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sorie que presque toutes avaient acquis de grandes richesses. Cet état heureux diminua, à la vérité, dans une proportion remarquable, lors de la destruction du système continental. Des particuliers qui avaient monté leurs ateliers pour une consommation qui leur fut enlevée subitement, celle des pays séparés de la France par les traités des 30 avril 1814 et 20 novembre 1815, furent même ruinés; mais les pertes furent de beaucoup inférieures aux bénéfices obtenus, et qui avaient été énormes pour beaucoup de fabrications.

supporter. Celles qui subissaient le joug du système continental étaient loin d'avoir à se féliciter de la position dans laquelle il les avait placées. Il y a plusieurs denrées dont aujourd'hui les peuples ne peuvent se passer: tels sont le sucre, le café et le thé, qui sont des productions d'outre-mer (1), et dont l'usage est devenu pour eux un besoin de première nécessité. En établissant, comme l'empereur Napoléon l'avait fait, des droits et un ordre de choses qui avaient fait monter le prix de ces denrées à un taux excessif (environ 10 francs le kilogramme de sucre Le système continental a prouvé que, et de café, lorsqu'ils étaient achetés chez les malgré la domination des mers et la posses- marchands en détail), on condamnait donc sion d'immenses richesses, il était possible les particuliers qui les consomment à une d'ébranler les fondements de la prospérité abstinence qui, renouvelée tous les jours, de l'Angleterre. S'il fut pour les Français devait finir par aliéner les esprits du prince et leurs alliés incommode, et même, dans qui l'exigeait. Ce fait explique en partie plusieurs circonstances, vexatoire, en re- pourquoi le gouvernement anglais forma vanche, que de maux ne versa-t-il pas sur avec tant de facilité l'espèce de croisade le commerce et la navigation de la Grande- qui, en 1814, détruisit la domination de la Bretagne ! Les ports de la plupart des puis- France dans les villes anséatiques et d'ausances de l'Europe furent fermés à ses na- tres parties de l'Allemagne, sur le grand vires; ce qui, en rendant très-difficile la duché du Rhin, le Luxembourg, la Holvente des marchandises de ses négociants, lande, la Belgique, le Valais, la Savoie, le leur causa des pertes énormes. Bref, le mal comté de Nice, le Piémont, l'Italie, les était devenu si grand que son change qui provinces illyriennes, que lui avait fait céest ordinairement au-dessus du pair, avait der la valeur de ses armées. Si à cette cause fini par perdre plus de 40 p. o. Après on joint l'animosité et l'ambition de quellui avoir porté des coups qui lui furent ques souverains, la haine produite par des singulièrement préjudiciables, le système demandes de contributions trop fortes, faicontinental créa un état de choses qui, tes à des pays occupés par les armées franen irritant les peuples de l'Europe, a beau- çaises, notamment à la Prusse et au Portucoup contribué a amener les malheurs qui gal; quelques vexations, inséparables de ont affligé si cruellement la fin de la vie de l'état de guerre; le vif désir des peuples son auteur, l'empereur Napoléon, mort, chez lesquels ces armées se trouvaient, de le 5 mai 1821, captif à l'ile de Sainte-Hé- recouvrer leur indépendance; on n'est plus lène, après avoir régné sur la France pen- étonné du succès des intrigues de ce gouverdant près de 15 ans, et dicté des lois la nement pour débaucher les alliés de Napoplupart des puissances de l'Europe. Étant léon, et soulever plusieurs des pays nouvelcontraire aux intérêts de ces peuples, qu'il lement passés sous sa domination, et de ce privait de tout commerce maritime, il ne qu'après avoir employé des sommes immenpouvait durer que par une sorte de dictases à lui susciter des ennemis, il soit parvenu ture sur leurs administrations, ou par vio- à le précipiter du trône. lences contre celles qui refuseraient de le prendre pour règle de leurs actes; ce qui, en nécessitant des attentats continuels à leur indépendance, devait produire une irritation, qui fut postérieurement pour la France le principe d'une foule de maux.

Ce n'est pas tout pour un gouvernement que de concevoir des projets gigantesques; il faut encore que leur exécution n'humilie point les nations, et surtout qu'elle ne leur impose pas des privations trop pénibles à

En résumé, les raisons données contre le système prohibitif doivent, sinon le faire réprouver entièrement, du moins engager les gouvernements à n'y recourir que rarement. Au mal dont, dans quelques circon

il l'est encore pour le thé et le café. Ce n'est que (1) Ce fait était alors vrai pour le sucre, comme postérieurement qu'ont été formées les fabriques qui procurent à la France une partie de la première de ces substances, nécessaire à sa consommation.

stances, il a été le principe pour des branches de l'agriculture, du commerce et des manufactures, il faut joindre celui qu'il a entraîné souvent dans ses rapports avec la politique. Il a causé quelquefois des guerres longues et acharnées. Suivant Adam Smith, celle qu'en 1672 la France a eue avec les Hollandais aurait été amenée par des droits équivalant à une prohibition, mis, d'après une proposition de Colbert, sur les produits de quelques fabriques étrangères. Ces droits, qui firent beaucoup diminuer la vente des articles d'une branche importante de leur industrie, furent l'objet de vives réclamations de leur part. Voyant qu'elles n'étaient point accueillies, ils prirent, en 1671, le parti de prohiber l'importation des vins, des eaux-de-vie et des ouvrages des fabriques de la France. Le gouvernement de ce pays ne manqua point de se plaindre de cette prohibition. Ils lui répondirent dans des termes qui furent loin de le satisfaire. De là, de part et d'autre, des notes dictées par l'aigreur, ensuite des menaces, et enfin le recours aux armes. Le traité de Nimègue rétablit, en 1678, l'harmonie entre les deux nations. Il fut convenu alors que la France diminuerait les droits qui avaient fait naître des plaintes si vives, et que, de leur côté, les Hollandais abrogeraient les mesures prises au sujet de ses vins, de ses eaux-de-vie et des ouvrages de ses manufactures.

Nous croyons que nos efforts et ceux d'au tres écrivains pour rectifier les idées du public sur les douanes, les prohibitions, les droits à faire payer par les marchandises de l'extérieur, n'ont pas été infructueux (1). Depuis quelques années, le gouvernement de l'Angleterre a adopté un système commercial conforme, dans presque toutes ses parties, aux principes que nous professons. D'autres gouvernements, notamment celui de la France, paraissent vouloir imiter l'exemple qu'il a donné, de sorte que l'Europe est à la veille de sortir de l'ornière dans laquelle, pour le malheur des peuples, elle a été tenue trop long-temps par des préjugés et l'ignorance des moyens qui créent la prospérité des nations. (Voyez COMMERCE, EXPORTATION, IMPortation, ProduCTIONS et MANUFACTURES.) COSTAZ.

(1) Voyez l'essai que nous avons publié, en 1818, sur l'administration de l'agriculture, du commerce, des arts utiles et des manufactures, livre 2, chap. 7.

* PROISY D'EPPE (CÉSAR de), littérateur, né le 1er avril 1788, mort à MarieGalande le 14 octobre 1816, est auteur des ouvrages suivants : le Danger d'un premier amour, suivi de Thélaire de Vernille et de l'Inconduite, contes moraux, Paris, 1813, 2 vol. in-12, anonyme; Vergy, ou l'Interrègne depuis 1792 jusqu'à 1814, poème en douze chants, 1814, in-8°; le Dictionnaire des Girouettes, 1815, in-8°, trois éditions, ouvrage anonyme, dans les deux dernières éditions duquel l'auteur a profité de beaucoup de documents qui lui furent fournis par d'officieux inconnus.

PROJECTION. (Géométrie.) Lorsque, d'un point de l'espace, on abaisse une perpendiculaire sur un plan, le pied de cette perpendiculaire est ce qu'on appelle la projection du point sur le plan.

Pour avoir la projection d'une ligne droite ou courbe située dans l'espace, il faut proje ter chacun de ses points. Imaginons donc une droite perpendiculaire au plan, et mobile en glissant parallèlement le long d'une courbe donnée : cette perpendiculaire mobile engendrera ce qu'on appelle un cylindre, dont la base est la projection demandée. Si la ligne qu'on projette est droite, la perpendiculaire mobile décrira un plan, et la projection sera une ligne droite. Dans ce dernier cas, pour avoir cette projection, il suffit d'avoir celles de deux points.

Ces notions sont extrêmement simples, et pourtant elles donnent naissance à une branche de science qu'on appelle stéréotomie, ou géométrie descriptive, dont l'illustre Monge a posé les principes et donné les applications, à la coupe des pierres, à la charpenterie, à la perspective, aux ombres, etc. Le plan d'un édifice n'est autre chose que la projection, sur un plan horizontal, de ses murailles et de ses subdivisions; l'élévation, la coupe, sont des objections sur un plan vertical disposé convenablement.

En général, deux projections, l'une horizontale, l'autre verticale, suffisent pour donner la connaissance exacte de la figure des corps. Imaginons deux plans arbitraires, l'un horizontal, l'autre vertical si d'un point donné dans l'espace, nous abaissons des perpendiculaires sur ces plans, les deux projections ainsi obtenues détermineront visiblement ce point. De même, celles d'une courbe dans l'espace détermineront cette ligne; car en élevant sur ces projec

tions deux cylindres, l'un horizontal, l'autre vertical, la courbe sera l'intersection de ces deux surfaces.

Nous ne pouvons exposer ici avec l'étendue convenable les conséquences de ces considérations on consultera les Traités de géométrie descriptive de Monge, de M. Hachette, de M. Lacroix, de M. Vallée, la perspective de M. Cloquet, etc.

On peut projeter les lignes selon des droites parallèles entre elles, mais obliques à un plan, et tirer de ces constructions les mêmes conséquences que des projections orthogonales; mais celles-ci sont beaucoup plus simples. On projette encore les courbes de l'es pace par un système de droites émanées d'un même point, ce sont les projections coniques. FRANCOEUR.

* PROMÉTHÉE (Mythologie), fils de Japet et de Clymène, et frère d'Épiméthée, eut l'ambition de créer un homme. Il prit de l'argile, qu'il façonna, et à laquelle il mêla une portion de chaque élément, en y ajoutant les passions de l'âme. Minerve vit cet ouvrage, l'admira, et offrit à l'artiste de lui donner tout ce qu'il y avait chez les dieux pour le rendre plus parfait. Prométhée, admis dans le ciel, approcha d'une roue du soleil une baguette, qui s'enflamma, et dont il se servit pour animer sa figure d'argile. Ce fut alors que Jupiter, pour se venger du téméraire, qui avait usurpé le privilége des dieux, créa Pandore, cette femme charmante qui devait répandre tous les maux sur la terre. Ce ne fut pas tout le malheureux Prométhée fut enchaîné sur le Caucase, où un vautour lui dévora le foie, toujours renaissant, jusqu'à ce qu'Hercule vint le délivrer. Plusieurs savants se sont livrés à des conjectures sur cette fable. Bochart entre autres s'est efforcé de prouver que Prométhée est le même que le Magog dont il est parlé dans l'Écriture-Sainte.

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PRONOM. (Grammaire.) Mot qu'on met à la place du nom (pro nomine), pour en rappeler l'idée et pour en éviter la répétition. Ainsi, au lieu de dire: T'élémaque était resté seul avec Mentor; Télémaque embrasse ses genoux, car Télémaque n'ose embrasser Mentor autrement, etc., je dirai, en employant le pronom : «Télémaque était resté seul avec Mentor; il embrasse ses genaux, car il n'ose l'embrasser autrement. »

Il y a trois cas dans lesquels on emploie le pronom de préférence au nom. Toutes les fois que je suis moi-même le sujet de la pro

position que je prononce, je ne me nomme pas, car alors mon nom, pouvant appartenir à d'autres personnes, donnerait lieu à des équivoques et à des embarras sans cesse renaissants, outre que rien ne serait plus fastidieux que cette répétition continuelle ; mais au lieu de mon nom, j'emploie le mot je, qui non-seulement tient la place de mon nom propre, mais qui en même temps indique le rôle que je joue dans la parole, et fait connaitre que le sujet de la proposition est la personne même qui parle.

Lorsque le sujet de la proposition est la personne à laquelle je parle, je ne la nomme pas non plus, et par les mêmes motifs; mais au lieu de son nom, j'emploie le pronom tu, qui, tout en remplaçant son nom propre, fait connaitre que c'est à elle que je m'adresse.

Quand la personne ou la chose qui fait le sujet de la proposition est assez connue de ceux à qui je parle, soit parce que je l'ai déjà nommée, soit parce qu'elle est présente et que je la montre au doigt, au lieu d'employer sou nom, je me sers des mots il ou elle, qui, de même que les précédents, font connaître le rôle que remplit dans l'acte de la parole la personne ou la chose dont ils tiennent la place, et indiquent que c'est celle dont on parle.

Ainsi, les pronoms ne servent pas seulement à remplacer les noms, mais de plus ils désignent les rôles des divers interlocuteurs ou personnages qui figurent dans la parole. Considérés sous ce point de vue, les pronoms sont nommés personnels (du mot latin persona, personnage d'une pièce); celui qui désigne la personne qui parle, est dit pronom de la première personne; celui qui désigne la personne à qui l'on parle, est dit de la deuxième personne; celui qui désigne ce dont on parle est dit de la troisième personne.

Lorsque la personne qui est le sujet de la phrase est en même temps celle sur laquelle tombe l'action, le pronom qui sert à exprimer l'objet de l'action se nomme réfléchi, mot qui rend bien ce retour d'un être sur lui-même. Cette modification dans l'idée du pronom personnel peut être exprimé par un mot particulier, comme se, soi : « il se frappe ; » ou par une légère modification du pronom personnel lui-même ; c'est ce qui a lieu pour les pronoms des deux premières personnes, auxquelles on se contente d'ajouter méme; exemple : « Je me suis perdu moi-même, tu te perds toi-même. »

Les pronoms n'étant que des remplaçants et des abrégés des noms, doivent suivre tou

tes les variations du nom; aussi ont-ils des nombres, des genres (pour la troisième personne du moins, la seule dont le sexe ne puisse pas être suffisamment connu par les circonstances), des cas, dans les langues qui en admettent:

Le nombre des pronoms offre, dans la plupart des langues modernes, une singu. here bizarrerie. L'usage s'est introduit d'em ployer, dans certains cas, le pluriel de la deuxième personne au lieu du singulier; de dire, par exemple, « comment vous portez vous,» au lieu de « comment te portes-tu?» Sans doute, dit Condillac, on a dit dans l'origine tu à tout le monde, quel que fût le rang de celui à qui l'on parlait. Dans la suite, nos pères, barbares et serviles, imaginèrent de parler au pluriel à une seule personne, lorsqu'elle se faisait respecter ou craindre, et vous devint le langage d'un esclave devant son maitre. Il arrive de là que tu ne peut se dire qu'en parlant à ses esclaves, à ses valets, ou à un homme tout-à-fait inférieur ou extrêmement familier.

Dans quelques langues, on va plus loin encore dans ce genre de politesse. Ainsi, en allemand, on craindrait de paraître trop familier ou trop peu respectueux en disant vous, et en osant ainsi s'adresser directement à la personne devant laquelle on se trouve; on lui parle à la troisième personne du pluriel, et au lieu de dire « veux-tu, ou voulez-vous sortir? » on dit : « veulent-ils sortir? »

Outre le pronom personnel dont nous venons de parler, les grammairiens distinguent encore quatre sortes de pronoms : les pronoms relatifs, les pronoms possessifs, les pronoms démonstratifs et les pronoms indéfinis.

Le pronom relatif ( qui, que, quoi, lequel, laquelle, etc.) est un vrai pronom; comme le pronom personnel, il tient la place du nom; quelquefois aussi il remplace le pronom lui-même, de quelque personne qu'il soit, et il est alors en quelque sorte pronom de pronom, substitut d'un substitut; il ne diffère du pronom personnel proprement dit qu'en ce qu'à l'idée du nom ou du pronom dont il tient la place, il joint celle d'être en rapport, en relation intime avec un mot qui précède; il équivaut au pronom, plus la conjonction que ou et; aussi le trouve-t-on dans certaines langues, par exemple en grec, et surtout dans Homère, remplacé par la conjonction et le pronom personnel. Ainsi,

au lieu de dire : « Le Dieu qui a créé le monde est tout-puissant », on dirait : « le Dieu que il a créé le monde est tout-puissant. »

Le pronom possessif (mon, ton, son) n'est pas un véritable pronom, puisqu'il ne peut remplacer le nom, et qu'il se joint toujours à un nom exprimé; par exemple, mon père, son ami. C'est une espèce d'adjectif que l'on peut nommer adjectif possessif ou pronominal, ce qui a pu faire ranger ce mot dans la classe des pronoms, c'est qu'il renferme l'idée du pronom personnel, son étant pour de lui. Il y a sur ce pronom une remarque curieuse à faire; c'est que, dans certaines langues, en anglais, par exemple, au lieu de prendre, comme en français, en latin, et le genre et le nombre du nom qui suit et auquel il se rapporte, il s'accorde avec le nom dont il tient la place, et qu'il désigne la personne ou la chose qui possède. Ainsi une femme, au lieu de dire, en parlant de son mari, mon mari, dira ma mari, parce que le pronom possessif est ici pour le mari de moi, femme.

Le pronom démonstratif (ce, cetle) n'est encore qu'un adjectif, puisqu'il est toujours suivi du nom de la chose qu'il sert à désigner. En parlant de l'adjectif, nous l'avons rangé dans la classe des adjectifs déterminatifs.

La classe des pronoms indéfinis renferme des mots d'espèces différentes : les mots quelque, nul, aucun, tous, quiconque, etc., que l'on y range d'ordinaire, ne sont évidemment que des adjectifs déterminatifs, dont les uns sont toujours suivis du nom qu'ils déterminent, et dont les autres ne sont employés seuls que par une ellipse très-facile à suppléer. Les mots on, rien, que l'on nomme aussi pronoms indéfinis, ne sont que des mots vagues, dérivés par corruption de véritables noms, reconnus pour tels par tout le monde. On, l'on, est une abréviation de homme, l'homme, et en anglais, en allemand, on rend encore par mann (homme) notre on français.

En résumé, il n'y a de véritable pronom que les mots que l'on peut mettre à la place du nom, et qui dispensent d'exprimer ce mot: les pronoms personnels et les pronoms relatifs. Toute expression après laquelle on exprime ou peut exprimer le nom, n'est qu'un adjectif. BOUILLET. PROPAGANDE. Voyez CHRISTIANISME, CLERGÉ et MISSIONNAIRES.

* PROPERCE (SEXTUS AURELIUS), poète

élégiaque latin, naquit à Mevania, ville d'Ombrie, aujourd'hui Bevagna, dans le duché de Spolette. L'opinion la plus vraisemblable et la plus communément reçue, fixe l'époque de sa naissance à l'an de Rome 702 (52 avant Jésus-Christ). Fils d'un père proscrit avec les restes du parti vaincu, et même égorgé, dit-on, par l'ordre d'Octave, sur l'autel du divin César, le jeune Properce resté sans fortune, sans appui et sans autre ressource pour l'avenir, qu'un génie que lui-même ignorait encore, vint de bonne heure à Rome, et s'y livra d'abord à l'étude des lois et aux exercices du barreau. Mais quelques vers échappés à sa muse, au milieu de travaux et d'études si peu poétiques, lui révélèrent le secret de son talent, et le signalèrent bientôt au patronage de Mécène et aux faveurs souveraines dont il était le judicieux et politique dispensateur. Il parait même que son protecteur avait assez bien auguré de son génie pour ne pas craindre de lui imposer le fardeau d'une épopée, à condition toutefois qu'Auguste en serait le héros. Mais l'amour avait inspiré les premiers vers de Properce; il demeura fidèle à sa vocation, et l'amour reçut constamment les tributs de sa muse. La reconnaissance, il est vrai, mêla quelquefois le nom du bienfaiteur du poète à celui de sa maitresse chérie, de cette Cynthia, qui partage avec Lesbie et Corinne l'immortalité que nos Parny et nos Bertin ont assurée depuis à leur Éléonore et à leur Eucharis. Nous avons de Properce quatre livres d'élégies, plus admirées sur parole que véritablement appréciées, parce qu'elles sont généralement peu lues. Cette lecture en effet est une étude, souvent même une étude pénible; et tandis que Tibulle et Ovide attachent et rappellent sans cesse et sans effort le lecteur, Properce le repousse fréquemment, parce qu'il le fatigue et ne tarde pas à le décourager. C'est que Tibulle ne parle qu'au coeur Ovide intéresse l'esprit, tandis que Properce ne s'adresse qu'à l'imagination, il la suppose aussi ornée que la sienne. Il faut être savant pour le goûter et même pour l'entendre; il suffit d'être sensible et d'avoir aimé pour retrouver dans Tibulle l'interprète fidèle de ses propres sensations. Une autre raison de la difficulté que présente Properce au commun de ses lecteurs, c'est l'état d'imperfection où se trouvait le manuscrit, d'après lequel il fut imprimé pour la première fois en 1472 ou 1473. En vain des savants tels

que Turnèbe, Muret, Passerat et quelques autres s'efforcèrent de rétablir un texte, vicieux dans le principe et détérioré depuis par les prétendues corrections d'une critique plus hardie que judicieuse : en vain, à des époques plus voisines de nous, Barth, Burmann II, Kuinoel, et tout récemment encore MM. Lachmann et Pottier, ont essayė de nous donner des éditions plus correctes : Properce est resté hérissé de difficultés qui tiennent d'une part aux causes que nous avons indiquées, et de l'autre, au caractère particulier du style de l'auteur. Ces difficultés toutefois n'ont pas semblé invincibles à un assez grand nombre de traducteurs, et, pour ne point sortir ici des bornes de notre littérature, elle compte, en prose : la traduction de Delongchamps, publiée d'abord en 1772, et réimprimée en 1802; celle de La Houssaye, 1785, de Piètre, 1801. Les élégies de Properce, réduites à trois livres, ont été traduites en vers par M. Mollevaut Paris, 1821; et M. Denne-Baron en a donné une traduction plus complète et également en vers, Paris, 1825.

PROPHÈTES et PROPHÉTIES. (Religion.) L'homme, créature intelligente et sensible, existe dans tous les points de la durée. Sa mémoire lui rappelle le passé. Le sens intime et les sens lui font connaître le présent, et il éprouve le besoin de se précipiter dans l'avenir par des conjectures que sa raison lui suggère, ou que lui inspirent ses craintes et ses désirs. L'homme ne trouve pas en-lui-même, ni dans la sphère de l'humanité, le moyen de satisfaire son insatiable curiosité. Les lacunes et les obscurités de l'histoire le tourmentent : il n'est l'objet ou le témoin que de certains faits, et les conjectures incertaines de son esprit sont bien loin de lui donner une pleine sécurité et une entière confiance. D'ailleurs sa curiosité, ses craintes, ses désirs s'étendent au delà du temps, et ne sont pas toujours absorbés par les intérêts d'ici-bas. Il se consume en efforts pour pénétrer les secrets du monde invisible: il veut découvrir son origine, ses destinées, après la mort, les desseins de Dieu sur lui durant cette vie ; et en se livrant à ces recherches et à ces efforts, il sent qu'avec le seul secours des lumières naturelles, sa raison et son cœur espèrent et se consolent tout au plus, sans atteindre jamais à une conviction inébranlable et à un repos parfait.

L'homme a cherché hors de lui-même et hors de l'humanité le moyen d'acquérir la

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