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qui tendent à « dépouiller les Provinces-Unies de la sécurité qui résulte pour elles de l'interposition des provinces hispano-belges entre les frontières françaises et hollandaises et qui, par la jonction des deux monarchies espagnole et française, ouvrent la voie à l'empire sur toute l'Europe ». Il rappelle que « les frontières des Provinces-Unies sont en quelque sorte ouvertes de toutes parts, si l'on supprime le rempart appelé Barrière, qui écartait le voisinage de la France ». L'article 3 du traité indique le double but poursuivi par les alliés : « donner à Sa Majesté Impériale satisfaction juste et raisonnable, touchant ses prétentions à la succession d'Espagne >>; donner «< au roi de la Grande-Bretagne et aux Seigneurs États-Généraux sûreté particulière et suffisante pour leurs royaumes, provinces, terres et pays de leur obéissance ». L'article 5 signale le premier moyen d'atteindre ce but. Il est ainsi conçu : « Afin de procurer cette satisfaction et cette sûreté, les alliés feront, entre autres choses, les plus grands efforts pour reprendre et conquérir les provinces du Pays-Bas espagnol, dans l'intention qu'elles servent de digue, de rempart et de barrière pour séparer et éloigner la France des Provinces-Unies, comme par le passé, les dites provinces des Pays-Bas espagnols ayant fait la sûreté des Seigneurs États-Généraux jusqu'au jour où Sa Majesté Très-Chrétienne s'en est emparée et les a fait occuper par ses troupes. » Enfin, l'article 9 ajoute : << qu'au moment du futur traité de paix, les alliés conviendront des moyens propres à donner sécurité aux Seigneurs États-Généraux par la barrière sus-mentionnée ».

Ainsi barrière assurée dès maintenant aux États Généraux, mais renvoi an moment du traité de paix pour le mode d'organisation de ce moyen de sécurité.

Dans l'intention du cabinet de Vienne, cette dernière stipulation ne comportait sans doute autre chose que la garantie résultant de « l'interposition des provinces hispano-belges » et des mesures à prendre par le souverain de ces provinces sur son territoire. Mais l'élasticité de la clause permettait de lui donner une autre portée. Les conjonctures, la position ultérieure des parties devaient ici être décisives au point de vue interprétatif.

Les premières conquêtes de la coalition dans les PaysBas espagnols donnèrent déjà lieu, entre les parties intéressées, à des démêlés où se révéla l'intention des États Généraux. Le ministre de l'Empereur à La Haye présenta aux États Généraux un mémoire où il exposait : <«<< qu'il importait au bien de la cause commune et aux ultérieurs progrès de leurs armes, que les peuples qui se rendraient, soit par la force ou de leur mouvement, fussent persuadés qu'ils retourneraient à la très auguste maison d'Autriche pour laquelle ils conservaient infailliblement dans le cœur, l'amour et la dévotion des plus fidèles sujets; et que, pour les en convaincre, il n'y avait pas de moyen plus efficace que de renvoyer les premiers à leur devoir vers Sa Majesté Impériale, puisque, par cet exemple qu'on mettrait dès le commencement de la guerre, les autres conserveraient leurs bonnes inclinations et attendraient avec impatience le temps de leur délivrance (1) ». Ce mémoire fut laissé sans réponse et les Etats Généraux donnèrent des instructions en vue de faire prêter serment aux Provinces-Unies par les autorités de diverses villes conquises. Le conflit ne se ter

(1) LAMBERTY, t. II, p. 228.

mina que par une transaction accordant à la Maison d'Autriche l'administration civile, mais laissant provisoirement le pouvoir militaire aux mains de la République, avec subside pour entretien de la garnison.

4. - La Barrière selon les traités anglo-bataves.

La seconde étape de la politique hollandaise dans la voie que nous signalons, est marquée par le Gouvernement de la conférence anglo-batave en Belgique et par les deux premiers traités de la Barrière faits entre les deux puissances maritimes sans l'intervention de l'Autriche.

La journée de Ramillies avait rendu les alliés maîtres du Brabant et de la Flandre, et la Belgique entière paraissait devoir subir à bref délai le sort de ces provinces. Les États de Brabant et de Flandre, abandonnant la cause du petit-fils de Louis XIV, reconnurent la souveraineté de Charles III. Mais ce ne fut pas l'Autriche qui prit possession de notre pays. Les États Généraux avaient immédiatement autorisé leurs délégués à l'armée à prendre provisoirement, d'accord avec le vainqueur de Ramillies, toutes les mesures qu'ils jugeraient opportunes concernant les affaires publiques et les garnisons à mettre dans les places, en leur recommandant de prendre pour règle ce principe que « le droit de possession appartenait à la République avant tout autre (1) ». Aux réclamations du comte de Goes, ambassadeur de

(1) « Dat het recht van besetinge aen den Staet voor alle andere oecomt. » (Résolution secrète du 5 juin, Archives de La Haye.)

Charles III à La Haye, commis par son souverain pour prendre possession des Pays-Bas, les États Généraux répondaient que si, d'après le traité de la GrandeAlliance, les Pays-Bas espagnols devaient être remis au roi Charles, ils devaient aussi constituer une barrière pour la République contre la France; qu'en conséquence, ils ne pouvaient lui laisser prendre possession des provinces conquises avant qu'une convention eût été faite entre le Roi et eux, ainsi que cela avait eu lieu en 1703 pour les premières conquêtes; qu'en attendant, le pays serait gouverné par un Conseil d'Etat dont tous les actes se feraient au nom de ce monarque; que de concert avec la reine de la Grande-Bretagne, ils veilleraient à la conservation des prérogatives de la souveraineté comme des privilèges de la nation; que, du reste, pendant ce gouvernement intérimaire, ils communiqueraient et s'entendraient volontiers avec lui sur les affaires du pays (1).

En conséquence de ces résolutions, un premier Conseil d'Etat, auquel devait succéder plus tard un instrument plus docile, fut établi « de la part de la République, d'accord avec l'Angleterre (2) », et une conférence formée de députés des deux puissances maritimes s'installa à Bruxelles, dominant le Conseil d'Etat et régentant le pays. C'est ainsi qu'en attendant la domination autrichienne, la Belgique, tombée de la domination espagnole dans une domination hispano-française, subit pendant plusieurs années une domination anglo-batave qui, sans être aussi despotique que la précédente, exploita la Bel

(1) Résolution du 16 juin 1706.

(2) << Van wegen den Staet, met concert van Engeland. ›

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gique au profit de l'étranger, accabla le pays de charges et, modifiant, à l'avantage de la Hollande et de l'Angleterre, les tarifs des droits d'entrée établis depuis le traité de Ryswick (1), porta un nouveau et terrible coup à notre industrie nationale.

Pendant que nos provinces, fatiguées du joug étranger qui pesait sur elles, réclamaient à cor et à cri l'installation d'un gouvernement définitif et la Joyeuse Entrée de leur prince, les deux puissances maritimes se liaient entre elles, par un pacte spécial où, interprétant dans le sens le plus favorable aux Provinces-Unies l'article 9 du traité de la Grande-Alliance, elles réglaient les conditions de l'occupation militaire de la Belgique, telles qu'elles devaient survivre à la souveraineté intérimaire qu'elles s'étaient arrogée. Le traité du 29 octobre 1709, premier traité dit de la Barrière, conclu sans l'intervention de l'Autriche, assurait à l'Angleterre l'appui des États Généraux pour le maintien de la succession au trône britannique dans la ligne protestante; en retour, la reine de la Grande-Bretagne s'engageait à faire ses efforts pour obtenir en faveur des Provinces-Unies, entre autres avantages, l'insertion, dans le futur traité de paix, des stipulations suivantes : « que tous les Pays-Bas espagnols et ce qui serait encore trouvé nécessaire des places conquises ou non conquises serviraient de barrière aux Provinces-Unies »; qu'à cette fin les États Généraux auraient droit de garnison dans nombre de villes des Pays-Bas d'ores et déjà déterminées; qu'ils jouiraient, pour entretien des garnisons et frais de fortifications,

(1) Réquisition du 23 juin 1706.

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