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citerai qu'un exemple bien remarquable: celui des haras parqués de l'État que l'on conseille encore, bien qu'on ne puisse leur découvrir que des inconvénients. Voyez CAVALERIE, CHEVAL, HARAS et PATURAGES. HUZARD.

REMONTRANCES. (Politique.) Le mot remontrance n'a pas eu d'abord la signification, ou, pour mieux dire, la nuance qu'il a prise depuis. Remontrer, dans les premiers siècles de la langue française, avait à peu près le même sens que démontrer, ou expliquer. Il n'emportait pas l'idée de contradiction ni même de réplique.

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FROISSART.

« Le duc Jean de Bourgogne manda les » trois états du pays de Flandre, auxquels il fit remontrer comment, à Paris, il avait » fait occire Louis, duc d'Orléans, et la cause pourquoi il l'avait fait. » MONSTRelet. Ainsi, lorsqu'on commença à dire les remontrances du parlement, on n'y attachait nulle pensée d'opposition, ni de résistance; c'étaient des explications présentées aux rois par un corps, qui originairement avait été leur conseil, dans un temps où les attributions de gouvernement, d'administration ou de judicature, n'étaient pas encore distinctes. Avec le laps du temps, les rois s'étaient créé des conseils plus intimes; le parlement était pourtant demeuré leur conseil solennel, leur conseil à titre d'office. De là l'enregistrement des actes de la volonté royale, comme moyen régulier et nécessaire d'authenticité; de là les remontrances. Elles ne furent d'abord qu'une réponse aux consultations du souverain, un avis donné, parce qu'il était implicitement ou expressément demandé.

Si donc on veut dire avec Voltaire (Histoire du parlement) que les remontrances commencèrent sous Louis XI, il faut savoir aussi que, long-temps auparavant, il y avait eu des enregistrements, des vérifications et des remontrances ; mais il est vrai que l'intervention du parlement était loin d'avoir la même action politique, le même caractère que plus tard. Les remontrances ont pris place dans la constitution du gouvernement, à titre de contre-poids et d'opposition, au plus tôt vers la fin du quinzième siècle; et en ce sens Voltaire s'est peu écarté du vrai. Les états - généraux, l'influence des grands vas

de

saux, et surtout des ducs de Bourgogne, l'nniversité, le clergé, le corps municipal de Paris avaient pu antérieurement balancer l'autorité royale, et lui servir de limites autant ou plus que le parlement. S'il y avait même quelque différence à rechercher, on trouverait que l'intervention du parlement avait quelque chose de plus humble, plus domestique, si l'on peut ainsi l'appeler. Les souverains, à moins d'être déraisonnables, prennent d'ordinaire en bonne part les avis de leurs conseillers, quand ils n'y voient pas, à proprement parler, une résistance, une lutte entre des pouvoirs, mais seulement des actes de bons et loyaux serviteurs, qui ne parlent pas au nom du peuple, qui n'expriment, ni n'excitent l'opinion publique, Or, il en était ainsi habituellement; le parlement semblait toujours parler au monarque dans l'intérêt royal.

On trouverait donc dans l'histoire de France plus d'un exemple de remontrances antérieures à Louis XI ; mais c'est réellement après lui que le parlement devint un élément de la nouvelle monarchie qui s'établissait sur les ruines de la grande féodalité, de la féodalité politique. La France reconquise sur les Anglais par Charles VII, était rentrée sous sa main dans une condition sociale totalement différente de ce qu'elle était cent ans auparavant. L'autorité royale, aidée d'un assentiment universel, avait procuré un calme et un ordre jusqu'alors inconnus. A cette époque avaient commencé les polices royales.

Louis XI avait hérité de la France en cette situation. Il contribua beaucoup à faire du parlement un corps politique. Il lui fut commode d'avoir un conseil, sur lequel il avait assurément grande influence, et dont il pouvait alléguer l'indépendance tantôt au pape, pour les affaires de la pragmatique ; tantôt aux seigneurs et aux grands vassaux, pour les traités conclus après la ligue du bien public; tantôt au duc de Bourgogne, après les promesses extorquées à Péronne.

C'est ce qu'on peut reconnaitre clairement dans le préambule des remontrances qui lui furent faites dès la première année de son règne, en 1461, sur la cassation de la pragmatique qu'il avait négociée avec le pape.

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« En obéissant, comme raison est, au bon plaisir du roi notre sire, qui, voulant toujours es-grandes affaires de son royaume procéder en grande et mûre délibération,

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Mais en même temps le parlement devenait le seul recours contre les injustices et les oppressions; il n'y avait plus que sa voix qui pût se faire entendre pour défendre le bon droit et la raison. En l'absence de toute autre résistance, il se trouvait chargé, sans le vouloir et sans le savoir, d'être le tuteur des intérêts de la chose publique. Louis XI, après l'avoir vu volontiers s'opposer à ses volontés apparentes, et lui servir d'excuse et de prétexte dans ses manques de foi, le trouva en d'autres circonstances ferme et sincère contre ses commandements. Les vertes réponses du procureur-général au cardinal Balue pour la pragmatique sont célèbres; les remontrances du premier président de La Vacquerie, se présentant à la tête des magistrats du parlement, et offrant de remettre leurs emplois, ont laissé un souvenir plus glorieux encore; bien qu'on ne sache pas précisément quel en fut l'objet : vraisemblablement une ordonnance sur le commerce des blés. Louis XI, tout absolu qu'il était, ne témoigna jamais nulle colère des remontrances et des refus de vérification du parlement. Rien ne portait encore le caractère politique dans cette résistance; c'étaient encore des conseillers parlant au roi dans son propre intérêt, et ne le contrariant pas dans l'ensemble de ses volontés.

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C'est ce qu'on vit bien sous le règne de Charles VIII, où ce même président de La Vacquerie, si vertueusement opposé à de mauvaises mesures d'administration, répondit au duc d'Orléans, qui voulait engager le parlement dans ses révoltes contre la régente: « Le parlement est pour rendre justice aux peuples; les finances, la » guerre, le gouvernement du roi ne sont » pas de son ressort. » Les états-généraux venaient d'être assemblés récemment en1483. A aucune époque de l'histoire de France, leur réunion n'avait présenté un tel caractère de gravité, de force et de sagesse. En présence de la représentation réelle de la nation, le parlement, qui n'était qu'un conseil et non pas un pouvoir, devait néces

sairement rester dans une sphère bornée. Ce fut là ou à peu près son rôle jusqu'à François Ier; et cependant il croissait en lumières, en considération ; il voyait autour de lui une foule d'hommes habiles, savants, éloquents. Le barreau de cette époque, dont l'illustration retentit encore jusqu'à nous, par la façon de vivre, par les alliances de famille, formait, en commun avec la magistrature, une sorte de corporation, forte de savoir, de vertus, d'opinion. Le mouvement du seizième siècle se faisait senir parmi cette élite du troisième ordre de la nation. La véritable émancipation des communes et de la bourgeoisie est de cette époque. Alors naissait la vraie liberté, celle qui amène et conserve toutes les autres : la liberté d'esprit.

D'autre part, l'autorité royale avait pris son assiette; elle avait successivement vaincu tous ses ennemis; car les obstacles qui s'étaient trouvés devant elle, avaient cu plutot un caractère d'hostilité qu'un office de sauvegarde pour le pays. L'affranchissement du peuple avait commencé sur le domaine royal, et peu à peu tout le royaume était, pour ainsi dire, devenu domaine royal. De là tout un ordre de prétentions, un ensemble de doctrines, un recueil de maximes

d'État, un droit monarchique, qui prirent corps vers ce moment, lorsque toutes les sciences commençaient à rechercher, à rédiger, à enchaîner leurs principes. Ce droit monarchique n'était autre que le pouvoir absolu ; mais en même temps ce pouvoir absolu se reconnaissait des devoirs. Il ne voulait ni gêne, ai contrôle; et pourtant il proclamait à toute occasion qu'il était chargé de maintenir l'ordre et la justice, de conserver et d'accroitre la gloire du royaume. 11 acceptait à titre d'obligations morales tout ce qu'il repoussait à titre d'obligations politiques.

Le parlement devint partie intégrante et nécessaire de cette monarchie, qui venait de se constituer progressivement. Il ne pouvait prétendre à aucun pouvoir, qui lui eût été conféré et délégué par la nation. Soust ce rapport, sa position avait quelque chose de faux, et il y avait dans sa résistance une faiblesse incurable et originelle. Mais il avait aussi ses maximes, ses doctrines, ses traditions. L'enregistrement et les remontrances étaient son arme défensive. Vainement lui objectait-on la vanité de ses prétentions, la contradiction manifeste de sa

qualité, soit de tribunal, soit de conseil, avec une participation souveraine au pouvoir législatif; il arguait puissamment de la né cessité que la royauté ne fût pas despotique en France; il demandait à rappeler aux rois ces devoirs envers le peuple que les rois reconnaissaient eux-mêmes ; il alléguait tant et tant d'occasions où les rois s'étaient mal trouvés de mépriser des conseils sages et indépendants; il citait maintes paroles solennelles par lesquelles le contrôle, la résistance, l'opposition, auraient été encouragés et loués de la bouche même des rois. Sans doute il ne parlait pas officiellement au nom de la nation, mais c'était presque toujours au nom de la justice, de la raison, de la foi promise, de l'opinion universelle. La légèreté des résolutions royales, lorsqu'elles émanaient du propre mouvement, les fautes et les malheurs où elles précipitaient la France, les folles guerres, les déprédations des courtisans, l'incapacité des ministres, les mécontentements populaires venaient d'intervalle en intervalle donner à cette voix des remontrances une puissance irrésistible.

Pendant près de trois siècles, l'autorité royale et ministérielle a sans cesse lutté contre ce rempart si faible en apparence. Les enregistrements forcés, les lits de justice, les lettres de jussion, les exils, les emprisonnements, les persécutions de toute sorte ont été employés contre les parlements, ont été donnés en réponse aux remontrances. Dans cette guerre continuelle, les succès ont été divers; jamais on n'a pu détruire l'institution, si profondes étaient ses racines dans l'esprit des peuples! En vain l'avait-on opprimée, outragée, il fallait toujours y revenir, dès qu'on voulait donner à un acte quelconque du pouvoir un caractère durable ou solennel. Louis XIV lui-même a fini par léguer ses dernières volontés au parlement, .sans espérance et presque sans prétention qu'elles fussent respectées. Enfin, dans cette constitution non écrite, si incertaine et si flottante, qui nous a régis, du seizième siècle jusqu'à nos jours, il existait pourtant une telle liaison, une relation si nécessaire entre la puissance royale et la magistrature, qu'elles ont dû périr du même coup, pour faire place à d'autres maximes, à un ordre fondé sur d'autres principes. Pour que le parlement cessât d'être l'organe de la nation, pour que les remontrances ne fussent plus la voix publique, il a fallu que la

nation vint exercer elle-même ses droits, et qu'elle déléguât des pouvoirs, au lieu de chercher sa garantie dans de simples avis, souvent dédaignés ou repoussés.

« Chose pleine de merveille, dit Pasquier, » que dès-lors que quelque ordonnance a » été publiée et vérifiée au parlement, soudain le peuple français y adhère sans » murmure, comme si telle compagnie fût » le lien qui nouât l'obéissance des sujets » avec le commandement de leur prince; qui n'est pas œuvre de petite conséquence » pour la grandeur de nos rois, lesquels, » pour cette raison, ont toujours grande» ment respecté cette compagnie, encore » que quelquefois, sur les premières ave»nues, son opinion ne soit en tout et par» tout conforme à celle des rois. »

Ce caractère général du parlement, ce résumé de son histoire se lisent pleinement dès le règne de François Ier. Alors commença la lutte politique. Elle s'ouvrit par la discussion sur le concordat; discussion vive, où l'Église de France, représentée dans le parlement par les conseillers clercs, défendit ses libertés avec courage et obstination. Puis vinrent la vénalité des offices et la suppression des élections, les conflits d'attribution avec le grand conseil, qui, à son tour, se régularisait, prenait des formes judiciaires, et, prenant la même route que jadis avait suivie le parlement se créait une juridiction; les évocations, les créations d'offices, l'extinction des siéges présidiaux. Sur tous ces points, ce fut une résistance de tous les jours contre les volontés d'un souverain jeune, hautain, tranchant, soldatesque, entouré de flatteurs, livré à un indigne ministre, le chancelier Duprat. C'est l'époque où furent sauvées nos libertés. Elles ne purent prendre une forme légale, mais elles passèrent dans les mœurs. Tous les principes pour lors débattus n'ont jamais cessé de l'être : la victoire n'a jamais été définitive ni pour le parlement ni pour la couronne ; mais il se forma une tradition, un corps de doctrine, un esprit inhérent à la magistrature, qui se perpétuèrent et formèrent contrepoids au droit monarchique absolu. Ce combat de doctrines a pu, dans la suite, prendre un caractère plus philosophique, plus grand et conséquemment plus efficace. Considéré sous le point de vue du droit positif, de l'équité et du simple bon sens, il a été soutenu au treizième siècle par des hommes aussi fermes et aussi distingués qu'à

aucun autre moment. Les magistrats dans leurs remontrances, les jurisconsultes dans leurs écrits, sont dignes de la grande époque où ils vivaient.

Heuri II fut moins actif et moins entreprenant que François Ier. Son règne peut être considéré comme le type de cette forme de gouvernement. L'action politique du parlement y fut grande et continuelle, sans être fort contestée. Le chancelier Olivier s'honora par la sagesse avec laquelle il sut conduire les relations de l'autorité royale et de la magistrature: celle-ci croissait chaque jour en importance, et prenait un aspect plus aristocratique, d'une aristocratie bourgeoise, humble et ferme à la fois, considérable par le savoir et l'habileté aux affaires. Les remontrances furent presque aussi fréquentes que sous le dernier règne; mais ce n'était rien d'extraordinaire il semblait que ce fût la forme régulière et accoutumée pour la délibération des lois, des ordonnances et des impôts. Presque toujours le roi les prit en bonne part. Il n'eut point envers la justice la tranchante brutalité de son père, et céda souvent sans que son autorité y perdit rien. Parmi ces remontrances, il y en a de bien belles de 1555, portées au roi par Pierre Séguier et Adrien du Drac. Il s'agissait de soustraire aux tribunaux civils la connaissance des causes d'hérésie. Ce n'était pas moins que l'établissement de l'inquisition. La résistance fut invincible et efficace : c'est un des titres d'honneur du parlement.

magistrature, cette garantie des libertés
publiques, fut le principal obstacle que
rencontra ce grand homme de bien. Outre
l'esprit de parti et l'influence des Guise, on
put dès-lors démêler dans la corporation
judiciaire un caractère qui s'y est laissé
apercevoir souvent, l'éloignement des ré-
formes et des innovations, même lorsqu'el-
les sont utiles. En cela, le parlement se
ressentait du défaut de son origine. N'étant
point délégué de la nation, n'ayant pas mis-
sion de la représenter, n'émanant pas de
l'opinion, il savait conserver, ce qui est une
garantie; mais il n'améliorait pas, ce qui
est aussi un besoin de la société. Non-seule-
ment les édits de pacification, mais les
ordonnances d'Orléans et de Moulins, dic-
tées par un esprit si sage et si éclairé, furent
repoussées par la magistrature; et le chan-
celier L'Hospital fut, chose bizarre, un des
ministres qui sacrifia le plus les attributions
du parlement à la prérogative royale. Il mit
à exécution des ordonnances non publiées et
enregistrées, et voulut même ériger en règle
fondamentale ces actes de pouvoir absolu.
L'ordonnance de Moulins porta : « Nonob-
»stant les remontrances faites et réservécs
» à faire......., nonobstant aussi que nos
» édits et ordonnances n'aient été publiés
» en aucune desdites cours....... sinon qu'ils
» avisassent nous faire quelques remontran-`
»ces, auquel cas leur enjoignons de les faire

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incontinent; et après que sur icelles re» montrances, leur aurons fait entendre »> notre volonté, voulons et ordonnons être passé outre à la publication. » La chose n'en demeura pas moins indécise; et les droits réciproques du roi et du parlement furent, dans tout l'avenir, comme dans le passé, livrés au hasard des circonstances. qui faisaient prévaloir, en fait, les uns ou les autres. Sur la fin de sa vie, le chancelier L'Hospital se sentit la conscience fort chargée d'avoir obstinément soutenu un si pernicieux édit, et il estima que c'était une des choses en quoi il avait le plus offensé le public.

Cet esprit, non point de tolérance (ce serait en donner une fausse idée), mais d'équité, de raison, de douceur, persista dans le parlement, à travers pourtant de cruelles et rigoureuses poursuites, jusqu'au moment où les Guise s'emparèrent du pouvoir et se firent les instruments de la cour de Rome. Ce fut alors, en 1559, que se passa celte triste séance royale, où le roi fit saisir Anne Dubourg et les conseillers qui avaient parlé contre la persécution des protestants. Bientôt après le supplice d'Anne Dubourg, et quand les Guise furent encore plus les Le rôle du parlement dans les guerres maitres du royaume, sous François II, le civiles est assez connu. Parmi le désordre et parlement, intimidé et recruté de leurs créa la violence, il ne pouvait avoir une action tures, passa sous leur joug. De sorte que, régulière; son office de modérateur, de lorsque le chancelier L'Hospital voulut pa- grand retenail de la monarchie, comme cifier le royaume, et faire accorder aux l'appelle un contemporain, n'avait pas à protestants la liberté de conscience, il s'exercer au milieu des séditions et des trouva résistance dans le parlement. La guerres; mais on retrouve son esprit de

Tome 19.

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prudence, ce besoin de justice, ce respect du droit, cette habitude de formalités, qui lui donnaient une autorité morale, un pouvoir de tradition, que chaque parti voulait tirer à soi pour se donner une apparence légale. Ce qui est surtout à admirer dans ces hommes de justice, c'est un invariable sentiment patriotique, un éloignement fidèle pour toutes les intrigues étrangères, tandis que chaque faction avait recours à des alliances du dehors. Les Miron, les Harlai, les » Marillac, les Pibrac, les Faye, ces martyrs de l'État, ont plus dissipé de factions par leurs bonnes et saintes maximes, que » lor de l'Espagne n'en a fait naître. » Ainsi parle le cardinal de Retz. Le parlement a pu être divisé; une part à Tours avec le roi, une autre part restée à Paris; le même esprit régna cependant dans ces deux fractions. Les uns ont eu plus de courage et de dévouement; les autres plus de ménagements et de politique ; mais aucun ferment de discorde ne s'introduisit dans cette vaste corporation.

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Sous Henri.IV, on voit de nouveau, avec la différence des personnes et des circons tances, cette allure de gouvernement, qui a été remarquée sous Henri II. Le parlement redevint un conseil royal, qui délibérait sur les lois après qu'elles étaient rendues; et se voyait ainsi contraint de donner aux plus humbles avis la forme d'une résistance déclarée. « Mais, dit encore le cardinal » de Retz, Henri IV, qui ne se méfiait pas » des lois, parce qu'il se fiait en lui-même, » marqua combien il les estimait, par les égards qu'il eut pour les remontrances. » Il eut pourtant à forcer des enregistrements; il tint des lits de justice, et le parlement le gêna plus d'une fois dans les affaires de finance. En effet, un tel conseil était évidemment mal piacé pour bien apprécier les nécessités du gouvernement et les difficultés d'administration. En cela, comme en toutes choses, cette bizarre constitution pouvait empêcher le mal, et non pas faire le bien. Henri IV s'en tira avec son bon sens et sa dextérité accoutumée. Il ne brisa rien; et chaque fois qu'il fit acte d'autorité, il avait pour lui la voix publique et la raison. L'édit de Nantes trouva d'abord quelque résistance, et fut corrigé sur plusieurs points, en conservant le vice fondamental d'instituer un État dans l'État, plutôt que de reconnaitre la liberté de religion Mais tel n'était pas

l'esprit du temps. Le rappel des Jésuites fut aussi un objet de remontrances.

Le désordre revint avec la régence de Marie de Médicis. Alors commença pour le parlement une époque nouvelle; alors les remontrances prirent un autre caractère. Le respect pour l'autorité royale continua à être grand, les paroles eurent encore un ton humble et soumis, mais tout avait pris plus de retentissement et de publicité. Une opinion forte et déjà assez bruyante, enfin, pour appeler les choses par leur nom, le peuple adoptait les paroles du parlement, qui devenaient ainsi autre chose que les avis d'un conseil. Lorsque les États de 1614 curent été inutilement convoqués, le parlement sembla se porter pour délégué de la chambre du tiers-état, et suivit le mouvement qu'elle avait imprimé. L'indépendance de la couronne fut défendue contre les prétentions ultramontaines, malgré le gouvernement aveuglé et asservi; des édits bursaux furent repoussés. Enfin, poussé et appuyé par le parti du duc de Bouillon et du prince de Condé, le parlement en vint, non plus à faire des remontrances sur tel ou tel édit à enregistrer, mais sur tout le mauvais gonvernement du royaume; c'était sous le ministère du maréchal d'Ancre. Ce furent les premières remont:ances livrées au public par la voie de l'impression. Une reine justement décriée, un favori étranger et détesté de la nation, des conseillers méprisés, la dissipation des finances, l'absence de toute règle, une autorité despotique exercée avec sottise et légèreté; tout cela donnait une grande force au parlement. Mais il était dans sa situation et dans son caractère essentiel de ne jamais pousser les choses à l'extrême. Quelque raisonnables que pussent être ses actes, il avait la conscience de ne pas être un pouvoir; tout finissait par des transactions et des moyens termes. C'est, du reste, un beau moment pour la magistrature; c'est peut-être alors qu'elle pouvait mériter cet éloge : « Il semblait que toule » la force et vertu de France se fût recueil» lie au cœur de cette compagnie. » Les remontrances du premier président Verdan et de l'avocat-général Servin restent comme de nobles modèles de fermeté, de raison et de cette liberté française, comme ils le disaient eux-mêmes. On parle souvent de lord Chatam et de ses dernières paroles au parlement d'Angleterre, nous devrions ne pas

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