Page images
PDF
EPUB

furent reprises par les Capétiens; mais ce n'étaient point des captifs qu'on donnait en spectacle à la populace et à la cour; c'étaient des seigneurs et des chevaliers qui venaient vider leurs querelles dans des cirques improvisés sous le nom de champs-clos. Le despotisme des hommes de fer avait tellement dégradé le caractère de nos ancêtres, que le peuple des Valois s'amusait à la lutte de deux aveugles des Quinze-Vingts qui se disputaient, la dague à la main, 1 honneur de tuer un porc, au risque de s'égorger entre eux. Les pantomimes, les danseurs de corde, les mystères, les bateleurs, les distributions de vin et de viande furent, depuis Charles VI, les accompagnements obligés des réjouissances publiques. Les mâts de Cocagne prirent naissance dans la rue aux ours, sous le règne de Charles VII. Les danses furent de toutes les époques ; les prêtres et les évêquee s'en mêlaient. Ils les proscrivent aujourd'hui : cette absurdité est de l'invention des jansénistes; mais le concile de Constance fut ouvert par une contredanse de cardinaux. Dans toutes ces fêtes, le libertinage et la prostitution rappelaient les pieuses impudicités de Babylone, des temples de Vénus et de la bonne déesse. On avilissait le peuple jusque dans les plaisirs qu'on lui prodiguait. Les mœurs publiques étaient sans frein, et le dévergondage de la débauche se fit remarquer jusque dans les horribles divertissements de la sainte Ligue et dans les joyeusetés d'une monacaille sanguinaire.

La Fronde ne fut pas moins débauchée, mais la pudeur reparut dans les réjouissances publiques. Les carrousels furent une invention de la féodalité civilisée, une dernière représentation de la chevalerie mourante. Le plus beau fut donné par Louis XIV, dont la dignité communicative changea le caractère de ces divertissements, et de la nation peut-être. Quand Louis XIV donnait des fêtes, dit Voltaire, c'étaient les Corneille, les Molière, les Quinault, les Lulli, les Lebrun qui s'en mêlaient. Voltaire luimême leur succéda sous la régence; mais, plus tard, il se plaignait qu'on ne dépensait qu'en poudre et en fumée, et le grand Frédéric s'amusait avec lui de notre frivolité. Rien n'est changé à cet égard. Ce sont toujours des fusées, des pétards, des lampions, des ifs, des palais de feu, une cohue d'ivrognes, de ménétriers, de bouffons, de chanteurs à gages qui se tourmentent à

froid, pour égayer une multitude indifférente. Aucune grande pensée ne préside à ces fêtes. Une seule idée politique s'y manifeste; c'est de montrer le chiffre du souverain régnant au milieu d'une pluie de feu et de l'explosion d'un volcan artificiel, comme si la nature devait se déchirer pour produire le royal monogramme. Les conceptions de notre police en goguette ne vont pas plus loin que dans le quinzième siècle. Les spectacles fermés sont substitués aux mystères en plein vent, et voilà tout. Du reste, moins de magnificence. Tout est mesquin en comparaison des divertissements donnés au peuple pour l'entrée d'Isabeau de Bavière, qui nous le rendit en calamités de toute espèce; et notre mesquinerie est encore un bonheur, car c'est le peuple qui fait les frais des réjouissances auxquelles l'État le convic. Dans tout le cours du dernier siècle, la joie de ce peuple ne se manifesta spontanément qu'à deux époques au rétablissement de Louis XV, qui ne le méritait guère, et à la renaissance de nos libertés. Les saturnales de la terreur ont gâté les lêtes du Champ-de-Mars ; mais depuis les Romains, aucun peuple moderne n'avait joui de divertissements plus dignes. Que nos hommes d'État y puisent, dans l'intérêt de la monarchie et de la liberté, le caractère et les formes de nos réjouissances nationales. Les vicilles traditions ne conviennent plus à un grand peuple qui marche et veut marcher à la tête de la civilisation. (Voyez CHEVALERIE, CIRQUES, MYSTÈRES.) VIENNET.

:

*RELAND (ADRIEN), savant orientaliste, né à Ryp, village de Nord-Hollande, en 1676, obtint dès l'âge de 24 ans une chaire de philosophie à Harderwick, et la quitta ensuite pour aller occuper celle de langues orientales et d'antiquités ecclésiastiques à Utrecht, où il mourut en 1718, à peine âgé de 42 ans. Ses principaux ouvrages sont: Palestina ex monumentis veteribus illustrata, etc., Utrecht, 1714, 2 vol. in-4o; cinq dissertations sur différents sujets curieux et intéressants, ibid., 17061708, 3 vol. in-12; Antiquitates sacræ vete rum Hebræorum, ibid., 1741, in-8°, cinquième édition; de Religione mahumedica ibid., deuxième édition, 1717, in-8°, traduit en français par David Durand et en allemand; et une édition d'Épictète. Reland fut encore éditeur d'un ouvrage posthume de son frère, Pierre RELAND, avocat de Harlem, mort en 1715.

RELIEF (BAS-). (Beaux-arts.j Le basrelief est un ouvrage de sculpture, adhérent à un fond, et formant un tableau dont les objets ressortent plus ou moins sur ce fond en raison de leur saillie.

Dans son acception littérale, ce mot semble ne devoir convenir qu'aux bas-reliefs peu saillants; il s'applique cependant également à ceux dont quelques parties ont autant de relief que la ronde bosse, et sont même isolés du fond.

Dans le bas-relief, la sculpture se rapproche de la peinture, en cela qu'elle ne présente qu'une face des objets, et que, sans leur donner autant de saillie qu'ils en ont dans la nature, l'ariste peut obtenir une imitation parfaite. Quelquefois même la saillie est à peine sensible; mais alors l'imitation n'est pas plus complète qu'elle ne l'est dans un dessin au trait, rehaussé par quelques légères touches d'ombre et de lu

mière.

Le bas-relief est peut-être la production de la sculpture; car, chez les peuples sauvages, les armes et les meubles sont ornés de ciselures qui peuvent être considérées comme des rudiments de bas-relief.

Dans l'Inde, l'Égypte et la Perse, les murs extérieurs et intérieurs des temples et des palais étaient couverts de bas-reliefs. Ceux de l'Égypte, ainsi que les hiéroglyphes, sont entaillés dans la pierre, de façon qu'ils paraissent enfoncés dans le champ qui les entoure. Cette disposition présentait le double avantage d'assurer la conservation de l'objet représenté, et d'épargner le travail long et pénible qu'il eût fallu exécuter pour enlever toute la portion de pierre en saillie, de manière à ce que les parties sculptées fussent en relief sur le fond. Si l'on observe que beaucoup de monuments égyptiens sont en granit, on pensera que cette considération dut entrer pour beaucoup dans les motifs du parti pris à cet égard.

fluence de ces circonstances, il ne faut pas croire que l'art soit arrivé de l'enfance à la perfection sans avoir passé par des degrés intermédiaires. Il n'est donc pas étonnant que les bas-reliefs, appartenant à la période qui précéda le siècle de Phidias, offrent la raideur et la monotonie de ceux des monu ments de l'Égypte ou de la Perse. On conçoit que les commencements de l'art doivent avoir partout une grande ressemblance. Ce qui peut paraître plus étonnant, c'est que le bas-relief n'ait été perfectionné qu'après la ronde bosse, quoiqu'il présente moins de difficulté.

En effet, l'art avait déjà produit des statues dans lesquelles on admirait la vérité de l'imitation réunie au grand caractère et à la beauté des formes, et, dans le même temps, le style des bas-reliefs n'était pas amélioré : ils étaient encore formés d'un nombre plus ou moins considérable de figures placées à la file l'une de l'autre sans mouvement et sans liaison entre elles.

A cette époque, la peinture, cultivée plus tard que la sculpture, n'était encore qu'à la première période de son développement; mais plus tard, lorsqu'elle eut produit quelques tableaux dans lesquels tous les personnages concouraient à former une scène pleine de vie et de mouvement, les sculpteurs reconnurent aussitôt le parti qu'ils pouvaient tirer de cette manière animée de représenter une action. Observant comment, à l'aide de quelques applications des lois de l'optique, le peintre parvenait à faire paraitre les objets à divers degrés d'éloignement, ils cherchèrent à approcher de cet effet, en employant divers degrés de relief; mais ils se renfermèrent dans les limites de leur art, et se contentèrent d'exprimer de légères differences dans la distance relative des figures, en opposant à un plein relief un demi-relief, et un relief très-aplati à un relief bas. C'est ainsi que ce genre de sculpture fut porté à la perfection, et que l'art put produire avec le ciseau des tableaux vraiment pittoresques.

On verra au mot SCULPTURE comment, par une réunion de circonstances favorables à son développement, cet art parvint chez les Grecs au plus haut point de perfection, Au lieu de sculpter sur place les bas-reliefs tandis que chez d'autres nations, où il fut qui devaient décorer le fronton de leurs également cultivé, chez les Égyptiens par temples d'ordre dorique, les Grecs en proexemple, il ne s'éleva jamais au-delà d'une duisirent l'effet et avec plus de puissance, en imitation assez fidèle de quelques parties de arrangeant des figures de ronde bosse dedétail accessoires et de la difficulté vaincue vant le tympan de ces frontons. En outre dans le travail d'une matière d'une extrème des idées religieuses qui peut-être firent dureté. adopter cette disposition, il est assez probaMais quelque puissante qu'ait été l'in- ble qu'on employa ce moyen non-seulement

pour produire plus d'effet par l'emploi d'une plus forte saillie, mais encore pour obtenir plus promptement et plus économiquement la décoration de cette partie de l'édifice. En effet, il était bien plus commode pour le sculpteur de travailler ces figures dans son atelier. Toutes pouvaient être achevées en même temps, en y employant plusieurs artistes; enfin, en les exécutant isolément, elles étaient d'un seul bloc de marbre, et leur conservation en était plus assurée.

Le fronton du parthénon à Athènes était ainsi décoré. Les figures, qui en ont été enlevées par lord Elgin, ornent maintenant le musée britannique. On a dû voir avec surprise que la face postérieure est sculptée avec le même soin que la partie visible, comme si ces figures avaient dû être isolées.

Les statues de Niobé et de ses enfants sont regardées par M. Coquerel, comme ayant eu une destination semblable, et tout annonce qu'elles devaient orner le fronton de quelque temple d'Apollon.

Chez les anciens, le bas-relief, toujours subordonné à l'architecture, et approprié à la forme qu'il devait décorer, conserva une simplicité de composition qui était en harmonie avec la régularité et la symétrie, regardées l'une et l'autre comme condition du

beau.

Chez les modernes, les sculpteurs, croyant sans doute agrandir le domaine de leur art, sortirent souvent, en traitant le bas-relief, des limites dans lesquelles les anciens se sont renfermés. Dans les bas-reliefs qui décorent les portes de bronze du baptistère à Florence, ouvrage quiaétait admiré par MichelAnge, l'artiste a ciselé des lointains dans lesquels on voit des édifices dont la perspective est rigoureusement observée. Cette innovation s'explique naturellement, si l'on considère qu'à l'époque de la renaissance des arts, la peinture, qui chez les Grecs n'occupait que le second rang, avait en Italie la priorité sur sa sœur aînée, et par cette raison exerçait sur elle de l'influence. Il est donc probable que c'est dans l'intention de faire voir qu'il possédait les talents d'un peintre, que Laurent Ghiberti imagina d'introduire dans ses bas-reliefs des objets éloignés que la peinture peut seule représenter. Quoique la peinture et la sculpture aient une origine commune, leurs moyens sont tellement différents, que chacune d'elles perd une partie de ses avantages, lorsqu'elle veut entrer dans le domaine de l'autre.

Les troi: arts du dessin ont entre eux des rapports trop intimes pour que leur destinée ne soit pas semblable. Le même genre de corruption qui se fait remarquer dans l'un d'eux, à certaines époques, se retrouve constamment dans les autres. Ainsi, quand Boromini et ses imitateurs substituaient des formes bizarrement contournées aux formes simples et toujours motivées des anciens architectes, le style de la sculpture était corrompu dans le même sens; alors les basreliefs d'Attila (1), dans lequel Algardi s'est efforcé de rivaliser avec la peinture, était regardé comme ce que l'art avait jamais produit de plus parfait. Il faut en convenir, avec le goût de décoration qui était en vogue, c'eût été une discordance choquante de placer dans un monument des bas-reliefs composés dans le style simple et noble des Grecs, dans celui de Jean Goujon et des habiles sculpteurs de notre école.

Quoique le bas-relief soit, en général, un accessoire consacré à la décoration, cependant, dans quelques circonstances, il est monument, et on peut le considérer comme tel dans les pierres gravées, ainsi que dans les produits de l'art numismatique. La destination des monnaies, comme moyen d'échange le plus général, exige que l'empreinte en soit très-peu saillante, afin que les pièces puissent s'empiler facilement. Les monnaies offrent l'exemple de la moindre saillie que puisse avoir un bas-relief. (Voyez GRAVURE, MÉDAILLES, PEINTURE Et Sculpture.)

MÉRIMÉE.

RELIEUR. (Technologie.) L'art du relieur est d'une très-grande importance pour les sciences, les arts, la littérature, etc. C'est par lui que toutes les productions de l'esprit humain sont conservées et transmises intactes à la postérité la plus reculée. L'on voit dans les bibliothèques des manuscrits précieux très anciens, parfaitement conservés par la reliure solide qui les renferme. C'est donc de la solidité de la reliure, et non des ornements de luxe que l'on applique sur les couvertures, que l'on peut espérer la conservation des ouvrages.

Le relieur débroche le volume, c'est-à-dire qu'il enlève d'abord la couverture entière, et principalement sur le dos; il le prend d'une main parla tranche, fait en sorte de lui faire faire le dos rond, et avec un couteau bien tranchant il coupe une chaînée de la cou

(1) Dans l'église de Saint-Pierre, à Rome.

ture; il lui est facile d'en enlever le fil, et le volume se trouve décousu. Sans quitter le volume, il le prend de la main gauche par l'angle supérieur, et soulève les feuilles l'une après l'autre pour voir, par la signature de chaque cahier, s'ils sont rangés selon l'ordre alphabétique ou numérique, et si l'ouvrage est complet; ce qu'on appelle collationner. Il replie ensuite les feuilles, si cela est né cessaire, afin que les marges soient partout uniformes.

Il bat le livre à l'aide d'un marteau à tête large et légèrement bombée, sur un bloc de marbre bien uni; ensuite il le grèque, c'est à-dire, qu'après l'avoir serré assez fortement à la presse, il donne plusieurs coups de scie sur le dos, afin d'y cacher la ficelle ou nerfs, et les coutures. Cependant le grécage est loin de donner de la solidité à la reliure; les nerfs saillants sont de beaucoup préférables. Il coud ensuite chaque cahier l'un après l'autre, et le fixe, à l'aide d'une aiguille et du fil, sur des ficelles tendues sur un outil nommé cousoir.

Après avoir préparé son volume pour l'endossure, y avoir cousu les cartons, à l'aide des ficelles que forment les nerfs, et qu'il a laissées assez longues, il endosse, c'est-à dire qu'il colle bien le dos, et le laisse sécher à la presse, bien serré entre deux ais. Pendant qu'il sèche, il frotte forte ment avec le grattoir dentelé, afin de faire bien pénétrer la colle; c'est un point essentiel.

Alors l'ouvrier procède à la rognure : pour cela, il trace avec l'équerre à rebords, sur le carton, un trait qui se trouve parfaite ment à angle droit avec le dos. Ce trait lui sert de guide pour placer le volume en presse, de manière à ce que le rognoir coupe exactement dans une ligne parallèle à ce trait. Il fait descendre les deux cartons au niveau des feuilles de la tête, et il place le volume le dos tourné vers lui, après avoir mis der rière un ais contre lequel appuie un morceau de carton. I, rogne en faisant mouvoir le fút. Il dépresse et dispose de la même manière et avec le même soin pour rogner la queue, en laissant de ce côté autant de marge que le permet la feuille la plus

courte.

Après cette opération, il dispose la rognure de la tranche et prépare la gouttière. Il ouvre les deux cartons et les laisse pendre en dessous; il serre avec la main gauche les feuilles entre deux ais; il fait balancer le

volume de droite à gauche et de gauche à droite, afin de bien préparer la gouttière. 1 met en presse et rogne avec soin. S'il a bien opéré, la tranche doit présenter au sortir de la presse une forme creuse et régulière qu'on nomme gouttière.

Lorsque le livre est rogné, on colore la trauche, soit en y passant, au pinceau et pendant que le livre est en presse, une couleur jaune ou une couleur rouge, préparées à la colle; soit en les jaspant, soit en les marbrant. La jaspure se fait ordinairement sur un fond jaune clair, bleu de ciel, ou blanc; jamais sur un fond rouge. Les couleurs qu'on emploie sont un mélange d'orpin et de stil de grain pour le jaune; du vermillon pour le rouge; du bleu de Prusse pour le bleu. On les broie bien à l'eau sur le prophyre, et on les colle avec de la colle d'amidon trèslégère.

On jaspe, en prenant peu de couleur à-lafois, avec un petit balai de racine de chiendent, et en frappant d'assez loin sur une barre de fer qu'on tient de la main gauche, et l'on dirige vers le volume de très-petites gouttelettes qui forment une sorte de granit. On jaspe une couleur après l'autre, ainsi qu'il suit sur le fond jaune, du rouge, puis du bleu foncé; sur le fond bleu très-clair, du rouge, et puis du jaune; sur le blanc, du rouge, du jaune et puis du bleu.

Quant à la marbrure, les relieurs ne la font pas; ce sont des ouvriers particuliers qui s'occupent spécialement de cette branche d'industrie.

La tranche du volume terminée, on place le signet, dont on colle le bout sur le dos, du côté de la tête. On donne ensuite le volumne à une ouvrière qui pose le tranche-file, c'est-à-dire, un petit ornement en fil ou en soie de couleur qu'on place en tête et en queue du volume, du côté du dos. Cet ornement sert à assujettir les cahiers entre eux, et à consolider la partie de la couverture qui les déborde.

Le volume, placé à plat, sur une planche à rabaisser, la tête devant soi, le dos à gauche, repose sur le carton; on ouvre le carton supérieur, et à l'aide d'une règle en acier, avec laquelle on appuie fortement sur le carton, et qu'on dirige parallèlement aux feuillets du volume, on coupe le carton avec la pointe à rabattre. On coupe l'autre carton de la même manière, après avoir pris des distances égales. Enfin, on coupe avec de gros ciseaux le petit angle du carton qui ex

cède la tranche du côté du mors. On colle sur le dos, par les bords seulement, du côté du mors, ce qu'on nomme la carte; c'est un carton mince qui recouvre le dos, et qui en a la forme, afin de recevoir la cou verture, et par ce moyen, on met le volume à dos brisé.

La peau de veau est celle qui donne les couvertures les plus solides. On coupe la peau de grandeur convenable, après l'avoir fait tremper dans de l'eau bien claire pendant un quart d'heure. On pare les bords de la peau, c'est-à-dire, qu'avec un outil bien tranchant on en amincit les bords, qu'on réduit à rien. On le colle sur le livre en l'étirant bien dans tous les sens. Le plus important consiste à bien coller les coins, et à faire la coiffe tant en tête qu'en queue. On colle ensuite les gardes, et il ne reste plus qu'à dorer le dos et y placer les titres.

Dorure. On glaire le dos avec du blanc d'œuf pur; on fixe de l'or en feuilles sur les parties qui doivent être dorées, et on laisse sécher. Avec des fers gravés en relief, que l'ouvrier fait chauffer au point convena ble, il marque les nerfs, place les ornements, écrit les titres, etc., Partout où le fer chaud a touché, l'or se trouve fixé: on frotte avec du coton non filé, et tout ce qui n'a pas reçu l'impression de la chaleur s'enlève. On conserve ces brins de coton pour en retirer l'or. On met en presse et l'on serre fortement.

Polissure. L'ouvrier polit d'abord, à l'aide d'un brunissoir eu agathe, les tranches; ensuite, avec un tampon en laine, il passe légèrement un peu de suif sur tout le plat de la couverture, en décrivant de petits ronds; il n'en passe pas sur le dos. Ensuite, avec le fer à poser, il brunit toute la surface du plat, ainsi que le dos, dans tous les sens. On le vernit enfin, et l'on polit le vernis avec un nouet de drap fin blanc rempli de coton, et sur lequel on met une goutte d'huile d'olive qui le fait glisser. Alors le

volume est terminé.

Le lecteur qui aurait intérêt à se procurer de plus grands détails sur l'art dont nous venons de parler, consultera avec fruit le Manuel du Relieur, par L.-Séb. Le Normand.

LENORMAND et MELLET. RELIGION. (Morale et Philosophie.) Tous les législateurs ont pris le soin de donner une sanction à leur ouvrage. La société ne saurait récompenser individuellement le respect des lois chez les citoyens : c'est le

cas général sur lequel on compte ; l'ordre en est le résultat, et l'estime publique y devient seulement le prix de la bonne conduite de chacun. Mais le cas exceptionnel était à prévoir, et des peines ont été attachées aux délits suivant leurs degrés divers de culpabilité. On s'est aperçu que ceз mesures ne suffisaient pas à la répression des passions. Les sages ont parlé. Après être descendus en eux-mêmes, ils y avaient déjà trouvé la morale, qui est la conséquence immédiate des rapports sociaux ; ils y avaient trouvé aussi le sentiment d'une force prédominante dans la nature: il était simple de rallier ces deux découvertes, et c'est de leur idée complexe que s'est formée celle du devoir, qui dès lors a eu sa sanction toute prète. Celle-ci ne pouvait venir que de haut. Destinée à régler la vie présente, elle devait s'adresser à la vie future. Il était très-facile de marcher dans cette route, peut-être même de s'y égarer à la voix des intérêts; car l'homme est une créature essentiellement religieuse. Nous confesserions volontiers, et sans être effrayé de cet aveu, qu'il est tellement porté à admettre autour de lui des influences occultes, que, d'une extrémité de la terre à l'autre, on l'a vu accueillir les croyances les plus bizarres et les plus indignes d'occuper une place dans sa pensée. Ce serait folie que d'entreprendre la simple énumération des cultes qui ont exercé une autorité sur les esprits depuis qu'il existe des sociétés, se dispensât-on de comprendre au nombre de celles-ci les tribus de sauvages qui ont foulé les savanes du NouveauMonde, et les hordes qui ont parcouru les déserts aujourd'hui silencieux de l'Asie, où le genre humain paraît avoir eu son ber

ceau.

Quoi qu'il en soit, vous rencontrerez partout des traces d'adoration. L'ignorance la plus profonde des arts qui contribuent aux douceurs de la vie, la privation la plus entière des institutions qui en assurent le repos, n'ont empêché nulle part l'essor de l'âme vers un pouvoir inconnu dont on a voulu fléchir la colère, implorer ou reconnaître le bienfait. L'esprit de l'homme, involontairement ou non, s`est lié à quelque chose d'extérieur à lui-même, mais dont il avait pourtant la raison suffisante dans ses aperçus et dans sa propre activité. L'autel n'est sorti de terre que pour répondre à ce besoin. D'abord modeste, il a été de pierre ou de gazon; il s'est ombragé du feuillage

« PreviousContinue »