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1802.

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les localités dont il est difficile de se faire une idée.

Dans le cours de germinal, battus, dispersés, la terreur était dans le camp des rebelles; sans magasins, presque sans poudre, ils étaient réduits à manger des bananes. L'arrivée des escadres de Flessingues et du Hâvre acheva de porter le dernier coup. Christophe fit des ouvertures au général en chef, qui lui fit dire qu'avec le peuple français il y avait toujours une porte ouverte au repentir. Après avoir hésité encore quelque tems, il accepta les ordres qui lui furent donnés, de se rendre seul au bourg du Cap; de renvoyer tous les cultivateurs qu'il avait encore avec lui; de réunir toutes les troupes qui étaient sous ses ordres, et tout fut ponctuellement exécuté. Plus de deux mille habitans du Cap, qui étaient dans les mornes les plus éloignées, rentrèrent. Il remit les magasins, les pièces d'artillerie et douze cents hommes environ de troupes de lignes.

La soumission de Christophe acheva de consterner Toussaint. Il employa tous les moyens pour faire connaître au général Leclerc la situation douloureuse où il se trouvait ; qu'il voyait avec peine se continuer une guerre sans objet et sans but; que des circonstances très-malheureuses avaient déjà occasionné bien maux; mais qu'il serait toujours assez fort,

des

quelle que fut l'armée française, pour brûler, ravager et vendre chérement une vie qui avait An 10. aussi été quelquefois utile à la mère-patrie. Toutes ces communications, fréquemment réitérées, donnèrent lieu à de profondes réflexions. Les trois quarts de la colonie avaient échappé aux malheurs de l'incendie ; et Toussaint, ainsi que les noirs, quoiqu'ils eussent commis bien des dégâts et des atrocités, n'avaient jamais reçu, depuis douze ans, que de fausses idées sur la France.

Le général en chef fit dire à Toussaint, que l'heure du pardon pouvait encore sonner, et qu'il se rendît au Cap. Il y vint, jura d'être fidèle; sa soumission fut acceptée ; il lui fut ordonné de se rendre dans une plantation près des Gonaïves, et de n'en jamais sortir sans les ordres du général. Dessalines fut placé dans une plantation près de Saint-Marc. Tous! les cultivateurs rentrèrent.

On incorpora dans les troupes coloniales la portion des troupes aguéries, que l'on crut devoir laisser armées. Les magasins et les pièces d'artillerie, qu'ils avaient traînées sur ces rochers escarpés et cachées au milieu des broussailles, furent journellement livrées. Ils en avaient encore plus de cent. Alors commença une nouvelle époque, ou plutôt l'espérance de rendre à la colonie le repos, l'industrie et l'abondance. Les bâtimens américains

reparurent en fouie; comme ils avaient apporté 1802. dans l'île les fusils, les canons et la poudre

aux rebelles, ils apportèrent avec la même indifférence les objets de reconstruction. Le commerce national commençait aussi à cette époque à envoyer quelques bâtimens. Les ordres furent donnés pour que le systême colonal fut remis en activité, autant que possible.

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La Guadeloupe avait éprouvé quelques-uns des déchiremens qui s'étaient fait sentir si vivement dans l'île de Saint-Domingue. Mais la flotte s'étant présentée le 17 floréal, les troubles cessèrent aussitôt qu'il y eut assez de forces pour les comprimer. Dans les affaires qui eurent lieu à la Basse-Terre, l'armée perdit cent hommes, et eut trois cents blessés. Les rebelle's se dissipèrent; mais quelques jours après, il y eut une action plus vive, où périrent tous les chefs. Ils avaient rassemblé au fort Saint-Charles les militaires blancs qui n'avaient pu sortir de l'île, dans l'intention de les faire sauter, s'ils étaient obligés de rendre le fort. Heureusement que la promptitude des Français à suivre l'ennemi qui évacuait le fort, prévint l'exécution de ce projet.

· Toussaint était bien loin de tenir la promesse qu'il avait faite au général Leclerc, de rester tranquille et de ne se mêler d'aucune affaire. Il se portait nuitamment sur plusieurs points de l'île, tramait des complots, formait

des rassemblemens, se faisait rendre compte des effets de la maladie sur l'armée, et il en AN 10. suivait les progrès avec satisfaction. Le général Leclerc coupa court à toutes ces trames ; il le fit embarquer pour Brest, et fit arrêter tous les généraux qui conspiraient avec lui. Les maladies exerçaient alors, à l'époque du 25 prairial, quelques ravages au Cap. Elles venaient d'enlever le citoyen Benezech, administrateur, qui joignait à une longue expérience, du zèle et un grand attachement pour le gouvernement. Il mourut pauvre, et il avait rempli de grandes fonctions. Le général Leclerc fut lui-même bientôt victime de la maladie qui venait d'emporter le citoyen Benezech.

A l'époque du 7 fructidor, il y avait déjà dans la rade du Cap cent quinze vaisseaux, tant français, qu'étrangers, suivant les registres du bureau de la douane. La colonie faisant des progrès vers sa restauration, le général en chef, voulant favoriser le commerce de France, sans écarter les étrangers, fit un arrêté par lequel, à dater du 1." vendémiaire de l'an onze :

Les navires étrangers ne pourraient importer ni exporter que certaines denrées et productions dénommées, et qu'il serait perçu un droit de dix pour cent sur celles dont l'importation leur serait permise.

Le 3 thermidor l'organisation judiciaire fut

rétablie au Cap, au Fort-Dauphin et au Port1802. de-Paix. Il y eut, sous les ordres immédiats du préfet colonial, un administrateur des domaines et revenus nationaux. L'administration des douanes lui fut confiée, avec le droit dé proposer les réglemens qui fixent ses rapports avec les employés, ainsi que ceux que ces derniers peuvent avoir entre eux.

Le général en chef établit aussi dans les ports du Cap, du Port-Républicain, des Cayes et de Jacmel, des cales particulières pour le commerce français et pour le commerce étranger.

La religion catholique, apostolique et romaine fut la seule dont le culte public fut autorisé à Saint-Domingue. On commença à reconnaître les vestiges presque effacés de la civilisation; aussi le commerce de Bordeaux vola ses remercîmens et sa reconnaissance au

général qui avait si promptement terminé la guerre la plus difficile, et qui préparait par son activité, son zèle et l'étendue de ses soins, de nouvelles sources de prospérité pour le

commerce.

Le traité d'Amiens rendait à la France plusieurs colonies importantes. Le gouvernement crut indispensable de rendre une loi, sans laquelle cette stipulation, toute avantageuse qu'elle était, n'aurait produit qu'une source de nouveaux désastres et de maux incalculables.

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