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connaissance du passé, du présent, de l'avenir, que nos facultés nous refusent. Il a cru pouvoir la demander aux phénomènes de la nature, aux accidents de la vie, aux objets les plus futiles, aux circonstances les plus insignifiantes. Il a cru pouvoir la découvrir dans les astres, dans le vol des oiseaux, dans le sein des victimes, dans le fond des tombeaux, dans les combinaisons des nombres, etc. Il a cru qu'il la recevait par le vague du pressentiment, par les aberrations du rêve, par les visions de l'extase.

Diverses causes sont assignées à ces croyances: le panthéisme, le polythéisme, le fatalisme, le souvenir plus ou moins confus d'une tradition primitive qui apprend que le vrai Dieu a fait des révélations aux premiers hommes, et que sa providence veille sur le genre humain (1). Ces causes vraisemblablement ont toutes plus ou moins contribué à produire ces croyances, qui ont existé dans tous les temps et chez tous les peuples.

Les noms de devin, de voyant, de prophète ( apè vnui), etc., étaient donnés à tous ceux qui prétendaient avoir sur le présent, le passé et l'avenir, des connaissances extraordinaires; mais on se servait de préférence du nom de prophète pour désigner ceux qui faisaient profession de prédire l'avenir.

Chez plusieurs peuples, la profession de devin, de voyant, de prophète, etc., était un privilége qu'une classe particulière de la société exploitait à son profit, ou dont la politique s'emparait pour le faire servir à ses intérêts. Les femmes en jouissaient comme les hommes. Dans certains pays, tout individu trouvait sa mission dans son audace et dans la crédulité de ses auditeurs.

Dans le langage de la théologie, la prophétie est la prédiction certaine d'un événement futur qui n'a pu être prévu par des moyens naturels. Ainsi on ne reconnaît point de prophétie dans les calculs de l'astronome qui aunonce des éclipses, dans les pronostics du médecin qui présage la crise d'une maladie, dans les conjectures du lé gislateur qui prévoit les effets de ses lois sur son peuple. Mais c'est faire une prophétie que de rapporter avec précision, long-temps

(1) Voyez ci-dessus les articles Évocation, Idolátrie, le quatrième volume de l'Essai sur l'indifférence, et les Religions de l'antiquité, etc., de F. Creuzer, tom. 1, 1re partie, introduction, etc. Tome 19.

avant l'événement, les détails de faits qui dépendent de la libre détermination des particuliers ou des peuples, ou qui supposent une suspension des lois ordinaires de la nature. Dieu seul peut faire des prophéties, parce que Dieu seul, par son incompréhensible prescience, voit comme présents les événements qui n'existent pas encore, et qui doivent être le résultat de l'exercice de sa toute-puissance ou de la libre détermination de la volonté humaine. La prophétie prouve donc par elle-même que celui qui la fait est envoyé de Dieu.

Les Pères (Tertullien, saint Augustin, etc., et après eux un grand nombre de théologiens des diverses communions chrétiennes (Addison, le père Baltus, etc.) ont avancé que les démons, à cause de leur facilité à se transporter d'un lieu dans un autre, de leur intelligence supérieure et de leur puissance contre les hommes, peuvent leur communiquer, sur le passé, le présent et l'avenir, des connaissances que l'intelligence humaine ne peut point acquérir par ellemême. Plusieurs théologiens, des savants, Van Dale, Fontenelle son traducteur, et de nos jours M. Clavier, semblent avoir prouvé que les oracles du paganisme, qui servent de fondement à l'opinion que nous venons de rapporter, devaient leur crédit aux fourberies des prêtres et à la crédulité des païens. M. de Maistre s'est prononcé contre ce qu'il appelait la pesante érudition de Van Dale et les jolies phrases de Fontenelle. Mais il est bon de se le rappeler, ce célèbre écrivain affirme que la puissance prophétique est un apanage inné de l'homme, que l'esprit prophétique lui est naturel; et il invoque le témoignage de toute l'antiquité, qui s'est accordée à reconnaître dans les oiseaux quelque chose de divin, et qui les a toujours interrogés sur l'avenir. (Soirées de SaintPétersbourg, etc., pages 311, 314, 269, tome 2.)

Pour qu'une prophétie prouve par ellemême que celui qui la fait est envoyé de Dieu, il faut premièrement qu'elle ait été faite avant l'événement; secondement, qu'elle ait été accomplie; troisièmement, que son accomplissement ne puisse pas être attribué au hasard.

« Aucune prophétie, dit J.-J. Rousseau, >> ne saurait faire autorité pour moi, parce » que, pour qu'elle la fit, il faudrait trois choses, dont le concours est impossible, » savoir que j'eusse été témoin de la pro16

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phétie, que je fusse témoin de l'événement, » et qu'il me fût démontré que cet événe»ment n'a pu cadrer fortuitement avec la prophétie; car, fût-elle plus précise, plus » claire, plus lumineuse qu'un axiome de géométrie, puisque la clarté d'une pré>> diction faite au hasard n'en rend pas l'accomplissement impossible, cet accomplis>> sement, quand il a lieu, ne prouve rien » à la rigueur pour celui qui l'a prédit. ( Émile, etc., tom. 3.)

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que

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Les deux premières conditions exigées par Rousseau, et sans lesquelles la prophétie ne saurait faire autorité pour lui, supposent que nous ne pouvons acquérir la certitude des faits dont nous sommes les témoins. Cette supposition est désavouée par la raison. Rousseau reconnaît lui-même que les faits de Socrate, dont il n'a pas été témoin, ne peuvent pas être révoqués en doute, et que les faits de Jésus-Christ, dont il n'a pas été témoin non plus, sont encore mieux attestés que les faits de Socrate. Rousseau suppose, en troisième lieu, que l'on ne peut jamais démontrer que l'événement prédit n'a point cadré fortuitement avec la prophétie. Rousseau se trompe : la clarté de la prophé tie et la nature de l'événement prédit combinées peuvent fournir cette démonstration. Rousseau soutient que la prophétie ne fait point autorité, s'il n'est pas démontré que son accomplissement ne peut pas être attribué au hasard. Cette assertion est incontestable. Elle a néanmoins été combattue par M. de La Mennais, dans les ouvrages duquel trop souvent la vérité dégénère en paradoxe, l'éloquence en déclamation, la logique en sophisme, et l'érudition en citations inexactes. (Essai sur l'indifférence, etc., tom. 4, pag. 232.)

Dieu, dit saint Paul, a parlé autrefois » à nos pères par les prophètes en diverses » occasions et de différentes manières. »>

Dieu parle aux hommes, lorsqu'il leur donne une connaissance surnaturelle du présent, du passé, de l'avenir, et lorsqu'il leur inspire de manifester de vive voix ou par écrit des vérités et des faits qu'ils connaissent ou qu'ils peuvent connaitre naturellement.

Les divers temps dans lesquels Dieu a parlé aux hommes avant Jésus-Christ, peuvent être distribués en quatre époques : la première, depuis la création du premier homme jusqu'à Abraham; la seconde, depuis Abraham jusqu'à Moïse; la troisième

depuis la promulgation de la loi jusqu'à la mort de Moïse; la quatrième, depuis la mort de Moïse jusqu'après la captivité de Babylone.

Dieu a parlé aux hommes par lui-même et par le ministère des anges. Il leur a parlé par le moyen des signes sensibles et par la voie des inspirations. Ces signes sensibles leur apparaissaient dans le sommeil et dans la veille. C'était une voix qu'ils entendaient ́réellement ou qu'ils croyaient entendre; c'étaient des représentations symboliques qu'ils avaient réellement ou qu'ils croyaient avoir devant les yeux. Les inspirations avaient lieu, ou lorsqu'ils étaient tombés en défaillance, et qu'ils étaient hors d'eux-mêmes dans l'extase, ou bien lorsqu'ils étaient de sens rassis. Dans le premier cas, ils n'étaient plus les maîtres de leurs pensées ni de leurs paroles ; ils ne faisaient que prêter leur langue ou leur plume à l'esprit de Dieu, qui les remplissait. Dans le second cas, Dieu leur présentait d'une manière claire et distincte des vérités qu'ils ne pouvaient pas connaître naturellement, et les portait, par un mouvement irrésistible, à les manifester de vive voix ou par écrit ; ou bien il les dirigeait dans l'exposition des vérités qu'ils avaient découvertes par des moyens naturels, et cette direction les empêchait de parler ou d'écrire coptre la vérité. Cette seconde espèce d'inspiration était regardée par les juifs comme le second degré de prophétie.

Les hommes auxquels Dieu daignait parler reconnaissaient aisément la présence de l'esprit divin dans leur âme. Des signes sensibles faciles à constater, un buisson ardent, une colonne de lumière ou de nuée, etc., les en avertissaient, lorsque la révélation était extérieure, qu'elle avait lieu durant la veille et dans des moments où ils jouissaient de leurs facultés. Une lumière intérieure et sûre les éclairait, lorsque la révélation se faisait dans le songe ou dans l'extase, ou qu'elle s'opérait par le moyen de l'inspiration. C'est au milieu des éclairs et au bruit de la foudre que Dieu donna la loi au peuple juif. Les signes qui firent comprendre à Moïse que Dieu lui parlait eurent un éclat particulier. Moïse, dit l'Écriture, fut le seul prophète qui vit la gloire du Seigneur, et à qui Dieu parla face à face.

Tantôt l'esprit prophétique s'emparait à l'improviste de l'âme de l'homme que Dieu

voulait inspirer, et tantôt il fallait provoquer l'irruption de cet esprit. On provoquait cette irruption par le jeûne, par la prière, par le chant, par le son des instruments, etc. Dieu avait promis de répondre au grandprêtre juif, quand il viendrait le consulter. Le grand-prêtre devait être revêtu de l'éphod en consultant le Seigneur. « C'est la » raison, observe Dupin, pour laquelle il ⚫ est dit que l'urim et le thummim, la lu» mière et la vérité sont dans l'éphod, parce » que le grand-prêtre, revêtu de cet ornement, recevait de Dieu la lumière et la » vérité qu'il annonçait aux hommes. » ( Dissertation préliminaire ou prolégomènes sur la Bible, tom. 1.) L'homme rempli de l'esprit prophétique avait pour l'ordinaire une connaissance distincte des vérités qui lui étaient révélées; quelquefois il n'était qu'un instrument passif et aveugle dont se servait l'esprit de Dieu.

Les hommes auxquels Dieu a parlé étaient appelés prophètes : ils étaient désignés en hébreu par les mots roè et nabi; roè signifie voyant. Ce nom était donné à tous les hommes qui avaient sur le présent, le passé et l'avenir, des connaissances extraordinaires que Dieu leur avait révélées d'une manière spéciale. Nabi signifie orateur, prophète. Ce nom était donné à tous ceux qui recevaient de Dieu la mission de parler ou d'écrire en son nom. Ainsi, les auteurs de cantiques, les prédicateurs de vérités révélées, sont appelés prophètes.

D'après les livres saints, le don de prophétie ne fut pas exclusivement accordé aux descendants d'Abraham. Dieu l'accorda quelquefois à des hommes qui n'étaient pas de la race de ce patriarche. On ne peut pas déterminer le nombre de ces hommes. Plusieurs pères (saint Augustin, saint Thomas) pensent qu'il a été assez considérable. L'Écriture rapporte le nom de deux prophètes qui ont existé parmi les gentils. Mais chez les juifs, le don de prophétie fut répandu avec abondance. Aucune tribu n'en fut privée; toutes les classes de la société en jouirent. Ce don ne fut pas refusé au souverain. Il fut accordé au pâtre. Il était héréditaire dans quelques familles.

Les prophètes vivaient pour l'ordinaire dans la solitude; ils se livraient aux plus rudes austérités. Quand ils sortaient de leurs retraites et qu'ils venaient parmi les hommes, ils tonnaient contre les vices des grands et du peuple : ils menaçaient les méchants

de la colère du Dicu des armées; ils flétrissaient l'hypocrisie; ils éclairaient la superstition; ils développaient le vrai sens de la loi; ils prenaient la défense de la veuve et de l'orphelin, et s'interposaient entre le peuple opprimé et les rois persécuteurs. Plusieurs de ces hommes, dont le monde n'était pas digne, expièrent par les tourments les plus affreux la vivacité de leur foi et l'héroïsme de leur courage. Les principaux prophètes ont eu des disciples.

Les prophètes manifestaient de différentes manières les vérités que Dieu leur avait révélées. Ils les énonçaient de vive voix ; ils les exprimaient par des actions symboliques, que souvent ils expliquaient immédiatement après, et dont ils laissaient quelquefois l'interprétation à l'intelligence de leurs auditeurs : ils les consignaient dans des écrits que les juifs ont conservés, et dont l'authenticité a été prouvée. (Voyez l'article LIVRES SAINTS.) Les prophéties de Moïse sont renfermées dans le Pentateuque. Ce livre occupe une place particulière dans le canon des juifs, qui distinguent ensuite les anciens et les nouveaux prophètes. Ils rengent parmi les anciens les auteurs des livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois; parmi les nouveaux, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et les douze petits prophètes, ainsi nommés parce que leurs écrits sont moins étendus. Les juifs n'accordent point à David, à Daniel, etc., le premier degré de prophétie. C'est, à ce qu'on croit, parce que ces saints personnages n'ont pas vécu dans la solitude, comme les prophètes proprement dits.

Les prophètes faisaient des prédictions dont l'accomplissement avait lieu, ou prochainement, ou dans un temps éloigné. L'accomplissement des unes devait déterminer à ajouter foi aux autres, et établissait la mission divine de leurs auteurs. Plusieurs prophètes, Élie, Élisée, et surtout Moïse, prouvèrent par des miracles que Dieu les inspirait et qu'ils étaient ses envoyés. Dieu a permis plusieurs fois, dans des vues impénétrables à la sagesse humaine, que les juifs aient confondu les faux prophètes avec les prophètes véritables, et qu'ils aient mal interprété les paroles de ces derniers, C'est dans ce sens que, suivant l'Écriture, Dieu a trompé les juifs par les prophètes. Mais les juifs avaient, pour éviter ces erreurs, les moyens que nous venons d'indiquer. Ils en avaient encore un autre. Les faux pro

phètes, bien loin d'imiter la généreuse conduite des prophètes véritables, caressaient les passions et l'impiété des rois et du peuple. Les juifs, s'ils avaient voulu consulter leur raison, leur conscience et leur loi, auraient aisément reconnu que les fauteurs de l'idolâtrie, les apologistes du vice et les adulateurs des tyrans, ne pouvaient pas être les organes du Dieu un, juste et saint. Moïse avait expressément averti les juifs de ne point écouter le faux prophète qui se prévaudrait de l'accomplissement de ses prédictions pour les entraîner dans le culte des dieux étrangers. Cet accomplissement n'aurait pu être que l'effet du hasard. Au reste, le don de prophétie ne rendait pas impeccable. Dieu se servit même de la bouche des méchants pour prédire l'avenir; mais ces prédictions étaient toujours en faveur de la vérité.

Les prophètes, chez les juifs, avaient pour objet les desseins de Dieu sur son peuple, les faits qui intéressaient le bonheur temporel des particuliers ou les destinées terrestres de toute la nation; mais c'est sur tout le libérateur par excellence que les prophètes avaient en vue. (Voyez l'article MESSIE.) L'accomplissement des prophéties qui avaient pour objet les intérêts temporels des juifs, devaient affermir la foi dans la prophétie que le Messie devait accomplir. Les prophètes ont fixé l'époque à laquelle ce libérateur devait paraître. Ils ont détaillé les diverses circonstances de sa naissance, de sa vie et de sa mort; ils ont décrit les œuvres miraculeuses qu'il devait opérer; ils ont signalé le contraste de ses souffrances et de son triomphe, la gloire de son sépulcre, la conduite des juifs à son égard, et les effets de sa venue sur les gentils.

Quelques siècles s'étaient écoulés depuis que le dernier prophète de l'ancienne loi, Malachie, avait annoncé comme prochaine l'arrivée du libérateur. Jésus-Christ paraît. Les juifs alors attendaient le libérateur, et les gentils partageaient cette attente. Ces deux faits sont attestés par l'histoire. JésusChrist prouve qu'il est le Messie attendu, en faisant les œuvres miraculeuses que le Messie devait opérer, suivant les prédictions des prophètes; et ses miracles lui donnent le droit de s'appliquer les prophéties dont le sens était encore caché, et dont, plus tard, les diverses circonstances de sa vie et de sa mort et les effets de sa venue sur les juifs et sur les gentils, devaient montrer le par

fait accomplissement. Jésus-Christ quitte la terre et s'élève dans les cieux. Conformément aux ordres de leur divin maître, les apôtres annoncent l'Évangile aux juifs et aux gentils. Leurs miracles sont des marques éclatantes de leur mission et attestent leur droit d'interpréter les prophéties. Ils prouvent aux juifs que Jésus-Christ est le Messie, en invoquant l'autorité des prophéties dont l'accomplissement dans la personne du Sauveur devenait de jour en jour plus manifeste. Ils ne parlent point de prophéties aux nations idolâtres ces nations ne reconnaissaient pas l'inspiration des prophètes de l'ancienne loi, et on ne pouvait pas leur opposer encore l'accomplissement de cet oracle qui annonçait que le Messie devait être la lumière des gentils. Le christianisme compte des sectateurs dans tout le monde connu des anciens, et alors les saints docteurs prouvent, par l'accomplissement des prophéties, aux juifs et aux gentils, la mission divine de Jésus-Christ. Quatre faits éclatants, évidemment annoncés par les prophètes, mettaient cet accomplissement à l'abri de toute attaque. Ces faits étaient l'attente du Messie qui avait été générale à l'époque où Jésus-Christ parut, les miracles qu'il avait opérés, la conduite que les juifs avaient tenue à son égard, et la connaissance du vrai Dieu répandue chez toutes les nations par les prédications de ses disciples.

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Depuis les saints Pères, les apologistes de la religion chrétienne se servent de l'autorité des prophéties pour établir la divinité du christianisme. Pascal a dit : « La plus ก grande des preuves de Jésus-Christ, ce » sont les prophéties. C'est aussi à quoi Dieu ⚫ a le plus pourvu; car l'événement qui les » a remplies est un miracle subsistant depuis la naissance de l'Église jusqu'à la >> fin.... Quand un seul homme aurait fait un » livre des prédictions de Jésus-Christ, pour >> le temps et pour la manière, et que Jésus» Christ serait venu, conformément à ces prophéties, ce serait une force infinie. » Mais il y a bien plus ici. C'est une suite >> d'hommes durant quatre mille ans, qui con>> stamment et sans variation viennent, l'un » ensuite de l'autre, prédire ce même avè>>nement. C'est un peuple tout entier qui » l'annonce, et qui subsiste pendant quatre » mille années, pour rendre encore témoi» gnage des assurances qu'ils en ont, et dont » ils ne peuvent être détournés par quelques

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menaces et quelque persécution qu'on leur fasse ceci est tout autrement consi» dérable. » (Pensées.)

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Grotius, les sociniens, et de nos jours, surtout en Allemagne, plusieurs théologiens non catholiques, Eichhorn, Rosen-Müller, etc., n'admettent point la preuve tirée des prophéties. Bossuet et le père Baltus ont réfuté Grotius. Au cinquième siècle, Théodore de Mopsueste avait interprété les prophéties comme les sociniens. Il fut condamné par le pape Vigile et par le second concile de Constantinople.

La preuve tirée des prophéties, comme la preuve tirée des miracles, prouve par ellemême la mission divine de Jésus-Christ. Dieu seul, qui est la vérité suprême, est l'auteur de la prophétie; mais la prophétie, comme nous l'avons déjà remarqué, ne fait autorité que lorsqu'il est établi premièrement qu'elle a eu lieu avant l'événement, secondement qu'elle a été accomplie, troisièmement que son accomplissement ne peut pas être attribué au hasard. Or, il est certain que les prophéties de l'ancienne loi qui regardent le Messie existaient avant JésusChrist; les mahométans et les juifs en conviennent. Pascal a dit, en parlant de ces derniers : « Le livre qui les déshonore en ⚫ tant de façons, ils le conservent aux dé> pens de leur vie; c'est une sincérité qui » n'a point d'exemple dans le monde ni sa racine dans la nature. » Il est encore certain que les prophéties ont été accomplies en Jésus-Christ. En effet, que l'on rapproche les prédictions des prophètes, que l'on pourrait appeler des histoires, et les récits des évangélistes; et que l'on ne perde pas de vue deux faits incontestables : l'obstination des juifs et la conversion des gentils, et l'on en sera pleinement convaincu. Il est enfin hors de doute que l'accomplissement des prophéties, dans la personne de JésusChrist, ne peut pas être attribuée au hasard. La nature des faits prédits et accomplis en fournit une preuve sans réplique.

Jésus-Christ a fait des prophéties. Les unes regardent les diverses circonstances de sa mort, et sa résurrection; les autres ont pour objet la conduite de ses disciples envers lui, le sort cruel qui les attendait, et le succès miraculeux de leur prédication dans l'univers; il en est qui signalent les horribles malheurs qui devaient être la punition de l'incrédulité des juifs. Ces diverses prophéties ont été accomplies, et leur ac

complissement ne peut pas être attribué au hasard. Josèphe, par ses récits de la destruction de Jérusalem, prouve que les prédictions de Jésus-Christ sur la catastrophe du peuple juif ont été justifiées par l'événement ; et les apologistes de la religion chrétienne établissent que les évangiles où il est question de la destruction de Jérusalem, ont été écrits antérieurement (voyez l'article ÉVANGILE). L'évangéliste saint Jean a consigné des prophéties dans l'Apocalypse ; mais l'intelligence de ce livre, dont toutes les paroles sont des mystères, ne nous sera donnée que lorsque les événements qui y sont prédits seront accomplis. La perspicacité des plus grands génies a été impuissante pour expliquer l'Apocalypse. L'esprit de parti et l'esprit de secte en ont étrangement abusé.

Les déistes soutiennent que les prophéties de l'ancienne loi ne peuvent pas établir la mission divine de Jésus-Christ; ils nous disent: Suivant les juifs, les prophéties que les chrétiens appliquent à Jésus-Christ ne se rapportent point au Messie, et ont été accomplies dans la personne de divers grands hommes, qui n'étaient pas le Messie promis, et qui ont existé avant Jesus-Christ. (Voyez le recueil de Wagenselius, intitulé Tela ignea Satanæ.) Les juifs qui ont eu, ou qui ont recours à ces défaites, abjurent la doctrine de leurs anciens rabbins, et méconnaissent leurs anciennes traditions. D'après ces rabbins, et d'après ces traditions, la synagogue appliquait autrefois au Messie les principales prophéties que l'Église lui applique. (Voyez, dans la Polyglotte d'Angleterre, les Targums d'Onkelos, de Jonathan et de Jérusalem; voyez encore les Lettres de M. Drach.)

Les déistes disent encore: Le Messie

promis aux juifs devait être un conquérant; il devait faire la gloire du peuple d'Israël. Jésus-Christ n'est donc pas le Messie; il est mort sur une croix, et il a été rejeté par les juifs. « Les juifs, répond Pascal, en tuant » Jésus-Christ pour ne pas le recevoir pour » le Messie, lui ont donné la dernière mar» que du Messie; en continuant à le mécon»> naître, ils se sont rendus témoins irréprochables; et, en le tuant, et continuant » à le renier, ils ont accompli les prophé»ties. » D'ailleurs, les humiliations dont le Messie devait être abreuvé, suivant les prophéties, montraient évidemment que son règne ne devait pas être de ce monde.

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