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passions populaires, et n'ait été souvent la cause de révolutions. On aperçoit facilement qu'un contrat fondé sur l'inégalité des fortunes, c'est-à-dire, sur ce qui excite presque toutes les révolutions chez les peuples nouveaux, devait s'empreindre d'un caractère politique qui n'appartient pas d'ordinaire aux simples conventions civiles?

L'histoire des deux premiers siècles de la république romaine est remplie par le récit les longues querelles qui s'élevèrent entre les patriciens et les plébéiens, c'est à-dire,, entre les prêteurs et les emprunteurs. Le triomphe de ces derniers, en donnant naissance au tribunat, changea pour toujours le caractère de la constitution. Dans les temps modernes, le prét fut souvent aussi un élément d'agitation publique. On sait par quels moyens les Juifs étaient parvenus à attirer à eux la plus grande portion des capitaux de l'Europe disséminés chez tous les peuples, étrangers à leurs mœurs, à leur religion, à leurs intérêts, ayant reçu de l'infortune des leçons de patience et de ruse, ils étaient admirablement façonnés pour devenir le lien de toutes ces nations sans cesse armées les unes contre les autres. Créanciers âpres et habiles, ils savaient peu à peu enlever à leurs débiteurs tout ce qu'ils possédaient; ils les maintenaient ensuite dans leur dépen dance à l'aide d'une foule d'obligations qu'ils parvenaient à leur imposer chargés des liens qu'ils avaient eux-mêmes préparés, les débiteurs, quelles que fussent leur activité et leur bonne foi, ne produisaient plus rien pour eux-mêmes; alors, désespérés, ils se tournaient vers le souverain, demandaient, comme les plébéiens de Rome, l'abolition des dettes : ils ne l'attendaient pas long-temps. L'orage, accumulé sur la tête des Juifs, éclatait enfin. Pillés, chassés, quelquefois même abandonnés à la cruauté de leurs débiteurs, ils expiaient durement leur industrie et leurs richesses. Le pillage des Juifs était classé parmi les ressources que les princes se ménageaient pour un temps de gène, et les plus religieux d'entre eux ne se firent jamais scrupule d'aider leur trésor par cette injustice périodique.

Lorsque le commerce se fut ranimé en Europe par les heureux efforts des républiques italiennes et de la ligue ansċatique, les Juifs perdirent beaucoup de leur importance comme négociants, mais il continuèrent à faire de grands profits dans le commerce de l'argent. Prêter à intérêt devint leur unique

industrie. Le temps était passé où les débiteurs pouvaient par leurs violences et leurs clameurs obtenir l'abolition des dettes. Les lois du commerce étaient trop bien comprises pour que la destruction des créances fut mise au rang des modes de paiement : il fallait s'acquitter. Alors, que de doléances! que de plaintes! que de larmes! Frappé par le bruit de ces réclamations éternelles, un homme, que l'Église a placé au rang des saints, Bernardin de Feltre, crut qu'en prêtant gratuitement sur gage on réduirait à l'inaction tous ces traficants d'argent qu'on appelait alors usuriers. Il ouvrit donc à Mantoue une banque, où chacun était admis à emprunter en déposant un gage. Ce fut le premier mont-de-piété. Cet établissement obtint un grand succès, et devint le modèle de beaucoup d'autres qui furent successivement fondés dans les principales villes d'ltalie. L'Allemagne, la Hollande, l'Espagne, la Belgique, eurent aussi leurs monts-de piété. La France ne s'empressa pas d'importer chez elle cette institution, car le montde-piété de Paris ne fut ouvert qu'en 1777. Le but primitif de ces établissements était de secourir les pauvres, en leur offrant gratuitement un argent que les Juifs, les Lom bards, et tous les spéculateurs ne leur prêtaient qu'aux conditions les plus dures. Ce but était noble, généreux, philanthropique; mais par malheur il fut bientôt perdu de vue. Ces établissements avaient des frais à payer; ils étaient souvent eux-mêmes forcés d'emprunter pour commencer leurs opérations; il parut donc naturel de leur permettre d'exiger un intérêt de leurs emprunteurs. Cet intérêt, d'abord faible, s'accrut bientôt, et finit, comme de nos jours, par être excessif; en sorte que ces établissements, créés pour détruire la pernicieuse industrie des Juifs, en sont venus à faire à peu près autant de mal qu'en faisaient naguère les Juifs eux-mêmes. Si la popularité des montsde-piété n'a pas encore faibli parmi les classes pauvres de la société, les économistes sont au moins parvenus à assigner à ces établissements la place véritable qui leur convient; ils ont prouvé qu'ils sont contraires au goût du travail, à l'économie et à l'esprit de propriété ; qu'ils offrent aux indigents trop de facilités pour se procurer tout à coup de l'argent ; que pour les malheureux, ils sont moins des banques de prêt que des maisons de vente; qu'ils favorisent les vols, les soustractions frauduleuses, et

une foule de spéculations réprouvées par la morale. Tout conseille donc aux gouvernements de ne fonder qu'avec de grands ménagements des établissements qui ont été créés pour des temps et pour une civilisation qui déjà sont bien éloignés de nous.

Les exactions des Juifs avaient jeté sur le prêt d'argent une telle défaveur, que presque en même temps que Bernardin de Feltre établissait le premier mont-de-piété en Italie, les théologiens, remontant à la source du mal, recherchaient si ia conscience, et surtout la loi religieuse, permettaient à tout chrétien fidèle de prêter à intérêt. Il faut que la solution de cette question soit bien plus difficile qu'elle ne le semble, car on la poursuit encore aujourd'hui, comme si tant d'écrivains de toutes les sectes et de tous les pays n'avaient pas tari la source des arguments. Les réformateurs ont parlé du prêt à intérêt avec autant de force que de lumière. Luther a écrit contre; mais Bucer et Calvin l'ont défendu, en employant tous les raisonnements que l'on répète journellement dans le même but. L'honneur d'avoir restauré les vrais principes sur le prêt à intérêt n'appartient pas aux économistes modernes. Turgot, Smith, Bentham, et tant d'autres, n'ont fait que rajeunir ce que, deux cents ans avant, Calvin avait reconnu et proclamé (1). Dirigé comme il l'était par un génie plus politique encore que religieux, il posa ce principe qui n'est point encore concédé de nos jours, que l'usure ne devait pas être jugée par un passage de l'Écriture, mais par l'équité. Débarrassé alors de la controverse théologique, il déclare l'argent une propriété quelconque, susceptible, comme toute autre, de devenir entre les individus l'objet de contrats qui sont toujours licites quand ils sont passés librement Il faut donc rayer des vocabulaires le mot usure, ou ne plus le prendre que comme synonyme du mot intérêt; car, s'il est permis à chacun d'assigner à son champ, à sa maison, le prix qui lui convient, il ne sera pas défendu à un capitaliste d'estimer son argent au taux qui lui plaira. Comme aucune contrainte ne sera exercée envers l'emprunteur pour l'amener à conclure à un taux plutôt qu'à un autre, il pourra examiner, comparer et ne se décider qu'avec toute liberté; par conséquent, il ne sera point admis à se plaindre, et à crier à l'usure.

(1) Calvini Epistolæ et Responsa, pag. 355.

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Turgot dit que le nom d'usurier ne se donne plus qu'aux prêteurs à la petite semaine, à quelques fripiers qui prêtent sur gages aux petits bourgeois et aux artisans » dans la détresse; enfin à ces hommes in» fâmes, qui font métier de fournir, à des » intérêts énormes, aux enfants de famille dérangés, de quoi subvenir à leurs folles dépenses. >> Certes, si ces prêteurs, ces fripiers, ces hommes infâmes, emploient des manœuvres frauduleuses pour enlacer dans leurs filets les petits bourgeois et les enfants de famille, ce n'est pas usuriers qu'il faut les appeler, mais escrocs; ce n'est pas comme coupables d'avoir prêté à un taux plutôt qu'à un autre, qu'il faut les poursuivre, mais parce qu'ils ont commis de véritables larcins. Ce qu'il y a de faux et de mauvais dans l'expression usure, c'est qu'elle implique toujours l'idée d'un taux de l'argent censé trop élevé, et que, dans toute convention conclue librement, l'intérêt stipulé, quel qu'il soit, n'est ni trop fort, ni trop faible; il est ce que la volonté des deux parties l'a fait. Ces préjugés sont accrédités par une des plus mauvaises inventions modernes, par ce qu'on appelle le taux légal. En France, par exemple, il existe une loi (3 septembre 1807) qui porte que l'intérêt légal et conventionnel sera, en matière civile, de cinq pour cent, et, en matière de commerce, de six pour cent sans retenue. Tout individu qui prête habituellement à un intérêt plus fort est déclaré usurier, et poursuivi correctionnellement : ainsi donc voici un pays où la valeur d'une marchandise appelée argent est déclarée invariable. Cependant personne ne se hasarderait à soutenir que le prix de l'argent ne change pas selon les temps et selon les lieux. Selon les temps, parce que chacun sait qu'il y a des moments où l'industrie languit, où le commerce devient timide, et où l'argent, rarement, augmente de valeur. Quand des circonstances contraires se présentent, l'argent abonde sur toutes les places, partout il est offert; il baisse donc de prix. Il varie selon les lieux, parce qu'étant rare dans une petite ville, pauvre, isolée, sans ressources et sans communications, il y sera payé plus cher que dans la capitale, par exemple, où il afflue de toutes parts.

L'argent étant reconnu une marchandise, il n'existe pas plus de raisons pour lui imposer un maximum, que pour en assigner un au blé, au vin, et enfin à toutes les valeurs quelconques; mais, en cette occasion, le lé

gislateur s'est laissé dominer par les préjugés défavorables que les Juifs ont jetés sur le prêt à intérêt; et pour régler cette partie de la législation civile, il s'est placé non plus au milieu des idées sages de notre époque, mais au sein des préventions irréfléchies et des haines du moyen âge. Sans doute, le passé offre de grandes leçons de sagesse, et malheur à quiconque les dédaignerait ! Mais avant d'importer chez soi une institution ou ancienne ou étrangère, il faut s'étudier à reconnaitre si elle peut s'adapter à des mœurs différentes c'est ce que nous n'avons pas toujours fait en France.

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Le respect pour la législation romaine, qui chez nos pères dégénéra souvent en une admiration exclusive, a inscrit dans nos codes une peine contre les débiteurs insolvables, qui est antipathique à nos habitudes sociales, et dont l'origine ne se trouve pas ailleurs que dans ces cruautés que les grands de Rome exerçaient envers leurs débiteurs. Pendant le moyen âge, le débitenr ne pou vait être contraint par corps que pour les dettes du roi (1); le créancier ne pouvait même, sans autorité de justice, forcer son débiteur de payer. Dans son ordonnance de 1256, Saint-Louis dit : Nous défendons que nul de nos sujets ne soit pris au corps, ne emprisonnez pour leurs dettes personnelles, fors que pour les nôtres. Cette législation était pleine de sagesse et d'humanité; mais l'ordonnance de Moulins (art. 48), rendue dans un temps où la loi romaine exerçait une véritable tyrannie sur les esprits, établit la contrainte par corps pour toutes dettes, après les quatre mois. Pour être juste, on aurait dû accorder aux débiteurs la faculté dont ils jouissaient à Rome, qui était de demander tumultueusement l'abolition des dettes. L'ordonnance de 1667, tit. 34, defendit de prononcer la contrainte pour dettes purement civiles. Notre Code, ayant adopté les dispositions de cette ordonnance, de nos jours la contrainte par corps n'a lieu, sauf quelques exceptions, que pour les effets de commerce. Elle consiste en un emprisonnement de cinq années : c'est la même peine que celle qui est portée par l'art. 401 du Code pénal contre les vols simples, les lar-. cins et filouteries; en sorte qu'un débiteur malheureux, qui a fait tous les efforts possibles pour payer, mais qui n'a pu y parvenir, reçoit le même châtiment que le voleur et l'es

(1) Ordonnance de 1254, art. 19.

croc, et qu'une foule d'autres coupables; dont il serait trop long d'énumérer ici les délits.

en

Il n'entre pas dans mon plan de répéter tout ce qui a été dit, dans ces derniers temps, contre la contrainte par corps ; je demande seulement si l'assimilation du malheur au crime est dans nos mœurs, et si elle devrait trouver place dans nos codes. La civilisation a ramené parmi nous des idées meilleures; maintenant que le travail ne manque plus aux classes pauvres, que l'agriculture et l'industrie appellent leurs efforts, les débiteurs trouvent facilement les moyens de se libérer; ils ne forment pas, comme autrefois dans les républiques de l'antiquité, un corps redoutable, nemi de l'ordre public; ils n'exigent plus, les armes à la main, l'abolition des dettes; ils ne pillent plus, comme au moyen âge, les banques de leurs créanciers. Le prêt d'argent est redevenu ce qu'il doit être dans tout état bien ordonné, une simple convention privée, indifférente le plus souvent aux intérêts publics. Le législateur ne restera pas étranger à cet heureux changement d'idées; il effacera de ses codes une peine, dont le moindre défaut est d'être inutile; il laissera régner entre les parties contractantes une liberté complète. Si l'emprunteur offre peu de garanties, il paiera un plus fort intérêt; s'il n'en offre aucune, il ne trouvera pas d'argent, et, dans ce cas au moins, il gagnera à un refus de pas gémir cinq années dans les fers. Le jour où la loi reconnaîtra qu'elle ne peut intervenir dans le prêt que s'il y a eu violence ou dol, nous aurons conquis l'adoption d'un principe trop long-temps contesté, mais qui aujourd'hui ne peut plus être. L'économie politique est désormais assise sur des basses solides ; le moment est arrivé de faire entrer la science nouvelle dans la législation. ( Voyez CAPITAUX, CONTRAINTE par corps, EMPRUNT et NANTIS SEMENT.) BEUGNOT.

* PRETI, dit Il Calabrese (MATHIAS), peintre, né en 1613 à Taverna, petite ville de Calabre, mort à Malte en 1699, fut élève du célèbre Guerchin. Ses talents lui valurent son admission dans l'ordre de Malte, et il obtint la commanderie de Syracuse, avec une pension considérable.

* PRÉTOT (E.-A. PHILIPPE DE). Voyez PHILippe. PRÊTRES. Voyez CLERGÉ et MINISTRES

DES CULTES.

L'écrit dans lequel les parties fixent leurs conventions se nomme titre. On distingue le titre authentique et le titre sous seing privé.

* PREUSCHEN (AUGUSTIN-THEOPHILE), ou littérale. On l'emploie principalement conseiller ecclésiastique du grand-duc de pour les conventions, telles que la vente, Hesse, né à Diethard en Basse-Hesse en le prêt, le louage, etc. 1734, mort en 1803, est considéré comme l'inventeur de la typométrie, dont il a rendu compte en allemand dans son Précis de l'histoire typométrique, Bâle, 1778, in-8°; et dans un autre ouvrage intitulé : Monument consistant en une carte typométrique de la province de Sausenberg, 1783. PREUVE. (Jurisprudence.) Ce qui établit la vérité d'une assertion ou d'un fait. L'art d'administrer des preuves forme une partie importante de la jurisprudence. Tout procès, civil ou criminel, offre à juger une double question, l'une de fait, l'autre de droit; et la première peut, en général, être considérée comme la principale, car c'est elle qui précède et qui détermine la seconde: de là la maxime, ex facto jus oritur. Or, le droit s'établit par des textes et par des inductions; le fait s'établit par des preuves: c'est à les recueillir, à les mettre en lumière, que l'instruction des procès est surtout consacrée; c'est là l'objet principal de la procédure

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On peut établir, dans l'énumération des preuves, des classifications diverses selon les rapports divers sous lesquels on veut les considérer selon leur essence, elles sont rationnelles ou matérielles ; selon leur forme, elles sont orales ou littérales; selon leur caractère, elles sont certaines ou douteuses; selon la nature des procès auxquels elles s'appliquent, elles sont autres en matière civile, autres en matière criminelle.

C'est à cette dernière distinction que nous allons nous attacher pour faire con naître les principales circonstances propres à chaque sorte de preuve. Nous parcourrons d'abord les diverses preuves en usage dans les matières civiles; nous esquisserons ensuite, en peu des mots, le système, infiniment plus simple, de la preuve en matière criminelle.

Dans tout procès civil, il existe un demandeur et un défendeur. La raison veut que ce soit au demandeur à prouver la justice de sa demande. D'autre part, la de mande une fois justifiée, si le défendeur oppose une exception, c'est lui qui doit la prouver à son tour. De là deux maximes fondamentales: onus probandi incumbit actori; reus excipiendo fit actor.

Le premier genre de preuve et le plus usité en matière civile, est la preuve écrite

Le titre authentique est celui que les parties font dresser par un officier public compétent pour cet effet, et à l'attestation duquel la loi attache une force particulière. On le nomme authentique, c'est-à-dire, existant par lui-même, pour indiquer qu'il fait à lui seul, entre les parties qui l'ont souscrit, la preuve complète de ce qu'il atteste. Le titre authentique a deux avantages: l'un, de faire foi de son contenu entre les parties, et d'avoir en conséquence force d'exécution jusqu'à inscription de faux; l'autre, de pouvoir être, dans beaucoup de cas, opposé aux tiers qui n'y ont pas été parties. Ce sont en France les notaires qui reçoivent le plus généralement les actes authentiques. (Voyez NOTAIRE.).

Le titre sous seing privé est celui que les parties passent entre elles sans le secours d'un officier public. Il ne peut être opposé aux tiers, attendu la facilité qu'il y aurait à fabriquer frauduleusement de pareils titres pour un besoin quelconque, à moins toutefois qu'une circonstance particulière, telle que l'enregistrement du titre ou la mort d'une des personnes qui l'ont souscrit. ne lui ait imprimé une date certaine. Entre les parties, l'acte sous seing privé reconnu a la même foi que l'acte authentique; mais, comme il peut être méconnu, il n'est pas exécutoire de plein droit; il faut que l'exécution en soit ordonnée par un jugement.

Si l'écriture de l'acte sous seing privé est méconnue, on procède à la vérification d'écriture. La pièce est déposée au greffe; le juge nomme des experts et un commissaire devant lequel l'instruction a lieu : on remet aux experts des pièce de comparaison, qu'ils confrontent avec la pièce en litige, nommée pièce de question; le commissaire entend aussi les témoins qui ont pu voir écrire et signer la pièce, ou connaître des faits utiles à la découverte de la vérité. Sur l'enquête et sur le rapport des experts, le tribunal prononce, et rejette la pièce ou la tient pour reconnue. Dans ce dernier cas, la partie qui a dénié sa propre écriture est punie d'une amende.

Contre un titre authentique ou contre un

écrit vérifié, on ne peut se pourvoir que par l'inscription de faux. Dans le second cas, le défendeur à la vérification d'écriture devient demandeur en faux. On distingue l'inscription de faux principal, qui est ellemême l'objet du procès, et l'inscription de faux incident, qui a lieu dans le cours d'une instance. La première est dirigée contre l'auteur présumé du faux ; l'autre, contre celui qui excipe de la pièce arguée qu'il soit ou non l'auteur de la falsification. L'effet de cette dernière est de suspendre le jugement du procès jusqu'à ce que la question de faux soit vidée. Le demandeur en faux incident doit d'abord sommer son adversaire de déclarer s'il entend se servir de la pièce arguée. En cas d'affirmative, il forme son inscription; l'apport et le dépôt au greffe de la pièce sont ordonnés; il est dressé procès-verbal de son état. Un premier jugement prononce sur la pertinence et l'admissibilité des moyens de faux signifiés par le demandeur. S'ils sont admis, on procède à l'instruction par experts, par titres et par témoins, comme pour la vérification d'écriture. La pièce jugée fausse est rejetée et sa destruction ordonnée; si, au contraire, le demandeur succombe, il est puni d'une amende.

Indépendamment des titres authentiques ou privés, il est encore quelques espèces de preuves écrites. Ainsi les livres de marchands font foi entre eux, mais non contre les personnes non marchandes. Leur contenu ne peut être divisé. Les registres et papiers domestiques servent quelquefois de preuve contre celui qui les a écrits. Il en est de même de l'écriture qu'un créancier met à la suite de son titre, des tailles produites par les fournisseurs, etc.... Les copies de titres peuvent, suivant leur ancienneté et suivant d'autres circonstances, tantôt suppléer le titre original, tantôt servir d'un commencement de preuve par écrit, tantôt valoir comme simples renseigne

ments.

Lorsqu'un titre n'est pas en possession des parties, mais dans un dépôt public, la partie intéressée peut se faire autoriser par le juge à en faire la recherche au moyen d'un compulsoire.

La preuve par témoins est la meilleure de toutes, lorsque le témoin dépose en présence même du juge, sous les yeux du public et des parties intéressées. Elle est la plus mauvaise, quand sa déposition, recueillie par

un commissaire, dans l'ombre d'un cabinet, analysée ou traduite sur le papier, est reportée immobile et décolorée à l'audience. Dans le premier cas, elle est bonne pour décider de la liberté et de la vie des hommes; dans le second, elle l'est à peine assez pour décider de la propriété d'une légère somme d'argent. La preuve orale fut longtemps le droit commun de la France, lorsque les différends se vidaient dans les anciennes cours de justice tenues par les seigneurs. Plus tard, l'admission des clercs dans les tribunaux et la concentration du pouvoir introduisirent, avec l'usage de l'appel, celui de la procédure écrite, qui en est la conséquence nécessaire. Alors les enquêtes, au lieu d'être orales, durent devenir litiérules. La preuve testimoniale perdit ainsi presque toute sa vertu, et l'abus en devint tellement sensible, que l'ordonnance de Moulins, rendue en 1566, en restreignit usage aux contestations dont l'objet serait inférieur à 100 francs. L'introduction du jury en matière civile, à l'exemple des Anglais, pourra seule lui rendre sa valeur première.

Aujourd'hui la preuve testimoniale n'est admise que pour les demandes inférieures à 150 francs. Cette règle reçoit néanmoins une exception, lorsqu'il existe un commencement de preuve écrite, ou lorsqu'il s'agit d'un fait dont il n'ait pas été possible de se procurer la preuve par écrit. On admet aussi la preuve par témoins dans quelques procédures spéciales, telles que le faux, la séparation de corps, etc.... Dans aucun cas, cette preuve n'est admise, en matière d'obligation, outre ou contre le contenu aux actes. Il existe deux sortes d'enquêtes: Fenquête sommaire, qui se fait à l'audience dans les causes du même genre, et dont il n'est dressé de procès-verbal que lorsque le procès est susceptible d'appel; et l'enquête ordinaire, qui se fait par l'office d'un juge-commissaire. La partie qui veut être admise à présenter cette preuve, propose ses faits. S'ils sont pertinents et admissibles, le juge ordonne l'enquête, et nomme un commissaire pour la recevoir. La partie appelle ses témoins devant ce commissaire, qui dresse procès-verbal de leurs dépositions. Ce procès-verbal est ensuite rapporté et discuté à Faudience par les parties, et devient l'un des éléments du jugement définitif. Dans toute instruction de ce genre, la preuve contraire par les mêmes moyens est de droit.

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