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Je crois en vérité, qu'au point où nous en sommes arrivés, si l'Autriche pouvait reconquérir la Lombardie, la Suisse aurait aussi de mauvaises chances, et que pour le moins le Tessin serait perdu.

Il faut que nos hommes d'état envisagent les choses sous son1) véritable point de vue, et alors ils pourront se persuader que l'heure est venue de jouer un rôle important et d'assurer à la Suisse de grandes avantages politiques et matériels.

La forteresse de Peschiera n'est pas encore tombée. Brescia commence à sentir l'influence de la présence des troupes Piémontaises et le gouvernement provisoire de la province fait des proclamations pas trop flatteuses pour Charles Albert. Je reçois au contraire des nouvelles de Tessin beaucoup plus républicaines que je ne pouvais l'espérer.

L'organisation des troupes et leur marche pour rejoindre l'armée continue. Cependant dans bien de familles on est beaucoup préoccupé de l'idée que l'Empereur d'Autriche puisse obtenir de l'Hongrie, de la Bohême, etc. des secours d'hommes et qu'une nombreuse armée puisse venir au secours de Radetzky, qui est poussé par l'armée Piémontaise.

Agréez, Excellence, l'assurance de mon profond respect et de ma considération la plus distinguée. G. Luvini, Délégué etc.

Milan le 19 avril 1948.

Excellence!

J'ai eu hier une entrevue avec le Président du gouvernement provisoire. Il me parla de démarches que quelqu'un faisait dans la Valtelline afin de faire

1) Ms. un.

décider la population à réclamer l'union à la Suisse. Sur quoi il m'observait qu'il ne connaît pas même dans l'intérêt de la Confédération, d'amoindrir le territoire Italien et qu'il ne comprenait pas l'utilité de pareilles démarches, lorsque des feuilles Suisses (celles des Grisons) déclaraient que l'adjonction de la Valtelline ne conviendrait point à la Suisse. En réponse à ces observations j'ai déclaré à M. le Président que je n'avais aucune connaissance de ces démarches et que d'autre part l'on ne pouvait pas accepter ce que les gazettes des Grisons disaient comme l'expression de la pensée de la Confédération. J'ajoutai que la Valtelline ayant appartenu à la Suisse, et en ayant été détaché par le droit du fort, droit que la Lombardie ne connaissait pas, si la Confédération trouvait bon de la réclamer, elle était dans son droit incontestable. J'ai conclu en disant que je ne voulais pas préjuger à la question en en faisant l'objet de discours particuliers et que s'il en serait le cas j'en parlerais officiellement suivant les instructions qui pourraient m'être données. Le Président dans cette conversation me faisait la remarque, le Vorarlberg1) conviendrait mieux à la Suisse que la Valtelline, sur quoi je répondis que la Confédération verrait elle-même ce que son droit et ses véritables intérêts réclamaient.

Les volontaires qui étaient restés devant Peschiera avec l'armée Piémontaise et qui (principalement les carabiniers Tessinois) en tuant les artilleurs avaient fait taire les canons de quelques forts, reviennent aujourd'hui à Milan.

Il paraît que l'armée Piémontaise veut agir à elle seule pour augmenter les chances en faveur de Char

1) Ms. Voralberg.

les Albert. On convient cependant que les carabiniers ont rendu de grands services devant Peschiera. Le Roi en avait ordonné l'assaut, mais tombant dans ses éternelles incertitudes, après avoir exposé les carabiniers volontaires au feu pendant toute une journée, il changea d'avis à la vue de quelques blessés et se décida pour le blocus, voulant, dit-il, épargner l'effusion du

sang.

En attendant ceux qui ont peur de la république parce qu'elle ne donne pas ce que la royauté peut donner, cherche à répandre le bruit que le Roi et son armée sont mécontents et qu'il pourrait arriver qu'ils quittassent la partie.

De Gênes, pays dans lequel on voulait la république à tout prix, l'on écrit à présent des lettres de fer contre les républicains et en faveur de Charles Albert, et les journaux républicains ne se contentent pas de discuter les principes, mais parlant trop fort contre le Roi, et mêlant l'armée à leur polémique, font beaucoup de mal au système républicain.

Au reste nous avons parlé avec les volontaires Génois qui viennent de l'armée 1), nous les avons informé du véritable état des choses et comme ils sont très influents ils pourront donner à l'opinion publique une juste direction.

On fait ici dans ce moment circuler une adresse pour la couvrir de signatures, laquelle contient des louanges sans fin et de merciements au Koi et à l'armée Piémontaise, mais par contre les républicains parlent hautement en faveur de la république dans les journaux et les brochures. Le mal est que l'on a un

1) Zu ihnen gehörte ohne Zweifel Goffredo Mameli. s. Guerzoni: La vita di Nino Bixio. Florenz 1875, S 64.

besoin absolu de l'armée Piémontaise et qu'on doit en conséquence la menager. Cela fait que dans bien de maisons principales de Milan l'on crie contre les républicains. On tiendra tête à l'orage autant qu'on le peut et l'on ne perd l'espérance d'arriver à la république.

Agréez Excellence etc.

Excellence

Milan le 22 avril 1848.

Parmi les papiers de l'ex-Viceroi de la Lombardie on vient de trouver les lettres et autres actes qui regardent le Sonderbund. 1) Le chef du comité de sûreté m'en a fait avertir et je me suis aussitôt rendu à son bureau pour les examiner. Il les avait donné à examiner et à traduire et plus tard je pourrai les avoir et s'il s'y trouve quelque chose d'intéressant j'aurai soin d'en informer le Haut Directoire par votre entremise.

Le gouvernement provisoire a fait publier le nouveau tarif pour l'introduction des marchandises étrangères. Quoiqu'il y ait une sensible diminution sur les droits perçus avant la révolution, néanmoins comme le tarif est assez obscur, il donne occasion à des plaintes. Les commercans Suisses qui se trouvent à Milan examinent et étudient la nouvelle loi, pour pouvoir présenter les réclamations auxquelles elle peut donner lieu. J'aurai soin de les appuyer auprès du gouvernement provisoire dans l'intérêt de notre commerce.

1) Ueber die Verhandlungen des Sonderbundes, betreffend ein Anlehen u. s. w., mit dem Erzherzog Rainer, Vizekönig des lombardisch-venetianischen Königreiches, s. Constantin Siegwart-Müller: Der Sieg der Gewalt über das Recht, 1866, S. 973, 974.

Les émigrés de 1821 étant devenus chauds partisans du système monarchique constitutionnel continuent leurs proclamations au peuple en faveur de Charles-Albert. Leur thème est toujours le besoin de l'unité Italienne, le besoin de former une nation forte en détruisant toutes les jalousies municipales. Les armes dont ils se servent sont les désordres dont la république Française est menacée et plus que tout autre les services que l'armée Piemontaise, conduite par le Roi, ne cesse de prêter à la Lombardie. Dans les conversations privées ils font valoir la neutralité de la Suisse comme un abandon [sic] et ils cherchent ainsi à montrer qu'il n'y a d'espérance que dans le Roi de Piémont et que c'est vers lui que tous les vœux des Lombards doivent se tourner. Il est évident que cela fait beaucoup de tort à la cause républicaine et quoique Mazzini qui est entouré des hommes les plus chauds pour la république m'assure que nous ne perdons pas de terrain, moi qui me retrouve avec les hommes de toutes les opinions je trouve que depuis quelques jours le parti monarchique s'est fait beaucoup plus fort.

On disait bien dans quelques cercles que le Pape préfère la république. Cela pourrait bien être vrai, car si Rome doit faire partie de l'unité Italienne Pie IX deviendrait sujet de Charles Albert. L'on assure d'autre part que Lord Minto 1) se serait prononcé au nom de l'Angleterre contre la formation d'un grand royaume qui embrasse toute l'Italie.

De Naples on écrit que le Roi risque d'être mis

1) Elliot Graf Minto, John Russells Schwiegervater, der im Spätherbst 1847 von Palmerston in ausserordentlicher Mission nach Italien gesandt war.

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