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« ON se battoit encore à Montmartre, lorsque l'imprimeur qui se dévouoit avec moi à la cause du Roi, vint chercher le manuscrit de cet ouvrage ». Tels sont les premiers mots de la préface (1) d'un ouvrage qui, plus que tout autre, a contribué à éclairer l'opinion publique sur la nécessité de se rallier aux souverains légitimes. L'éditeur de cette collection peut se les appliquer. Ce fut le 30 mars à deux heures, au moment où un prétendu courrier de Buonaparte répandoit dans les rues de Paris la nouvelle de la retraite des alliés et de l'approche de son maître avec cinquante mille hommes, qu'il porta chez M. Mame son premier cahier commençant par ces mots : Un homme qui n'a régné que par

(1) De la seconde édition.

TOM. I.

a

la terreur, la perfidie et le mensonge, est sur le point de recevoir le chátiment que le Ciel réserve aux méchans.

En rappelant ce fait l'autetur ne pense pas tirer avantage d'un courage qui n'a pas de mérite; car il ne peut exister de courage que lorsqu'il y a du danger, et l'auteur n'en voyoit pas à annoncer la chute du tyran, qui depuis long-temps n'étoit plus douteuse pour lui. Les fautes que cet homme avoit accumulées depuis quelques années; l'esprit d'inconséquence, de vertige et d'injustice qu'il avoit montré dans toutes les parties de l'administration publique; la perversité des conseillers qui l'entouroient, tout indiquoit que la main de Dieu n'étoit pas avec lui, et que la colère céleste avoit marqué la fin de sa domination. D'ailleurs, étudiant l'histoire, on est tenté de croire que les mêmes lois éternelles qui président au gouvernement du monde physique règlent aussi la durée de ces grandes calamités, et de ces maladies de l'esprit qui, à certaines époques, affligent l'humanité. La

vingt-cinquième année qui approchoit de sa fin, pouvoit être le terme fixé par la Providence pour cette fièvre révolutionnaire qui, après avoir renversé l'antique trône de S. Louis, et couvert de deuil la France entière, avoit étendu son influence sur toutes les parties du continent européen. Déjà les peuples que le moderne Attila avoit voulu dégrader, reprenoient leur énergie et leur caractère national. Une sainte ligue avoit réuni des nations souvent rivales; la même bannière flottoit pour ces Moscovites que l'ignorance et la présomption nous peignoient comme des barbares; pour ces braves Suédois, dont l'histoire est illustrée par les noms de tant de grands capitaines, et de tant de savans du premier ordre; pour ces Autrichiens, dont les armées ont de tout temps été regardées comme la meilleure école militaire; pour ces Prussiens qui, au milieu de leurs désastres, avoient su conserver le feu sacré des lumières et de l'érudition, que la Providence avoit confié à leur garde; pour

tous les habitans de l'Allemagne, cette terre classique de l'enthousiasme (1); enfin pour ces Anglois, les moteurs et les modèles de tout ce qui, depuis vingt ans, s'est fait de beau en Europe (2). A une alliance si noble et si désintéressée il auroit fallu pouvoir opposer la force que donnent à un peuple le sentiment de l'injustice de ses agresseurs, l'amour de ses lois et de ses institutions, l'attachement à ses Princes. Mais la nation françoise ne connoissoit pas de plus grand ennemi que l'homme qui la gouvernoit; elle abhorroit les institutions qu'il lui avoit données; elle attendoit les alliés comme des libérateurs. La cause de Napoléon étoit condamnée et par l'armée, qu'il avoit trahie, et par ses flatteurs, qui n'attendoient, pour l'abandonner, que le moment où l'on voudroit acheter leur perfidie.

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Tout annonçoit donc qu'une époque plus

(1) Expressions de Madame de Staël. (2) Expressions de M. Genz.

heureuse alloit commencer pour les François, si, sincèrement revenus à des principes d'ordre et de justice, ils vouloient permettre à leur souverain légitime de guérir les maux causés par une liberté illusoire, et ne pas recommencer une nouvelle période de folies et de misère.

En m'appliquant la phrase de M. de Chateaubriand, mon intention ne pouvoit pas être non plus d'établir entre son ouvrage et mon Recueil un parallèle qui ne pourroit que m'être extrêmement défavorable. J'ai voulu seulement rappeler un fait, pouvant expliquer et excuser le désordre qui règne dans la distribution des pièces qui forment ma collection. Il fallut satisfaire à l'impatience du public, qui ne me laissoit pas le temps de me procurer successivement les pièces qui me manquoient, ni celui de classer les matériaux que je possédois.

Je dois ici témoigner ma reconnoissance aux personnes qui ont contribué à enrichir cette collection, en m'envoyant les diffé

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