'hui abroge), la loi du 15 germinal an 6 voulait que toute personne légalement incarcérée obtint son élargissement par le paiement du tiers de la dette avec caution pour le surplus; détention, il résulte bien que, tant que cet et par le laps de cinq années consécutives de article a été en vigueur, le septuagénaire commerçant qui avait été contraint par corps, pouvait obtenir son élargissement par l'un ou l'autre de ces moyens (1). Mais en conclure qu'il était alors et qu'il est encore aujourd'hui à couvert de la Contrainte par corps, par la seule considération qu'il est

(1) En m'expliquant ainsi dans ce réquisitoire, je supposais, avec la cour d'appel de Caen, que l'art. 18 du tit. 3 de la loi du 15 germinal est abrogé pour les dettes commerciales, comme il l'est bien constamment pour les dettes ordinaires, par l'art. 800 du Code de procédure. Mais je ne le supposais que pour ne pas allonger inutilement ce réquisitoire par une discussion étrangère à son objet direct. Du reste, V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrainte par corps, S. 10.

septuagénaire, c'est mépriser toutes les règles de la saine logique.

» Oui, le législateur de l'an 6 a voulu se montrer plus humain envers les débiteurs emprisonnés que ne l'avait été l'ordonnance de 1667 et que ne l'est encore la loi actuelle. Mais autre chose est de vouloir adoucir le sort de tous les débiteurs emprisonnés en général, autre chose est de vouloir que tel débiteur ne puisse pas être emprisonné; et argumenter de l'un à l'autre, c'est argumenter de deux objets absolument disparates.

» Ainsi s'évanouissent tous les motifs qui ont déterminé la cour de Caen à s'élever contre l'arrêt de la cour du 10 juin 1807; ainsi restent dans' toute leur force les moyens qui appellent la censure de la cour sur un système qu'elle a déjà proscrit.

» Ce considéré, il plaise à la cour, vu l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, les art. 1 et 4 de la loi du 15 germinal an 6, et l'avis du conseil d'état du 6 brumaire an 12, casser et annuler, dans l'intérêt de la loi et sans préjudice de son exécution entre les parties intéressées, l'arrêt de la cour de Caen cidessus mentionné et dont expédition est ci-jointe, et ordonner qu'à la diligence de l'exposant, l'arrêt à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres de ladite cour. » Fait au parquet, le 9 décembre 1812. Signé Merlin.

» Oui le rapport de M. Minier...;

» Vu l'art. 88 de la loi du 27 ventóse an 8...; vu l'art. 1er. tit. de la loi du 15 germinal an6...; vu aussi l'avis du conseil d'état du 6 brumaire an 12, approuvé le 11 du même mois, sur la question de savoir si la Contrainte par corps devait être prononcée contre des septuagé naires qui avaient signé des lettres de change ou billets de change, et portant que, dans l'état actuel de la législation, la Contrainte par corps doit être prononcée contre des septuagénaires qui ont signé des lettres ou billets de change, par la raison que l'art. 2 de la loi du 15 germinal an 6, tit. 2, n'excepte de la disposition de l'art. 1er, qui a établi la Contrainte par corps contre les signataires de lettres de change et billets, que les femmes, filles et mineurs, non commerçans; (d'où il résulte) que l'exception portée en faveur des septuagénaires par l'art. 5 du tit. 1er, de la méme loi, n'est applicable qu'aux Contraintes par corps en matière civile et non en matière de commerce;

» Considérant qu'il résulte des lois citées, que la loi du 15 germinal an 6, qui a rétabli la Contrainte par corps, n'en a excepté les septuagénaires qu'en matière purement civile,

et non en matière de commerce; que cette loi a été maintenue, dans toute sa force, par l'art. 2070 du Code civil, et que l'art. Soo du Code de procédure civile ne renfermant point de dérogation audit art. 2070 du Code civil, ne doit être entendu que dans ses rapports avec les lois antérieures subsistantes;

» Par ces motifs, la cour, faisant droit sur le réquisitoire de M. le procureur général, casse et annulle.... ».

Le 15 juin de la même année, arrêt semblable, au rapport de M. Gandon.

Le sieur Rombert avait été Contraint par corps pour une dette de commerce. Il avait demandé la nullité de son emprisonnement, sur le fondement qu'à l'époque où il avait été emprisonné, il était âgé de plus de soixantedix ans; et sa demande avait été accueillie par la cour de Bruxelles.

Mais sur le recours en cassation du sieur Vanmelder, son créancier, est intervenu l'arrêt cité, qui casse. On peut en voir le texte dans le Bulletin civil.

Que faudrait-il décider à cet égard, si la dette commerciale ou la lettre de change qu'un septuagénaire serait aujourd'hui en demeure d'acquitter, était d'une date qui se reportat à une époque où l'ordonnance de 1667 faisait encore loi dans la Contrainte par corps?

Le 29 mai et le 7 août 1790, sentences du châtelet de Paris, qui condamnent le sieur Dusaillant, par corps, à payer au sieur Dury une lettre de change de 13,500 livres. Le 21 novembre 1808, le sieur Dury les fait signi fier au sieur Dusaillant, avec commandement d'y satisfaire.

Le 25 du même mois, le sieur Dusaillant assigne le sieur Dury devant le tribunal civil du département de la Seine pour voir dire qu'attendu qu'il est entré dans sa soixantedixième année, et que les lois du temps où les deux sentences ont été rendues, mettaient les septuagénaires, même commerçans ou signataires de lettres de change, à l'abri de la Contrainte par corps, il sera fait défense au sieur Dury de prendre cette voie contre lui.

Le 9 avril 1809, jugement qui, attendu que la loi du 9 mars 1793, avait aboli la Contrainte par corps; que ceux qui, à cette époque, étaient soumis à cette Contrainte, ont été, par cette loi, rétablis dans un état de liberté qui n'a été détruit par aucune loi postérieure; que, si la loi du 15 germinal an 6 a rétabli la Contrainte par corps, ce n'a été que pour l'avenir; qu'ainsi, la Contrainte par corps ne peut avoir lieu qu'en vertu de titres passés sous cette loi, et non en vertu

de titres ou jugemens antérieurs à 1793; fait défenses au sieur Dury de mettre à execution, par voie de Contrainte par corps, les sentences par lui obtenues contre le sieur Dusaillant, au châtelet de Paris, les 29 mai et 7 août 1790 ».

Le sieur Dury appelle de ce jugement. Par arrêt du 16 mars 1811, la cour de Paris met l'appellation au neant, « attendu qu'il s'agit » de l'exécution des sentences des 29 mai et août 1790; et qu'à cette époque, la dis» position de l'art. 9 du titre 34 de l'ordon»nance de 1667, relative aux septuagénai

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res, s'appliquait aux matières de commerce » comme aux autres matières purement ci» viles ».

Les heritiers du sieur Dury se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

« Il y a dans cette affaire (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 21 avril 1813), trois vérités incontestables : la première que les condamnations par corps qui avaient été prononcées avant la loi du 9 mars 1793, et que cette loi avait paralysées, ont repris toute leur force par l'effet de la loi du 28 ventóse an 5; la seconde, qu'avant la loi du 15 germinal an 6, les septuagénaires étaient affranchis de la Contrainte par corps en matière de commerce et de lettres de change, comme en matière civile ordinaire; la troisième, que, depuis la loi du 15 germinal an 6, les septuagénaires commerçans ou signataires de lettres de change sont sujets à la Contrainte par corps, comme les personnes au-dessous de cet age.

» La première de ces trois propositions est justifice par cinq arrêts de la cour, des 4 nivóse an 9, 21 germinal an 10, 2 et 3 août 1808 et 18 mars 1812.

» La seconde l'est également par trois arrêts du parlement de Paris, des 21 juillet 1739, 22 février 1759 et 15 mars 1766.

» La troisième l'est par deux arrêts de la cour, l'un du 10 juin 1807, qui a rejeté, au rapport de M. Bailly, la demande du nommé Canalis Oglou en cassation d'un arrêt de la cour de Paris, par lequel, quoiqu'àgé de soixante-douze ans, il avait été jugé valablement emprisonné, faute de paiement d'une lettre de change qu'il avait souscrite; l'autre du 3 février dernier, qui a cassé, sur notre réquisitoire et dans l'intérêt de la loi, un arrêt de la cour de Caen, par lequel un septuagénaire commerçant avait été affranchi de la Contrainte par corps.

» De la première de ces trois propositions, il résulte clairement que, dans notre espèce, la cour de Paris a très-justement condamné,

par la manière dont elle a motivé l'arrêt attaqué par les héritiers du sieur Dury, l'erreur à laquelle s'était abandonné le tribunal de première instance, en fondant la défense d'emprisonner le sieur Dusaillant sur le prétexte que les sentences des 27 mai et 7 août 1790 n'avaient pas recouvre, par la loi du 28 ventose an 5, la prérogative que leur avait ótée celle du 9 mars 1793, d'emporter la Contrainte par corps.

» Mais la cour de Paris a-t-elle également bien juge, en prenant pour base de son arrêt, la seconde de nos trois propositions, et n'est-ce pas plutôt à la troisième qu'elle aurait dû s'attacher? En d'autres termes, est-ce par la loi du temps où ont été prononcées contre le sieur Dusaillant les condamnations par corps dont il s'agit, est-ce au contraire par la loi actuelle, que doit être décidée la question de savoir si l'âge de soixante-dix ans doit ou ne doit pas garantir le sieur Dusaillant de la Contrainte par corps? Voilà ce que nous avons à examiner.

» En thèse générale, dans tout ce qui tient au mode d'exécution d'un titre de créance, la loi que l'on doit prendre pour guide, n'est ni celle du temps où la dette a été contractée, ni celle du temps où a été rendu le jugement qui a condamné le débiteur à le payer; c'est uniquement celle du temps où se pratique l'exécution même.

»Sans doute, lorsqu'il est question de la validité d'un engagement, lorsqu'il s'agit d'en déterminer les effets au fond, on ne doit, on ne peut consulter que la loi sous laquelle l'acte en a été passé. Mais, dit Boullenois, dans son Traité des statuts personnels et réels, tome 1, page 531, quand il s'agit de pure exécution, il faut suivre les lois du lieu où se fait l'exécution; et ce que cet auteur établit par rapport au lieu, s'applique de soi. même au temps.

» Aussi la section civile a-t-elle rejeté, le 22 mars 1809, au rapport de M. Boyer et sur nos conclusions, la demande du sieur Swan, Américain, en cassation d'un arrêt de la cour de Paris, qui l'avait jugé valablement emprisonné en vertu de la loi du 10 septembre 1807, pour le paiement d'une dette qu'il avait contractée au profit d'un Français, antérieurement à cette loi. Aussi a-t-elle rejeté cette demande, « attendu que la loi du 10 septembre » 1807 doit être considérée comme une loi de » police, une mesure de sûreté prise dans » l'intérêt national, contre les débiteurs » étrangers, laquelle ne porte aucune atteinte » à la substance de leurs engagemens, mais » est seulement introductiye d'un nouveau

sa

» mode pour parvenir à l'exécution desdits » engagemens; qu'une telle mesure est, de » nature, susceptible d'une exécution instan»tanée, et n'admet aucune exception prise » de l'antériorité de la dette; qu'ainsi, en » confirmant à l'égard du demandeur en cas»sation, l'application qui lui avait été faite » de la loi du 10 septembre 1807, l'arrêt atta» qué n'a pas donné à cette loi un effet ré»troactif contraire à son vœu (1) ».

» Si donc nous devions ici nous arrêter au principe général sur le mode d'exécution des titres de créance, il n'y aurait nul doute que la cour royale de Paris n'eût pas dû prendre pour régle la disposition de l'ordonnance de 1667 qui affranchissait les septuagénaires, mème commerçans, de la Contrainte par corps, et qu'elle n'eût dû se déterminer uniquement par la loi du 15 germinal an 6, qui, en fait de Contrainte par corps pour dette de commerce et lettres de change, n'accorde aucun privilege à l'âge de soixante-dix ans.

» Mais ce principe général n'est-il pas, en ce qui concerne la Contrainte par corps, modifié par une exception particulière au mode d'exécution des titres de créance dont la dette remonte au delà de la loi du 28 ventóse an 5?

» Si le principe général était applicable à ces titres, s'il n'existait pas, par rapport à ces titres, une exception devant laquelle il dût fléchir, la Contrainte par corps devrait infailliblement être prononcée aujourd'hui pour les dettes commerciales qui ont été contractées pour les lettres de change qui ont été souscrites pendant tout le temps qu'a été en vigueur la loi du 9 mars 1793.

» Cependant il est certain qu'elle ne peut pas l'être, et la cour a cassé, le 17 prairial an 12, un rapport de M. Coffinhal, un arrêt de la cour de Bordeaux, du 9 fructidor an 9, qui avait jugé le contraire au préjudice du sieur Ségur.

» Il faut donc que, relativement aux titres de créance commerciale qui remontent au delà de la loi du 28 ventose an 5, portant abrogation de celle du 8 mars 1793, il existe une exception au principe général que nous venons de rappeler.

» Et en effet, cette exception est écrite dans la loi du 28 ventôse an 5 elle-même. Les obligations (y est-il dit) qui seraient contractées postérieurement à la promulgation de la présente loi, et pour le défaut

(1) V. l'article Effet rétroactif, sect. 3, §. 10; et mon Recueil de Questions de droit, au mot Etranger, S. 4.

TOME VI.

d'acquittement desquelles les lois antérieures prononçaient la Contrainte par corps, y seront assujetties comme par le passé. Il est clair que, par-là, il est dérogé au principe général qui veut que le mode d'exécution d'un titre de créance se règle par la loi du temps où ce titre s'exécute; il est clair que, par-là, les obligations qui étaient affranchies de la Contrainte par corps par la loi du temps où elles avaient été passées, ont continué de l'être même après la publication de la loi du 28 ventôse an 5.

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» Et remarquons bien que les obligations commerciales qui, à l'époque de la publication de la loi du 28 ventose an 5, étaient affranchies de la Contrainte par corps, le sont encore aujourd'hui.

» Car, d'un côté, l'art. 2084 du Code civil conserve toute leur autorité aux lois antérieures sur la Contrainte par corps en matière de commerce, et par conséquent à la loi du 15 germinal an 6.

» De l'autre, la loi du 15 germinal an 6 n'est, comme elle le dit elle-même dans son préambule, que la suite et le complément de celle du 28 ventôse an 5; elle maintient donc implicitement la disposition de la loi du 28 ventose an 5, qui limite aux obligations postérieures à sa publication, le rétablissement de la Contrainte par corps; elle maintient donc implicitement la disposition de la loi du 28 ventose an 5 qui confirme l'affranchissement de la Contrainte par corps en faveur des obligations contractées sous l'empire de la loi du 9 mars 1793. C'est même ce que la cour a jugé formellement par l'arrêt du 17 prairial an 12, que nous citions tout à l'heure; car c'était bien long-temps après la publication de la loi du 15 germinal an 6, c'était par un arrêt du 9 fructidor an 9, que la cour d'appel de Bordeaux avait prononcé la Contrainte par corps contre le sieur Ségur, au sujet d'une dette de commerce qu'il avait contractée en 1794; et la cour, en cassant cet arrêt, a décidé nettement que la loi du 15 germinal an 6 n'avait pas fait cesser, relativement aux obligations contractées sous la loi du 9 mars 1793, l'exception écrite dans la loi du 28 ventose an 5.

» Ce qui prouve encore que, relativement aux titres de créance dont la date remonte au delà de la loi du 28 ventôse an 5, on ne doit pas suivre, en ce qui concerne la Contrainte par corps, le principe général qui ne fait dépendre le mode d'exécution d'un titre de créance que de la loi du temps de l'exécution même; ce qui prouve encore que, relativement à ces titres, le principe général doit

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céder à une exception dont ces titres sont l'objet spécial; ce qui prouve encore que, relativement à ces titres, le mode d'exécution ne doit dépendre que de la loi du temps où ils ont été formés, c'est la manière dont la cour a motivé ses quatre arrêts des 4 nivôse an 9, 21 germinal an 10, 2 et 3 août 1808, sur la question de savoir si la loi du 28 ventôse an 5 avait ou n'avait pas rendu tout leur ef fet aux condamnations par corps prononcées, et aux obligations par corps souscrites avant la loi du 9 mars 1793.

» Au premier coup d'œil, il aurait semblé que la loi du 28 ventose an 5 ne rétablissant la Contrainte par corps que pour les obligations postérieures à sa publication, en affranchissait, non-seulement les obligations contractées sous la loi du 9 mars 1793, mais encore les obligations contractées avant cette dernière loi.

» Mais la cour a considéré deux choses: la premiere, que la loi du 28 ventose an 5 rapporte, en termes expres, la loi du 9 mars 1793; et qu'en la rapportant, elle lui ote tout l'effet qu'elle avait momentanément produit au préjudice des créanciers d'obligations par corps antérieures à sa publication; la seconde, que ces obligations ayant été contractées sous la garantie de la Contrainte par corps, il était juste que l'on se reportát, pour le mode de leur exécution, à la loi sous l'empire de laquelle les débiteurs les avaient souscrites. En conséquence, par deux des arrêts cités, elle a maintenu des jugemens en dernier ressort qui avaient condamné par corps au paiement de dettes commerciales antérieures à la loi du 9 mars 1793; et par les deux autres, elle a cassé des jugemens en dernier ressort qui avaient déchargé de la Contrainte par corps des débiteurs de dettes commerciales de la

même date.

>> Il est donc bien constant que, sur la question de savoir s'il y a lieu ou non à la Contrainte par corps, pour les dettes antérieures à la loi du 28 ventose an 5, ce n'est pas à la loi du temps de l'exécution, mais à la loi du temps de l'obligation, que l'on doit s'attacher.

» Il est donc bien constant que si, dans notre espèce, la loi du temps où le sieur Dusaillant a souscrit une lettre de change de 13,500 livres au profit du sieur Dury, ne l'a vait pas soumis à la Contrainte par corps pour le paiement de cette lettre de change, le sieur Dusaillant ne serait pas, en ce moment, passible de la Contrainte par corps, à laquelle la loi du 15 germinal an 6 assujettit actuel lement tous les signataires de lettres de change, marchands ou non.

» Il est donc bien constant que le sieur Dusaillant ne pourrait aujourd'hui être contraint par corps au paiement de cette lettre de change, qu'en vertu de la loi sous l'empire de laquelle il l'a souscrite.

» Or, cette loi que nous dit-elle relativement au sieur Dusaillant?

» Elle nous dit qu'en signant une lettre de change, il s'est soumis à la Contrainte par

corps

» Mais elle nous dit en même temps, qu'il ne s'y est soumis que jusqu'à sa soixantedixième année?

» Elle nous dit qu'il s'est réservé le privilege qu'elle attribuait à tous les signataires indistinctement, de ne pouvoir être contraints par corps en matière civile et commerciale, que pour cause de stellionat.

» Elle nous dit, par conséquent, que l'arrêt attaqué par les héritiers du sieur Dury, a très-bien jugé.

» Et par ces considérations, nous estimons

qu'il y a lieu de rejeter la requête en cassa

tion, et de condamner le demandeur à l'amende ».

Par arrêt du 21 avril 1813, au rapport de M. Favard de l'Anglade,

« Attendu qu'il résulte de la combinaison des art. 4 et 9 du tit. 34 de l'ordonnance de 1667, que les septuagénaires ne pouvaient être emprisonnés pour dettes de commerce; que l'ordonnance du mois de mars 1673 n'a pas dé roge à cette exception, qui a été confirmée par l'ancienne jurisprudence; que la loi du 24 ventose an 5, en rétablissant la Contrainte par corps, abrogée par la loi du 9 mars 1793, a maintenu les dispositions des anciennes lois; que dès lors, les obligations contractées sous l'empire de ces lois, doivent conserver le privilége qui était établi en faveur des septua génaires, et auquel la loi du 15 germinal an 6 n'a rien dérogé pour le passé, mais seulement pour l'avenir; que les sentences rendues contre le sieur Dusaillant remontent à 1790; que ce dernier ayant atteint sa soixantedixième année depuis 1808, il a, dès ce moment, été déchargé de la Contrainte par corps prononcée contre lui; et qu'en le jugeant ainsi, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi;

» La cour rejette le pourvoi ». ]]

XXI. Lorsqu'un débiteur emprisonné pour dette civile, et qui ne se trouve dans aucun des cas dont on a parlé ci-dessus, a atteint l'age de soixante-dix ans accomplis, il est en droit de demander son élargissement. C'est ce qui résulte d'un arrêt du conseil rendu le

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