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nouvelle manifestation de sa noble activité, l'aide aux prisonniers de guerre ?

Pourtant, l'énergique appel du rapporteur fut entendu. La conférence de Washington prit la résolution suivante qui constitue en quelque sorte la charte de fondation de l'œuvre dont le présent article essaye d'exposer le fonctionnement. La neuvième conférence internationale de la Croix-Rouge, considérant les sociétés de la Croix-Rouge comme naturellement appelées à assister les prisonniers de guerre et s'inspirant du vœu émis en 1907 par la conférence de Londres, exprime le vœu que ces sociétés organisent, dès le temps de paix, une « Commission spéciale », chargée en temps de guerre de recueillir et de confier aux bons soins du Comité international de Genève, les secours qui lui seront remis pour les militaires en captivité.

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Ces << commissions spéciales » pour les prisonniers de guerre, le Comité international de la Croix-Rouge se préoccupa immédiatement, dans les mois qui suivirent, d'en provoquer la création au sein des sociétés nationales de la Croix-Rouge. Mais il avait à compter avec un autre rouage, plus officiel, établi par la Convention de la Haye en 1899, revisée en 1907, qui, elle aussi, avait traité la question des prisonniers de guerre, je veux parler des Bureaux de renseignements fonctionnant dans chacun des Etats belligérants sous la dépendance directe des gouvernements et destinés à répondre à toutes les demandes relatives aux soldats morts, disparus, blessés et aux prisonniers. Cette création de deux rouages distincts pouvait présenter dans la pratique certains inconvénients.

La guerre européenne se déchaînant tout à coup au mois d'août 1914 fit disparaître cet apparent conflit et fournit au Comité international de la Croix-Rouge l'occasion d'adapter immédiatement aux terribles nécessités de l'heure présente les organes dont les conférences de La Haye et de Washington avaient entrevu la création et le fonctionnement.

Dans presque tous les pays belligérants, les commissions spéciales de prisonniers venaient d'être constituées. Aux sociétés de la Croix-Rouge qui n'avaient pas encore procédé à ces créations, le Comité international adressait le 15 août 1914 un pressant appel. En même temps, il annonçait officiellement l'ouverture à Genève d'une Agence internationale de secours et de renseignements en faveur des prisonniers de guerre dont son actif et vénéré président, M. Gustave Ador, assumait la direction.

Déjà, pendant la guerre des Balkans en 1912, une agence internationale avait fonctionné à Belgrade grâce au dévouement du consul général de Suisse, M. Vœgeli, mais la difficulté d'obtenir des listes exactes de prisonniers, la lenteur, les défectuosités, les lacunes de l'établissement de ces documents rendirent ce travail extrêmement malaisé. En fait, l'agence de Belgrade rendit surtout de précieux services pour la distribution de secours aux prisonniers dans le besoin. La tâche de l'Agence internationale de Genève, malgré son ampleur, allait être singulièrement facilitée par l'existence des commissions nationales de prisonniers fonctionnant dans chaque pays et par la division du travail qu'entrevirent aussitôt et que pratiquèrent ses créateurs. En outre, la guerre embrassant un grand nombre d'Etats, le Comité international pria la CroixRouge danoise, qui accepta cette lourde mission, d'éta

blir à Copenhague une seconde agence, fonctionnant pour le théâtre oriental des opérations, c'est-à-dire pour l'Allemagne et pour la Russie. La Croix-Rouge autrichienne se mit directement en rapports avec les sociétés de Petrograd et de Nisch pour la transmission de renseignements et de secours aux prisonniers.

Ainsi, l'activité de l'Agence de Genève se trouvait limitée au théâtre occidental de la guerre et à certains théâtres moins importants, plus lointains, comme la Turquie, le Japon.

L'entrée de l'Italie dans le conflit au mois de mai 1915 n'entraîna pas pour l'agence de Genève un surcroît de travail, car les Croix-Rouges de Vienne et de Rome s'entendirent pour se transmettre directement leurs listes de prisonniers et la correspondance à destination de ces derniers.

Les listes de prisonniers, ce sont là les documents capitaux, indispensables qui serviront de base au travail de l'agence. Ces listes sont dressées par les bureaux de renseignements officiels de chaque ministère de la guerre en deux exemplaires, dont l'un est transmis par voie diplomatique d'Etat à Etat et dont l'autre est expédié directement à l'Agence de Genève par les Croix-Rouges nationales de chaque pays.

La première liste, concernant les prisonniers français en Allemagne, fut apportée personnellement à l'Agence, le 7 septembre 1914, par M. le Dr Partsch de Fribourg en Brisgau; une liste de blessés de l'hôpital de Lyon reçue quelques semaines plus tard fut le premier document similaire émanant de la France. Dès lors, de semaine en semaine, les listes officielles, complétées par de nombreuses communications privées de directeurs de lazarets, d'aumôniers, de prisonniers, ne cessèrent d'arriver à l'Agence.

Celle-ci conserve les originaux, mais après avoir mis sur fiches les noms portés sur chaque liste, elle en fait faire une copie qui est expédiée aux Croix-rouges respectives de chaque Etat.

Installée modestement les premiers jours dans les bureaux du Comité international de la Croix-Rouge, 3, rue de l'Athénée, puis au Palais Eynard, l'Agence fut rapidement obligée, devant le développement prodigieux de son activité, de chercher des locaux plus étendus. Le 12 octobre 1914, elle se transportait au musée Rath, place Neuve, obligeamment mis à sa disposition par la ville de Genève. Les vastes et hautes salles de ce bâtiment se prêtaient admirablement à l'œuvre. Des cloisons en planches, sans cesse déplacées suivant les exigences du travail, permirent aux centaines de collaborateurs accourus à l'appel du Comité d'accomplir leur besogne avec méthode et ai

sance.

Car un véritable ministère des prisonniers de guerre s'est constitué au bout de quelques semaines sous la haute direction de M. Gustave Ador. Tandis que ce dernier correspond avec les divers comités centraux de la Croix-Rouge et avec les gouvernements, traite les questions d'ordre général, d'échanges de listes, de distributions des secours, de réglementation de la correspondance des prisonniers, des visites de camps de concentration, enregistre les protestations pour violations de conventions internationales, les transmet, examine les cas particulièrement intéressants de certains prisonniers, reçoit les visiteurs, ministres, députés, délégués de la Croix-Rouge, sanitaires rapatriés, ses collègues du Comité se sont partagés les divers secteurs de l'institution et dirigent respectivement les

services des prisonniers civils et sanitaires, des communications de décès, de la trésorerie, etc.

Ils ont réuni autour d'eux une cohorte de collaborateurs dont le nombre dépassera un millier dans le courant de l'hiver 1914/1915, grâce à l'appui d'équipes du soir fournies par des membres du corps enseignant de Genève, régents et instituteurs, par des avocats, des médecins, des professeurs, des commis de banque; ce chiffre sera considérablement diminué durant l'été de 1915, à mesure que le travail s'organise, que les grandes fournées de prisonniers sur le front occidental ont disparu avec la guerre de tranchées.

En fait, l'Agence comptera 400 à 500 travailleurs réguliers et volontaires, 150 personnes salariées et une cinquantaine de dactylographes établies dans un local de la rue de Hollande où elles confectionnent des fiches et recopient les listes de prisonniers.

Une promenade dans les différentes salles du musée Rath nous permettra de saisir dans ses traits essentiels l'activité de cette ruche sur laquelle flotte le drapeau de la Croix-Rouge.

Le comité.

Dans le courrier formidable qui est apporté deux fois par jour au musée Rath (1500 lettres et cartes, 3000, 5000 suivant les jours, le 13 octobre 1914 on l'évaluera à 15.000), le directeur de la correspondance fait un tri et dépose dans l'étroite cabine où siègent M. Ador et ses collègues tous les plis ayant un caractère officiel.

Si, dès la création de l'Agence, celle-ci a bénéficié de la gratuité de port prévue par la Convention de

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