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cadémie de Helmstadt, mort en cette ville en 1595 à l'âge de 54 ans, a laissé : Methodus legendi..... histor., Helmstadt, 1583, in-fol.; Hist. julia, 1594-95-97, 3 vol. in-fol.: ouvrage savant et rare; Histoire orientale, Francfort, 1595 ou 1595, in-fol.; et quelques autres écrits, parmi lesquels nous citerons seulement une courte notice sur sa vie imprimée dans les Opuscula varia de Westphalia, publiée par J. Goes, Helmstadt, 1668, in-4o, et dans les Memoriæ philosophorum de Rollius, Leipsig, 1710, in-8°. * REINECCIUS (CHRÉTIEN), philologue et théologien allemand, recteur du gymnase de Weissenfels, et conseiller du consistoire, mort en 1752, à l'âge de 81 ans, a publié un très-grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels nous citerons seulement Disputatio de septem Dormientibus, Leipsig, 1702, in-4o; Biblia quadrilin guia Novi-Testamenti, ibid., 1713, in-fol.; Biblia hebraica ad optimas quasque editiones expressa cum notis masorethicis et numeris distinctionum, ibid., 1739, in-4o ; Vetus-Testumentum græcum ex vers. LXX interpretum, unà cum libris apocryphis, secundum exemplar vaticanum, ibid., 1732, plusieurs fois réim primé.

* REINEGGS (JACQUES), voyageur et aventurier allemand, né en 1774, était fils d'un barbier d'Eisleben en Saxe, nommé Ehlich. Il suivit d'abord la profession de son père, s'éloigna de son pays, prit le nom de Reineggs, fut successivement garçon barbier, étudiant en médecine à Leipsig, comédien à Vienne, médecin en Géorgie, et devint favori du prince Héraclius, qui l'éleva au rang de bey, et fit inscrire son nom en lettres d'or sur la fonderie auprès de Tiflis. Reineggs avait mérité ces honneurs en répandant chez les Géorgiens les sciences qu'il avait acquises en Europe. Il y perfectionna la fabrication de la poudre et la fonte des canons, y créa une imprimerie, où il fit imprimer les Principes d'économie politique de son compatriote Sonnenfelds, qu'il traduisit en persan, et que le prince Héraclius transporta dans la langue géor gienne; mais après s'être montré le bienfaiteur d'un pays où il avait trouvé un si honorable asile, Reineggs ne rougit point de le sacrifier à ses intérêts et à son ambition. Envoyé par Héraclius, en qualité de négociateur à la cour de Catherine II, il se fit l'agent secret de cette princesse et la Géorgie perdit bientôt sou indépendance. Rei

neggs obtint pour prix de sa trahison l'emploi de conseiller du collège impérial et ceux de directeur des élèves en chirurgie et de secrétaire perpétuel du collège impérial de médecine à Saint-Pétersbourg, où il mourut en 1793. On a de lui une Histoire de la Géorgie, publiée par le célèbre voyageur Pallas; et une Description historique et topographique du Caucase, trouvée à sa mort dans ses papiers, et publiée par Schroeder, Gotha, 1796, 2 vol. in-8°.

* REINESIUS (THOMAS), médecin, philologue et antiquaire allemand, né à Gotha en 1587, mort à Leipsig en 1667, fut l'un des savants étrangers qui eurent part aux bienfaits de Louis XIV. On a de lui un grand nombre d'ouvrages. La Vie de Reinesius, écrite par lui-même, et trouvée dans ses manuscrits, a servi aux notices que Witten et Brucker, ont données sur ce savant.

* REINHARD (FRANÇOIS-VOLKMAR), Célèbre prédicateur protestant, né en 1753, dans le duché de Sulzbach, mourut à Dresde en 1812. On a de lui un grand nombre d'ouvrages, dont les principaux sont : Système de la morale chrétienne : les deux premiers volumes parurent en 1788 et 1789, le troisième en 1804, le quatrième en 1810 et le cinquième en 1815; les premiers volumes furent réimprimés plusieurs fois; Essai sur le plan formé par le fondateur de la religion chrétienne pour le bonheur du genre humain, 1781, 1798, quatrième édition : l'idée fondamentale de cet ouvrage est peutêtre plus clairement exprimée dans le titre de sa dissertation latine : Consilium benè merendi de universo genere humano ingenii supra hominem elati documentum, 1780, in-4o; Sermons, 39 vol. in-8°, 1786-1813. - Chrétien-Tobie-Ephraïm REINHArdt, né en 1719 à Camenz dans la Lusace, alla suivre les cours de médecine à Francfort-surl'Oder, et après y avoir pris en 1745 le grade de docteur, vint s'établir dans la petite ville de Sagan, où il mourut en 1790, pourvu de plusieurs emplois lucratifs. Il a composé sur son art un assez grand nombre d'ouvrages, mentionnés au tom. 6, pag. 572, de la Bio graphie médicale du Dictionnaire des sciences médicales.

* REINHOLD (Charles-Léonard), métaphysicien, né en 1758 à Vienne (Autriche), faisait son noviciat chez les jésuites au collège de Saint-Ange à l'époque de la suppression de cette société (1773); il passa

l'année suivante chez les barnabites, et y occupa une chaire de philosophie. Ses talents l'ayant mis bientôt en relation avec plusieurs savants de Vienne, il fut associé à un journal philosophique qui s'y publiait, et ses nouvelles liaisons ne tardèrent pas à faire naître en lui la résolution de quitter la carrière ecclésiastique. Ce fut sans doute pour briser plus brusquement les liens qui l'attachaient à sa profession que, s'étant rendu à Leipsig en 1783, il y publia une Apologie de la réformation. Il alla ensuite à Weimar, s'y livra avec le célèbre Wieland, dont il devint le gendre et avec qui il partagea la direction du journal, le Mercure; puis il fut appelé à remplir une chaire de philosophie à Iéna. Il la quitta en 1794 pour s'attacher à l'université de Kiel, et c'est dans cette ville qu'il mourut en 1823, entouré de l'affection de ses disciples et des faveurs du gouvernement danois. Il avait reçu la décoration de l'ordre de Danebrog et le titre de conseiller d'État. Son fils, professeur de philosophie à léna, a donné en allemand une histoire de sa Vie et de ses travaux littérai

res, Iéna, 1825, in-8°, ouvrage particulièrement intéressant parce qu'il renferme des lettres adressées à Reinhold par Kant, Fitche, Jacobi, Lavater et Ch. Villers: ces dernières sont écrites en français. Parmi les productions de Reinhold, on distingue un Essai (en allemand) pour concilier les discussions des philosophes, Iéna, 1792-1794, 2 vol. in-8°; et des Lettres sur la philosophie de Kant (dont il était l'admirateur enthousiaste), Leipsig, 1796, 2 vol. in-8°, aussi en allemand.

* REINOSO (ANTONIO GARCIA), peintre espagnol, né à Cabra en Andalousie vers 1623, mort à Cordoue en 1677, fut élève de Sébastien Martinez, son compatriote. REINS. (Médecine). Toute personne qui ressent de la douleur à la partie située entre le dos et le bassin se plaint de souffrir des reins; c'est une locution vicieuse, car si les reins correspondent en effet à la région lombaire, il existe en cet endroit d'autres parties qui peuvent être également le siége de vives douleurs. Les reins proprement dits sont deux glandes volumineuses qui extraient l'urine, et que l'on nomme vulgairement rognons chez les animaux dont nous faisons notre nourriture. Ils ont la force d'un haricot; ils occupent les deux côtés de la colonne vertébrale, l'un à droite, l'autre à gauche, plongés tous deux dans un tissu cellulaire

graisseux, dêrrière le péritoine, devant le diaphragme et le muscle carré lombaire. A leur bord interne est un enfoncement appelé scissure, par lequel les vaisseaux et les nerfs pénètrent dans leur intérieur. Ces organes sont rougeâtres et plus consistants que la plupart des autres glandes. Une membrane cellulaire externe, une autre fibreuse interne, enveloppent la substance de chaque rein. Cette substance se présente sous deux formes qui la font distinguer en substance corticale et en substance tubuleuse. La première constitue la partie extérieure du rein et s'étend entre les cônes formés par la seconde; celle-là sécrète l'urine, c'est-à-dire, en emprunte les éléments au sang artériel et les unit, tandis que celle-ci la verse dans une poche membraneuse appelée bassinet, située dans la scissure rénale, et d'où part un tube membraneux appelé uretère, qui va s'ouvrir dans la vessie et lui apporte l'urine. (Voyez VESSIE et URINE. )

Les reins sont les seuls organes sécréteurs de l'urine; rien n'autorise à donner comme un fait que ce liquide ne passe jamais du sang dans la vessie sans être déposé dans les reins et voituré par les uretères. Les reins ne sont pas de simples cribles, comme l'a cru l'antiquité, et comme quelques physiologistes voudraient encore aujourd'hui le faire croire ; ce sont de véritables glandes, c'est-à-dire, un appareil vasculo-nerveux, doué d'une action spéciale pour l'élaboration d'un liquide particulier.

L'inflammation du rein, ou la néphrite, est une maladie assez commune, surtout si l'on considère comme tel l'état de maladie qui détermine la formation de calculs urinaires dans le tissu ou la cavité de cet or

gane, ou dans les uretères. Cette phlegmasie a été trop souvent désignée sous le nor insignifiant de coliques néphrétiques : quand elle est devenue chronique, et ne fait plus souffrir que par accès, on suppose le plus ordinairement qu'elle n'existe plus, et trop souvent on se trompe; l'inflammation est seulement devenue moins vive dans beaucoup de cas. Ce n'est pas qu'il ne puisse y avoir des douleurs du rein sans inflammation proprement dite de sa substance propre ou de ses membranes; mais il n'y a point de marque certaine pour les distinguer de celles de la néphrite proprement dite. D'un autre côté, des reins tombés en suppuration dans la presque totalité de leur étendue, n'ont quelquefois donné pendant la vie aucun

signe de lésion. On voit combien est difficile à établir le diagnostic des maladies d'organes si profondément situés. Il est des cas où la sécrétion et l'excrétion urinaire n'éprouvent aucun changement, quoique d'ailleurs de vives douleurs se fassent sentir à la région lombaire, chez des sujets qui ont offert auparavant des signes non équivoques de né phrite. La néphralgie, ou douleur nerveuse du rein, mérite de fixer l'attention des pathologistes.

Le rein recèle assez fréquemment des calculs, des graviers, du sable, dans son bassinet, ses calices, et même dans l'épaisseur de la substance tubuleuse et de la substance corticale. La présence des néphrolithes, ou pierres du rein, est ordinairement accompagnée de souffrances qui égalent les plus violentes que l'homme puisse éprouver. Très-souvent le muscle crémaster du côté affecté se contracte pendant la douleur; mais ce signe peut manquer, et il suffit d'une simple irritation des testicules pour le produire.

Les maladies des reins sont le plus ordinairement occasionées par les excès dans le boire et le manger. L'abus des viandes noires et des liqueurs alcoholiques chez un sujet adonné aux plaisirs sexuels, solitaires ou partagés, livré à l'exercice du cheval, à des marches forcées, ne manque guère de déterminer des irritations très-vives du système urinaire; à plus forte raison les maladies de l'uretère, de la vessie et de l'urètre sontelles susceptibles de se propager de proche en proche jusqu'aux reins.

La sobriété, l'usage de l'eau pour base de toute boisson, une nourriture dans laquelle les végétaux dominent, l'usage fréquent des bains tièdes, la modération dans l'emploi des organes génitaux, dans l'équitation et la marche, tels sont les moyens d'éviter les maladies des reins.

Les boissons mucilagineuses, la diète, l'action végétale, l'eau alcaline gazeuse, les bains chauds, l'application des sangsues à l'anus et aux lombes, les lavements et l'opium sont les meilleurs moyen de traitement, toutes les fois que ces organes sont lésés. (Voyez Calculs urinaires. )

BOISSEAU.

* REINSCHILD. Voyez REHNSCHOLD. * REISEN. Voyez CH. CHRISTIAN. * REISKE (JEAN-JACQUES), savant philologue et orientaliste, né en 1716, à Zoerbig, petite ville de Saxe, fit ses études d'abord à Halle, puis à Leipsig, passa en Hollande en

1738, se fixa à Leyde où sa situation financière l'obligea de se faire correcteur d'épreuves pour des libraires et des savants, tout en suivant les leçons d'Alb. Schultens (voyez ce nom), qui professait dans cette ville les langues orientales. Il eut bientôt la facilité de prendre une connaissance exacte des manuscrits orientaux de la bibliothèque de Leyde, fut chargé de les ranger, de les numéroter et d'en faire un nouveau catalogue manuscrit, plus approprié au service d'une bibliothèque publique. Il reçut une indemnité pour ce travail. Son caractère indépendant et son insouciance pour l'avenir lui firent refuser, en 1742, une place au collége de Campen; mais convaincu ensuite que la philologie ne pouvait, dans la position où il se trouvait, lui procurer une honnête existence, il résolut d'étudier la médecine, fut reçu docteur en 1746, et, vers la fin de la même année quitta la Hollande, où il avait séjourné huit ans, pour revenir à Leipsig, sans aucune perspective d'établissement. En 1747, il reçut le titre de professeur dans la faculté de philosophic, et, l'année suivante, il fut nommé professeur extraordinaire de langue arabe. Il obtint en 1758 la place de recteur du collège de Saint-Nicolas, et com. mença dès lors à jouir d'une aisance et d'une tranquillité d'esprit qu'il n'avait pas connues jusque-là. Le travail forcé auquel il se livra dans les dernières années de sa vie, pour la publication de son édition des orateurs grecs, accéléra sa mort, arrivée en 1774. On a de lui un grand nombre d'ouvrages savants. La Vie de Reiske, écrite par lui-même jusqu'en 1770, et continuée par sa veuve, a paru à Leipsig en 1783, en allemand. - ErnestineChristine MULLER, femme du précédent, a mérité d'occuper une place distinguée dans les fastes de l'érudition. Pour soulager Reiske (qu'elle avait épousé en 1764) en partageant son travail, elle apprit le grec et le latin, et fut bientôt en état d'entendre les poètes et les orateurs. Elle s'associa dès lors à tous les travaux de son mari, comme éditeur, commentateur et critique. Elle copiait pour lui des manuscrits, les collationnait, mettait en ordre les matériaux recueillis, et partageait la lecture et la correction des épreuves. Reiske a exprimé à sa digne compagne toute sa reconnaissance dans les mémoires qu'il a écrits sur sa vie, et que Mme Reiske a complétés depuis 1770 jusqu'au décès de son mari. On ignore l'époque de la mort de cette dame. Un autre Jean

-

REISKE, recteur de l'église de Wolfenbuttel, mort en 1701, a laissé plusieurs dissertations sur divers sujets. On lui doit aussi une édition du Chronicon saracenicum et turcicum, de Wolfgang Drechter, avec des notes et un appendix.

* REIZ (JEAN-FRÉDÉRIC), en latin Reitzius, philologue, né en 1695, à Braunfels en Wetteravie, étudia la médecine et la littérature ancienne à Utrecht, devint maitre au gymnase d'Amsterdam, puis correcteur à Utrecht en 1724, professeur de l'université de la même ville en 1745, et y mourut en 1778. On a de lui: des discours latins; une édition De ambiguis, mediis et contrariis, Utrecht, 1736, in-8°; et plusieurs autres éditions d'auteurs anciens et modernes. Charles Conrad Reiz, frère du précédent, professeur à Middelbourg, à Goes et à Gorcum, puis recteur du gymnase de Harder wick, mort en 1773, a publié, comme son ainé, des discours latins, une Elegia de itinere zelandico, et quelques ouvrages peu remarquables. Guillaume- Othon REIZ, frère du précédent, né à Offenbach en 1702, fut professeur d'histoire à Middelbourg, et mourut en 1769, après avoir publié : Belga græcisans, Rotterdam, 1730, in-8°; Annotationes Sporades, 1739, in-8°; variantes Lectiones in Institut. Justiniani, 1744-45; Theophili Paraphrasis græca Institutionum, La Haye, 1751, in-8°.

* REIZ (FRÉDÉRIC-WOLFGANG), philologue allemand, né à Windsheim en 1733, mort en 1790, professa successivement à Leipsig la philosophie, le latin et le grec, enfin la poésie, et devint directeur de la bibliothèque de l'université de cette ville. On lui doit un poème latin sur les inventions du 18e siècle, Sæculum ab inventis clarum, et une édition fort estimée d'Hérodote, qui parut à Leipsig en 1778, et a été réimprimée en 1807 et 1816. Il a aussi donné d'excellentes éditions classiques de la Rhétorique et de la Poétique d'Aristote (1772 et 1789), ainsi 'que de Perse (1789), du Rudens de Plaute; et a publié deux Dissertations sur l'art métrique des anciens, Leipsig, 1791, in-8°.

* RÉJON DE SILVA (don DIEGO-ANTONIO), secrétaire d'état de Charles III, né dans le royaume de Murcie en 1740, mort à Madrid en 1798, se distingua non-seulement par ses talents comme homme d'État, mais encore par son goût pour les beaux-arts, qu'il protégea durant toute sa vie. On a de

lui: la Peinture, poème en trois chants, Ségovie, 1786; un Dictionnaire des beauxarts, ibid., 1788; une traduction du Traité de la Peinture de Léonard de Vinci, et des trois livres sur le même sujet par Alberti. Réjon était membre de l'Académie des sciences de Madrid.

RÉJOUISSANCES PUBLIQUES. Nous n'aurions point parlé de ces sortes de fêtes, si la politique n'en eût fait un moyen de gouvernement. La joie étant instantanée de sa nature, celle des peuples éclate, comme celle des individus, avec l'événement qui la produit. La chute d'un tyran, l'avènement d'un bon roi, la publication d'un édit populaire, le rappel d'un ministre bienfaisant, la nouvelle d'une grande victoire, causent ordinairement des explosions d'allégresse qui, chez les nations modernes, se manifestent par des illuminations, des chants et des danses. Le philosophe conçoit cet heureux désordre, cet hommage spontané, volontaire, rendu par les peuples à ceux qui les honorent en travaillant à leur gloire ou à leur bonheur. Mais ce n'est point là ce qu'on entend par réjouissances publiques, qui ne sont qu'une joie par ordre, un divertissement à jour fixe, un plaisir réglé d'avance par la police municipale, et resserré dans les limites qu'une ordonnance impose à une population distraite de ses travaux, pour s'étouffer ou s'ébattre dans la poussière ou dans la boue. Tous les gouvernements ont adopté ces saturnales; mais elles sont modifiées par les principes constitutifs des États, par la nature de leur religion et par les caractères nationaux. Ainsi chez les Sauvages, exposés sans cesse aux attaques désordonnées des peuplades voisines, le besoin d'une perpétuelle défense transforme les divertissements publics en exercices militaires. Chez les peuples de l'Orient, terre classique de la superstition et de la tyrannie, l'adoration des chefs, rois ou pontifes, est le premier des spectacles offerts au peuple, comme en Chine, à Tonquin ou dans les États du Grand-Mogol. Des chants graves et des danses lascives succèdent à cette prostration publique; mais une centaine d'individus affublés d'amulettes ou de costume bizarres sont les seuls qui s'agitent. Le peuple regarde, prie ou bâille, et ne prend aucune part à la joie qu'on lui commande. Les tyrans abyssins y mêlent, par un raffinement politique, la présence officielle du bourreau et de ses aides. D'autres rois africains trans

forment leurs flatteurs en bourreaux, et leurs réjouissances publiques finissent ou commencent par un massacre.

Les Grecs sont les premiers qui aient compris ces fêtes populaires, et le génie de la liberté est le seul qui puisse les comprendre. La vieille Égypte et les Hébreux ne s'en doutaient pas. La théocratie et le despotisme, ne faisant rien dans l'intérêt public, doivent craindre ces rassemblements tumultueux comme des occasions de révolte. Mais la Grèce, en leur donnant un but patriotique, en faisait un moyen d'union, une source d'émotions généreuses, un véhicule de gloire. Ses fêtes commémoratives étaient de véritables réjouissances; les joûtes du corps et de l'esprit entretenaient dans ses républiques fédérées, entre les villes d'un même État, une émulation constante qui, loin de les diviser, resserrait au contraire les liens de cette confédération célèbre. La périodicité de ces réunions et de ces jeux les faisait rentrer dans la catégorie des fêtes nationales mais la proclamation des vainqueurs, la joie des villes qui s'honoraient de les avoir donnés à la patrie, le retour des lauréats dans leurs foyers, étaient des causes de réjouissance, et leur donnaient ce caractère de spontanéité qui convient à la véritable joie. L'histoire a cité une foule de traits remarquables qui prouvent quel prix les villes et les familles grecques attachaient à ces victoires pacifiques.

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Les Romains se bornèrent d'abord à les imiter; mais ils n'empruntèrent que la forme de ces divertissements, le but en fut changé; leur ambition y imprima un autre caractère. Tout à Rome se ressentit des vastes projets de sa politique; tout chez le peuple-roi fut empreint de majesté. La vigueur de ses institutions força ses chefs eux-mêmes à devenir ses flatteurs. Ses rois, réduits à la condition de premiers citoyens de l'État, s'occupèrent des amusements de leur maître suprême, et le grand cirque date de Tarquin-l'Ancien. Six siècles après, Pompée fit venir à grands frais cinq cents lions d'Afrique et dix-huit éléphants, pour donner au peuple-roi le spectacle de leurs combats et de leur mort. Trajan poussa cette magnificence jusqu'à onze mille, et y joiguit la lutte inhumaine et sanglante de dix mille gladiateurs : c'était beaucoup trop. Si cet usage avait un but politique qui en dissimule la férocité sans la justifier aux yeux de la philosophie, dix de ces malheureux auraient

Tome 19.

produit le même effet; et si le débonnaire Trajan se plaisait à ces massacres, que pouvait attendre l'humanité d'un Commode ou d'un Héliogabale? L'institution du triomphe, si féconde en héros, fut une grande pensée : le génie de Romulus ne la conçut point, mais son hommage aux dieux en fut l'origine. Quoique préparées long-temps d'avance, ces réjouissances n'étaient ni moins vives, ni moins réelles. L'aspect des guerriers qui avaient contribué à la victoire, l'humiliation des captifs, l'apparition du triomphateur donnaient une nouvelle activité aux transports qu'avait excités l'heureuse nouvelle dont le triomphe était la suite. Mais la multiplicité de ces jeux, de ces spectacles, de ces réunions tumultueuses, en produisit le besoin, et les tyrans en profitėrent. Jusqu'au règne d'Auguste, les amphithéâtres étaient construits et démolis à chaque fête : ce despote adroit les fit à demeure. Le peuple-roi se laissa prendre à cet appât. On l'enchaîna en l'amusant. Les successeurs d'Octave ne lui laissèrent bientôt plus que ce vain reste de son ancienne puissance, et les gouvernements de l'ère moderne n'eurent pas d'autre pensée.

Les premiers chrétiens furent cependant trop graves, trop malheureux, trop dispersés pour songer à se réjouir. Leurs plaisirs n'étaient que dans le ciel; la terre n'était pour eux qu'une vallée de larmes. Cette idée triste, fruit de la persécution et de la contrainte, brisait tous les ressorts de l'âme, comprimait toutes ses facultés; et quand le triomphe de la foi nouvelle permit aux chrétiens de respirer, de sentir que l'homme n'était pas né pour pleurer sans cesse, la féodalité les saisit dans ses serres de fer, et leurs jeux participèrent de la barbarie du moyen âge. Ce fut un mélange de cérémonies religieuses, de superstitions ridicules et d'institutions profanes, où le grotesque le disputait à l'absurde. Il s'y mèla toutefois des réminiscences de l'ancienne Rome. En France, les jeux du cirque se prolongèrent jusqu'à la fin de la première race. La seconde et la troisième en conservèrent les combats de lions et de taureaux, que nous laissons maintenant aux habitués de la Grève. Mais ils font encore en Espagne les délices du beau monde, et la pente où nos arts se laissent entraîner par la satiété des spectateurs et la médiocrité des artistes doit insensiblement y ramener notre délicatesse. Les joûtes des gladiateurs

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