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Les ressources s'augmentent peu à peu; des meubles, des immeubles, des terres, des maisons, des jardins, étaient légués par les morts, donnés par les vivants à un membre de la société, le plus souvent à un ministre du culte, propriétaire et administrateur, choisi par les fidèles et investi de toute leur confiance. Cette personne en versait les revenus dans la caisse commune.

Ces libéralités étaient nombreuses et n'avaient rien d'illicite; la législation romaine ne recherchait pas, en effet, si le disposant avait prévu que la donation ou le legs faits aux membres d'une association même non autorisée, profiteraient réellement à l'association. « Le legs fait à un collège illicite, nous dit la loi 20, au Dig.,34, V, est << nul; il est valable, au contraire, s'il s'adresse, non point au collège pris en corps, mais singulis, à chacun <<< des associés pris individuellement. » L'Église chrétienne avait ainsi une caisse commune, alimentée par ses fidèles, comme toutes les associations funéraires.

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Elle recommandait à ses fidèles un grand respect pour ses décisions et une grande vénération pour ses pontifes. Elle cherchait même à rendre ces derniers les arbitres de leurs querelles. « Si vous avez des différends, avait « dit saint Paul aux Corinthiens, prenez pour juges les «personnes les plus considérables de votre église. C'est <«< une honte de voir des frères plaider contre leurs frères << devant des infidèles1. »

Les chrétiens prennent dès l'origine à la lettre cette instruction de saint Paul. Une répugnance instinctive les éloignait des tribunaux païens où la justice se rendait aux noms des dieux qu'ils détestaient, sous des formules solen

1 Epitre aux Corinthiens, VI, §§ 1 et suiv.

nelles qui ressemblaient aux oracles sybillins, et souvent en application de principes moraux moins purs que ceux que leur loi leur enseignait. Une juste pudeur les détournait aussi de mettre des infidèles dans la confidence des différends qui troublaient leur charité fraternelle. N'auraientils pas d'ailleurs été obligés de se faire connaître et de courir le danger de la persécution? N'auraient-ils pas surtout été menacés de prendre part à certains actes du paganisme que répudiait leur conscience? Ils trouvaient plus simple et plus chrétien de recourir à l'autorité de leurs supérieurs ecclésiastiques devant qui ils allaient plutôt exposer un cas de conscience que plaider une cause litigieuse. Les évêques s'étaient trouvés par là investis d'une sorte de juridiction arbitrale et officieuse sur presque toutes les causes civiles qui s'élevaient entre chrétiens. Siégeant déjà sur le tribunal de la pénitence, disposant des peines canoniques, le métier de juge leur était familier, et ils en prirent aisément les habitudes1. Assistés des prêtres et des diacres, ils rendaient leurs jugements sans forme de procédure et après avoir entendu l'explication verbale des parties. Leurs sentences n'avaient d'ailleurs aucune valeur légale. Le gouvernement romain. ne les reconnaissait pas, et elles n'étaient obligatoires pour les plaideurs qu'au point de vue de la conscience 2.

L'Église cherche également à fairere connaître à ses ministres par ses fidèles les mêmes avantages que les païens reconnaissaient à leurs prêtres. Ainsi, chez les Gentils, les pontifes, de même que ceux qui enseignaient la jeunesse, étaient dispensés des obligations de la tutelle (Dig. 27, I,

1 De Broglie, L'Eglise et l'Empire romain au Ive siècle, tom. II, pag. 267.

2 Glasson, op. cit., pag. 564.

6, § 1). L'Église prétend pour son clergé à la même faveur, et ne pouvant la faire reconnaître par l'autorité publique, elle s'attache à la faire respecter par les siens. Les évêques, en effet, décident qu'on ne fera pas de prières et qu'on n'offrira pas de sacrifices pour un mort qui a méconnu le privilège ecclésiastique c'était donc une espèce d'excommunication posthume1.

1 M. Ernest Havet, Revue des Deux-Mondes, 15 sept. 1885.

CHAPITRE II.

LE CHRISTIANISME SOUS CONSTANTIN ET SES SUCCESSEURS.

Les historiens rapportent que certains empereurs voulurent accorder une place au Christianisme parmi les religions de Rome, Héliogabale fit mettre le Christ à côté de ses dieux Syriens. Alexandre Sévère l'introduisit à côté d'Orphée et d'Appollonius de Thyane dans son sanctuaire domestique. « Il désira, dit Lampride, faire <<< construire des temples au Christ et le placer au rang << des dieux. >> On raconte qu'Adrien eut la même pensée et donna l'ordre d'élever des temples sans simulacres dans toutes les villes. Leurs tentatives échouèrent devant l'opposition des païens qui craignaient que le dieu des chrétiens ne vint à détrôner tous les autres.

Ce fut l'édit de Milan rendu en 313 et dont tout l'honneur revient à Constantin, qui proclama officiellement en faveur du Christianisme et de toutes les religions le grand principe de la liberté des cultes1 : « Nous, Constantin et

1 L'édit de Milan ne figure ni au Code Théodosien, ni au Code de Justinien; les empereurs Théodose II et Justinien, oppresseurs des Romains restés païens, se gardèrent bien d'insérer dans leurs recueils législatifs un document qui proclamait hautement la liberté reli

<< Licinius, y est-il dit, Augustes, venus à Milan sous << d'heureux auspices, et recherchant avec sollicitude « tout ce qui intéresse le bien de la chose publique, << entre beaucoup de choses que nous avons jugées <«<< utiles, et pour mieux dire, avant toutes choses, nous << avons pensé qu'il fallait poser les règles dans lesquelles << seraient contenus le culte et le respect de la Divinité. «En conséquence, nous accordons aux chrétiens et à << tous autres, toute liberté de suivre la religion qu'ils <«< choisiront..... Par ce sage et salutaire conseil, nous « faisons donc savoir notre volonté, que la liberté de « suivre ou d'embrasser la religion chrétienne, ne soit « refusée à personne, mais qu'il soit licite à chacun de « dévouer son âme à la religion qu'il lui plaît. »

L'édit de Milan était en réalité tout entier au profit des chrétiens et terminait pour eux l'ère des persécutions. Aussi son effet fut-il énorme; on vit apparaître au grand jour un nombre considérable d'églises chrétiennes, les fidèles purent dès lors donner un libre essor à leurs aspirations religieuses. C'était la liberté acquise pour une moitié des sujets romains.

Mais Constantin voulait faire plus pour la religion chrétienne, il voulait non seulement la liberté, mais encore la réhabilitation. Dans ce que nous avons cité de l'édit de Milan, l'égalité de la loi a parlé seule, la préférence du législateur va se faire entendre: « Mais nous « décrétons ceci, ajoute l'édit de Milan, nous décrétons « de plus en faveur des chrétiens que les lieux où ils << avaient coutume de se réunir....., s'ils ont été confis

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gieuse. Il est relaté par Eusèbe dans son Histoire ecclésiastique (liv. 10, c. V) et par Lactance dans son traité De morte persecutorum (ch. 48).

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