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REED (Isaac), savant critique anglais, mort à Londres en 1807, a donné un recueil d'anciennes pièces de théâtre, connu sous le nom de Recueil de Dodsley, 1780, 12 vol. in-8°; une édition considérablement augmentée de la Biographia dramatica; des notes dans diverses éditions de Shakspeare. Reed fut aussi, pendant un grand nombre d'années, l'éditeur de l'European Magazine. *REENHIELM (JACQUES), savant antiquaire suédois, né en 1645 à Upsal, mort en 1691, a publié deux sagas islandais, ceux de Torsten Wikingson et de d'Olof Trygwason, Upsal, 1681 et 1691, avec des notes pleines d'érudition.

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*REES (ABRAHAM), prêtre anglican, né vers 1743 dans le nord du pays de Galles, mort le 9 juin 1825, emporta la réputation d'un des savants les plus distingués de l'Angleterre. Le plus considérable et le plus connu de ses ouvrages, ayant pour titre the new Cyclopedia, or universal Dictionary of arts, sciences and litterature, Lon dres, 1803 et suivantes, forme 44 vol. grand in-40, fig. Composé sur le plan de notre Encyclopédie et du Dictionnaire d'Éphraim Chambers, cet ouvrage jouit d'une haute estime en Angleterre, et dénote chez l'au

teur un savoir immense.

* REEVE (CLARA) romancière anglaise, née vers 1725 à Ipswich, où elle mourut en 1803, était fille d'un respectable ecclésiastique, qui l'initia dès l'enfance à l'étude des langues savantes et de l'histoire. Sa mère devenue veuve, étant allée se fixer à Colchester, miss Clara l'y suivit avec deux de ses sœurs, et ce fut là qu'elle commença à se faire connaitre (1772) par une traduction anglaise du roman latin de Barclay intitulé Argenis. Le succès qu'obtint ce début l'engagea à écrire d'original, et en 1778 parut son premier roman sous ce titre : the Champion of Virtue, gothic story, depuis souvent réimprimé sous le nouveau titre de the old english Baron (le vieux Baron anglais). Cet ouvrage fut suivi d'un assez grand nombre d'autres que nous nous dispenserons d'énumérer, et dont on peut voir le titre dans la notice qu'a consacrée sir Walter Scott à l'auteur (tom. 3 de la Biographie littéraire des Romanciers célèbres, traduction publiée chez Ch. Gosselin). Suivant l'illustre biographe de miss Reeve, son vieux Baron anglais, qui est le meilleur ouvrage qu'elle ait publié, est aussi celui

sur lequel repose exclusivement aujourd'hui sa réputation.

RÉFLEXION. (Physique. ) Un corps en mouvement qui rencontre sur son passage un plan impénétrable et immobile, peut éprouver deux sortes de modifications. Si le mobile et l'obstacle sont durs, après le choc, la vitesse du premier est détruite, tandis que si l'un et l'autre sont élastiques, ou si l'un des deux seulement jouit de cette propriété, après la collision, le mobile s'éloigue du plan, et la direction de ce mouvement rétrograde est assujétie à des lois d'autant plus simples, que l'élasticité est elle-même plus parfaite. (Voyez CHOC DES CORPS ÉLASTIQUES.)

La lumière, quels que soient sa nature et son mode de transmission, se comporte, à l'égard des surfaces polies et brillantes, exactement comme le ferait un corps parfaitement élastique tombant sur un plan inébranlable. Quant aux surfaces hérissées d'aspérités ou incapables de prendre un beau poli, elles renvoient aussi la lumière; mais loin de la réfléchir régulièrement, elles la dispersent dans tous les sens; en sorte qu'au lieu de pouvoir, lorsqu'on la fait converger, retracer l'image des corps d'où elle était primitivement émanée, elle donne la représentation de la surface qui la réfléchit. Il ne faut pas croire que, même dans les circonstances les plus favorables à la réflexion, toute la lumière incidente soit repoussée; l'expérience prouve, au contraire, qu'il y en a toujours une certaine quantité qui est absorbée, et toutes choses égales d'ailleurs; elle est d'autant plus considérable, que l'incidence des rayons est plus perpendiculaire. Ce résultat, qui semble être une conséquence de la polarité des particules lumineuses (voyez ci-devant l'article POLARISATION), conduit aussi à penser que la réflexion s'opère en avant des surfaces réfléchissantes, et n'agit pas avec la même énergie sur chacune des parties d'un mème rayon. En effet, les miroirs les mieux polis étant redevables de cette propriété à l'action de poussières dures avec lesquelles on les frotte pour abattre les aspérités les plus saillantes de leur surface, celle-ci est évidemment creusée de sillons qui, à la vérité, échappent à notre vue, mais dont la profondeur doit être immense, si nous la comparons à la ténuité des particules lumineuses. Dès lors, comment expliquer d'une manière plausible les nom

breux phénomènes de la catoptrique, si l'on refuse d'admettre que la cause qui les produit n'est pas essentiellement différente de celle qui, après le choc, occasione le rejaillissement des corps élastiques? Cette opinion, qui fut celle de Newton, se prête on ne peut mieux à l'analyse ; car si l'on regarde la direction que suit un rayon de lumière qui s'approche d'un plan réfléchissant, comme une résultante de l'action de deux forces, celle des composantes qui est perpendiculaire au plan sera d'autant plus courte que l'obliquité d'incidence sera plus grande; par conséquent une force répulsive émanée de ce plan doit, en se développant sur les particules lumineuses convenablement disposées, non-seulement détruire cette portion de leur vitesse primitive, mais encore leur imprimer un mouvement rétrograde. Or, celui-ci se combine avec la seconde composante dont l'énergie, ainsi que la direction, n'ont d'ailleurs éprouvé aucune altération, et leur action simultanée force le rayon repoussé à prendre dans l'espace une position telle, que les angles d'incidence et de réflexion sont égaux et contenus dans un plan perpendiculaire à la surface réfléchissante. (Voyez LUMIÈRE RÉFLÉCHIE.) THILLAYE.

un

RÉFORME RELIGIEUSE. C'est phénomème fort remarquable dans l'histoire de l'humanité, de voir les plus belles institutions dégénérer et changer de nature, à mesure qu'elles s'éloignent de leur source. Le christianisme, qui n'est autre chose que la plus haute philosophie morale revêtue d'une sanction divine, n'a point échappé à cette loi de dégénération. En effet, six siècles après sa naissance, une corruption presque universelle avait envahi et souillé la doctrine céleste. Partout on remarquait l'ouvrage des prêtres et la politique des rois à la place de la simplicité première de l'idée évangélique. Des pompes, des cérémonies, empreintes de toute la poésie du paganisme, avaient remplacé les rites populaires des premiers disciples. En un mot, la main de l'homme avait défiguré l'œuvre de Dieu.

Nous nous proposons, dans cet article, de donner une esquisse très-abrégée des causes auxquelles on doit attribuer la corruption du christianisme, et des réformes, tantôt comprimées, tantót victorieuses, qui ont éclaté aux divers siècles de l'histoire de la grande société chrétienne.

10 L'origine des longues querelles théolo

giques qui ont tant divisé l'Église, qui ont commencé par des subtilités, et qui on't fini par des supplices, date de la première organisation des conciles, et surtout du concile de Nicée, en 321. Ces assemblées, en effet, eurent pour but principal de définir la foi. Après l'avoir définie, elles ne tardèrent pas à la décréter, et à excommunier tout dissident. Les questions de dogmes devinrent ainsi des questions de majorité, et, par le seul fait de l'adoption d'un canon dogmatique quelconque, toute la minorité du concile était regardée comme hérétique. Les esprits s'irritaient sous la violence des anathêmes. Les empereurs et les autres puissances temporelles n'avaient qu'à s'assurer d'une majorité d'évêques ou de pères, pour imposer d'une manière infaillible le système qu'ils avaient adopté. Aussi cette pratique, qui arrachait la foi de son sanctuaire intérieur, la conviction individuelle, qui faisait dépendre la doctrine du vote d'une assemblée souvent passionnée ou vénale, qui appuyait ses décrets d'anathèmes exécutés par les empereurs, doit être rangée en première ligne parmi les causes de la corruption qui s'introduisit dans la doctrine chrétienne.

20 Un autre événement, qui d'ailleurs était peut-être impossible à prévenir, favorisa singulièrement la décadence de l'idée évangélique primitive: ce fut cette malheureuse alliance entre la religion et la politique; alliance qui a commencé dans le christianisme dès l'époque de Constantin, qui s'est maintenue jusque dans les temps modernes, et qui, de nos jours encore, essaie de reparaître. Lorsque l'empereur Constantin se fit chrétien, le christianisme se fit empereur. La foi apostolique ne fut plus la foi d'une minorité courageuse et pure; elle devint la croyance d'une majorité oppressive et avide d'honneurs. Le titre de chrétien fut un titre à la faveur. L'hypocrisie commença son détestable rôle à l'abri des honneurs qui distinguaient les adeptes et les courtisans de la foi impériale. De là, mille causes de décadence et de corruption. L'épiscopat devint un emploi, et non une charge. La brigue pour les places spirituelles remplaça les anciennes brigues du Forum. Les prêtres chrétiens affectèrent le luxe des anciens pontifes. Toute hérésie, c'est-à-dire toute opinion autre que celle du pouvoir, devint un crime religieux et politique à-la-fois, et alors commença dans l'Église chrétienne la

pratique, aussi absurde que cruelle, d'égorger juridiquement des hommes pour des opinions. Enfin, l'influence de Constantin et de la plupart de ses successeurs eut pour résultat fâcheux de mettre l'Église dans l'État, et l'État dans l'Église, et de confondre deux ordres de choses totalement distincts, le règne spirituel et le temporel. Dès lors, la parole du Christ fut méprisée, et en opposition flagrante avec sa doctrine: il fut décrété, par les Césars byzantins, que le royaume de Dieu était bien un royaume de de ce monde, royaume extérieur, puissant, temporel; royaume qui, s'appuyant sur la tiare papale, devait bientôt essayer d'engloutir tous les autres. Il faut donc admettre l'influence politique des empereurs parmi les causes principales de la corruption de la doctrine primitive.

30 Deux autres causes nous paraissent aussi contribuer à l'explication d'un fait aussi singulier et aussi triste que la corruption générale de la foi. Ces causes sont fort distinctes l'une est l'influence bien profonde et bien réelle de la philosophie grecque et orientale sur la simplicité de l'Évangile. Dans le Nouveau-Testament, au moins dans tous les discours directs du Christ, il y a peu ou point de métaphysique. Tout y est clair et compréhensible. Mais lorsque plusieurs des écrivains chrétiens du second, du troisième et du quatrième siècle voulurent à la-fois rester fidèles à la philosophie académique et évangélique, et professer Christ et Platon, alors les discussions religieuses se détournèrent de leur point de vue le plus essentiel, qui est la règle de la vie et la pratique de la vertu, pour s'égarer dans des méditations de métaphysique transcendante. Tel fut au moins le résultat de la vigoureuse impulsion donnée à la foi philosophique par l'école d'Origène et de Clément d'Alexandric. Il en est souvent résulté que la foi s'est obscurcie et s'est perdue sous des subtilités innombrables. Une autre cause de détérioration, que nous nous contenterons aussi d'indiquer, ce furent les invasions des Barbares qui vinrent camper sur les ruines de l'empire romain. La civilisation et les lettres disparurent sous l'effort redoublé de ces hordes, qui marquèrent leur passage par tous les genres d'excès, et qui ne s'organisèrent que lentement en corps politiques. En général, ces peuples nouveaux adoptèrent le christianisme; mais leur foi fut la foi de l'ignorance. Les prètres devinrent facile

Tome 19.

ment les maîtres de ces grossiers vainqueurs. Et enfin, à l'ombre des ténèbres et à la faveur de l'ignorance, on peut dire que le christianisme, dès le neuvième siècle après sa naissance, se trouva complètement remplacé par une réligion nouvelle, formée du mélange de l'Évangile et du paganisme, religion toute rempli d'une foule de dogmes inconnus à l'Évangile; religion de mystères, de pratiques minutieuses, d'abstinences hypocrites; religion qui finit par se confondre avec les institutions féodales; religion enfin qui avait tellement dégénéré de sa pureté première, qu'à peine y pouvait-on démêler encore quelques traces de la foi des premiers jours de l'Église. Pour tout dire en un mot, l'Évangile, complètement défiguré, et même presque inconnu, était plutót devenu un instrument de misère et de servitude qu'une doctrine, où le salut résulte de la morale, et où la liberté se fonde sur l'examen et sur les lumières. Malgré ces résultats funestes, la religiou d'alors, quelque barbare qu'elle fút, servit encore de lien à la grande famille chrétienne; et la résistance ambitieuse et intéressée des évêques et des moines opposa plus d'une fois une digue efficace aux rapacités féodales et à la tyrannie presque sans limite des grands suzerains.

Nous venons d'indiquer les causes principales de la décadence de la foi; nous allons maintenant parcourir la série des réformes qui furent tentées. Du cinquième siècle au onzième siècle, les évêques de Rome travaillèrent avec une persévérance inouïe et avec un talent et une constance dignes d'un meilleur but, à réaliser le grand dessein d'une domination universelle, fondée sur la confusion, souvent très-spécieuse, de l'ordre spirituel et temporel. Ce projet fut pleinement exécuté par Grégoire VII et par ses successeurs. Dès lors les armes spirituelles se changèrent en foudres politiques. Le monde civilisé se prosterna devant les papes; les livres sacrés furent tout à fait oubliés, et les cloîtres se remplirent de milices célibataires, sans patrie, sans famille, sans liens sociaux, et toujours prêtes à se lever comme un seul homme au signal du chef. Mais la grandeur même de cette institution despotique amena sa décadence, et les premières tentatives de protestantisme ou de réforme se montrent dans le siècle même qui suivit celui de Grégoire VII.

Arnolphe de Lyon se présenta à Rome, vers 1125, sous Honorius II, et dénonça 40

vivement au Pape régnant les vices et la corruption du clergé. Platina, historien du ponti ficat de ce pape, assure que le nouveau réfor mateur périt assassiné. Les travaux d'Arnaud de Brescia et de Pierre Waldo sont bien plus importants encore. Arnaud de Brescia fut disciple d'Abélard. Il s'éleva avec force contre le pouvoir temporel du clergé, et le concile de Latrau, en 1139, le condamna. Arnaud de Brescia voulait arrêter le mal à sa source, et il se mit à la tête du parti démocratique et réformateur à Rome, parti qui rêvait sans cesse le rétablissement de la république antique. Ce beau songe ne put se réaliser. Adrien IV, rétabli à main armée par l'empereur Frédéric, fit juger Arnaud, qui fut condamné à être brûlé vif. La sentence fut exécutée malgré une insurrection du peuple en faveur de celui qu'il regardait à juste titre comme le martyr de la liberté politique et de la liberté religieuse. Les opinions de Pierre Waldo se lient à celles des sociétés vaudoises, dont il est indispensable de parler dans l'énumération des essais de réforme qui précédèrent Luther. Les vaudois, chrétiens babitant les vallées du Piémont, et qui eurent quelque rapport avec les pauliciens d'Orient, furent la première société de fidèles qui vécut séparée complètement de la communion romaine. Ce qui rend l'histoire des vaudois extrêmement intéressante, c'est qu'il parait que leurs églises remontent directement aux temps apostoliques, que leur doctrine ne fut jamais identique à celle de Rome, et qu'enfin leurs confessions de foi, qui se perdent dans la nuit des temps, sont à peu de chose près conformes à celles que les réformateurs proclamèrent au 16e siècle. On a conservé deux de leurs ouvrages, la noble Leicon, datée de 1100, et l'Antechrist, date de 1126, qui ne laissent aucun doute sur la distinction complète entre leurs idées et celles du système religieux dominant. Il est très-probable que les sectes dissidentes qui ont paru dans l'Église romaine sous le nom d'albigeois, de lollards, de patares, etc., et qui furent si cruellement exterminées par l'inquisition, furent des branches sorties du tronc antique des vaudois (1). Ces sociétés

(1) Les églises vaudoises existent encore dans les vallées du Piémont. Le roi de Sardaigne tolère l'exercice de leur culte, et ces antiques protestants, dont les églises existaient du temps des croisades, jouissent enfin de la liberté religieuse. La population totale de ces églises est de 20,000 âmes. (Voyez le Voyage "de M. le ministre Kenrick, 1827.)

existaient en Italie, en Allemagne, en Angleterre, et surtout dans la France méridionale. A Orléans en 1019, à Arras en 1025, on perécuta plusieurs communautés de ce genre. Pierre Waldo, né à Lyon, consacra ses richesses à la prédication des idées vandoises. Philippe-Auguste fit exterminer ses disciples fort nombreux dans la Picardie. Des populations riches et puissantes avaient adhéré au mouvement de réforme qui était parti du fond des vallees piémontaises. Mais la hiérarchie romaine sentit la nécessité d'arrêter les progrès de ce torrent qui allait ravager tous les abus ecclésiastiques. Alexandre 11 (1163) et Innocent III (1198) prirent les fameuses mesures contre les albigeois, qui noyèrent dans le sang d'épouvantables massacres les progrès des sectes nouvelles. Il suffit de rappeler la croisade contre les albigeois, de 1209 à 1228, pour signaler l'une des guerres les plus atroces dont le fanatisme et la jalousie sacerdotale aient effrayé le monde.

A cette époque, ou égorgeait les hérétiques; mais s'il est possible de tuer les hommes, il est impossible de tuer les idées. Un mouvement intellectuel, dont les suites ne pouvaient alors se prévoir, s'était déclaré en Italie sous la tutelle de Pétrarque et surtout du Dante. En Allemagne, Thomas Akempis publia ce fameux ouvrage de l'Imitation de Jésus-Christ, où les préceptes de la plus pure morale ne sont nullement appuyés sur l'autorité et sur l'infallibilité de la hiérarchie romaine. Jean Wiclef, qui publia ses principaux écrits vers 1360, fut un réformateur plus hardi et plus prononcé. Il parcourut avec un talent égal à son courage la voie des réformes que le scolastique Occam et l'ascétique Lollard avaient ouverte en Angleterre. En vain Rome voulut-elle s'opposer à l'influence de ce courageux réformateur: il fut sans cesse protégé contre elle par la puissance des rois d'Angleterre et par l'appui des barons fatigués du despotisme romain. Il n'est pas permis de douter que l'action de Wiclef sur son temps ne fût profonde et durable, et qu'elle ne frayât la route à la grande réforme qui devait éclater un siècle et demi après sa mort. Jean Huss et Jérôme de Prague continuèrent ses travaux, se déclarèrent ses disciples, et scellèrent de leur sang leur noble dévouement à la cause des réformes, que tant d'abus rendaient nécessaires. Jean Huss, de l'université de Prague, publia son prin

recteur

cipal ouvrage en 1413. Une grande partie de la Bohême adopta ses vues. Il comparut, en 1414, dans le concile de Constance, et les prélats, violateurs de la foi promise, le condamnèrent au feu malgré le sauf-conduit dont il s'était muni. Jean Huss souffrit la mort avec le plus héroïque courage. Jérôme de Prague, son disciple et son ami, souffrit, en 1416, le même supplice, et déploya devant ses bourreaux le même courage. Leur mort fut vengée par leurs disciples, et une guerre longue et acharnée fut la suite de ces barbares exécutions.

Jusqu'à l'époque de la grande réforme de 1515, toutes les tentatives que nous venons d'indiquer avaient échoué. Il leur manquait un auxiliaire puissant, et même le plus puissant de tous; il leur manquait de s'adresser à un siècle éclairé. La renaissances des lettres, la découverte de l'imprimerie, Fémigration forcée des savants grecs chassés de Constantinople, la fondation des universités; toutes ces causes réunies permettaient de tenter des réformes dans des circonstances entièrement nouvelles et avec les plus heureuses chances de succès. Aussi la reformation ne se fit pas attendre. D'un côté, les rois commençaient à se plaindre ouvertement des exactions et de la tyrannie de la cour de Rome. D'un autre côté une foule d'écrivains savants et spirituels, parmi lesquels il faut citer Reuchlin, Ulrich de Hutten, Érasme, secondaient le mouvement d'émancipation par leurs traits mordants.

Une faible étincelle décida ce vaste in cendie, qui allait séparer de l'Église romaine plus d'un tiers de l'Europe. Un moine au. gustin, né en Saxe, homme d'un grand savoir, d'une forte éloquence, d'un caractère décidé et d'un courage à toute épreuve, leva l'étendard à Wittemberg contre le trafic honteux des indulgences. La cour de Rome, alors lettrée et voluptueuse, dédaigna cet obscur factieux. Luther brûla devant le peuple les bulles de Léon X. L'électeur de Saxe, Frédéric-le Sage, protégea constamment la réforme naissante, qui bientôt fut soutenue par le doux Mélancthon et par le fougueux Carlostad,deux hommes de caractères divers, et qui secondèrent puissamment le mouvement de réforme par des influences en quel. que sorte opposées. La confession présentée en 1530 à la diète d'Augsbourg, donna un symbole précis et arrêté au vaste mouvement qui agitait toute l'Allemagne. Elle fut suivie d'une organisation politique, la Ligue de

Smalcalde, qui devint un lien entre tous les princes protestants, et qui fut, dans les temps modernes, la première grande résistance armée qui se soit déclarée contre Rome. Luther mourut en 1546, après avoir attaché son nom à l'une des plus impérissables révolutions de l'esprit humain.

Le contrecoup des opinions de Luther fut immense. Le Danemarck et la Suède adoptèrent de bonne heure les idées nouvelles; mais les théologiens et la noblesse de ces contrées se rangèrent purement et simplement sous le symbole des idées luthériennes. Ce ne fut qu'en Suisse que la réforme prit une nouvelle face, et commença à modifier les doctrines de son fondateur. Zwingli, homme instruit, doux et tolérant, consomma en 1523 la réforme à Zurich, et bientôt à Berne.

OEcolampade à Bale, et Bucer à Strasbourg, détruisirent complètement l'ancien culte de la foi romaine. Mais ce fut surtout à Genève, dans l'énergie et l'habileté d'un homme de génie, de Calvin, que la réforme puisa de nouvelles ressources. Le grand mé. rite de Calvin est d'avoir donné à l'Église réformée une organisation extérieure stable et bien disposée, qui servit long-temps de lien commun entres toutes les Églises. I fut l'inventeur de l'organisation presbytėrienne, que presque toutes les sectes calvinistes ont adoptée, et qui donna à leur existence temporelle toute la vigueur d'une république fédérée. Les idées de réforme ne tardèrent pas à éclater dans les Pays-Bas. Philippe II voulut s'opposer à-la-fois an mouvement de réforme et au mouvement d'indépendance. Enfin, après quarante ans de lutte et de succès variés, la république fut reconnue, et le protestantisme n'a point cessé d'y fleurir.

Si les réformes continentales qui se firent en Europe naquirent généralement chez les masses populaires, la réforme anglaise descendit, an contraire, de la cour, pour atteindre la nation. Un prince capricieux, entêté, voluptueux et cruel, donna à l'Angleterre cet immense bienfait. Mais peutêtre fallait il le caractère bizarre de Henri VIII pour consommer sans retour une révolution que les bûchers de Marie ne purent détruire. Élisabeth, cette femme d'un si étonnant génie, consolida pour toujours l'ouvrage de son père.

Les idées calvinistes, fortement soupçon nées de tendance républicaine, ne tardèrent

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