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Quant à nous, nous pensons que la vérité se trouve dans les deux opinions réunies. En effet, ne voyons-nous pas beaucoup de congestions, de phlegmasies des divers organes se manifester après la suppression d'une hémorrhagic habituelle quelconque ? Et n'est-il pas raisonnable aussi de penser qu'un grand nombre de maladies nerveuses dépendent le plus souvent des peines morales dont nous venons de parler. Daus le premier cas, il faudra seconder les moyens curatifs médicaux par un régime peu réparateur et rafraîchissant. Dans le second, c'est par la distraction, la complaisance, les soins affectueux et empressés, que nous pourrons espérer, en dédommageant ainsi notre compagne de la perte de ses avantages, de prévenir ou d'arrêter le développement des maladies qui la menacent. C'est au médecin et à l'homme judicieux à distinguer ces causes diverses. Ajoutons que, dans tous les cas, cette conduite nous est impérieusement commandée par la justice et la reconnaissance. (Voyez HYGIÈNE et SALUBRITÉ. )

BATON et BOUTAN.

RÉGIMENT. (Art militaire ) Un régiment, d'après la définition qu'en donne l'ancienne Encyclopédie, article MILITAIRE, est un corps de troupes composé de plusieurs compagnies. Cette définition semble n'être applicable qu'à l'artillerie et au génie, puisque la batterie, dans la première de ces deux armes, et la compagnie, dans la seconde, peuvent être considérées comme les unités principales. Quant à l'infanterie et à la cavalerie, il est reconnu que dans l'une on compte par bataillons, et dans l'autre par escadrons; nous pensons donc que les régiments, en ce qui concerne ces deux armes, qui sont les plus nombreuses, peuvent être définis sous le nom de corps de troupes composés d'un certain nombre de bataillons ou d'escadrons. Au reste, nous n'attachons pas plus d'importance à cette logomachie qu'à l'origine du mot régiment; nous ne rechercherons pas si l'institution d'après laquelle les régiments furent créés, eut lieu sous Charles IX ou sous Henri II; nous nous bornerons à faire observer que la réunion d'un corps de troupes quelconque a dû subsister avant la création du mot.

Après avoir admis le principe que l'unité principale est le bataillon dans l'infanterie, ainsi que l'escadron dans la cavalerie, il paraîtra peut-être étrange qu'on ait rassemblé quelques-unes de ces unités sous le nom

de régiments, et que de cette manière on ait augmenté la dépense, en donnant à ces nouvelles unités de nouveaux chefs, chargés de commander aux bataillons, et en y ajoutant en outre des officiers comptables.

Cette objection n'est pas faite, nous le savons bien, par ceux qui aiment et veulent défendre la patrie et le souverain qui en est le père; mais elle l'a été quelquefois par des personnes qui, rêvant la paix universelle, décrient tout-à-la-fois la guerre, l'art et la profession, sans songer aux dangers que peut courir notre belle France par l'affaiblissement de l'esprit militaire.

Il est d'autres personnes qui, entraînées par un sentiment louable sans doute, puisque c'est l'économie qui les inspire, voudraient qu'on réduisit des cadres qui déjà ne sont pas trop nombreux, et suíliraient à peine si nous avions la guerre, ou qu'on traitât les militaires avec une parcimonie désespérante pour ceux qui ont sacrifié leurs intérêts personnels à la chose publique. Nous aimons à croire que toutes ces personnes, en y réfléchissant bien, reconnaitront que, puisque l'état militaire offre si peu de prise à l'intérêt, il faut du moins lui conserver soigneusement les sculs avantages qui s'y rattachent, c'est-à-dire les prestiges de gloire et d'honneur qui l'élèvent et l'ennoblissent.

Revenons aux régiments; l'état-major de ceux d'infanterie et de cavalerie se compose comme il suit, savoir: 1 colonel, 1 lieutenant-colonel, 1 major, 1 trésorier, 1 officier d'habillement, 1 aumônier.

On voit d'abord, par ce cadre, que si les bataillons et les escadrous étaient isolés, il faudrait, indépendamment des officiers qui en constituent la force, deux officiers de plus pour chacun d'eux; savoir, un officier chargé de la comptabilité, et un autre chargé de l'habillement. Or, il n'y en a qu'un par régiment de cavalerie et d'infanterie, quel que soit le nombre d'escadrons ou de bataillons qui le composent. Le major surveille tout-à-la-fois le trésorier et l'officier d'habillement. La création de ce grade à l'avantage d'offrir un débouché à ces deux officiers pour devenir officiers supérieurs à leur tour, et prétendre aux fonctions de sous-intendant militaire; car il est nécessaire que la profession militaire offre toujours quelques chances d'avancement dans chaque fonction, soit militaire, soit administrative. Le grade de lieutenant-colonel, dont

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quelques personnes ont cru qu'on pourrait rigoureusement se passer, a cela de bon, qu'il est l'intermédiaire entre les chefs de bataillon et le colonel; c'est là qu'un officier supérieur commence à se familiariser au commandement d'un régiment. Cette espèce de noviciat donne au gouvernement la faculté de choisir les meilleurs colonels. Quant au grade de colonel, son importance ne peut être méconnue; il est le pivot sur lequel s'appuient l'instruction, la discipline et l'administration d'un corps de troupes déjà considérable; le colonel d'un régiment, à force de manier un nombre limité de bataillons ou descadrons, se prépare pen à peu à en commander davantage et à devenir ce qu'ou appelait autrefois, avec raison, un bon général de brigade.

Les cadres des régiments nous semblent donc tels qu'ils doivent être; nous pensons même qu'au lieu de les réduire il faudrait y ajouter un grade: celui d'officier payeur Lorsque les bataillons ou les escadrons sont séparés, on est obligé d'en créer un provisoire; mais ce ne peut être qu'au détriment de la compagnie dont il est détaché, et à laquelle il reste long-temps étranger, d'après la nature de ses fonctions.

Il arrive parfois que l'officier que l'on dé signe n'ayant que des notions légères, en fait de comptabilité, compromet, sans le vouloir, les intérêts des individus, et mème ceux du gouvernement. En ne donnant à ces officiers-payeurs que le grade de sous-lieutenant, ils seraient sous les ordres des trésoriers, dont la position nous semble méri ter le grade de capitaine à l'instant même où ils sont nommés trésoriers. Le noviciat que ces officiers-payeurs auraient à faire, donnerait aussi au gouvernement les moyens de choisir parmi les plus probes et les plus habiles pour en faire des trésoriers.

Infanterie. Notre infanterie (non compris la garde royale) se compose de 64 régiments français d'infan

terie de ligne à trois batail

lons chacun, en tout. . . . 192 bataill. 20 régiments d'infanterie légè

re, dont 4 à 3 bataillons et
16 à 2 bataillons . .

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236 bataill. Si nos régiments d'infanterie légère sont reconnus utiles, comme nous avons essayé de le démontrer (1), il nous semble qu'ils

(1)Foyez l'article INFANTERIE.

devraient exister dans une proportion telle qu'il y en eût un certain nombre dans chaque brigade active, nous présumons alors qu'au lieu de vingt régiments de cette arme, il en faudrait trente-deux, mais à deux bataillons seulement. Ce ne serait en tout que quatre vingt seize régiments d'infanterie française: ce nombre ne paraitra point exorbitant, si l'on veut faire attention à l'étendue de nos frontières.

Nous proposons de laisser les régiments d'infanterie légère à deux bataillons, sauf la création d'une ou deux compagnies de dépôt par bataillon (1) (pendant la guerre seulement), parce que nous partons du principe qu'il ne faudrait donner à cette arme que les hommes les plus vigoureux et les plus ingambes, en ayant plus égard à la force qu'à la taille. L'infanterie de ligne avec ses trois bataillons verserait, au moment de la guerre, dans le troisième, spécialement destiné aux garnisons, les hommes qui, étant, trop jeunes, n'ont pas encore atteint la force nécessaire pour supporter de grandes fatigues; on y placerait également les officiers, sous-officiers et anciens soldats qui, par leur âge avancé, seraient plus propres à former les recrues qu'à faire la guerre, et pourraient toutefois défendre avec succès les places fortes qu'ils seraient chargés de garder. De cette manière, un régiment de ligne aurait à l'armée ses deux bataillons de guerre; deux régiments de ligne et un d'infanterie légère, tous trois à deux bataillons, formeraient une brigade qui, étant ainsi constituée avec quelque cavalerie, dans le cas où elle serait détachée, pourrait opérer pour son compte, et rendre de grands services dans l'occasion.

Cavalerie. Notre cavalerie de ligne (nou compris la garde royale et la gendarmerie) se compose de

2 régiments de carabiniers, à 6 escadrons.

12 escad.

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lait que deux espèces de cavalerie; s'il leur restait encore quelque doute à cet égard, nous les engagerions à lire l'article CAVALERIE (1); ils y verront que, pour le bien du service, autant que pour se conformer à la nature des chevaux de selle que produit l'Europe, il faut trois espèces de cavalerie, savoir la grosse cavalerie, la cavalerie légère, et celle que l'auteur de cet article appelle mixte.

:

De cette manière, les grands, les moyens et les petits chevaux sont utilisés. La grosse cavalerie est ménagée pour les grandes occasions, et la cavalerie légère soutenue à temps.

Nous croyons devoir faire observer qu'il est des corps de cavalerie dont le costume pourrait être moins dispendieux. On se demande, en effet, de quelle utilité sont les galons, les tresses multipliées et autres vains ornements? Outre que ces objets sont ruineux pour la plupart des officiers qui les portent, ils n'ont que le mérite de tenter la cupidité de l'ennemi.

Artillerie. Le corps royal de l'artillerie vient d'être réorganisé par l'ordonnance du Roi du 5 août 1829. Cette nouvelle organisation, méditée depuis long-temps par des gé néraux instruits et expérimentés de cette arme, soumise aux membres du conseil de la guerre, donne, d'une part, au personnel de l'artilleric un caractère d'homogénéité et de spécialité que comportent ses moyens de guerre et son mode de combattre. » Elle le constitue pour le temps de paix d'une manière analogue à ce qu'il doit être en temps de guerre; elle lui donne le degré de mobilité qu'exigent les perfectionnements du matériel; de l'autre, elle présente, principalement sur les états-majors et les cadres, une économie de près de 1,800,000 francs, qui permettra, sans dépasser le montant du budget de 1829, d'augmenter au besoin l'effectif de 16,000 soldats et de 1,800 chevaux, et qui pourvoit en même temps à l'amélioration du sort d'une classe entière d'officiers recommandables par l'importance de leurs fonctions. »

de la garde royale est fixée à huit batteries
ou quarante huit bouches à feu. Les troupes
d'artillerie de la ligne se composent de
10 régiments d'artillerie,

1 bataillon de pontonniers,
12 compagnies d'ouvriers,

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1 compagnie d'armuriers (en temps de guerre seulement),

6 escadrons du train du parc d'artillerie. Chacun des dix régiments d'artillerie de la ligne sera composé d'un état-major, de trois batteries à cheval, de treize batteries à pied; et en temps de guerre, sculement d'un cadre de dépôt. Par cette organisation, l'artillerie à cheval est augmentée dans le nombre de ses batteries, c'est-à dire, dans son élément le plus essentiel, puisque c'est par batteries et non par régiments qu'elle est employée aux armées. Elle servira deux cents bouches à feu ; ce qui est le tiers du nombre total des bouches à feu de l'armée.

Moins coûteuse et presque aussi mobile que l'artillerie à cheval par la facilité de transport qu'offre le nouveau matériel, l'artillerie à pied entre par ses batteries montées pour deux tiers dans la totalité de l'artillerie de campagne.

Tels sont en partie les avantages de la nouvelle organisation; nous ne pouvons qu'engager ceux qui veulent la connaitre, à lire l'ordonnance du Roi, ainsi que le rapport qui la précède (1).

Etat-Major. Quoique le corps royal d'état-major ait une organisation particulière, il se rattache néanmoins aux régiments d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, puisque les officiers de ce corps y font leurs premières armes. On ne peut qu'applaudir à l'idée heureuse de la création du corps royal d'étatmajor; les jeunes officiers qui y sont admis apporteront à la guerre des connaissances théoriques que plusieurs de leurs prédécesseurs n'ont dues qu'à la pratique et à l'expérience. Toutefois, il serait peut-être désirable qu'au lieu de faire entrer les officiers dans les cadres de l'armée, comme officiers d'état-major, on les en fit au contraire sortir comme tels. Il ne s'agirait que de faire conD'après cette réorganisation, l'artillerie naitre aux lieutenants et sous-lieutenants

pour

à croire qu'elle serait d'une grande utilité
la guerre, en voyant une création semblable dans
l'ordonnance du roi du 5 août 1829, portant réor-
ganisation du corps royal de l'artillerie.

(1) Voyez article CAVALERIE, par M. le colonel Marbot.

de l'armée le programme des travaux qu'ils auraient à faire pour être admis, après avoir été examinés. Nous présumons que ce procédé aurait l'avantage de conserver et d'aug

(1) Rapport du 5 août 1829, par le ministre de la guerre, M. le vicomte de Caux.

menter l'instruction parmi tous les jeunes officiers qui sortent de Saint-Cyr. Nous avons pu juger, dans une grande garnison, l'effet prodigieux que produisit le concours, lorsque l'ordonnance de création parut. Tous les officiers qui voulaient entrer dans l'étatmajor travaillèrent avec une ardeur incroyable pour y être admis. Lorsque les nominations furent connues, ceux qui déjà avaient faits de grands progrès, et qui probablement eussent été admis l'année suivante, regardèrent comme inutile la continuation de leurs études, sachant que désormais tout espoir d'entrer dans l'état-major était perdu pour eux.

Les sous-officiers promus au grade de sous-lieutenant, et qui déjà avaient un commencement d'instruction, chercheraient à la compléter. Leur intelligence et les moyens qu'ils ont apportés en arrivant au régiment se développeraient en voulant lutter avec les officiers sortant de Saint-Cyr ; et l'on peut aisément concevoir quels seraient les résultats de cette louable émulation.

L'instruction, cette source de la prospérité publique et des jouissances particulières, l'instruction, dont les avantages sont maintenant appréciés et recherchés par toutes les classes de la société, se répandrait ainsi dans la classe militaire, à laquelle elle est non moins utile qu'à tous ceux investis de fonctions civiles, et à ceux qui s'adonnent à des opérations industrielles. N'est-il pas évident que c'est à la classe militaire que sont réservés les devoirs et l'honneur de défendre le trône et de maintenir l'indépendance de la patrie? S'il était encore quelques personnes qui, entraînées par l'utopie séduisante d'une paix universelle, voulussent mettre en question la nécessité de la forcearmée, qu'elles se rappellent l'invasion des - armées étrangères, elles conviendront qu'il est de toute urgence de garder son pays et d'empêcher que d'autres peuples, tentés par la fécondité de notre sol, ne cherchent à s'en emparer et à y commander en maitres.

Faisons donc tous des vœux pour que nos institutions tendent à répandre l'instruction dans l'armée, à lui donner toute la force possible pour repousser nos ennemis, et à lui conserver quelque considération en échange des sacrifices qu'a faits l'ancienne armée, et que la nouvelle est disposée à faire. Nous croyons devoir à ce sujet rappeler les paroles mémorables du célèbre Bacon :

« Aussitôt qu'un peuple naturellement Tome 19.

»

» belliqueux négligera les armes et tombera » dans la mollesse, la guerre viendra fondre » sur lui de tous côtés. Un empire qui dégénère ne songe qu'aux richesses; c'est » un appât pour ses voisins, qui, le prenant » dans un état de faiblesse, en ont bientôt fait leur conquête et leur proie. » (Voyez ARMÉE et ÉTAT MAJOR.)

Le lieut.-gén. baron FRIRION. * RÉGINON, abbé de Prum, et l'un des hommes les plus savants du 9e siècle, mort en 915, à Trèves dans le monastère de Saint-Martin où il s'était retiré sur la fin de sa vie, a laissé une Chronique qui commence à la naissance de Jésus-Christ, et s'arrête à à l'an 907. Elle a été continuée par deux autres écrivains jusqu'à l'an 977. La première édition est de Mayence, 1521, in fol., et Pistorius l'a insérée dans le tome premier des Rerum germanicar. Seriptor., Francfort, 1583. On a encore de Réginon un Recueil des canons Latins, dont Baluze a donné une édition, Paris, 1671, in-8°, avec de savantes notes, et divers appendices; Tritheim parle des sermons de Région, et d'un recueil de ses lettres qui n'existent plus.

* REGIO MONTANUS. Voyez MULLER. * REGIS (SAINT JEAN-FRANÇOIS), né en 1597 dans le diocèse de Narbonne, entra dans l'institut des jésuites, se dévoua au ministère de la prédication dans le Languedoc, fit un grand nombre de conversions parmi les calvinistes, et mourut en 1640. Il fut canonisé par Clément XII en 1737. Sa vie a été écrite en français par le père d'Aubenton.

* REGIS (PIERRE SILVAIN), philosophe cartésien, né dans le comté d'Agenois en 1632, mourut en 1707. On a de lui, outre ses écrits polémiques sur le cartésianisme, et différentes lettres à Malebranche: Système de philosophie, etc., Paris, 1690, 3 vol. in-4o. Pierre REGIS, médecin, né à Montpellier en 1656, pratiqua son art dans cette ville jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes, et se fixa ensuite à Amsterdam, où il mourut en 1726. On a de lui, outre une édition des Opera posthuma de Malpighi, 1697, quelques opuscules de physique et de médecine, dont on peut voir les titres dans le tom. 7 des Mémoires de Nicéron, pag. 8.

*

REGIS (JEAN-BAPTISTE), jésuite français. missionnaire à la Chine et habile géographe, né dans la deuxième moitié du 17e siècle, travailla avec plusieurs de ses confrères à la carte générale de la Chine, et

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a donné, sur la manière dont fut conduite cette importante opération, des détails qui nous ont été transmis par Duhalde, dans sa Description de la Chine. On a aussi de Regis une traduction latine du I-king, à laquelle il a joint d'amples éclaircissements et de savantes notes. La Bibliothèque du Roi contient un manuscrit de ce précieux ouvrage. On sait que le père Regis prit part, en 1724, aux discussions que les missionnaires eurent à soutenir devant l'empereur Young-tching, relativement à la proscription du christianisme à la Chine; mais on ignore l'époque précise de sa mort.

REGISTRES DE L'ÉTAT CIVIL. (Politique.) Lorsque, par ses invasions successives, la barbarie du Nord eut proscrit la civilisation méridionale, les prêtres, seuls lettrés de cette époque, s'arrogèrent naturellement toutes les attributions politiques et civiles qui exigeaient les deux grandes sciences du temps, la lecture et l'écriture. Lorsque, à son tour, la civilisation du Midi pénétra dans le Nord, les prêtres en furent les apôtres, et la nécessité leur livra la décision de toutes les affaires que le glaive et la violence ne pouvaient décider. Ce Wladimir, surnommé le Grand comme Constantin et Clovis, parce qu'il introduisit le christianisme en Russie; ce Wladimir, assassin de son frère, de sa femme, du père et des frères de sa femme, couvert du sang des siens, comme Clovis et Constantin, livra aux prêtres tout ce qui constatait l'état civil des personnes, dans un pays où les lois civiles n'existaient pas encore. Charlemagne introduisit, après ses trois massacres des Saxons, la même coutume dans la Germanie, et les registres de l'état civil furent ainsi, dans toute l'Europe, à la disposition du clergé.

Cet abus, né de la nécessité, n'était pas grave: tant que l'autorité civile put surveiller et contrôler la tenue des registres, punir les infractions, et châtier les faussaires, le mal était léger. Mais à l'époque où les papes voulurent échelonner au-dessous d'eux toute la hiérarchie sacerdotale, qu'ils voulurent seuls représenter cette Divinité qui ne doit se trouver parmi les fidèles que lorsque plusieurs sont assemblés en son nom; qu'ils se servirent de l'encensoir pour briser le sceptre, qu'ils usurpèrent le droit de jugement dans les affaires ecclésiastiques, et que les affaires politiques, civiles, criminelles des clercs furent déclarées ecclésiastiques; que les appels comme d'abus furent traités d'im

pies et d'attentatoires à la majesté de Dieu, alors tout contrôle devint impossible, et l'état civil des personnes fut abandonné aux caprices, à l'impéritie, à la mauvaise foi. Les procès furent innombrables pour régulariser l'état des personnes ; et quand la révolution établit des officiers de l'état civil, cette conquête fut considérée comme un grand bienfait.

Cette innovation, rendue nécessaire par les abus dès long-temps introduits, était encore facile par la division des lumières, qui portait la lecture et l'écriture dans les hameaux les plus reculés. Le sacerdoce catholique ne pouvait plus demeurer officier de l'état civil. La réforme religieuse et la tolérance politique y mettaient d'insurmonta bles obstacles : les protestants des diverses communions, les juifs ne pouvaient avoir le clergé pour arbitre de leur filiation; il eut fallu dans chaque commune autant d'officiers de l'état civil qu'il y avait de sectes, et, sur toutes choses, il eût fallu que les prêtres catholiques fussent, au moins comme officiers civils, justiciables des tribunaux ordinaires, nécessité attentatoire à toutes les prétentions. L'Église oublie sans cesse que par la spiritualité elle conquit tout le monde civilisé, que par la temporalité elle en a perdu les trois quarts: le pouvoir spirituel n'est pour elle qu'un moyen d'envahir le temporel; et pour parvenir à cette usurpation, il faut qu'elle s'établisse juge et partie. Si jamais elle voulait reconnaître, dans ce qui ne tient pas au dogme, l'intervention de la puissance humaine, elle cesserait d'être l'Église des papes.

Quarante ans ont fixé parmi nous l'administration de l'état civil. Ces registres, tenus par des maires, que le pouvoir nomme et surveille, déposés au secrétariat des mairies et au greffe des tribunaux, y sont annuellement lus par un magistrat chargé de poursuivre non-seulement les prévarications, mais encore les négligences du fonctionnaire qui les rédige. Cette vigilance mutuelle de l'ordre administratif et judiciaire, ces modèles transmis, l'impossibilité d'y rien ajouter, d'en rien retrancher sans une décision juridique, ont placé l'état des personnes sous une sauvegarde qui fait la sécurité des familles, et qui n'excite plus-ni plaintes ni procès. Toutefois, les prêtres, et surtout ces jésuites, connus sous le nom de missionnaires, écrivent, impriment, déclament qu'il faut rendre au sacerdoce le droit de

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