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pêcher leur réussite. Il se trouvoit, il est vrai, un ministre françois dans le lieu du congrès; mais il avoit eu ordre de ne rien faire avant l'arrivée du premier plénipotentiaire, qu'on faisoit espérer d'un jour à l'autre. Ce ne fut que le 21 juillet que l'on apprit qu'une difficulté qui s'étoit présentée lors de la conclusion de l'armistice entre les commissaires françois et ceux de la Russie et de la Prusse, difficulté très-peu importante, n'ayant aucune influence sur le congrès de pacification, et pouvant être levée sur-le-champ par la médiation de l'Autriche, étoit alléguée pour expliquer et justifier ce retard étonnant. Lorsqu'enfin ce prétexte fut écarté, le plénipotentiaire françois arriva à Prague le 28 juillet, seize jours après le terme fixé pour l'ouverture du congrès.

Dès les premiers jours après l'arrivée de ce ministre l'issue du congrès ne dut plus rester douteuse. La forme dans laquelle les pleins pouvoirs devoient être remis et les déclarations réciproques entamées, objets sur lesquels il y avoit déjà eu des pourparlers de tous les côtés, devint la matière d'une discussion qui fit échouer tous les efforts du ministre médiateur. L'insuffisance évidente des instructions données aux plénipotentiaires françois occasiona une suspension de plusieurs jours. Ce ne fut que le 6 août que ces

plénipotentiaires remirent une nouvelle déclaration qui ne leva nullement la difficulté relative à la forme, et qui ne fit pas faire un pas de plus à la négociation. En échangeant infructueusement des notes, on parvint au 10 août. Les plénipotentiaires russes et prussiens ne purent passer ce terme; le congrès étoit rompu, et la détermination de l'Autriche étoit fixée d'avance par la marche de la négociation, par la conviction intime de l'impossibilité de la paix, par le point de vue sous lequel S. M. regardoit depuis long-temps la question importante, par les principes et les intentions des alliés, dans lesquels l'Empereur reconnut les siens, enfin par les déclarations antérieures les plus positives, qui ne laissoient aucune possibilité à un malentendu.

Ce n'est pas sans une douleur profonde, qui n'est allégée que par la conscience d'avoir épuisé tous les moyens capables d'empêcher le renouvellement de la guerre, que l'Empereur se voit forcé à la démarche qu'il fait. Pendant trois ans S. M. n'a cessé de travailler pour obtenir, par les voies de la douceur et de la conciliation, des bases qui rendissent possible une paix longue et durable pour l'Autriche et pour l'Europe. Toutes ces tentatives ont été infructueuses; plus de ressource, plus de refuge que dans les armes. L'Em

pereur les prend sans ressentiment personnel, forcé par une nécessité pénible, par un devoir impérieux, par des motifs que tout citoyen fidèle de ses états, que le monde, que l'Empereur Napoléon lui-même reconnoîtra dans un moment de calme et de justice. La justification de cette guerre est écrite dans le cœur de tout Autrichien et de tout Européen, sous quelque domination qu'il vive, en caractères grands et lisibles, qui rendent tout art inutile. La nation et l'armée feront leur devoir. Une alliance contractée avec toutes les puissances armées pour leur indépendance, alliance dictée par le besoin de tous et l'intérêt de tous, donnera une force nouvelle aux moyens que nous déploierons. Avec l'assistance du TrèsHaut le succès remplira les justes attentes des amis de l'ordre et de la paix.

N° XXVII.

Réponse du général Palafox au général françois L..., qui l'avoit sommé de se soumettre avec son armée.

Albarraçin, en Aragon, 28 août 1808.

MONSIEUR,

Les événemens qui se sont passés depuis deux mois auroient dû vous faire sentir qu'en m'écrivant vous ne pouviez pas, ainsi que vous

le pratiquez avec d'autres, vous dispenser de me parler le langage du bon sens, de la raison et de l'honneur. Si les autres nations de l'Europe avoient pensé et agi comme nous, vous ne seriez point ici; mais, tant qu'il plaira à Dieu de vous y laisser pour l'expiation de nos péchés, nous vous apprendrons du moins à nous respecter. Vous me conjurez de poser les armes, au nom du bonheur de l'Espagne; et depuis quand, je vous prie, un général révolutionnaire françois prend-il un si vif intérêt au sort d'une nation qui, de toutes celles de l'Europe, devroit lui être la plus étrangère par son esprit religieux, ses mœurs, ses habitudes, par sa fidélité surtout envers son légitime souverain? Les Espagnols, il est vrai, voyagent peu: mais, avant même que vous ne fussiez venus chez eux, leur prêcher, à coups de baïonnettes, vos maximes sur le bonheur, ils connoissoient parfaitement l'espèce de celui que vous aviez donné à la Hollande, à la Suisse, à l'Italie, à l'Allemagne, à la Pologne, à vos alliés surtout, et à vos malheureux concitoyens eux-mêmes que vous traînez enchaînés sur nos frontières, pour y planter vos drapeaux souillés du sang de vos Princes et de celui de toute l'Europe. Quel bonheur, grand Dieu! que celui qui nous est offert par un gé

néral de l'héritier universel de toute la révolution françoise! Mon sang se glace dans les veines à la seule idée de la possibilité d'un pareil bonheur. Tout féroce qu'étoit Attila, il avoit dans l'âme plus de véritable grandeur que celui qui vous lance sur nous pour nous dévorer, car Attila annonçoit hautement les projets de son ambition. En entrant en Italie, il ne s'étoit point proclamé son ami, son allié; les Huns ne s'appeloient point eux-mêmes: la grande Nation; l'Italie ne leur avoit pas, comme nous, ouvert pendant douze ans ses trésors, donné ses flottes, confié ses armées.... Le terrible conquérant cependant, saisi de respect à la vue du Pape Léon-le-Grand, baissa devant lui son épée ensanglantée, et Rome fut égargnée; ajoutez que le Pontife n'avoit point quitté son siége pour aller couronner Attila ; ce dernier néanmoins, malgré ce trait qui l'honore, fut surnommé le fléau de Dieu. Quel nom, monsieur, la postérité donnera-t-elle au vôtre? ·

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Vous me conjurez de poser les armes pour assurer le repos de l'Espagne. Et qui l'a troublé ce repos? Depuis Ferdinand-le-Catholique jusqu'au jour où vous avez mis le pied sur cette terre, notre tranquillité n'a été troublée qu'une seule fois ce fut quand nous nous battîmes

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