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naux, de vingt à vingt-cinq mille francs. Les sénatoreries sont à vie, et obligent à une ré- AN 10. sidence au moins de trois mois dans l'année. Le sénat eut deux préteurs, un chancelier et un trésorier.

CHAPITRE IV.

Changemens dans la constitution. Du consulat à vie et des sénatus-consultes organiques.

E

Le sénat s'était réuni le 18 floréal ; des orateurs du gouvernement lui transmirent un message des consuls, relatif à la paix, et au témoignage de reconnaissance nationale à donner au premier consul. Lorsqu'il fut élu pour. la première fois, son consulat devait durer dix ans. Fallait-il en attendre le terme pour le réélire? La reconnaissance nationale, impatiente de se montrer, pouvait-elle se contenir jusqu'à ce tems ? L'importance de tant et de si grands services semblait exiger qu'il fùt sur-le-champ réélu pour les dix années qui suivraient immédiatement les dix premières. Il avait forcé l'Europe à la paix ; il pouvait s'y retenir par la crainte et le respect que devaient. nécessairement inspirer aux puissances les vastes conceptions de son génie.

Le sénat, ne consultant que la grandeur des

1802.

services rendus à l'Etat, et les sentimens de sa reconnaissance et de sa juste admiration, n'hésita point. Le premier consul, qui avait reçu sa dignité des suffrages du peuple, répondit le lendemain au sénat, dans les termes suivans:

<< La preuve honorable d'estime, consignée dans votre délibération du 18, sera toujours gravée dans mon cœur. Le suffrage du peuple m'a investi de la suprême magistrature. Je ne me croirais pas assuré de sa confiance, si l'acte qui m'y retiendrait, n'était encore sanctionné par son suffrage. Dans les trois années qui viennent de s'écouler, la fortune a souri à la république ; mais la fortune est inconstante, et combien d'hommes qu'elle avait comblés de ses faveurs, ont vécu trop de quelques années! » L'intérêt de ma gloire et celui de mon bonheur sembleraient avoir marqué le terme de ma vie publique, au moment où la paix du monde est proclamée. Mais la gloire et le bonheur du citoyen doivent se taire, quand l'intérêt de l'Etat et la bienveillance publique l'appellent. Vous jugez que je dois au peuple un nouveau sacrifice; je le ferai si le vœu du peuple me commande ce que votre suffrage autorise. >>

Le 20 floréal, les consuls de la république, considérant que la résolution du premier consul était un hommage éclatant rendu à la sou

veraineté du peuple; que le peuple, consulté sur ses plus chers intérêts, ne devait connaître AN 10. d'autres limites que ses intérêts même, arrêtèrent que le peuple français serait consulté sur cette question: Napoléon Bonaparte serat-il consul à vie? qu'il serait ouvert, dans chaque commune, des registres où les citoyens seraient invités à consigner leurs vœux sur cette question; que ces registres seraient ouverts au secrétariat de toutes les administrations, aux greffes de tous les tribunaux, chez tous les maires et tous les notaires; que le délai pour chaque département serait de trois semaines, à compter du jour où cet arrêté serait parvenu à la préfecture, et de sept jours, à compter de celui où l'expédition serait parvenue à chaque commune.

Les ministres furent chargés de l'exécution de cet arrêté, qui fut inséré au bulletin des lois.

Le 21 floréal, les consuls de la république transmirent au sénat l'arrêté qui soumettait au peuple français la proposition de proroger à vie la magistrature du premier consul. Le même jour, les mêmes formes furent suivies à l'égard du corps législatif et du tribunat.

Rabaut présidait le corps législatif: il se fit remplacer au fauteuil et propoŝa qu'une députation, formée d'un membre de chacun des départemens, fût chargée de porter au gouver

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nement sa reconnaissance pour cette grande marque de respect pour la volonté nationale. La proposition de Rabaut fut adoptée; il fut en outre arrêté que le président nommerait une commission de six membres, qui se joindraient au bureau, examineraient avec lui la proposition qui venait d'être adoptée, et en feraient, le surlendemain, leur rapport en comité général.

Le tribunat arrêta qu'il serait adressé un message au gouvernement, pour le remercier d'avoir pris la mesure la plus convenable et la plus constitutionnelle de remplir le vœu que le tribunat avait émis relativement au premier consul. Il fut arrêté dans la même séance, que les membres du tribunat exprimeraient leur vœu sur la question proposée par le gouvernement, comme les principales autorités de la république l'avaient exprimé en l'an 8; qu'en conséquence il serait ouvert sur-le-champ, au secrétariat de la commission administrative, un registre sur lequel chaque membre du tribunat inscrirait son vote, et que le résultat en serait porté au gouvernement par une députation. Cette proposition adoptée, les membres l'exécutèrent à l'instant, en portant leur vote à la commission administrative.

Le corps législatif, après avoir entendu la commission qu'il avait nommée pour lui proposer de régulariser les mesures qu'il avait

prises le 21 floréal, sur le message du gouvernement du même jour, arrêta que la dé- Ax 10. putation d'un membre par département se rendrait au palais du gouvernemeut, pour présenter aux consuls l'expression des sentimens du corps législatif; qu'un registre serait ouvert à la commission administrative, pour y recevoir le vœu individuel de ses membres, et que le résultat en serait transmis au gouvernement, avant la fin de la session actuelle.

le

La députation, composée de cent deux membres fut admise à l'audience des consuls, 24 floréal, ainsi que celle du tribunat. Dans la réponse du premier consul, on dut remarquer les passages suivans.

« J'ai été appelé à la magistrature suprême, dans des circonstances telles, que le peuple

n'a

pu peser, dans le calme de la réflexion, le mérite de son choix. Alors, la république était déchirée par la guerre civile l'ennemi menaçait les frontières; il n'y avait plus ni sécurité, ni gouvernement. Dans une telle crise, ce choix a pu ne paraître que le produit indélibéré de ses alarmes. Aujourd'hui la paix est rétablie avec toutes les puissances de l'Europe; les citoyens n'offrent plus que l'image d'une famille réunie, et l'expérience qu'ils ont faite de leur gouvernement, les a éclairés sur la valeur de leur premier choix;

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