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de l'orthodoxie. Beaucoup de ses prédécesseurs avaient dans diverses constitutions donné à l'Église une partie des biens et des revenus affectés aux établissements religieux du paganisme. Théodose confirme ces donations et en maintient la propriété aux églises, « ea verò quæ « multiplicibus constitutis ad venerabilem Ecclesiam « voluimus pertinere, christiana sibi meritò religio « vindicabit, dit la loi 5 (au Code Just., 1, XI).

Mais en même temps il ne perdait pas de vue la discipline, et de sages dispositions s'efforcèrent de réprimer les abus des donations. Il va plus loin encore que ses prédécesseurs dans la défense de recevoir faite aux prétres. Dans une constitution de l'an 390, il défend non seulement aux moines et aux clercs, mais encore aux églises et aux pauvres de recevoir des diaconesses per epistolam, codicillum, donationem, testamentum, nullam ecclesiam, nullum clericum, nullum pauperem scribat. Les libéralités faites en violation de cette loi n'étaient plus attribuées au fisc, mais appartenaient aux héritiers, légataires ou fidéicommissaires.

CHAPITRE III.

LE CHRISTIANISME SOUS JUSTINIEN.

Théodose, en mourant, laissa à ses deux fils son empire qui fut immédiatement partagé entre eux. Honorius eut l'Occident, Arcadius eut l'Orient. L'empire d'Occident fut le but de toutes les grandes attaques des Barbares et reçut en un demi-siècle quatre assauts terribles; Alaric avec les Wisigoths; Radagaise avec les Suèves, les Vandales, les Alains et les Burgondes; Genséric avec les Vandales; Attila avec les Huns le ravagèrent et cherchèrent à l'anéantir pendant ce court espace de temps. Il lui eut fallu plus de force qu'il n'en avait pour résister à de tels chocs se suivant de si près. Laissons-le donc se débattre dans son agonie, et finir par se désagréger pour ne jamais se rétablir1.

L'empire d'Orient au contraire, défendu par le Danube et les Balkans, et moins sujet aux incursions des Barbares dont l'impulsion se tournait plutôt vers l'Ouest que vers le Sud résista beaucoup plus longtemps, et grâce à sa jeunesse et à sa plus grande vigueur, dura encore de

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Duruy, Histoire du Moyen-âge, pag. 35 et suiv.

nombreuses années. Constantinople devint la réelle et vivante capitale de cet empire et de ce qui avait autrefois constitué le monde romain. C'est là qu'il nous reste à étudier la place qui fut faite dans la législation à l'Église chrétienne, principalement à l'époque de Justinien, dont les nombreux travaux législatifs nous fourniront beaucoup de précieux renseignements.

A cette époque, la religion chrétienne fut avant tout la religion de l'État, la religion officielle que le despotisme de l'empereur rendait obligatoire, et que son fanatisme comblait de faveurs et de privilèges. Le droit ecclésiastique s'affermit; les règles de la religion sont posées en principes de droit, et codifiées par les soins de Justinien; on les applique comme des lois de l'État; à la place de l'ancien droit sacré, s'élève un nouveau droit sacré, faisant partie du droit public et du droit civil.

La religion chrétienne est celle qui doit être pratiquée par tous les peuples soumis à la puissance de l'empereur; l'unité de foi devient un principe politique. Au pape de Rome appartient la primauté dans l'Église; l'archevêque de Constantinople vient le deuxième; ils sont supérieurs à tous les autres évêques, aliis autem sedibus omnibus præponatur (Nov. 131, c. II).

L'empereur se fait lui-même juge du dogme. La foi catholique est celle du concile de Nicée dont le symbole est transcrit presque mot pour mot dans la loi 5 au Code (1, 1), ou mieux celle des quatre conciles de Nicée, de Constantinople, d'Ephèse et de Chalcédoine. Tous les prêtres doivent l'admettre et la prêcher. Le dogme de la Trinité devient une loi d'État dont les contempteurs n'ont qu'à attendre la sévérité impériale (Code 1, I, 1). Celui de la consubstantialité se retrouve dans la loi 2 (eod. tit.,

De summa Trinitate). Les doctrines de Porphyre, de Nestorius, d'Eutychès, d'Apollinaire y sont condamnées; les lettres des papes entrent même dans le corps du droit (1. 8, eod. tit.).

La discussion publique des matières de religion est défendue aux clercs, aux militaires et à toute espèce de personnes, lorsqu'un concile s'est prononcé; ce serait, en effet, manquer de déférence pour ses travaux. Des peines sévères sont même promises à ceux qui ne se conformeront pas à cette règle. Si le délinquant est clerc, il sera expulsé du clergé; s'il appartient à l'armée, il sera privé de la ceinture militaire; expulsé de la ville, s'il est simple citoyen; traité avec la plus grande sévérité, s'il est esclave (Code, 1, I, 4).

L'empereur dispose comme en matière de police et par voie de réglementation pour les cultes non catholiques qui sont tolérés dans l'État. Les Juifs peuvent tenir assemblée et célébrer leurs fêtes, mais à condition de ne pas tourner les chrétiens en dérision (Code, 1, IX, 11). S'ils ont fait circoncire un chrétien, ils sont punis de l'exil et de la confiscation de tous leurs biens. Ils sont condamnés à mort s'ils l'ont forcé à se convertir à leur religion (Code, 1, IX, 16, 18). Ils ne sont pas obligés de paraître en justice le jour du sabbat (loi 13, eod. tit., De Judæis). Mais c'est l'empereur qui autorise et approuve les versions de la Bible à leur usage; il ordonne même que ceux qui feront usage de la langue grecque liront les écritures dans le Septante, Septuaginta utantur traductione (Nov. 146, c. I). Il va même plus loin, il leur impose une doctrine. Dans le chapitre 2 de cette Novelle, il prohibe les sectes juives qui nieraient la résurrection et le jugement dernier, la création du monde visible et

des anges, et menace leurs adeptes des derniers supplices, ultimis subdantur suppliciis.

La religion chrétienne devient complètement la religion de l'Empire, et ses dogmes doivent être adoptés sous peine des plus grands châtiments. L'empereur, cherchant l'appui et le soutien de son trône dans le sacerdoce chrétien, devient fanatique, nous dirons même plus, devient tyran religieux, et prend tous les moyens possibles pour forcer ses sujets à adhérer à la religion catholique, ou à ne pas la renier. Nombre de dispositions législatives frappent de peines plus ou moins sévères les païens et les hérétiques, et s'efforcent d'en faire disparaître le nombre dans l'Empire. Nous n'en citerons que quelquesunes, ne voulant pas nous appesantir outre mesure sur ce sujet. Dans son ardent désir de faire disparaître les derniers vestiges de la religion païenne, Justinien interdit toutes les assemblées d'hérétiques. Dans la Novelle 132, l'empereur recommande aux prêtres chrétiens de saisir toutes les occasions de détruire les doctrines impies, rappelle les crimes des païens, qui neque Dei cogitant timorem, neque interminatis talibus pœnas ex legum severitate considerantes, diaboli opus implent, et quosdam simplicium seducentes sanctæ fidei catholicæ et apostolicæ Ecclesiæ, adulteras collectas et adultera baptismata latenter faciunt; il les invite ensuite à abandonner leur hérésie et à revenir à l'Église de Dieu. Comme sanction, il décide qu'à l'avenir les maisons où se tiendront leurs réunions seront attribuées à l'Église chrétienne, et ceux qui se seront réunis, et ceux chez qui on se sera réuni, punis conformément aux lois.

Le païen non baptisé est tenu de se rendre à l'église avec sa femme et ses enfants pour recevoir le sacrement

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