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roi; la petite aristocratie, aux caprices des ministres. Les princes n'y gagnèrent rien; Louis XIII vécut sous la tutelle de Richelieu, lui sacrifiant sa mère, sa femme, son frère, ses favoris, et l'État tout entier. La jeunesse de Louis XIV est troublée par les guerres civiles, et sa vieillesse et asservie à l'hypocrisie de la veuve Scarron, et à l'astuce du jésuite Le Tellier. Le cardinal Dubois salit la régence; le sceptre de Louis XV tombe de Fleury à Maurepas, et de madame de Pompadour à la Dubarry. C'est pour ce pouvoir absolu, exploité par des intrigants et des imbécilles, des jésuites et des catins, qu'on a placé la France face à face de 1793.

Le peuple ne pouvant rien par sa volonté, dut nécessairement en appeler à la force. La catastrophe était prévue; Louis XV avait écrit à madame de Choiseul : « Je lègue une » révolution à mon successeur. » Un grand seigneur consultait Jean-Jacques sur le pays où il convenait de se retirer à l'approche des calamités qui menaçaient la France, et la réponse de Rousseau nous reste encore. Tous les philosophes, les publicistes, les historiens, tout homme habitué à méditer sur les maladies du corps social, avaient prophétisé la révolution.

Elle se lève enfin. L'histoire dira les obstacles, les ruses, les violences qui, voulant arrêter sa marche, irritèrent ses fureurs; elle ne pourra se taire de ce luxe de représailles, de ce superflu d'oppression, de ce faste de crimes, dont elle ne put ni se rassasier ni se lasser. La politique n'en saurait apprécier que les résultats, et voici les conquêtes qui jaillirent de ses calamités, de 1789 à 1830.

Elle prit une population de vingt-quatre millions d'hommes; elle en a laissé trentedeux : elle trouva un territoire évalué 16 mil liards; la France de 1830 en vaut 28. La production, la circulation, la consommation ont doublé; l'agriculture, l'industrie, le commerce ont fait d'immenses progrès; ses 200,000,000 d'impôts sont portés à milliard; et le pays qui fit une révolution pour 60,000,000 de déficit, a contracté 7 milliards d'emprunts. La restauration s'est opérée par la force étrangère, et l'étranger a repris tout ce que la victoire lui avait enlevé. Si elle sc fût accomplie par la volonté de la France, la restauration eût conservé toutes les conquêtes utiles de la république et de l'empire.

L'humanité lui doit l'abolition de ces tortures qui transformaient les juges en bourreaux, de ces commissions prévôtales qui transformaient les bourreaux en juges. Les peines furent proportionnées aux délits, et la justice ne fit plus horreur à la pitié. Elle fit disparaitre les lettres de cachet, les vœux monastiques, le préjugé des peines infamantes. La tolérance lui doit la liberté des cultes, l'état politique des protestants,`l'état civil des juifs. La morale la vit prohiber l'infâme violation du secret des lettres. La justice lui doit la proscription des procédures secrètes, la défense des accusés, l'appui de la publicité, l'égalité des peines, et cette belle institution du jury, sans laquelle il ne peut exister de justice criminelle. La liberté politique lui doit la périodicité des assemblées législatives, l'établissement du gouvernement représentatif, le droit de pétition, l'intervention de l'opinion publique, la liberté de la presse, la liberté civile, l'égalité devant la loi, l'égale admissibilité aux emplois, la destruction de la noblesse par la pairie, de son influence par le système électoral, l'anéantissement du sacerdoce comme corps politique, et des corps religieux comme milice papale. L'ordre public lui doit l'admirable organisation de la garde nationale, l'égalité de la conscription, les municipalités que l'empire engloutit et que la restauration ne nous a pas rendues. L'agriculture lui doit l'abolition des dimes, des droits féodaux, des biens de main-morte, la diminution des fêtes, la suppression des capitaineries, le droit de chasse, l'égale répartition des impôts, la division des propriétés, l'introduction de nouvelles cultures, de nouvelles races de bestiaux, un meilleur assolement. L'industrie lui doit la suppression des maîtrises et jurandes, des douanes intérieures; l'application des sciences aux arts; des routes, des canaux; un meilleur système de postes, de circulation; une consommation plus grande; cette liberté qui vaut mieux que la protection; cette émulation qui nait d'une libre concurrence; cette sécurité politique qui permet aux entreprises de se former sans obstacle, et de se développer sans crainte; des marchés, des débouchés nouveaux, des capitaux inattendus, des bourses, des banques, des toutines, des compagnies d'assurances, et ce crédit privé d'où est sorti le crédit public.

L'administration publique sembla renaître

lorsque le peuple fut appelé à voter l'impôt, et que la nouvelle division du territoire permit aux citoyens d'élire des magistrats de commune et de département, protecteurs de leurs droits, économes de leur argent. La liberté politique fut garantie par la constitution représentative; la liberté civile, par le jury; les propriétés et les droits civils des personnes, par un admirable code préférable à toutes les lois contemporaines. Le peuple influant sur sa propre destinée par la représentation, par l'opinion, par la presse, par sa haute civilisation: voilà tout ce qu'a fait la France, débarrassée pour quelques instants du poids politique de la noblesse et du clergé.

Les contemporains ont souffert des crimes. Nous qui sommes la postérité, nous jouissons des bienfaits. Laissons l'intérêt personnel, la sottise, la vanité, déclamer contre ces grandes catastrophes. On nous permet d'admirer Timoléon, les deux Brutus, Tell, Barnevelt, Washington ; et l'on n'a pas assez d'injures contre la rénovation française. Les révolutionnaires qui, l'heure étant sonnée, poussent aux révolutions sont de grands citoyens; les révolutionnaires qui poussent aux excès, sont de grands scélérats; les révolutionnaires qui veulent jouir en paix de la liberté conquise, sont des gens de bien. Sous ce rapport, toute la France est révolutionnaire. Que nous font les crimes de 1793, et qu'y a-t-il de commun entre eux et nous? La terreur est-elle la révolution? et ce consulat que nous avons voulu, en quoi ressemble-t-il à cet empire despotique dont nous ne voulions pas? Ce que la France a voulu, ce qu'elle veut, ce qu'elle voudra sans cesse, ce sont les grands principes de 1789, les principes que nos grands citoyens, nos grands orateurs, nos grands écrivains, ont constamment revendiqués ; que l'urne électorale, la tribune, l'opinion revendiqueront à jamais; dont les Bourbons ont reconnu la sainte nécessité, qu'ils ont sanctionnés par la charte, qu'ils ont jurés aux autels de Reims.

Mais ces révolutions, sous quelque point de vue qu'on les envisage, ne sont pas l'affaire d'un jour : les siècles y suffisent à peine. De Constantin à Luther, l'hérésie menace Rome; de Louis-le-Débonnaire à Louis le-Gros, la féodalité menace la royauté; de Louis-le Gros à Richelieu, la monarchie menace la féodalité; de Louis X à Louis XVI, la liberté menace la monarchie. Le génie ré

volutionnaire plane perpétuellement sur le genre humain. Cela doit être ; l'homme est perfectible et mobile; les institutions sont complètes et permanentes ainsi l'homme et la loi se trouvent dans un éternel désaccord. La sagesse exige donc qu'on modifie les institutions, pour les mettre constamment en harmonie avec les progrès de la civilisation. Si les peupies semblent alors ne pas éprouver de révolution, c'est que le souverain est assez prévoyant pour établir une révolution insensible et perpétuelle ; et comme les changements ne s'opèrent point par des secouses et des violences, l'État qui change lentement et sans cesse, a l'air de ne pas changer. Le grand caractère des gouvernements représentatifs est cette mobilité législative qui perpétue une prudente sympathie entre les hommes et les choses; aussi les révolutions n'y peuvent naitre, que si le pouvoir monarchique refuse à la volonté nationale les lois harmoniques à l'époque; car la puissance ne saurait sans péril s'opposer à la nécessité.

Dans le despotisme, l'autocrate est la loi vivante. Renverser le despote est Funique objet des révolutions. Blesse-t-il l'armée ? Janissaires, strélitz, prétoriens se soulèvent. Blesse-t-il le peuple? La nation se révolte. Blesse-t-il la cour? Une révolution de ruse remplace les révolutions de force. Les conspirations remplacent les rébellions; et ce qu'une émeute ne peut faire, un poignard, le poisou l'accomplit. Les révolutions populaires naissent d'un besoin général; les haines privées font les révolutions de cour. Leur succès dépend du mystère, et un long temps ne doit pas séparer la pensée qui les conçoit de la main qui les exécute. Partout où s'introduisent les formes orientales d'asservissement, se retrouvent ces moyens mystérieux d'en finir avec ies terrreurs qu'il fait naître.

Les conspirations populaires sont une réunion secrète de citoyens courageux traçant, à leurs propres périls, le plan de campagne de la liberté. Les conspirations de cour sont la préméditation d'un assassinat. C'est un crime; ce n'est qu'un crime. Quelques-uns frappent d'étonnement par les périls qu'on a courus, le mystère dont on s'est entouré, l'audace qu'on a déployée. Cartouche aussi nous étonne par sa ruse, Mandrin par sa témérité. Jacques Clément consacré par la prière, divinisé par le pape; Ravaillac fanatisé par les jésuites, sont des assassins. Les

grands seigneurs qui massacrèrent l'empereur Paul dans son lit, Gustave dans un bal, sont des Clément et des Ravaillac.

Mais ces conspirations, nées de l'intérêt public, source de la liberté des peuples, prennent, par leur objet même, tous les caractères des grandes actions. Timoléon et Brutus conspirent pour le bonheur du monde; et leurs complots, avant-coureurs des révolutions, font disparaitre le crime sous l'effort de la vertu. Ainsi les derniers Romains conspirent pour retremper la liberté du monde dans le sang de César; ainsi les premiers Suisses jurent le meurtre de Gesler et l'in dépendance de l'Helvétie; les Portugais conspirent pour briser le joug de l'Espagne; le parlement anglais, pour expulser le despotisme des Stuarts. Russel dans les fers, Pa dilla sur l'échafaud, Riego dans les tortures, tous les apôtres de la liberté, tous les martyrs de la tyrannie, manquèrent de bonheur et non pas de vertu.

Les séditions, les émeutes sont hors du cercle des révolutions. Ces troubles' passagers ont pour cause une insulte grave faite par les dépositaires de l'autorité aux moeurs, aux coutumes publiques. Quelquefois le besoin les suscite. Sous un gouvernement qui veut tout faire et qui ne souffre pas que les autres fassent, la disette des denrées de première nécessité pousse toujours aux émeutes: c'est une manière de lui demander compte de son impéritie. Le pouvoir répond par la violence aux cris du désespoir les gendarmes, les cours prévôtales et le bourreau vengent l'autorité de la terreur que la sédition lui cause; et elle croit déguiser son imprévoyance par sa cruauté. Habituellement les troubles éphémères, excités, soudoyés par des courtisans, ont pour objet d'effrayer le prince, d'obtenir le renvoi de quelque ministre ou l'élévation de quelque intrigant. La Fronde est le type de ces soulèvements, toujours ridicules dans leur cause et grotesques par leurs détails. Quelquefois aussi le pouvoir s'amuse à s'effrayer lui-même, ou plutôt les ministres, pour accroître leur influence, cherchent à épouvanter les rois. Le métier permanent d'un ministre de la police est de faire conspirer et de soulever quelques fripons, qui séduisent quelques imbécilles, afin de faire croire à la nécessité de son ministère. Un premier ministre ne manque jamais d'agents provocateurs, qui troublent le pays pour raffermir son crédit qui chancelle. Le mépris seul ferait justice

de ces drames stupides, si l'échafaud n'en formait le dénouement.

Les révoltes sont des révolutions avortées. Les peuples qui s'approchent de ces terribles catastrophes, trouvent toujours des citoyens impatients d'en finir avec la tyrannie, qui ne veulent pas attendre que les masses soient saturées de malaise. Il choisissent presque toujours de fàchenses conjonctures, qui multiplient les transfuges et les traitres. Les révoltes sont de funestes symptômes : le pays où elles éclatent, où les forces populaires se mettent en mouvement, où elles réclament une liberté qui manque, des garanties pour des immunités qu'on menace, ce pays est au bord de l'abime. La révolte ressemble si bien à la révolution, qu'on prend souvent l'une pour l'autre. Au 14 juillet 1789: « c'est une révolte, dit Louis XVI; " -(( « c'est une révolution, lui répondit le duc de Larochefoucauld. » Si la révolte triomphe, comme à Cadix, c'est un malheur : la nation qui n'est pas mûre, abandonne bientôt les vainqueurs dont elle ne conçoit ni le courage ni les projets. Si la révolte est vaincue, comme sous Charles Ier, c'est un malheur encore : le pouvoir triomphant, assuré de sa force, s'endort dans une meurtrière sécurité, et la révolution, qui suit la révolte, le prend au dépourvu.

L'hostilité contre la personne des princes est une révolution orientale; un despote succède à un autre, et le despotisme va toujours son train. L'hostilité qui associe les destinées du peuple au sort qu'on piépare au chef de l'État, obtient une illustration indépendante du succès. Des deux Brutus l'un seul fut heureux; tous les deux sont également célèbres.

Nées d'une longue oppression, les révolutions sont toujours injustement appréciées par les contemporains. Soit qu'elles partent de l'anarchie pour arriver à la sécurité du gouvernement monarchique, soit qu'elles partent de la tyrannie pour arriver à la liberté des états républicains, elles brisent tant d'intérêts, de droits, de positions, d'espérances, que les adversaires ne leur manquent jamais. Ceux qu'elles frappent, calomnient jusqu'à leurs vertus ; ceux qu'elles favorisent, déifient jusqu'à leurs crimes. Dans cette lutte d'une société qui tombe contre une société qui s'élève, la haine des uns, la crainte des autres, l'exagération de tous, ne rcculent devant aucun excès ; et la

fureur des vengeances est toujours balancée parla cruauté des représailles. Comme, des deux côtés, l'injustice se revêt des apparences de la nécessité, tout paraît juste, et le crime réel a son équité factice. On vit les républicains noyer à Nantes, mitrailler à Lyon; on vit les royalistes, brigands, chauffeurs et voleurs. Le salut public, voile sanglant de tous les attentats, est le prétexte de ces horreurs qui ne sauraient avoir d'excuse. Ces crimes qui ont déshonoré la monarchie, flétri la liberté, ont toujours été sans resultat, sans influence. Ils prouvent seulement la férocité de l'esprit de parti. La révolution fut assurée par la liberté, la restauration par la charte; les fureurs ne leur firent que des ennemis.

C'est surtout dans les révolutions religieuses que l'homme parvient à un degré d'atrocité dont les troubles civils n'ont pas d'exemple. Frapper le coupable est, pour la justice des hommes, une cruelle nécessité de l'état social: frapper l'infidèle est, pour la piété des prêtres, un sacrifice sacré de l'état religieux. Saintement homicides, ils ensanglantent le chemin du ciel pour y monter avec plus de gloire. Ce que les hommes appellent esprit, fureur, crimes de parti, les prêtres le nomment foi, zèle, enthousiasme divin. Une populace abrutie se groupe seule autour des échafauds de la Grève. Le pontife traîne à sa suite les rois, le clergé, les magistrats, autour des bûchers de l'inquisition. La pitié n'ose avoir des larmes, et le cœur cesse d'être humain pour paraître religieux. Un dévot n'est plus un homme; et les mœurs lâchement cruelles de la plus vile populace viennent empester les classes les plus élevées d'une sainte corruption et d'une férocité sacrée. Lorsque la superstition est bien établie sur une large base et sur d'antiques traditions, lorsque le fanatisme la travaille avec ardeur et l'exalte avec adresse, il n'est point d'attentats dont elle soit effrayée. Elle commet le crime en cxpiation du crime: plus elle a de fureur, plus elle se croit de zèle ; et son aveugle bonne foi pense s'ouvrir les cieux par des forfaits qui feraient frémir les enfers. Elle multiplie les supplices, elle invente les tortures, elle sanctifie l'espionnage, la délation, le pillage, le meurtre; et si le remords pénètre dans la conscience que Dieu lui donna, elle trouve les allégresses de l'Église et les joies du paradis dans la conscience que le sacerdoce lui a faite.

Mais le plus grave inconvénient des révolutions nait des sectes diverses qui divisent le même parti. L'une a besoin de culbuter l'autre, pour remplir le premier plan; et comme toutes convoitent la première place, les amis deviennent adversaires, et de là naissent les périls et les excès de chaque parti. Le concert eût conjuré l'orage; la division suscite la tempête. En 1788, la France paraissait au moment d'une révolution toute pacifique : les cahiers des assemblées des notables demandaient moins que la charte ne nous a donné. Un ministère habile eût sauvé le trône et l'État. En 1789, le tiers-état de l'Assemblée constituante veut une constitu tion; le peuple du 14 juillet, une révolution ; la populace du 6 octobre, l'anarchie. La noblesse de cour voulait gouverner par le ministère; la noblesse de province, par les états; la noblesse du parlement, par des arrêts ; et les bourgeois acquéreurs de fiefs, les bourgeois acquéreurs de places, les anoblis de la veille, les anoblis du jour; des ducs, des comtes, des marquis, des baróns, sans duchés, sans comtés, sans marquisats, sans baronies, sans autorité politique, moqués par le théâtre, le contes, les romans, dépassés à leur insu par l'opinion publique, n'osaient dire ce qu'ils voulaient et ne savaient ce qu'ils devaient vouloir. L'épiscopat, les curés, les abbés et les moines offraient une divergence pareille et une semblable hostilité. Chacun avait son plan : qui voulait maintenir le roi contre la révolution; qui, le sauver par la révolution; qui voulait agir par la loyantė; qui, par la force; qui, parla russe. Les royalistes de la cour, ceux de l'assemblée, ceux des provinces se proposaient un but différent. Le roi avait ses appréhensions, la reine ses répugnances; ce que voulait Bouillé, Breteuil le rejetait. Au-deçà du Rhin, les ċmigrés, qu'un malheur commun ne put réunir, jouaient à une loterie politique, dont le tirage devait se faire à Paris : qui plaçait sur Breteuil; qui, sur Calonne; qui, sur le roi; qui, sur la reine; qui, sur Monsieur; qui, sur le comte d'Artois; qui, sur le prince de Condé. Qu'arriva-t-il ? Robespierre, à la tête du peuple du 6 octobre, terrassa le peuple du 14 juillet, et celui de l'assemblée constituante, et celui-là même qui formait la nation. Les royalistes de l'assemblée constituante triomphent de ceux du parlement, et de ceux de la cour, et de ceux des provinces. Ils sont vaincus à leur tour par les royalistes de Condé, qui succombent outre

Rhin devant ceux de Breteuil, qui succom- de Charles Ier. On se figure que la liberté bent devant les Vendéens, qui succombent demande un échafaud pour trône et pour eux-mêmes devant les chouans et les chauf- sceptre un poignard. Je ne sais quelle ter feurs, dépassés à leur tour par la machine reur inspire le titre de révolutionnaire; infernale. Le même arriva en 1815: la France mais il est des époques où les révolutions fut asservie par la chambre; la chambre, sont nécessaires, quoi qu'on dise, et inévipar les Brassard, les Verdet, les compa- tables, quoi qu'on fasse. Si les gens de bien gnies secrètes, les comités secrets, les jé- se réunissaient pour les opérer avec sagesse suites, les Trestalion, les Trufémi, les mi- et lenteur, elles s'accompliraient sans déssérables qui voulaient des crimes, et ceux ordre et sans trouble. Mais, en face de ces qui poussaient aux crimes, et ceux qui exé- terribles cataclismes, la prévoyance s'aveucutaient les crimes. Le premier succès est gle, le courage se glace, et les plus honnêtoujours à l'exagération. La modération ne tes gens espèrent qu'une modération passive triomphe qu'avec la raison et le temps. C'est abritera leurs destinées contre les tempêtes. quand la lie se précipite, quand l'écume s'é- Bientôt les ambitieux s'emparent du mou vapore, que le fleuve reprend sa limpidité. vement social, les intrigants fanatisent les Le désordre cesse, quand les intrigants masses, les masses se soulèvent, le trouble disparaissent, et que les factieux sont con- commence, les haines éclatent, le sang tenus. coule, et tout est englouti. PAGÈS. RÉVOLUTIONS DU GLOBE. Voyez ANIMAUX FOSSILES FOSSILES, TERRE et VOLCAN.

Les révolutions libres de crimes, imposantes par leur autorité, s'accomplissent toujours par les sommités sociales; et l'ordre n'est point troublé, parce qu'elles n'appellent point à leur. aide les masses intéressées au désordre. Le sénat chasse les Tarquins; Rome obtient les lois sacrées; le parlement expulse les Stuarts, et tout est consommé. Mais si l'on sort du cercle des intérêts, des besoins, des principes, pour mettre les pas sions en présence, ne voyez-vous pas aussitôt puritains, presbytériens, anglicans, catholiques, jésuites, cavaliers, têtes rondes, les communes qui veulent envahir le pouvoir, les pairs qui le convoitent, l'armée qui le réclame, Cromwell qui l'usurpe, et la guerre civile, ensanglantant l'arène, où toutes les haines déchainées luttent avec fureur? Combien fut plus imposante la révolution américaine ! L'Union avait besoin d'indépendance; elle proclama la liberté l'Amérique tira l'épée, et fut libre.

Le pouvoir mésuse de la terreur qu'inspirent les révolutions. I marche en paix vers le despotisme, assuré que les possidenti n'oseront jamais susciter le désordre. Les riccos hombres n'aiment pas que le sol trem ble, et craignent de l'ébranler; ils courbent la tète et portent le joug. Qu'arrive-t-il ? Les masses se réunissent; la révolution se lève; et ceux-là sont les premiers martyrs qui refusèrent d'être les premiers apótres. S'ils eussent préparé la catastrophe sociale, ils l'auraient maitrisée, ils en eussent été les chefs. Elle s'opère sans eux; ils en sont les victimes. Les révolutions modernes sont dominées par les ombres de Louis XVI et Tome 19.

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et

REWBELL (JEAN-BAPTSTE), l'un des membres du directoire exécutif de France, né à Colmar en 1746, était batonnier de l'ordre des avocats d'Alsace lors de la convocation des états-généraux. Député à cette assemblée par le tiers-état de sa province, il s'y montra, dès son début, l'un des plus chauds partisans de la révolution, prit part à toutes les délibérations qui attaquaient la monarchie, provoqua la spoliation des princes étrangers possessionnés en Alsace, poursuivit les nobles et les prêtres, et fut l'un de ceux qui sollicitèrent avec le plus d'ardeur une loi contre l'émigration. Nommé après la session procureur-syndic dans le département du Haut-Rhin, Rewbell fut ensuite député à la convention nationale, y devint l'un des accusateurs de Louis XVI; mais ayant été envoyé à Mayence, peu avant l'époque du jugement, il ne coopéra au vote de mort que par son adhésion. Quels que fussent les principes politiques de Rewbell, il recula cependant devant le règne de la terreur, et se tint à l'écart pendant presque toute la durée de cette funeste époque; mais s'il désapprouva les crimes de Robespierre, il ne fut pas non plus au nombre des hommes courageux qui osèrent l'attaquer, et ne se prononça hautement contre les jacobins qu'après la journée du 9 thermidor Devenu membre du comité de sûreté générale, bientôt après président de la convention, Rewbell fit successivement partie du comité de salut public et du conseil des

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