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Platon, et enfin Démosthènes, qui réalisa l'idée que Socrate s'était faite du véritable orateur. Toutefois, n'oublions pas un argument précieux. Au rapport de Plutarque, les cahiers d'Isocrate furent d'un grand secours à ce même Démosthènes ; on sait d'ailleurs que le premier des orateurs d'Athènes, et du monde peut-être, eut pour premier maître un disciple d'Isocrate et de Lysias, le véhément Isée, qui tenait comme eux école de rhétorique, et qui contribua beaucoup au talent de son illustre élève. Je dois encore remarquer que, par deux effets, l'un favorable et l'autre contraire à l'opinion de Socrate, l'éloquence chez Eschine fut en quelque sorte le produit d'une illumination soudaine, tandis que Démosthènes dut sa suprématie de la tribune, au génie, à l'enseignement et au travail le plus opiniâtre. Nouvelle contradiction entre ces deux rivaux : tandis que Démosthènes, né avec un génie sublime, mais disciple de l'art des rhéteurs, s'élevant au-dessus d'eux et de tous les orateurs de son temps, devenait pour son siècle et pour la postérité, le modèle vivant de l'éloquence; Eschine, élève de la seule nature, et assez richement doué par elle pour disputer quelquefois la palme à son rival, allait fonder à Rhodes une école à l'instar de celle de Gorgias et d'Isocrate. Au reste, la rhétorique ou l'ensei gnement de l'éloquence était tellement du goût des Grecs, qu'une rhétorique sortit des mains d'Aristote, l'un des auditeurs les plus assidus de Socrate, qui regardait la rhétorique comme une brillante et dangereuse inutilité. Avouons-le sans détour, l'exemple de Démosthènes était un enseignement plus puissant que l'ouvrage du philosophe de Stagyre. Si Démosthènes n'a point, comme d'autres grands hommes, enfanté son art en même temps que les ouvrages qui sont les merveilles de cet art, il a donné dans ces mêmes ouvrages le plus parfait des traités d'éloquence. Au lieu de faire une rhétorique, Aristote aurait dû nous dire pour toute leçon: Méditez, comprenez, sentez Démosthènes, remplissez-vous de sa substance; l'art est là tout entier, et professé par un maître sublime qui ne pensa jamais à donner des préceptes.

Heureux Cicéron lui-même si, nourri comme il l'était à l'école de la philosophie, il eût moins consulté les rhéteurs célèbres de son temps pour ne vivre, par la pensée, qu'avec les vrais orateurs d'Athènes, et

surtout dans le commerce intime du grand Démosthènes; mais il n'en fut pas ainsi. Aristote, qu'il ne faut pas confondre toutefois avec les sophistes et les rhéteurs à gages, ouvrit à Cicéron l'arsenal de tous les moyens de persuader; et trop souvent Cicéron puisa dans cette source, au lieu de puiser dans son propre génic au dans sa conviction; le même maitre l'asservissait à l'exacte symétrie des divisions oratoires, que l'orateur athénien rejeta souvent comme d'inutiles entraves; Carnéade le mettait dans la confidence des procédés des sophistes, et le trop docile disciple ne rougit pas de recommander l'usage de ces procédés. Molon de Rhodes et d'autres orateurs asiatiques, trop curieux de la pompe, des ornements et de l'harmonie du style, contribuèrent à donner à celui de Cicéron cette excessive magnificence, cette parure et cette mollesse qui l'appauvrissent. C'est à cette école surtout qu'il a contracté ce luxe de paroles qui surcharge ses pensées, et cet amour de ces longues périodes sonores et cadencées qu'il se plaît à dérouler comme un orateur qui s'écoute parler, au lieu de suivre les inspirations de son beau génie, et de se laisser entraîner au torrent de son éloquence naturelle. C'est à force d'art, à force de rhetorique, que Cicéron s'est fait moins grand que Démosthènes. Cette vérité jaillit souvent de ses discours; elle éclate bien plus encore dans ses traités sur l'éloquence, où nous le voyons tour à tour s'élever jusqu'au ciel et raser humblement la terre, poser d'une main sûre les préceptes éternels du premier des arts à ses yeux, et descendre au plus minutieux calculs de ses rhéteurs favoris qui comptaient en quelque sorte la valeur de chaque syllabe dans la période oratoire. De là encore viennent les traces de cette subtilité grecque qu'il n'a pu s'empêcher de prêter aux plus graves personnages de Rome. Le Cicéron imitateur des sophistes et des rhéteurs est-il donc le même homme qui lançait des foudres du haut de la tribune, et qui, surpassant quelquefois Démosthènes, nous donna plus encore que son maître le modèle de la perfection dans l'éloquence par l'union du génie avec un art digne de lui

servir de modérateur?

Après Cicéron, comme après Démosthènes, l'éloquence disparaît avec la liberté, dont elle est l'ame. La rhétorique, qui ne fait pas ombrage aux tyrans, veut en vain rappeler l'éloquence par la voix de Quinti

lien, de Tacite et de Longin; elle ne peut produire que des avocats diserts, des sophistes qui, dans l'absence de tout intérêt sérieux, cherchent à suppléer par le raffinement ou les exagérations du langage aux grandes occasions, aux nobles sentiments qui leur manquent. Les Gorgias reviennent pour parodier le talent de la parole. Cependant le monde romain est bouleversé par les Barbares; du milieu de ses ruines, le christianisme suscite des orateurs qu'une foi ardente, une charité immense et un courage héroïque embrasent des plus sublimes inspirations. Ces tribuns de l'humanité, qui seuls pouvaient alors défendre ses droits, indignement foulés aux pieds par des maitres stupides et féroces, avaient à remplir une mission plus haute que celle de Démosthènes et de Cicéron; ils combattaient pour tous les peuples, et devaient surpasser les défenseurs d'Athènes et de Rome. Malheureusement la pernicieuse influence des nouveaux rhéteurs, cent fois moins habiles que les premiers, n'avait pas péri dans la chute universelle des sociétés ; les apòtres du christianisme subirent à leur tour la contagion des exemples, dont Cicéron lui-même n'avait pu se garantir. C'est ainsi que, mêlant au langage austère et simple de l'Évangile, aux accents d'une émotion naïve et profonde, aux transports d'un enthousiasme presque surnaturel, la pompe, l'affectation, la subtilité de l'école des rhéteurs, ils ont presque étouffé sous les faux ornements la force et la vérité de leur divine éloquence. Saint Grégoire de Nazianze, et plus encore saint Ambroise et saint Augustin, sont des exemples frappants de cette déplorable influence, à laquelle ne purent échapper saint Bazile et saint Jean Chrysostôme, malgré la supériorité de leurs lumières. Si les pères de l'Église, au lieu de s'exagérer le mérite de leurs maitres Libanius et Thémiste, et de regarder des rhéteurs et des sophistes comme les rois de l'éloquence, se fussent livrés davantage à leur génie, et aux inspirations de leur sublime apostolat, ils auraient évité le danger de laisser corrompre leur talent par les défauts qui le déparent. Mais, malgré ces justes reproches, saint Augustin désarmant à Césarée des cannibales prêts à s'entr'égorger; saint Flavien suspendant la vengeance de Théodose au moment où l'em pereur menaçait de passer au fil de l'épée les habitants d'Antioche; saint Jean Chrysostome mettant un favori disgracié de son

prince sous la sauve-garde d'une populace en fureur, sont des modèles immortels de la plus haute éloquence.

Dans nos siècles modernes, la rhétorique vient encore occuper en partie la place de l'éloquence, même sous le siècle de Louis XIV, qui avait rendu le ministère évangélique au sentiment de toutes les convenances et à la dignité qui lui appartient. Fléchier n'est qu'un successeur d'Isocrate; il semble avoir réuni en lui seul tous les lieux communs, toutes les figures, tous les mouvements de la rhétorique, pour prouver que l'art le plus industrieux ne peut créer qu'un fantôme d'éloquence, sans chaleur et sans vie. Mascaron, supérieur à Fléchier pour le talent, n'est encore qu'un artisan de périodes et un arrangeur de mots, qui parvient quelquefois à s'émouvoir à l'aide d'une agitation de l'esprit. Bourdaloue ne sera point confondu avec ces deux habiles rhéteurs, car il se refuse tous les ornements, comme indigne d'une mission des autels; mais, par d'autres artifices, le sévère Bourdaloue appartient encore à l'école qu'il paraît avoir répudiée. Disciple d'Aristote, il veut nous conduire à la persuasion par une suite de conséquences laborieusement enchainées; et entassant les preuves les plus subtiles, accumulant les divisions et les subdivisions les plus arbitraires, il détruit, par l'appareil même de la logique, la vigueur du raisonnement oratoire, que la concision, la rapidité, la conviction peuvent seules rendre irrésistible. Quel singulier mélange que tous ces artifices et cette vaine recherche avec l'entraînante éloquence de cet orateur quand une certaine fureur le transporte! Massillon lui-même, le Fénélon de la chaire ; Massillon, doué de cette onction qui fut la puissance de saint Augustin; Massillon, plus franc et plus hardi encore que Bossuet à dire la vérité aux princes et aux rois, n'a peut-être manqué d'obtenir le premier rang parmi les orateurs sacrés, que parce que dans ses discours l'art commande à l'éloquence. Trop occupé de la gloire de bien dire, il affaiblit les plus fortes pensées et les plus vives impressions par le luxe des répétitions déguisées sous la variété des formes, par le soin continu de l'éloquence et de l'harmonie, par la recherche de toutes les richesses du langage. C'est au petit Caréme surtout que s'adressent ces observations; le grand Carême, en général, a plus de simplicité et plus d'entraînement; là, de

même que Cicéron dans les Verrines, dans Ligarius, dans les Philippiques, Massillon s'élève sans peine au sublime, comme un aigle qui se laisse monter en déployant toutes ses ailes. Bossuet, qui, au lieu d'être un disciple d'Aristote ou de Quintilien, au lieu de pâlir sur des livres de préceptes, s'était abreuvé d'éloquence aux véritables sources, dans Homère et la Bible, dans Démosthènes et saint Jérôme ou Tertullien, dans le cœur de l'homme et dans l'étude de la nature, mais surtout dans un commerce de tous ses moments avec le ciel, auquel son génie et son cœur aspiraient également, surpasse peut-être les plus grands orateurs qui ont paru dans le monde. Jamais la parole humaine n'eut autant de simplicité, de force, de grâce naturelle, de magnificence et de pouvoir que dans sa bouche.

En résumé, l'éloquence, qui, comme toutes les hautes facultés, est un don de la nature, est aussi un art; cet art peut s'enseigner de même que les autres. Les succès incontestables des anciens maîtres d'éloquence dans la Grèce, les brillants élèves sortis de leurs écoles, et la gloire de Démosthènes lui-même, formé par Isée au grand talent de gouverner les hommes par la parole, prouvent cette vérité; Rome en offre aussi un éclatant exemple dans les immenses obligations que Cicéron lui-même reconnaît avoir eues aux rhéteurs fameux dont il suivit les leçons avec tant de constance et d'avidité. Mais en même temps il faut avouer que, même à sa naissance dans Athènes, cet enseignement avait des vices essentiels qui pouvaient corrompre les plus beaux présents de la nature, et détruire l'éloquence elle-même. Nous voyons encore qu'après la mort de Démosthènes, qui entraîna bientôt la ruine de la liberté, les plus célèbres professeurs ne purent ressusciter l'éloquence mâle et sublime de ce grand orateur, qui avait su, en profitant de l'art d'Isocrate et de Lysias, se soustraire à la contagion des défauts qu'ils propageaient dans leur brillante et trompeuse théorie. On ne saurait douter du mérite des professeurs qu'un homme comme Cicéron élève si haut; sans doute il a pu profiter beaucoup et surtout se plaire à leur école; mais moins original, moins absolument dominé par son génie que Démosthènes, plus facile aux séductions de l'esprit, plus Grec même sous un certain rapport, il lui en a coûté une partie de sa gloire pour avoir trop écouté Tome 19.

les Gorgias de son temps. D'après ce que lui-même rapporte de leur science, ces maitres fameux lui enseignèrent une foule de choses qui n'étaient pas l'éloquence, et plus propres à égarer l'esprit dans un dédale de définitions et de préceptes stériles, qu'à l'éclairer d'une vive lumière et à l'échauffer d'un noble et utile enthousiasme. Lui-même encore nous fait cette révélation, en avouant que ce n'était pas dans les ateliers des rhéteurs, mais dans les promenades de l'académie, qu'il était devenu orateur. Depuis Cicéron jusqu'à nos jours, l'enseignement de l'éloquence, moins infecté sans doute de vices dangereux, n'a guère été meilleur et plus sensé. Nous avons vu les préceptes de la rhétorique altérer les plus beaux talents du siècle de Louis XIV, la chaire, l'académie, le barreau; devons-nous pour cela prononcer du haut d'un injuste dédain un arrêt de réprobation contre la rhétorique ? Non, mais il faut dire qu'on doit en changer l'enseignement. Il faut écarter tout le cortége d'inutilités, de définitions, de vaines théories dont elle est accompagnée, pour la réduire à l'étude réfléchie des modèles de l'éloquence; au talent d'apprendre l'art de convaincre et de persuader à même les ouvrages du génie des véritables maîtres de l'éloquence, les Démosthènes, les Cicéron, les Bossuet, les Massillon; et de nos jours, les princes de la tribune politique en Angle et en France. (Voyez ÉLOQUENCE, LittéraTURE, LOGIQUE et RAISONNEMENT.) TISSOT.

* RHIGAS, l'un des plus ardents promoteurs de l'insurrection grecque dans le 18e siècle, naquit vers 1753 à Velestina, en Thessalie, et se distingua de bonne heure par son ardeur pour l'étude, l'activité de son esprit et la variété de ses moyens. Il se rendit jeune encore à Bucharest, ville qui offrait alors de nombreuses ressources aux littérateurs et aux savants, et, quoiqu'il dût s'y livrer à des opérations commerciales qui assuraient son indépendance, il n'en mit pas moins de zèle à se perfectionner dans l'étude des langues anciennes et modernes, dans celle des sciences et de la géographie comparée, et devint en même temps poète et musicien. Rhigas joignait à ces diverses connaissances un dévouement sans bornes pour sa belle et malheureuse patrie. Révolté du joug sous lequel il la voyait gémir, il résolut de l'en affranchir en formant une grande société secrète qui l'aiderait à soulever la Grèce entière contre la Porte. Ce projet

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hardi devint dès lors le but de toutes ses actions, et il parvint en effet, par son activité, son énergie et son éloquence persua sive, à entraîner dans cette ligue, non-seulement l'élite de sa nation et plusieurs étrangers de distinction, mais des Turks mêmes, et notamment le fameux PasswanOglou. Ce premier succès suggéra ensuite à Rhigas l'idée d'aller s'établir à Vienne, où se trouvaient beaucoup de riches Grecs, qui pouvaient étendre ses ressources et donner à sa correspondance secrète un nouveau degré d'activité. Il exécuta donc ce projet, et, tout en s'occupant de grossir le nombre de ses affiliés, il publia un journal grec pour l'instruction de ses compatriotes, fit paraitre un Traité de la tactique militaire, un autre Traité élémentaire de physique à l'usage des gens du monde, et traduisit en grec moderne le Voyage du jeune Anacharsis, les Amants délicats et la Bergère des Alpes, de Marmontel. Ces divers ouvrages furent accueillis en Grèce avec empressement; mais ce qui valut à l'auteur une réputation vraiment populaire, ce furent ses poésies patriotiques, si propres à enflammer le courage de ses jeunes compatriotes, et à leur inspirer la plus forte haine contre leurs oppresseurs. Parmi ces pièces, écrites en style vulgaire, on cite surtout son imitation de la Marseillaise, que les Grecs chantent encore aujourd'hui en marchant au combat, et sa chanson montagnarde, regardée comme un modèle en ce genre. Rhigas fit aussi une grande Carte de la Grèce, en 12 feuilles, gravée à Vienne, dans laquelle il a désigné par les noms actuels et les noms anciens tous les lieux célèbres dans l'histoire. Cette carte, contenant un grand nombre de mé dailles antiques, fit beaucoup de réputation à l'auteur, qui pouvait se promettre de nouyeaux succès, si la plus noire trahison n'eût provoqué sa perte. Dénoncé au gouvernement autrichien comme auteur d'écrits séditieux, il fut arrêté et livré à la Porte avec huit autres Grecs. En vain lui et ses compagnons demandèrent-ils pour toule grâce d'aller mourir au sein de leur patrie, on leur fit prendre le chemin de Constantinople, et les gardes qui les escortaient, ayant craint que ces victimes ne leur fussent enlevées par Passwan-Oglou, les précipitèrent dans le Danube, et leur épargnèrent ainsi le supplice qui les attendait. Tous les journaux de l'Europe ont retenti de cet événement, arrivé en 1798.

RHINOCEROS. (Zoologie.) Cet animal, qui appartient à l'ordre des pachydermes, est, de tous les mammifères, celui dont la peau est la plus épaisse. Son corps assez élevé sur ses jambes, si on le compare à celui de l'éléphant, et surtout de l'hippopotame, varie de hauteur depuis trois pieds jusqu'à quatre ou cinq, mesure au garrot; sa tête est courte et triangulaire, à chanfrein plutôt concave que droit; son nez est armé d'une ou de deux cornes d'une nature fibreuse; ses oreilles, en forme de cornet, sont pointues et mobiles; son cou est court, son ventre est gros; sa croupe est arrondie et terminée par une queue mince; ses jambes sont moins épaisses que celles de l'éléphant; ses pieds ont trois doigts qui ne sont visibles que parce qu'ils sont terminės par des ongles arrondis et placés presque verticalement. Le nombre de ses dents est de trente, trente-deux et trente-quatre, selon les espèces; celui des incisives varie également.

Les formes lourdes et massives qui distinguent le rhinocéros sont cependant moins remarquables que la disposition des plis de sa peau épaisse, rugueuse et presque sans poils, qui lui donnent l'apparence d'une cuirasse, et surtout que la corne solide qui s'élève sur son nez. Les plis de la peau sont plus ou moins marqués: ils sont très-saillants derrière la tête, sur le dos et sur la croupe, de telle sorte que depuis la tête jusqu'an-dessous du garrot, cette peau figure un manteau semblable au corselet des insectes coléoptères, et les jambes semblent sortir de ce corselet; il en est de même de la croupe : la peau y forme une sorte d'enveloppe d'où sortent les jambes de derrière.

La corne du rhinocéros prend un accroissement plus ou moins grand, selon les espèces; on en voit qui ont jusqu'à quatre pieds de longueur, tandis que d'autres ne forment que des tubercules d'environ un on deux pouces de saillie; quelques-uns n'en ont qu'une, d'autres en ont deux. La structure de ces cornes peut servir de preuve à l'opinion que les substances cornées des animaux sont le simple résultat d'une modification particulière des poils: en effet, malgré leur translucidité, les cornes du rhinoceros sont tellement fibreuses, qu'elles semblent n'être qu'une agglutination de poils. Comme tous les pachydermes ordinaires, les rhinocéros ont les yeux très-petits.

On connaît quatre espèces bien distinctes de ces animaux ; c'les forment deux groupes: l'un à deux cornes, et l'autre à une seule, C'est à celui-ci qu'appartient l'espèce la plus anciennement connue, celle des Indes. C'est la plus grande; elle a cinq pieds de hauteur, et neuf à dix de longueur; sa corne est ordinairement longue de plus de deux pieds. Quoique Aristote ne paraisse pas l'avoir connue, elle le fut des anciens Athénée, Pline et Strabon en font mention; Ptolémée-Philadelphe la montra au peuple dans une fète célèbre et c'est probablement à la même espèce qu'appartenaient le rhinocéros que Pompée fit paraître aux jeux qu'il célébra à Rome, et celui qu'Auguste fit combattre dans le cirque avec un hippopotame.

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Le rhinocéros des Indes, pris jeune, s'ap privoise assez facilement ; mais il donne fréquemment des signes d'impatience et se livre souvent à des mouvements de fureur. Son regard est stupide, sa vue paraît être faible; mais le mouvement continuel de ses oreilles annonce une grande finesse dans le sens de l'ouie. En liberté, il se nourrit d herbes, des racines et des branches des jeunes arbres; sa femelle ne produit qu'un petit, après une gestation de neuf mois. Il habite les contrées intérieures de l'Inde, au-delà du Gange.

Le rhinocéros de Java, dont la hauteur moyenne est d'un peu plus de quatre pieds et la longueur de six, est armé d'une corne ordinairement très-courte. La disposition des plis de sa peau diffère un peu de celle des autres; mais ce qui le distingue surtout, ce sont les tubercules de forme générale ment pentagone dont elle est couverte. Chacun de ces tubercules donne naissance à un poil court, raide et brun.

L'ile de Sumatra est la patrie d'un rhinocéros à deux cornes, qui porte le nom de cette ile. Sa peau n'est pas hérissée de tubercules; elle est même moins couverte de rides que les autres espèces; elle s'en distingue encore par une assez grande quantité de poils. Il constitue la plus petite des quatre espèces connues et décrites; sa hauteur n'atteint pas quatre pieds, et sa lon gueur ne dépasse pas cinq pieds et demi. Des deux cornes qu'il porte sur le nez, l'antérieure est médiocrement longue, et la postérieure n'est que rudimentaire; les femelles ont des cornes encore moins saillantes.

Le rhinocéros d'Afrique diffère du pré

cédent par sa taille semblable à celle du rhinocéros indien, par la longueur de ses cornes, et par sa peau presque sans plis sur le dos. Les anciens l'ont connu ; Pausanias l'appelle taureau d'Éthiopie; Domitien le fit représenter sur quelques unes de ses médailles ; mais il parait qu'il ne fut point introduit par les Romains en Europe. Cette espèce habite les forêts de l'Afrique méridionale ; elle se tient dans les lieux humides et sur le bord des rivières, aime à se vautrer dans la fange, et se nourrit de cħardons, de genêts et de petites branches d'arbrisseaux voisins du genévrier.

On croit qu'il existe deux autres espèces en Afrique, ce qui porterait leur nombre total à six; mais ces deux espèces sont encore très-incertaines. (Voyez PACHYDERMES.) J. HUOT.

* RHODES (ALEXANDRE DE ), jésuite missionnaire, né à Avignon en 1591, partit pour les Indes en 1618, séjourna d'abord à Goa et à Macao, y apprit ies langues en usage dans ces contrées, et passa ensuite à la Cochinchine et au Tonquin, où il travailla avec ardeur à répandre la foi chrétienne. Diverses persécutions vinrent cependant troubler ses travaux, et le forcèrent à s'éloigner pour préserver sa vie. Il revint en Europe; mais, toujours animé du même zèle, il sollicita la permission d'aller établir une nouvelle mission en Perse, et y mourut en 1660. Bernard RHODES, de la même Compagnie, se distingua aussi par sou zèle dans les missions. Habile chirurgien, il gagna la confiance de l'empereur de la Chine, et le suivait dans tous ses voyages. Il mourut à la Chine, en 1714, à l'âge de 70 ans.

* RHODES (chevaliers de). Voyez MALTE. * RHODIGINIUS (CELIUS), phitologue italien, qui s'appelait Louis Ricchieri, mais qui est plus connu sous le nom latinisé du lieu de sa naissance, né à Rovigo vers 1450, professa avec distinction la littérature grecque et latine dans plusieurs villes d'Italie, notamment à l'académie de Milan, et mourut en 1525, laissant plusieurs ouvrages, dont le principal est: Antiquarum Lectionum libri XVI, Venise, Alde; 1516, in-folio. Cette édition est rare et recherchée; mais elle est incomplète. Celle de Bâle, 1550, in folio, publice par les soins de Camille Ricchieri, neveu de l'auteur, et de J.-M. Goretti, contient 14 livres de plus. Elle a été réimprimée à Francfort en 1666.

* RHODION (EUCHARIUS). Voy. ROESLIN.

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