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» au temps du décès du testateur, ainsi qu'il » est établi par les vrais principes et par » l'art. 35 de la loi du 9 fructidor an 2; » attendu que la règle catonienne, dont l'ap»plication manque en beaucoup de cas, » n'est pas applicable aux lois nouvelles, » suivant la loi 5, D. DE Regula CatonianA ».

» Or, est-ce de la loi des douze tables que provenait, en 1788, l'incapacité dans laquelle le sieur Spiess se trouvait à cette époque, de faire et de recevoir une donation mutuelle pour cause de mariage? Très-certainement non. Cette incapacité était le résultat d'un droit absolument nouveau, c'est-à-dire, posté rieur à la loi des douze tables. On ne peut donc pas appliquer à cette incapacité la règle de Caton, comme l'arrêt de la cour du 28 germinal an 11 a jugé qu'on ne pouvait pas l'appliquer à la prohibition des avantages entre mari et femme, portée par les coutumes d'Artois et la châtellenie de Lille.

» Ce n'est pas tout. Par cela seul que la donation mutuelle dont il s'agit, a été faite par un contrat de mariage, il s'ensuit nécessairement qu'elle n'est pas pure et simple, mais conditionnelle; qu'elle a été, dès son principe, subordonnée à la condition, si le ma. riage projeté a lieu; qu'elle n'a conséquemment été qu'en projet, tant qu'elle n'a pas été suivie de la célébration d'un mariage régulier et valable; et par une consequence ultérieure, que la condition de laquelle les parties l'avaient fait dépendre, n'a été remplie que par le mariage qu'elles ont contracté le 24 brumaire an 2. Stipulationem quæ propter causam dotis fiat, constat habere in se conditionem hanc, SI NUPTIE FUERINT SECUTE, et ita demùm ex ed agi posse, quamvis non sit expressa conditio, si nuptiæ sequantur, constat. Ce sont les termes de la loi 21, D. de jure dotium.

» Or, la règle de Caton est-elle applicable aux stipulations conditionnelles? Écoutous là-dessus un grand maître, Cujas, dans ses quæstiones papinianeœ, liv. 15, sur la loi 3, D. de regula catonianá. La règle de Caton, dit-il, ne concerne pas les legs faits sous condition; elle ne concerne donc pas non plus les contrats qu'une condition tient en suspens: Ad legata conditionalia regula catoniana non pertinet: non pertinebit etiam ad stipulationes conditionales. Il confirme cette assertion par la loi 31, D. de verborum obligationibus, par la loi 98 du même titre, et par la loi 68 D. de jure dotium; et il en donne cette raison générale, conditionalia ex post facto confirmantur, raison qu'il ap

puie sur le texte formel de la loi 8, D. de rebus creditis.

» Dans le liv. 10 du même ouvrage, sur la loi 68, D. de jure dotium, Cujas fait précisément l'application de cette doctrine aux contrats de mariage. Il établit d'abord, par plusieurs lois dont il rappelle les dispositions, père n'y a pas consenti; et que cette fille que le mariage d'une fille est nul, si son n'est véritablement mariée, que lorsqu'elle l'a été du consentement de son père: Non sunt igitur nuptiæ, nisi præcesserit consensus patris, id est, tùm demùm sunt nuptiæ si præcesserit consensus patris. De là, continue s'étant mariée à l'insu de son père, la constiCujas, naît la question de savoir si une fille tution dotale qui lui a été faite alors par un tiers, ou qu'elle s'est faite à elle-même, et qui est nulle ainsi que son mariage, ne devient pas valable et obligatoire du moment où le père approuve après coup le mariage contracté illégalement par sa fille : At indè quæritur hoc loco, si eo tempore quo filia nupsit ignorante patre, aliquis dotem promiserit vel ipsa promiserit (nihil enim refert), hæc promissio non valet, ut neque nuptiæ: an postea convalescet hæc promissio et stipulatio dotis, nuptiis consentiente patre, etsi eam dotem non stipuletur (iterùm) maritus? Au premier abord, la négative paraît certaine, et fondée sur la règle de Caton : Videtur non convalescere, quia renovari et refici non potest, sed ipso jure non convalescit, et omninò videtur esse necessaria stipulatio nova: quia scilicet regula catoniana...... hoc dictat, Il faut cependant décider que la constitution dotale est de plein droit validée par le consentement que le père vient à donner au mariage: car elle n'a pas été pure et simple, mais conditionnelle; or, la règle de Caton ne s'applique pas aux stipulations conditionnelles; elle ne s'applique qu'aux stipulations pures et simples: Verius tamen est eam stipulationem convalescere, quia conditionalis fuit stipulatio, non pura; et catoniana regula pertinet tantùm ad stipulationes puras, non conditionales...... omnia quæ sunt conditionalia ex post facto confirmantur; hoc conditioni innatum est. Je dis (c'est toujours Cujas qui parle) que la constitution dotale est conditionnelle; et en effet elle est toujours faite sous la condition que le mariage ait lieu : car point de mariage, point de dot; et voilà pourquoi, comme le dit une loi expresse, on ne peut exiger la dot qu'après la célébration du mariage : Stipulatio autem dotis semper intelligitur sub hác conditione, si nuptiæ sequantur, quia sine nuptiis dos non est; et ideò ita demùm

illá stipulatione agi potest, si nuptiæ sequantur, ut rectè ait lex 21, h. t. La constitution dotale n'a donc son effet que par le mariage qui la suit; et encore faut-il que ce mariage soit valable: un mariage nul ne remplirait pas la condition qui la tient en suspens. Mais, remarquons-le bien, un mariage nul ne ferait pas non plus faillir cette condition; et il est toujours libre à la partie en faveur de laquelle la dot a été promise, de remplir cette condition en contractant un mariage valable: Constat ergò, si nuptiæ sint secutæ, alioquin non constat; nam si injustæ sunt nuptiæ, non videtur impleta conditio stipula tionis. Sed, quod notandum, non videtur etiam defecta conditio contractis nuptiis illegitimis, et integrum est stipulatori conditionem implere.

» Vous sentez, messieurs, combien ceci devient décisif pour notre espèce. Il en résulte clairement que le mariage invalablement contracté en 1788 par les sieur et dame Spiess, n'a pas fait faillir la condition qui était inhérente à leurs Conventions matrimoniales; qu'ils ont véritablemet rempli cette condition par le nouveau mariage qu'ils ont légalement contracté le 24 brumaire an 2; et que, par l'effet de ce nouveau mariage, leurs Conventions matrimoniales de 1788 ont été validées de plein droit, sans que la règle de Caton y ait apporté aucun obstacle.

» Et ne croyez pas que, dans tout ce que vient de dire Čujas, il ait parlé d'imagination et de son propre chef: non, il n'a parlé que d'aprés le texte de Papinien, qui forme la loi 68, de jure dotium. La constitution dotale, porte cette loi, ne cessera pas d'être obligatoire par cela seul que le mariage en faveur duquel elle a été faite, aura été contracté à l'insu du père de la fille, et elle produira son effet aussitôt que le père de la fille aura approuvé le mariage qu'elle a contracté à son insu. Il en est de même de la promesse qui a été faite d'une dot à une fille mariée avant l'âge de douze ans : cette promesse sera exigible quand le mariage aura été confirmé par la co-habitation de la fille avec son mari, après sa douzième année. Et la raison en est que toute promesse de dot renferme la condition tacite d'un futur mariage: Dotis promissio non ideò minùs valebit, quod ignorante initio patre, nuptiæ fuerint, si postea consenserit; cùm omnis dotis promissio futuri matrimonii tacitam conditionem accipiat. Nam etsi minor annis duodecim, ut major deducta sit, tunc primùm petetur, cùm major annis apud eundem esse cæperit.

» Ce n'est pas tout encore. Non seulement

la donation mutuelle dont il s'agit, a été stipulée par un contrat de mariage; non-seulement elle est, à ce titre, conditionnelle; nonseulement, à ce titre, elle est affranchie de la règle de Caton; mais cette donation ne peut pas même être rangée dans la classe des libéralités entre-vifs: elle est une donation à cause de mort: elle l'est dans toute l'énergie du terme. Or, la règle de Caton exerce-t-elle Ici, laissons encore parler Cujas, dans le preson empire sur les donations de cette espèce? mier des passages que nous venons de citer : Adnotandum tamen regulam catonianam non pertinere ad donationes causú mortis. Finge, donavi incapaci, qui mortis tempore est caquia in donationibus causá mortis, non specpax, an perveniat ad donationem? Sic videtur, tatur tempus donationis, sed tempus mortis...... Ratio, quia donationes hæ conferuntur in tempus mortis. - Et en effet, comme l'observe Cujas lui-même, la loi 22, D. de mortis causá donationibus, le décide ainsi en termes exprès : In mortis causá donationibus, non tempus donationis, sed mortis intuendum est, an quis capere possit.

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» Mais, disent les demandeurs, tout cela peut être bon dans le droit romain. Que le droit romain soustraie à l'autorité de la règle de Caton les donations par contrat de mariage et les donations à cause de mort, soit. Il n'en dence, elles sont soumises à cette règle ; et ce est pas moins vrai que, dans notre jurispruqui le prouve, c'est qu'il vient d'être jugé par la cour de cassation que, pour déterminer l'étendue d'une donation à cause de mort par contrat de mariage, ce n'est pas à la loi du temps où le donateur est décédé, mais à celle du temps où le contrat a été fait, que l'on doit avoir égard.

» Effectivement, messieurs, vous avez jugé le 7 ventóse dernier, au rapport de M. Cochard, en rejetant la demande de Marie-Françoise Gosselin et de son mari, en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Rouen, qu'encore que le sieur Besognet fût mort en l'an 8, la donation à cause de mort qu'il avait faite à sa parente, par le contrat de mariage de celleci, passé le 27 août 1792, ne devait avoir aucun effet quant, aux propres régis par la coutume de Normandie, dont l'art. 427 interdisait toute disposition gratuite de biens de cette nature.

» Mais 1o. vous ne l'avez jugé que par un rejet; et, abstraction faite de la loi dont nous allons parler, il est permis de douter que vous eussiez cassé l'arrêt dont il s'agissait, en cas qu'il eût embrasse l'opinion contraire.

» 2o. Pour le juger ainsi, vous aviez,

dans

cette affaire, une base qui manque absolument dans l'espèce actuelle. Cette base était l'art. 1 de la loi du 18 pluviose an 5, qui, en maintenant les dispositions contractuelles faites entre parens ou étrangers avant les nouvelles lois, ordonne qu'elles auront leur plein et entier effet, conformément aux anciennes lois, tant sur les successions ouvertes jusqu'à ce jour, que sur celles qui s'ouvriront à l'avenir; car de ces mots, conformément aux anciennes lois, combinés avec ceux-ci, sur celles qui s'ouvriront à l'avenir, il résultait évidemment que la donation dont Besognet avait gratifié sa parente, en la mariant, ne devait pas avoir plus d'effet que ne l'avait permis la coutume sous l'empire de laquelle elle avait été faite. -Mais cet article est absolument inapplicable aux donations entre mari et femme. Limité aux dispositions contractuelles de parens et d'étrangers, faites avant les lois nouvelles qui les avaient prohibées pour l'avenir, elles sont nécessairement sans objet pour les disposi tions, soit contractuelles, soit testamentaires, entre époux, puisque les époux étaient autorisés, par les lois nouvelles elles-mêmes, à se donner l'universalité de leurs biens; et que conséquemment il n'y avait, à leur égard, rien à régler pour le passage de l'ancienne à la nouvelle législation. Quel est d'ailleurs le but de cet article? C'est d'expliquer l'abrogation prononcée par la loi du 9 fructidor an 3 et par celle du 3 vendémiaire an 4, de l'effet rétroactif donné par la loi du 17 nivóse an 2, à son premier article portant que les institu tions contractuelles et autres dispositions à cause de mort, dont l'auteur est encore vivant ou n'est décédé que le 14 juillet 1789 ou depuis, sont nulles, quand même elles auraient été faites antérieurement. Or, encore une fois, il n'y avait, à cet égard, rien à expliquer, rien à éclaircir, pour les dispositions entre mari et femme, puisque, loin de prohiber ou restreindre les avantages entre mari et femme, la loi du 17 nivose les avait permis sans aucane espèce de limites. Aussi voyez par quelle différence la loi du 18 pluviose an 5 elle même sépare les dispositions contractuelles entre parens ou étrangers, d'avec les dispo sitions de tout genre entre mari et femme! Elle veut, par l'art. 1, que celles-là ne soient exécutées que conformément aux anciennes Lois; et lorsqu'à l'art 6, elle s'occupe des avantages entre époux, elle déclare qu'ils sont maintenus par les art. 13 et 14 de la loi du 17 nivóse, sur l'universalité des biens de l'auteur de la disposition.

» Cela posé, non-seulement on ne peut pas ici, comme dans l'espèce jugée par votre arrêt

du 7 ventôse dernier, argumenter de l'art. 1 de la loi du 18 pluvióse an 5, mais il y a ici une loi spéciale aux donations entre époux, qui doit vous conduire à une consequence diametralement opposée à celle que vous avez justement tirée, le 7 ventôse, de cet article. -Cette loi spéciale est l'art. 35 de la loi du 9 fructidor an 2, que déjà vous avez vu citer comme motif de décision, dans l'arrêt du Crugeot, du 28 germinal an 11.-On demandait à la Convention nationale qu'en expliquant les art. 13 et 14 de la loi du 17 nivóse an 2, elle statuát sur le sort des dispositions entre époux, lorsque, faites avant le 14 juillet 1789, elles excédaient le point indiqué, soit par les conventions, soit par les lois d'alors.-C'était demander bien clairement qu'il fût décidé si, pour la capacité et l'étendue de la capacité de donner et recevoir entre mari et femme, on devait ou non se reporter aux lois antérieures à l'époque à laquelle remontait alors la loi du 17 nivóse an 2, époque que la loi du 9 fructidor an 3 a depuis replacée à la publication de la loi du 17 nivóse elle-même. -Eh bien! à cette question, l'art 35 de la loi du 9 fructidor an 2 répond que, s'il s'agit de disposi tions dont l'effet ait été ouvert avant le 14 juillet 1789 (expressions qui aujourd'hui équipollent à celle-ci, avant la publication de la loi du 17 nivóse an 2), elles doivent être ramenées à ce terme; mais qu'à l'égard des dispositions dont l'effet s'est ouvert depuis, elles n'ont d'autre règle que les art. 13 et 14 de la loi du nivóse 17 - Ce qui signifie bien clairement que, si l'époux donateur est mort avant la publication de la loi du 17 nivôse, ses dispositions ne doivent être exécutées qu'autant qu'elles fussent permises par les lois antérieuque, s'il est décédé depuis la publica. tion de cette loi, elles doivent être exécutées pleinement, ou du moins sans autre restriction que celle qui est établie par cette loi même en faveur des enfans; et que, dans ce cas, on ne doit plus avoir aucun égard aux incapacités ni aux prohibitions résultant des anciennes lois, quoique d'ailleurs ces incapacités ou pro

res; mais

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hibitions fussent encore dans toute leur vigueur au temps de la donation (1).

(1) Remarquez que c'est en faveur des époux donataires l'un de l'autre par actes antérieurs à la loi du 17 nivóse an a, que l'art. 35 de celle du 9 fruc. tidor suivant veut que, pour déterminer l'étendue des avantages stipulés, l'on n'ait égard qu'à l'époque où ils se sont ouverts; et de là il suit que la disposition de cet article ne pourrait pas être invoquée pour restreiadre au taux fixé par la loi du 17 ni

» Et s'il en est ainsi, en thèse générale, de toute donation entre mari et femme, à combien plus forte raison n'en doit-il pas être de même d'une donation que le mari et la femme se sont faite à cause de mort? A combien plus forte raison n'en doit-il pas être de même d'une donation que le mari et la femme se sont faite par un contrat anté-nuptial qui

vóse an 2, dans le cas où l'époux donateur laisse des enfans, des avantages qui, d'après les lois sous l'em. pire desquelles ils ont été stipulés, pouvaient excéder ce taux.

Le 29 janvier 1766, contrat de mariage entre NoëlPierre Leclerc et Louise-Gabrielle Desjardins, veuve de Jean Chéron, de qui elle a deux enfans. Par cet acte, la future épouse donne à son futur mari, en cas qu'il lui survive, tout ce dont la coutume de Normandie, dans laquelle ils sont domiciliés, lui permet de disposer en sa faveur.- Elle meurt le 30 brumaire an 5, laissant héritier un petit-fils, unique descendant des deux enfans qu'elle avait de son premier mariage à l'époque de la célébration du deuxième.

pour

Leclerc réclame la moitié des meubles et le tiers des immeubles de son épouse, c'est-à-dire, tout ce que la coutume de Normandie avait autorisé celle-ci à lui donner en 1766.

Le petit-fils prétend faire réduire l'avantage à l'usufruit de la moitié des biens de son aïeule, et il s'appuie sur les art. 13 et 14 de la loi du 17 nivôse an 2. Le 19 frimaire an 6, jugement en dernier ressort du tribunal civil du département de l'Orne, qui ordonne cette réduction. Mais sur la recours en cassation exercé contre ce jugemeut par Leclerc, arrêt du 5 vendémiaire an 7, par lequel:

« Vu la loi du 3 fructidor an 3, les art. 9 et 12 de la loi du 5 vendémiaire an 4, et l'art. 1 de la loi du 18 pluviose an 5;

>> Considérant que la disposition du contrat de ma. riage du 29 janvier 1766, par laquelle la veuve Chéron a donné à Leclerc, son second mari, tout ce que la coutume permettait de donner, était irrévocable; que ce n'est que par un effet rétroactif que les art. 13 et 14 de la loi du 17 nivôse an 2 avaient porté atteinte à l'irrévocabilité de cette disposition, en ordonnant que, quelles que fussent les dispositions portées dans les contrats de mariage, le droit de l'époux survivant serait réduit en jouissance de moitié en usufruit, en cas d'enfant; que l'effet rétroactif attribué à la loi du 17 nivôse ayant été révoqué par les lois subséquentes des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, la disposition dont il s'agit a repris sa première force, et a dû être exécutée comme si la loi du 17 nivóse n'avait pas été rendue; et que, d'ailleurs, elle se trouvait expressément maintenue, comme étant irrévocable de sa nature, par l'art. 1 de la loi du 18 pluviôse an 5;

>> Par ces motifs, le tribunal casse et annulle le jugement rendu par le tribunal civil du département de l'Orne, le 19 frimaire an 6......

V. le plaidoyer du 8 prairial an 13, rapporté à l'article Gains de survie, S. 2.

TOME VI.

n'a été suivi d'une célébration régulière de mariage, qu'à une époque où les époux étaient à la fois maîtres de leurs personnes et de l'universalité de leurs biens, d'une donation par conséquent essentiellement conditionnelle, d'une donation subordonnée par sa nature à la condition si le mariage a lieu, d'une donation qui n'est censée faite qu'au moment même de la célébration du mariage?

» Ainsi, cinq raisons également invincibles se réunissent ici contre le moyen de cas. sation que les demandeurs prétendent tirer de la règle de Caton.

» 1o. La règle de Caton n'a été faite que pour les testamens; et son application aux contrats est susceptible d'une foule d'exceptions qui, n'étant pas déterminées fixement par les lois, restent nécessairement à l'arbi trage du juge.

» 2o. La règle de Caton, suivant l'opinion de jurisconsultes de grand poids, adoptée par un arrêt de la cour du 28 germinal an 11, n'est pas applicable aux incapacités établies par des lois postérieures à celle des douze tables.

» 3o. La règle de Caton n'atteint donations même entre-vifs qui sont faites par les pas un contrat de mariage, suivi de la célébration nuptiale à une époque où les époux sont capables et libres.

4o. La règle de Caton n'étend pas son empire jusqu'aux donations à cause de mort. » 5o. La règle de Caton n'a aucune autorité sur les donations entre mari et femme. La loi du 9 fructidor an a les en a textuellement affranchies.

» Comment donc la cour pourrait-elle casser l'arrêt qui lui est déféré, sous le prétexte qu'il contrevient à la règle de Caton? Comment le pourrait-elle surtout, relativement à la ci-devant Normandie, où les lois romaines n'ont jamais servi que de raison écrite?

Conventions matrimoniales passées en 1788 » Mais allons plus loin: supposons que les entre le sieur Spiess et la demoiselle d'Avrilly, soient demeurées nulles, nonobstant la loi survenue depuis, qui a fait cesser l'incapacité du sieur Spiess de se marier, nonobstant le mariage contracté par le sieur Spiess et la demoiselle d'Avrilly depuis la cessation de cette incapacité; et voyons si, dans cette hypothèse, la nullité originelle de ces Conventions n'a pas été effacée par la ratification que le sieur Spiess et la demoiselle d'Avrilly en ont faite dans l'acte de celebration de leur second mariage du 24 brumaire an 2.

» Sur cette seconde question, il est de prin

cipe, et tous les auteurs en conviennent unanimement, que la ratification d'un acte nul dans son origine, ne peut en couvrir les vices primordiaux, que lorsqu'elle est faite avec toutes les formalités dont cet acte a été ou dû être lui-même revêtu au moment de sa confection.

» Ainsi, dit M. d'Aguesseau dans son vingtsixième plaidoyer, lorsqu'un mariage con tracté entre des parens au degré prohibé, est déclaré nul par défaut de la dispense, il ne suffit pas, pour le valider, d'obtenir une dis pense nouvelle; il faut encore le secours d'une nouvelle célébration.

» Ainsi, aux termes de l'art. 1339 du Code civil, le donateur ne peut réparer, par aucun acte confirmatif, les vices d'une donation entre-vifs; nulle en la forme, il faut qu'elle soit refaite dans la forme légale.

» Ainsi, un mineur de seize ans a fait un testament qui, par l'incapacité résultant de son âge, se trouve annulé par l'art. 903 du Code civil. Parvenu à sa seizième année, il ratifie ses dispositions par un simple acte, auquel manquent les principales solennités testamentaires. Question de savoir si, par cette ratification, il a réparé la nullité de son testament? Non, répond Voët, sur le digeste,' titre qui testamenta facere possint, no. 31; le testament restera nul, à moins que son auteur n'emploie, pour le ratifier, les mêmes formalités que s'il s'agissait d'en faire un nouveau: nec convalescit illud (testamentum), quod in impubere ætate conditum est, si postea pubes factus ad mortem usque in eo perseveret...... utcùmque adimpletá ætate requisitd, declaret se in eádem perseverare voluntate, nisi solemnis esset illa declaratio, ut major solemnitas in testamento haud requiratur. Et c'est ce qu'enseigne également Barry, de successionibus, liv. 1, titre 7, n. 57.

» Mais de là même il suit que, si l'acte qui était nul dans son principe, par défaut de capacité, est de nature à n'exiger, pour sa perfection, aucune formalité particulière, la ratification qui s'en fait à une époque où l'incapacité a disparu, n'a besoin, pour en réparer le vice originel, que de la simple expression de la volonté de son auteur.

» Par exemple, dans le droit romain, le mariage pouvait se contracter sans aucune forme extérieure; il n'exigeait que le consentement des parties, manifesté ou par des paroles ou par des faits. Contrahuntur nuptiæ, secundùm præcepta juris romani, consensu quocunque modo declarato, verbis aut factis ce sont les termes de Voet sur le

digeste, titre de ritu nuptiarum, no. 2; c'est aussi, comme il l'observe, ce que prouvent la loi 66, D. de donationibus inter virum et uxorem, la loi 30, D. de regulis juris, et plusieurs autres textes non moins précis. Et de là, les lois romaines tiraient la conséquence, que, si l'incapacité ou l'empêchement qui avait existé entre un homme et une femme au moment où ils s'étaient unis, venait à cesser, leur cohabitation continuée depuis la cessation de cette incapacité ou de cet empêchement, emportait de leur part une pleine ratification de leur mariage, et le faisait valoir à compter du jour où avait été levé l'obstacle qui l'avait vicié dans le principe. » Ainsi, un homme et une femme s'étaient mariés pendant qu'ils étaient dans la condition servile; et, par cette raison, il n'y avait point entre eux de mariage proprement dit, mais seulement ce que les lois romaines appelaient contubernium, un concubinage qui n'avait rien de répréhensible : devenus libres tous deux, ils continuaient de vivre ensemble; et par-là, ils étaient censés mariés du jour de leur affranchissement; c'est ce que décide la loi 39, D. de jure dotium.

» Ainsi, un sénateur, au mépris de la loi qui le lui défendait à peine de nullité, épousait une affranchie; tant qu'il conservait sa qualité de sénateur, il n'existait point de mariage entre elle et lui. Mais si, venant à perdre sa qualité, il continuait de traiter l'affranchie comme son épouse, elle devenait véritablement telle. C'est la disposition expresse de la loi 27, D. de ritu nuptiarum.

» Ainsi, un gouverneur de province épousait une femme de sa province même, et le mariage était nul de plein droit, parcequ'il était prohibé par les edits des empereurs, Mais venait-il à quitter son gouvernement, et la femme qu'il avait épousée continuait-elle de vivre avec lui? Dès lors, la nullité de leur mariage était réparée; et ils étaient époux dès ce moment. La loi 65, §. 1, D. de ritu nuptiarum, et la loi 6 du même titre, au Code, sont là-dessus très-formelles.

» Ainsi, une fille mineure de douze ans contractait un mariage que la loi ne reconnaissait point; mais si, parvenue à sa douzième année, elle continuait d'habiter avec son mari, elle devenait sa légitime épouse. C'est la disposition expresse de la loi 4, D. de ritu nuptiarum; et nous n'avons pas besoin d'observer que, si elle se retrouve avec quelque modification dans notre Code civil, elle n'y est pas, comme dans le droit romain, en harmonie avec le principe qui veut que les actes pour la confection desquels des solennités

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