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8 mai 1668, en faveur de Léonard Pirot, bourgeois d'Avalon. Le parlement de Dijon avait jugé le contraire le 27 janvier précédent, au préjudice de Léonard Pirot luimême, sur le fondement, entre autres, que l'emprisonnement de ce particulier ayant eu lieu avant sa soixante-dixième année, avait été légal dans son principe. Mais par l'arrêt cité, « le roi étant en son conseil, a cassé et » annulé, casse et annulle ledit arrêt du » parlement de Dijon, du 27 janvier 1668, » comme contraire à son ordonnance du mois » d'avril 1667; et, sans avoir égard audit » arrêt ni à la recommandation faite par ledit » Champagne de la personne dudit Pirot dans » la prison où il est détenu, a ordonné et or » donne que ledit Pirot sera élargi purement » et simplement desdites prisons; à ce faire et >> souffrir le geolier contraint. Fait sa majesté » défenses, conformément à sadite ordon»nance, d'emprisonner aucuns septuagénaires, ni de les retenir dettes pour purement » civiles; mais veut qu'incontinent qu'ils au»ront atteint l'âge de jsoixante-dix ans, ils » soient mis hors desdites prisons, encore » que l'édit des quatre mois leur eût été sig» nifié, ou qu'ils eussent été emprisonnés » avant la publication de ladite ordonnance » du mois d'avril 1667, et avant qu'ils fussent » parvenus audit âge de soixante-dix ans, si » ce n'est que lesdits septuagénaires aient été » condamnés pour stellionat, recélé, ou pour » dépens en matière criminelle, et que les » condamnations soient par corps ».

[[ L'art. 156 de l'ordonnance du mois de janvier 1629 avait déjà décidé la même chose; et c'est, comme on l'a vu au no. précédent, ce que décide encore l'art. 800, no. 5, du Code de procédure civile. ]]

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XXII. Quelques autres personnes que celles que nous avons spécifiées, sont encore exemptes de la Contrainte par corps pour dettes civiles: tels sont les ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés : leur privilége à cet égard est fondé, tant sur l'édit du mois de juillet 1576, que sur l'art. 57 de l'ordonnance de Blois et l'art. 3 de la déclaration du 30 juillet 1710. Au surplus, ce privilége ne s'étend pas aux simples clercs: c'est pourquoi, par arrêt du 14 juillet 1688, rapporté au Journal des Audiences, le parlement de Paris a prononcé contre un clerc tonsuré, chanoine depuis vingt-cinq ans, la Contrainte par corps après les quatre mois, relativement à des dépens auxquels ce clerc avait été con

damné.

lége dont il s'agit, cesse d'avoir lieu en faveur des ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés, qui, par dol, s'en rendent indignes, comme quand ils cachent leur état et prennent la qualité de bourgeois ou de marchand, ou qu'ils changent de nom. Le parlement de Paris l'a ainsi jugé par arrêt du 10 avril 1607, rapporté par Leprêtre.

[[ Les ecclésiastiques, même constitués dans les ordres sacrés, n'ont plus à cet égard aucun privilége: le Code civil, en ne les exceptant pas, les laisse sous l'empire de la règle générale. C'est dans le même esprit qu'avait été rédigée la loi du 15 germinal an 6. ]]

XXIII. La Contrainte par corps ne peut pas être exercée non plus contre les mineurs, pour raison des dettes qu'ils ont contractées, quand même ils auraient tire, accepté ou endossé des lettres de change, et qu'ils se seraient soumis à cette Contrainte. C'est ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Metz, du 17 juin 1780, dont voici l'espèce.

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Un avocat mineur, mais émancipé par mariage, avait tiré plusieurs lettres de change au profit de marchands juifs qui lui avaient vendu des bijoux, ou prêté des deniers comp. tans: ces lettres furent protestées à l'échéance. Le jeune homme, condamné par corps, fût arrêté à la requête de quelquesuns de ses créanciers, et recommandé par les autres. Dans cette position, il interjeta appel au parlement de la sentence consulaire, non pas précisément parcequ'elle le condamnait à payer le montant des lettres de change, mais en ce qu'elle l'y condamnait par corps. Il soutint qu'un mineur, qui ne pouvait pas hypothéquer ses immeubles, pouvait encore moins engager sa liberté pour sûreté des sommes qu'il empruntait; qu'à la vérité, le mrineur émancipé par mariage, était le maître de disposer de ses effets mobiliers et du revenu de ses fonds; mais que cette faculté ne s'étendait pas plus loin et ne comprenait certainement pas sa propre personne; qu'il n'y avait d'exception à cette règle, que quand le mineur était lui même ou marchand ou homme d'affaires, parcequ'alors l'intérêt public, supérieur à toute autre considération, exigeait que ce mineur fût réputé majeur, relativement à l'exercice de son état.

Ces moyens de l'appelant, combattus par des préjugés dont les véritables circonstan ces n'étaient pas sans doute bien connues ont été très-bien saisis et développés par M. l'avocat général Foissey, qui prouva que

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5. Il faut d'ailleurs remarquer que le privi- non-seulement le mineur, quand il n'était

ni marchand ni homme d'affaires, n'était pas contraignable par corps; mais qu'en pareil cas, le majeur ne devait pas l'être non plus, lorsqu'il paraissait que la lettre de change par lui tirée n'était point destinée à procurer une remise d'argent d'une place dans une autre, et qu'elle n'avait réellement pour objet qu'un prêt simple ou une obligation ordinaire, que le créancier avait voulu deguiser sous cette forme de lettre de change, uniquement pour s'assurer de la Contrainte par corps contre son débiteur.

Voici le dispositif de l'arrêt : « La cour » ayant aucunement égard aux lettres de res» cision, a mis l'appellation et ce au néant, » en ce que N... (le nom du jeune avocat) a » été condamné par corps par la sentence dont » est appel; émendant quant à ce, déclare » son emprisonnement nul, lui fait main» levée de sa personne, et compense les dé» pens de la cause d'appel ».

Après avoir prononcé l'arrêt, M. le premier président a averti le barreau, que, lorsqu'un majeur non marchand ni homme d'affaires aurait signé une lettre de change, et qu'il apparaîtrait par les circonstances qu'elle n'avait pour objet qu'un simple prêt ou une obligation ordinaire, l'intention de la cour n'était pas que la Contrainte par corps eût lieu contre ce débiteur.

[[La loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 2, excepte les mineurs comme les femmes et les filles, de la disposition de l'article précédent, qui prononce la Contrainte par corps contre

toutes les personnes qui signeront des lettres

ou billets de change, ou y mettront leur aval.

L'art. 2064 du Code civil porte que la Contrainte par corps ne peut être prononcée contre les mineurs, dans les cas où elle est permise en général par les art. 2060, 2061 et 2062. ]]

Et quoique les mineurs bénéficiers soient réputés majeurs pour raison de leur bénéfices, le parlement de Paris a jugé, par arrêt du 21 mars 1676, rapporté au Journal du Palais, qu'un tel mineur ne devait point être assujetti à la Contrainte par corps, relativement aux dépens prononcés contre lui dans la poursuite d'un bénéfice.

Observez néanmoins que l'exception dont il s'agit, ne s'étend pas aux mineurs marchands ou banquiers comme ceux-ci sont réputés majeurs, relativement à leur commerce, ils sont assujettis à la Contrainte par corps, pour raison des dettes qu'ils contractent au sujet de ce commerce. C'est ce qui résulte de l'art. 6 du titre i de l'ordonnance de mars

1673. C'est aussi ce qu'ont jugé divers arrêts. Il y en a un du 5 décembre 1606 dans la bibliothèque de Bouchel. [[ C'est ce que décide pareillement la loi du 15 germinal an 6, tit. 2, art. 3. ]]

Au reste, cette décision ne s'applique pas au cas où un mineur, marchand public, emprunte une somme d'argent, que, par l'obligation qu'il passe à ce sujet, il declare vouloir employer dans son commerce; cette déclaration ne l'assujettit point à la Contrainte par corps, parcequ'il ne s'agit alors ni d'une négociation, ni d'un fait de marchandises.

Mais un mineur intéressé dans les affaires du roi, ou chargé du recouvrement des deniers royaux, est sujet à la Contrainte par corps. Le parlement de Paris l'a ainsi jugé contre Isaac Lardeau, par arrêt du 30 août 1702.

[[XXIV. Les jeunes gens qui, par la loi de la conscription (remplacée aujourd'hui par celle du recrutement), sont appelés au service militaire, sont-ils, à ce titre, affranchis de la Contrainte par corps?

Non. Un arrêté du gouvernement du 7 thermidor an 8 porte qu'il n'y a pas lieu à modifier, en faveur des conscrits, les disposi tions des lois des 15 germinal et 4 floréal

an 6.

XXV. Le 7 juillet 1790, le sieur Rollin ayant écrit au président de l'assemblée constituante, pour savoir s'il pouvait faire empri

sonner un membre de cette assemblée contre

lequel il avait obtenu une condamnation par

corps au paiement d'une lettre de change, il est intervenu sur-le-champ un décret par lequel « l'assemblée nationale décrète que son

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président est chargé de répondre au sieur » Rollin, qu'elle trouve juste qu'il exerce >> contre son débiteur tous les droits et toutes »les Contraintes que lui assure la loi ».

Ce décret est-il aujourd'hui applicable aux membres de la chambre des pairs et à ceux de la chambre des députés? V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrainte par corps.

XXVI. La Contrainte par corps peut-elle être prononcée entre associés commerçans, à raison de ce que l'un doit à l'autre par le résultat de la liquidation de la société?

V. l'article Société, sect. 6, §. 3, no. 2 bis.]]

XXVII. Un arrêt de règlement du parlement de Paris du 19 décembre 1702 avait défendu de mettre à exécution les Contraintes par corps contre les débiteurs, dans leurs maisons, même de jour; mais les édits de novembre 1772 et juillet 1778 ont établi pour

Paris une jurisprudence nouvelle à cet égard. Le législateur a considéré que la Contrainte par corps pour dettes civiles, établie en faveur du commerce, deviendrait une voie préjudiciable à la sûreté des citoyens, si elle ne pouvait être employée sans ruse, fraude, ni violence en conséquence, il a été créé des officiers, appeles gardes du commerce, auxquels le roi a attribué le pouvoir exclusif de mettre à exécution à Paris, et dans la banlieue de cette ville, les Contraintes par corps pour dettes civiles prononcées par les arrêts, jugemens et sentences émanes des cours ou autres tribunaux, quels qu'ils soient. (M. GUYOT.) *

[[On a vu à l'article Clain, §. 3, que la législation actuelle est conforme au règlement de 1702.

V. les articles Arrestation, Emprisonne ment, Capture, Alimens, Amende, Exécution, Bail, Sauf-conduit, etc.]]

* CONTRARIÉTÉ D'ARRÊTS. Cela se dit de deux arrêts rendus en deux tribunaux différens ou en deux chambres du même tribunal entre les mêmes parties pour raison du même fait, et dont les dispositions sont opposées dans l'un à celles de l'autre.

I. La Contrariété d'arrêts est une voie pour se pourvoir au grand conseil, l'édit du mois de septembre 1552 lui attribuant juridiction à cet égard.

Si ce tribunal trouve qu'il y ait une Contrariété apparente, il accorde, sur la requête qui lui est présentée, une commission pour assigner les parties; il est sursis, par cette commission, à l'exécution des deux arrêts; et si, par l'événement, le grand conseil juge qu'il y a de la Contrariété entre les deux arrêts, c'est toujours le dernier qu'il casse, et il ordonne l'exécution du précédent.

Remarquez que, si les arrêts où l'on prétend qu'il y a Contrariété, ont été rendus par les juges d'une même chambre, c'est un moyen de requête civile. C'est ce qui résulte de l'art. 34 du tit. 25 de l'ordonnance de 1667.

Lorsqu'une partie prétend qu'il y a Contrariété d'arrêts entre un arrêt d'une cour souveraine et un arrêt du grand conseil, elle ne peut se pourvoir qu'au conseil. Et la même règle doit être observée, lorsque l'arrêt ou jugement en dernier ressort, auquel on prétend qu'un autre arrêt ou jugement en dernier ressort est contraire, est émané du conseil, ou rendu, soit par des commissaires du conseil, soit par les maîtres des requê tes ordinaires de l'hotel. C'est ce qui résulte

de l'art. 1 du tit. 6 de la 1oo. partie du règlement du 28 juin 1738.

Suivant l'art. 2, les demandeurs en Contrariété d'arrêts ou jugemens, ne sont assujettis ni aux délais, ni à la consignation d'amende, ni aux autres formalités prescrites pour les demandes en cassation d'arrêt.

La demande en Contrariété doit être formée par une requête en forme de vu d'arrêt, à laquelle le demandeur est obligé de joindre les copies qu'on lui a signifiées, ou des expéditions en forme, des arrêts qu'il prétend être contraires : autrement, sa requête ne doit pas être reçue. Telles sont les dispositions

de l'art. 3.

La requête dont il s'agit, doit être remise au greffier du conseil, pour faire commettre seil, elle doit être communiquée aux comun rapporteur; et avant d'être portée au conmissaires auxquels doivent en général être communiquées les demandes en cassation, conformément à l'art. 21 du tit. 4 de la première partie du règlement cité. Après cette communication, le rapporteur fait son rapport au conseil, sur lequel on ordonne ce qu'il convient. Cela est ainsi réglé par l'art. 4.

L'art. 5 veut que, quand il ne se trouvera aucune Contrariété entre les deux arrêts ou soit débouté de sa demande, ou déclaré nonjugemens dont il sera question, le demandeur recevable, s'il y a lieu; et que, si la demande il soit ordonné qu'elle sera communiquée aux paraît mériter une instruction plus ample, parties intéressées, pour y répondre dans les délais du règlement.

Si, sur le rapport de l'instance introduite par l'arrêt de soit communiqué, il est jugé qu'il y a Contrariété entre les deux arrêts ou jugemens, il doit être ordonné que, sans selon sa forme et teneur; mais si le demans'arrêter au dernier, le premier sera exécuté deur vient à succomber dans sa demande, il

peut être condamné à des dommages et intérêts envers la partie adverse, et même à une amende arbitraire. C'est ce que porte l'art. 6. (M. GUYOT.) *

II. Aujourd'hui, comme sous l'ancien régime, la Contrariété de jugemens en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les mémes moyens, dans les mêmes cours ou tribunaux, donne ouverture à la requête civile. C'est la disposition de l'art. 480 du Code de procédure.

Mais, suivant l'art. 504 du même Code, « la Contrariété de jugemens en dernier res» sort entre les mêmes parties et sur les

» mêmes moyens, en différens tribunaux, » donne ouverture à cassation; et l'instance » est formée et jugée conformément aux lois » qui sont particulières à la cour de cassa» tion ».

On peut voir dans le Bulletin civil de la cour de cassation, un arrêt de cette cour du 14 août 1811, qui, d'après cet article, casse un arrêt de la cour de Toulouse, comme contraire à un précédent arrêt de la cour de Paris.

III. La Contrariété de deux arrêts donnet-elle, contre le deuxième, ouverture au recours en cassation, lorsque le deuxième est émané d'une cour dans le ressort actuel de la quelle existait précédemment celle qui a rendu le premier ?

Le 28 février 1807, arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui deboute les sieur et dame Sennart de plusieurs demandes qu'ils avaient formées contre les sieur et dame Bosquet.

Les sieur et dame Sennart se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et soutiennent, entr'autres choses, qu'il doit être annulé, parcequ'il est, selon eux, en opposition diamétrale avec deux arrêts rendus, en 1753 et 1754, entre les mêmes parties sur les mêmes objets et sur les mêmes moyens, par le cidevant souverain chef-lieu de Mons.

« Ce moyen (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 8 avril 1811) n'est point recevable. Car s'il était vrai, comme le prétendent les demandeurs, qu'il y eût Contrariété entre l'arrêt de la cour de Bruxelles qu'ils attaquent, et les arrêts du souverain chef-lieu de Mons, des 12 juin 1753 et 20 août 1754, dont ils excipaient devant cette cour, à quel genre de recours cette Contrariété donnerait-elle ouverture?

» Pour qu'elle pût donner ouverture au recours en cassation, il faudrait, d'après l'art. 504 du Code de procédure civile, que la cour d'appel de Bruxelles pût être considérée comme un tribunal distinct du ci-devant souverain chef lieu de Mons; et si elle ne peut pas être considérée comme telle, la voie de la requête civile est, suivant l'art. 480, la seule qui puisse être prise pour faire cesser la Contrariété entre l'arrêt de l'une et les arrêts de l'autre.

» Or, le ci-devant souverain chef-lieu de Mons exerçait sa juridiction dans une partie du ressort actuel de la cour d'appel de Bruxelles. Il est donc aujourd'hui représenté par cette cour. Cette cour est donc aujourd'hui identifiée avec lui. On ne peut donc pas dire que l'arrêt attaqué aujourd'hui par les de

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mandeurs, et les arrêts du 12 juin 1753 et 20 août 1754, aient été rendus en différens tribunaux. Si donc il existe une véritable Contrariété entre le premier de ces arrêts, d'une part, le second et le troisième, de l'autre, ce n'est point par recours en cassation, c'est uniquement par requête civile, que les demandeurs ont dû se pourvoir pour la faire

cesser ».

Par arrêt du même jour, au rapport de M. Liger-Verdigny, « attendu, sur le pre>> mier moyen, qu'en ad mettant qu'il fût fon» dé, il ne pourrait donner ouverture à cas»sation, qu'après avoir épuisé la requête » civile, aux termes des art. 480 et 504 du Code » de procédure civile... ; la cour rejette..... ».

V. les articles Contradiction (Jugement), Requête civile, Cassation, et mon Recueil de Questions de droit, aux mots Contrariété d'arrêts.

-

* CONTRAT. C'est [[ dans le sens le plus étroit]] une convention revêtue des formes d'un acte public: [[il est, en ce sens, synonyme d'acte notarié ; — mais dans l'acception la plus génerale, suivant la définition qu'en donne l'art. 1101 du Code civil, c'est « une » convention par laquelle une ou plusieurs » personnes s'obligent, envers une ou plu»sieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas » faire quelque chose ».—Pris dans ce sens, le mot Contrat est à peu près synonyme de Convention, Pacte, Traité, Obligation.]]

Celui de Convention parait le plus générique, celui qui comprend tous les autres; et par cette raison, c'est dans l'article Convention que nous réunirons les principes généraux de tous les engagemens que les hommes contractent entre eux.

Ici, nous ne parlerons des Contrats que dans leur sens le plus étroit, c'est-à-dire, comme de conventions revêtues des formalites établies par les lois, pour leur procurer une exécution plus sûre et des effets plus étendus.

Dans l'état de nature, les Contrats ne pourraient être fondés que sur la bonne foi; mais dans l'ordre civil, ils sont appuyés de la force publique : la société y intervient et s'en rend garante.

Le consentement des parties forme l'essence des Contrats; mais ce sont les formali. tes qui les accompagnent, qui en assurent l'exécution. Quand une fois ils sont consolides par ces qualités extérieures, les parties ne peuvent plus s'en écarter. Dénoncés à la justice, elle s'armerait elle-même pour les soutenir et réprimer la mauvaise foi. De là

le soin de tous les peuples à environner leurs conventions de solennités, afin qu'une fois conclues, elles ne puissent plus être révoquées en doute, et par-là rester sans effet.

On remarque que ces formalités tiennent aux progrès des sociétés. Plus les hommes se rassemblent, plus ils se corrompent. Moins il y a de bonne foi dans leurs conventions, plus les formalités s'en multiplient.

Les premières nations que l'histoire nous fait connaître, n'avaient pas une autre manière de contracter que celle qui est encore en usage parmi les peuples sauvages. On se rend dans le lieu le plus fréquenté: on traite, on conclut; ensuite on interpelle tous les passans de se souvenir de ce qu'ils ont vu, d'en rendre compte au besoin.

et

C'est ainsi qu'en usaient les premiers juifs : l'Écriture-Sainte nous en fournit plusieurs exemples. Nous y voyons Abraham acheter une terre en présence de tout le peuple, à l'entrée de la ville, où se rendait la justice.

Les Grecs commencèrent aussi par ne confier la sûreté de leurs actes qu'à la bonne foi des parties, et à la déposition ou du public ou des témoins devant qui tout s'était passé.

Mais un peuple que les spéculations de commerce, le goût des beaux-arts, les dissensions intestines, rendaient tout à la fois ingénieux, vaste en projets, adroit et méfiant, dut bientôt avoir besoin d'appeler la prudence et le raffinement au secours de la bonne foi; et il établit des formes d'actes, et des ministres pour les recevoir. Cependant il n'a jamais subtilise sur les formes ni sur les lois : on l'a justement appelé un peuple sophiste; mais il ne l'a été que dans sa manière de philosopher.

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Il n'en a pas été de même des Romains: ce peuple était encore renfermé dans un territoire borné, partagé entre l'agriculture et la guerre, qu'il se soumit, pour toutes les espèces d'actes, à des formules aussi singulières que multipliées. Elles étaient le fruit de la politique des patriciens, qui avaient seuls le droit d'entrer dans le college des augures. Ils avaient inventé toutes ces subtilités pour embarrasser les plébéiens, et pour se conserver une inspection nécessaire et continuelle sur leurs fortunes.

On remarque l'empreinte de ce génie formaliste dans les distinctions nombreuses dont le droit romain était rempli sur les Contrats; on le voit encore plus dans les diverses actions qu'on avait établies, presque pour chaque Contrat.

La première division des Contrats, chez les Romains, était en Contrats du droit des gens, et en Contrats de droit civil.

On appelait Contrats du droit des gens, ceux qui, dans tous les temps, sont nés avec la société même, et en forment le lien permanent: tels sont ceux de la vente, du prêt, du louage, etc.

On leur conserve encore parmi nous cette dénomination qui provient de leur origine, quoiqu'ils soient reçus dans le droit civil, et obligatoires par ce droit même.

On nommait Contrat du droit civil, ceux qui n'avaient d'autre source que le droit civil même, lequel en avait établi les formes et déterminé les effets. Telles étaient, par exemple, ces stipulations conventionnelles qui se formaient par l'interrogatoire d'une partie, et par la réponse de l'autre : Vis-ne solvere? volo.

Nous distinguons les Contrats du droit civil des Contrats civils, en ce que ceux-ci peu. vent prendre leur origine dans le droit naturel, en même temps qu'ils sont revêtus des formalites civiles; au lieu que les autres à la cause et quant à la forme. se rapportent aux institutions sociales, quant

Cette première division se sous-divisait en Contrats proprement dits et en simples pactes.

Le Contrat était une convention qui avait parties ou toutes les deux étaient civilement un nom et une cause, et par laquelle une des obligees.

cause, mais point de nom, et qui n'obligeait Le pacte était une convention qui avait une vision rentrait dans celle qui suit. que d'après les lois de la conscience. Cette di

On disait ensuite que les Contrats étaient nommés ou innommés.

Les Contrats nommés étaient ceux à chacun desquels le droit civil avait attribué un nom, soit pour les distinguer les uns des autres, soit pour les différencier des Contrats innommés. [[ Telle était la vente qui donnait lieu, en faveur du vendeur, à l'action venditi, et en faveur de l'acheteur, à l'action empti; le louage qui donnait lieu, en faveur du bailleur, à l'action locati, et en faveur du locataire, à l'action conducti. ]]

Les Contrats innommés étaient ceux qui n'avaient point de noms particuliers qui leur eussent été donnés ou confirmés par le droit civil, et qui, de simples conventions qu'ils étaient d'abord, devenaient ensuite Contrats par l'accomplissement de la convention de la part d'une des parties. Ils étaient alors considérés comme des mandats. Celle des parties

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