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une existence qui garantit à la fois son propre bonheur et la sécurité due aux autres États.

Elles n'hésitent pas à se reconnaître le droit de poser ces principes; et sans préjuger d'autres questions graves, sans rien décider sur celle de la souveraineté de la Belgique, il leur appartient de déclarer qu'à leurs yeux, le souverain de ce pays doit nécessairement répondre aux principes d'existence du pays lui-même, satisfaire par sa position personnelle à la sûreté des Etats voisins, accepter à cet effet les arrangements consignés au présent protocole, et se trouver à même d'en assurer aux Belges la paisible jouissance.

Ainsi, dans ce document, les puissances, après avoir ajouté aux arrangements fondamentaux du 20 janvier 1830 quelques articles concernant le partage des dettes en leur donnant pour titre commun: « Bases destinées à établir l'indépendance et l'existence futures de la Belgique », renouvellent la déclaration qu'elles entendent agir avec un «< parfait désintéressement » dans les affaires de la Belgique; qu'elles « n'ont en vue que de lui assigner dans le système européen une place inoffensive, que de lui offrir une existence qui garantît à la fois son propre bonheur et la sécurité due aux autres États ». Et elles orientent, à certains égards, le choix à faire du souverain de la Belgique.

Sur la question du chef de l'État, les PROTOCOLES No 14 ET 15, DES 1er ET 7 FÉVRIER 1831, adoptent l'opinion que « l'engagement pris par les cinq puissances dans le protocole n° 11 du 20 janvier, de ne chercher aucune augmentation de territoire, aucune influence exclusive, aucun avantage isolé dans les arrangements qui auraient la Belgique pour objet, leur impose également à toutes le devoir de rejeter les offres qui pourraient leur être faites

en faveur d'un des princes des familles régnantes dans un des cinq États dont les représentants sont réunis en conférence à Londres ». On sait qu'application fut faite au duc de Nemours de cette dernière disposition.

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Voici encore un document de baute importance pour l'étude des points de départ de la Constitution internationale de la Belgique. C'est le PROTOCOLE N° 19, DU 19 FÉVRIER 1831, contenant l'Exposé du système suivi par la Conférence de Londres. Les protocoles n° 16, du 8 février, et no 17, du 17 février, dont nous n'avons point parlé, ne concernent que des difficultés d'ordre secondaire concernant les communications avec Maestricht.

Les plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, s'étant assemblés, ont porté toute leur attention sur les interprétations diverses données au protocole de la Conférence de Londres en date du 20 décembre 1830, et aux principaux actes dont il a été suivi. Les délibérations des plénipotentiaires les ont conduits à reconnaître unanimement qu'ils doivent à la position des cinq cours, comme à la cause de la paix générale, qui est leur propre cause et celle de la civilisation européenne, de rappeler ici le grand principe de droit. public, dont les actes de la Conférence de Londres n'ont fait qu'offrir une application salutaire et constante.

D'après ce principe d'un ordre supérieur, les traités ne perdent pas leur puissance, quels que soient les changements qui interviennent dans l'organisation intérieure des peuples. Pour juger de l'application que les cinq cours ont faite de

ce même principe, pour apprécier les déterminations qu'elles ont prises relativement à la Belgique, il suffit de se reporter à l'époque de l'année 1814.

A cette époque, les provinces belges étaient occupées militairement par l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie; et les droits que ces puissances exerçaient sur elles furent complétés par la renonciation de la France à la possession de ces mêmes provinces. Mais la renonciation de la France n'eut pas lieu au profit des puissances occupantes; elle tint à une pensée d'un ordre plus élevé. Les puissances et la France elle-même, également désintéressées alors comme aujourd'hui dans leurs vues sur la Belgique, en gardèrent la disposition, et non la souveraineté, dans la seule intention de faire concourir les provinces belges à l'établissement d'un juste équilibre en Europe, et au maintien de la paix générale. Ce fut cette intention qui présida à leurs stipulations ultérieures; ce fut elle qui unit la Belgique à la Hollande, ce fut elle qui porta les puissances à assurer dès lors aux Belges le double bienfait d'institutions libres et d'un commerce fécond pour eux en richesses et en développement d'industrie.

L'union de la Belgique avec la Hollande se brisa. Des communications officielles ne tardèrent pas à convaincre les cinq cours que les moyens primitivement destinés à la maintenir ne pourraient plus ni la rétablir pour le moment ni la conserver par la suite; et que, désormais, au lieu de confondre les affections et le bonheur de deux peuples, elle ne mettrait en présence que les passions et les haines, elle ne ferait jaillir de leur choc que la guerre avec tous ses désastres. Il n'appartenait pas aux puissances de juger des causes qui venaient de rompre les liens qu'elles avaient formés. Mais, quand elles voyaient les liens rompus, il leur appartenait d'atteindre encore l'objet qu'elles s'étaient proposé en les formant. Il leur appartenait d'assurer, à la faveur de

combinaisons nouvelles, cette tranquillité de l'Europe dont Punion de la Belgique avec la Hollande avait constitué une des bases. Elles avaient le droit, et les événements leur imposaient le devoir d'empêcher que les provinces belges, devenues indépendantes, ne portassent atteinte à la sécurité générale et à l'équilibre européen.

Un tel devoir rendait inutile tout concours étranger. Pour agir ensemble, les puissances n'avaient qu'à consulter leurs traités, qu'à mesurer l'étendue des dangers que leur inaction ou leur désaccord auraient fait naître. Les démarches des cinq cours, à l'effet d'amener la cessation de la lutte entre la Hollande et la Belgique, et leur ferme résolution de mettre fin à toute mesure qui, de part ou d'autre, aurait eu un caractère hostile, furent les premières conséquences de l'identité de leurs opinions sur la valeur et les principes des transactions solennelles qui les lient.

L'effusion du sang s'arrêta: la Hollande, la Belgique, et même les États voisins, leur sont également redevables de ce bienfait.

La seconde application des mêmes principes eut lieu dans le protocole du 20 décembre 1830.

A l'exposé des motifs qui déterminaient les cinq cours, cet acte associa la réserve des devoirs dont la Belgique resterait chargée envers l'Europe, tout en voyant s'accomplir ses vœux de séparation et d'indépendance.

Chaque nation a ses droits particuliers; mais l'Europe aussi a son droit; c'est l'ordre social qui le lui a donné.

Les traités qui régissent l'Europe, la Belgique devenue indépendante les trouvait faits et en vigueur; elle devait donc les respecter et ne pouvait pas les enfreindre. En les respectant, elle se conciliait avec l'intérêt et le repos de la grande communauté des États européens; en les enfreignant, elle eût amené la confusion et la guerre. Les puissances pouvaient prévenir ce malheur, et puisqu'elles le

pouvaient, elles le devaient; elles devaient faire prévaloir la salutaire maxime, que les événements qui font naître en Europe un État nouveau ne lui donnent pas plus le droit d'altérer le système général dans lequel il entre, que les changements survenus dans la condition d'un État ancien ne l'autorisent à se croire délié de ses engagements antérieurs. Maxime de tous les peuples civilisés; maxime qui se rattache au principe même d'après lequel les Etats survivent à leurs gouvernements, et les obligations imprescriptibles des traités à ceux qui les contractent; maxime, enfin, qu'on n'oublierait pas sans faire rétrograder la civilisation, dont la morale et la foi publique sont heureusement et les premières conséquences et les premières garanties.

Le protocole du 20 décembre fut l'expression de ces vérités; il statua : «< que la Conférence s'occuperait de dis» cuter et de concerter les nouveaux arrangements les plus >> propres à combiner l'indépendance future de la Belgique » avec les stipulations des traités, avec les intérêts et la >> sécurité des autres États, et avec la conservation de » l'équilibre européen. »>

Les puissances venaient d'indiquer ainsi le but auquel elles devaient marcher. Elles y marchèrent, fortes de la pureté de leurs intentions et de leur impartialité. Tandis que, d'un côté, par leur protocole du 18 janvier, elles repoussaient des prétentions qui seront toujours inadmissibles, de l'autre elles pesaient avec le soin le plus scrupuleux toutes les opinions qui étaient mutuellement émises, tous les titres qui étaient réciproquement invoqués. De cette discussion approfondie des diverses communications faites par les plénipotentiaires de S. M. le Roi des PaysBas et par les commissaires belges, résultait le protocole définitif du 20 janvier 1831.

Il était à prévoir que la première ardeur d'une indépendance naissante tendrait à franchir les justes bornes des

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