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JURISPRUDENCE.

PRESBYTÈRE.

ALIGNEMENT. MAIRE, RESPONSABILITÉ PERSONNELLE.

Aucune partie des dépendances d'un presbytère ne peut en être retranchée que moyennant l'accomplissement des formalités prescrites par l'ordonnance royale du 3 mars 1825 et le décret du 25 mars 1852, pour les distractions de parties superflues de ces bâtiments ou des terrains qui en dépendent.

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L'arrêté d'alignement pris par un maire pour réunir à la voie publique une portion du jardin du presbytère est donc illégal sous ce premier rapport comme contraire aux dispositions des ordonnance et décrets précités. - Il l'est, en outre, à un autre point de vue, s'il n'existe pas pour la commune de plan d'alignement dûment approuvé, attendu que, dans ce cas, les alignements ne peuvent être délivrés que sur la limite actuelle des propriétés.

Le maire qui, en exécution d'un pareil alignement, a fait démolir le mur de clôture et arracher plusieurs arbres fruitiers du jardin du presbytère, afin d'incorporer à la voie publique une partie du sol de ce jardin, est, à raison de ces faits, passible de dommages-intérêts envers le curé et la fabrique, et peut être directement poursuivi par eux devant les tribunaux civils, sans qu'il y ait lieu de mettre en cause la commune.

En cas de décès du maire, auteur de cet excès de pouvoirs, la responsabilité civile qui lui incombait retombe sur ses héritiers, et ceux-ci doivent être condamnés à la réparation du dommage

causé.

Le maire de S..., au mois d'août 1869, avait fait abattre le mur du verger dépendant du presbytère, puis il voulut colorer cet acte en prenant un arrêté d'alignement qui fut annulé le 20 mai 1871 par M. le préfet, dans les termes suivants :

Le préfet de la Haute-Marne; vu l'arrêté du 29 juin 1869, par lequel M. le maire de S... a prescrit par mesure d'alignement le reculement du mur de clôture du jardin du presbytère, en se fondant sur ce que le peu de largeur de la rue en cet endroit nuisait à la circulation; - vu le pourvoi formé, le 16 août 1870, contre cet

arrêté tant par M. M..., desservant de S..., que par M. N..., trésorier de la fabrique; vu la délibération du conseil de fabrique, en date du 10 août 1870; - vu les observations présentées, le 20 novembre 1869, par M. le maire de S... à l'appui de son arrêté;

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vu

la délibération de la commission municipale de S..., en date du 15 mars 1871; vu la circulaire ministérielle du 12 mai 1869 : considérant que, d'après la nouvelle jurisprudence du conseil d'Etat, rappelée dans la circulaire du 12 mai 1869, l'administration est obligée, en l'absence d'un plan d'alignement approuvé, de délivrer les alignements sur la limite actuelle des propriétés ; qu'elle ne peut, dès lors, dans ce cas, prescrire l'avancement ou le recul des constructions; considérant que la commune de S... ne possède pas de plan d'alignement approuvé; — arrête: Art. 1or. L'arrêté d'alignement de M. le maire de S..., en date du 29 juin 1869, est annulé. Art. 2. M. le sous-préfet de l'arrondissement de Vassy est chargé d'assurer l'exécution du présent arrêté et de le notifier à M. le maire, ainsi qu'à M. le desservant de S... Le préfet Signé : Dupont-Delporte.

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Satisfaction ayant été donnée à M. le curé, il dut intenter une action en responsabilité qui fut autorisée par un arrêté ainsi conçu : Le conseil de préfecture de la Haute-Marne, séant en la chambre du conseil,

Vu le mémoire en date du 9 août 1872, dans lequel le conseil de fabrique de la paroisse Saint-Maurice de S... expose que M. l'abbé M..., comme desservant de la paroisse, était en possession d'un presbytère et d'un jardin achetés en 1818 par la commune de S..., et affectés par elle à l'usage du desservant de la paroisse; qu'au mois de septembre 1869, des ouvriers ont abattu le mur du jardin pour le porter en arrière, en mettant hors de ladite clôture un are cinquante centiares dudit jardin et en arrachant des arbres fruitiers encore couverts de leurs fruits; que la fabrique et le curé ont actionné l'entrepreneur de ces travaux en dommages-intérêts, mais que l'entrepreneur a mis en cause la commune, prétendant qu'il ne faisait qu'exécuter les ordres du maire; que la demande de la fabrique a été rejetée par le juge de paix de Poissons; mais que le maire ayant ordonné un alignement qu'il n'avait pas le droit de prescrire, car c'était en dehors de ses attributions, son arrêté a été cassé par un arrêté préfectoral du 20 mai 1871; que le maire doit donc être responsable et que le sieur N..., alors maire, étant décédé, il y a

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lieu d'actionner en responsabilité ses ayants cause représentés par la dame Marie N......., sa légataire universelle.

Pour quoi il demande au conseil de préfecture l'autorisation de poursuivre la dame N... pour la faire condamner à payer une somme de 1,600 fr., représentant le préjudice causé à la commune et les frais qu'elle a déjà faits;

Vu la délibération du conseil de fabrique de S..., en date du 14 juillet 1872;

Vu la délibération du conseil municipal de S..., en date du 1er septembre 1872, donnant un avis favorable à la demande du conseil de fabrique de S...;

Vu la lettre de la dame Marie N..., en date du 25 septembre 1872; Vu l'avis de M. le sous-préfet de Vassy, en date du 10 octobre 1872;

Vu l'acte de vente de la maison et du jardin en question fait par les sieurs Plique, Husson et consorts à la commune de S..., en date du 3 mars 1818;

Ouï M. Lemaire, conseiller-rapporteur, en son rapport;

Ouï M. de Praneuf, commissaire du gouvernement, en ses conclusions;

Vu la loi du 18 germinal an x;

Vu le décret du 17 mars 1809 et le décret du 30 mai 1806;

Vu le décret du 6 novembre 1813;

Vu l'ordonnance du 3 mars 1825;

Vu les arrêts du Conseil d'Etat, en date des 3 novembre 1836, 22 décembre 1838, 27 juillet 1839;

Considérant que le maire de S..., en prescrivant un alignement, alors qu'un plan d'alignement n'existait pas pour la commune et approuvé par l'autorité supérieure, a pris un arrêté illégal en dehors de ses attributions; que, du reste, cet arrêté a été annulé par arrêté préfectoral du 20 mai 1871; qu'il peut donc être responsable des conséquences de ses actes;

Considérant que le presbytère et le jardin ont été affectés par la commune à l'usage du desservant; qu'aucune partie ne peut en être distraite que par autorisation préfectorale avec avis favorable de Mgr l'Evêque, ou par un décret rendu sur un avis du Conseil d'Etat, s'il y a désaccord entre l'autorité ecclésiastique et l'autorité départementale;

Considérant que l'arrêté du maire de S... a été pris contrairement

à ces principes, qu'il paraît donc de l'intérêt de la fabrique de poursuivre en justice la réparation d'un dommage produit par un acte illégal;

Arrête :

Le conseil de fabrique de S... est autorisé, en la personne de son trésorier, à ester en justice aux fins sus-énoncées.

Chaumont, le 4 janvier 1873.

Voici enfin les termes du jugement :

Le tribunal; — attendu que l'arrêté du sieur Nicolas G..., alors maire de la commune de S..., a été annulé par l'autorité compétente en date du 20 mai 1871;

Que, du moment que cet arrêté était illégal, il ne pouvait engager la commune; qu'il n'y a donc pas lieu de mettre celle-ci en cause; Attendu que le sieur Nicolas G... doit être responsable des conséquences de l'acte pris en dehors de ses attributions;

Attendu que le tribunal a par-devant lui, et quant à présent, les éléments suffisants pour déterminer l'importance du préjudice causé à la fabrique et au sieur M.....;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens;

Par ces motifs :

Le tribunal, après en avoir délibéré, jugeant en premier ressort, matière ordinaire;

Dit qu'il n'y a lieu de mettre en cause la commune de S...,

Et condamne la dame veuve G... ès qualités, pour les causes cidessus énoncées, à payer par toutes les voies du droit :

1o A la fabrique de S... une somme de cent francs;

2o Et au sieur M..., desservant, une somme de trente francs, à titre de dommages-intérêts;

La condamne en outre aux dépens.

(Jugement du tribunal civil de Vassy, du 13 décembre 1873.)

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DES

INSTITUTIONS ET DU DROIT.

(2me Année.)

LA LIBERTÉ DE LA PRÉDICATION CHRÉTIENNE.

en

La persécution que la Révolution exerce de nos jours contre l'Eglise a un caractère universel, et partout, Amérique comme en Europe, les mêmes questions se posent devant les tribunaux ou devant les parlements. Notre Revue, par cela seul qu'elle est catholique, doit s'intéresser à toutes ces luttes. Son but est de servir de lien aux catholiques des différents pays et de coordonner leurs efforts. Puis, même à un point de vue plus restreint, il nous est fort utile de connaître les discussions qui s'engagent et les décisions judiciaires qui interviennent à l'étranger sur des questions qui se posent ou peuvent se poser chez nous d'un moment à l'autre.

Aussi, nous ne doutons pas que les lecteurs de la Revue n'accueillent avec le plus grand intérêt la publication, dans ses parties essentielles, d'un arrêt rendu au mois de mai 1874 par la Cour supérieure de la province de Québec, en faveur de la liberté de la prédication chrétienne.

Nous en devons la communication à un éminent magistrat du Canada. Voici en résumé les faits de la cause:

Le 25 mars 1873, le curé de Saint-Barthélemy, prêchant à ses paroissiens et les exhortant à éviter les occasions de péché, leur signala particulièrement les débits de boisson; il ajouta : <«< qu'il n'y avait pas besoin de licence dans la paII LIV. 2o ANNÉE. OCTOBRE 1874. 44

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