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Society. Ces expériences, insérées dans les Transactions philosophiques de 1751, ont été publiées de nouveau avec l'ouvrage suivant: Observations on the diseases of the army, Londres, in-8o. Il en a paru depuis plusieurs éditions, la dernière en 1810. Les Observations sur les maladies des armées ont été traduites en français par Larcher, Paris, 1755 et 1771, in-12. On cite encore de Pringle: Discours sur quelques nouveaux procédés pour conserver la santé des marins, Londres, 1776, in-4°. Sa vie a été écrite en anglais par Kippis. Vicq d'Azir et Condorcet ont écrit son éloge en français.

* PRIOLO (BENJAMIN), né en 1602, à Saint-Jean-d'Angeli, descendait d'une ancienne famille de Venise qui a donné des doges à la république. Il s'attacha au duc de Rohan, qui était alors au service des Vénitiens, et le servit de ses talents et de son épée. Après la mort de ce seigneur, Priolo vint en France, où il fut employé dans diverses négociations. S'étant rangé du parti des mecontents pendant les troubles de la Fronde, il fut déclaré rebelle par un arrêt du parlement, mais on le comprit ensuite dans l'amnistie, et il était chargé d'une mission secrète pour Venise, lorsqu'il mourut à Lyon en 1667. On a de lui une Histoire de France, en latin, depuis la mort de Louis XIII, jusqu'en 1664, sous ce titre : ab excessu Ludovici XIII, de rebus gallicis historiarum Libri VII, Charleville (Paris), 1665, in-4o, qui a eu plusieurs éditions, parmi lesquelles on distingue celle d'Utrecht, 1669, Elzevier; et celle de Leipsig, 1686. Il a laissé plusieurs autres ouvrages manuscrits. Sa vie a été écrite en latin par J. Rhodius, Padoue, 1662, et Paris, même année, in-4° de six pages.

* PRIOR (MATTHIEU), poète et diplomate anglais, né en 1664, à Winburn dans le Middlesex, suivant Johnson, à Winborne dans le comté de Dorset, suivant d'autres écrivains, était fils d'un menuisier qui exerçait sa profession à Londres. Il dut sa fortune et son élévation au comte de Dorset, qui le plaça au collège de Saint-Jean dont il devint membre, et le présenta ensuite à la cour du roi Guillaume, où ses talents le firent bientôt remarquer. Nommé, en 1690, secrétaire d'ambassade à La Haye, il remplit successivement le même emploi au congrès de Ryswick et près de la cour de France, où le roi Guillaume le chargea de plusieurs négociations secrètes. En octobre 1712,

Prior, qui avait accompagné lord Bolingbroke à Versailles, eut, après le départ de ce seigneur, le titre et les fonctions de ministre plénipotentiaire, et les conserva jusqu'en janvier 1715. Arrêté à son retour en Angleterre, il subit une détention de deux années, se retira ensuite à sa terre de Dowenstal, et mourut en 1721. Les OEuvres complètes de Prior ont été publiées à Londres en 1733, 5 vol. in-12. Ses poésies offrent en général peu d'imagination, mais une grande correction, de l'esprit, de la facilité et beaucoup d'art. Ses odes ont été traduites en français par l'abbé Yart.

* PRIORATO. Voyez GUALDO.

* PRISCIEN, Priscianus, célèbre grammairien latin, né à Césarée vers la fin du 5o siècle de l'ère chrétienne, tenait en 525, à Constantinople, une école fameuse par le grand nombre d'élèves qu'elle avait produits. On n'a d'ailleurs presque point de détails sur sa vie. Il a laissé plusieurs écrits dont le principal est un traité de grammaire en dixhuit livres. Cet ouvrage a servi de base à l'enseignement de la langue latine jusqu'à l'époque de la renaissance des lettres. On croit qu'il a été imprimé pour la première fois à Venise en 1470, et au moins cinq fois jusqu'au 16e siècle. Les éditions postérieures ne sont point recherchées. Putschius a publié dans les Grammat. latinæ auctores antiqui (Hanau, 1605, in-40 ) la plupart des autres ouvrages de Priscien, au nombre de sept. On attribue au même grammairien : Expositio in Theophrastum de sensu, phantasiá et intellectu; il a traduit en vers latins hexamètres le poème de Denis-le-Periégète (voyez ce nom). Une édition complète de Priscien, collationnée sur les manuscrits anciens, a été publiée par les soins de M. Krehl, sous le titre de Prisciani Cæsariensis opera, Leipsig, 1819-20, 2 vol. in-8°. Théodore PRISCIEN, médecin grec, vivait à la cour de Constantinople vers l'an 380. Il a laissé plusieurs ouvrages sur la diète, sur les maladies des femmes, etc.; traduits par lui-même en latin, et insérés dans les Medici antiqui des Alde, Venise, 1547, in-fol. ; réimprimés par les soins de J.-M. Bernhold, Anspach, 1791, in-8°. On connaît encore plusieurs autres PRISCIENS : un chef de révolte sous Antonin-le-Pieux; un jurisconsulte sous Héliogabale; un philosophe du temps de Symmaque l'orateur; PRISCIEN, dit le Lydien, que l'on croit être le véritable commentateur du traité de Théophraste de Sensu, etc.;

enfin deux évêques, dont un assista au concile de Constantinople en 381.

* PRISCILLIANISTES. Voyez l'article suivant.

* PRISCILLIEN, hérésiarque du 4e siècle, né en Espagne, d'une famille noble et riche, avait de l'esprit, de l'éloquence, des connaissances très-étendues, des mœurs austères. Séduit par quelques apôtres du manichéisme, il eut l'ambition de devenir chef de secte, et de donner son nom à celle qui commençait à s'établir dans son pays. Il usa de tous ses moyens pour la propager, et y employa son crédit et ses richesses. Aux erreurs du manichéisme, la nouvelle doctrine réunissait celle des gnostiques, des sabelliens, et de quelques autres sectes récentes. En voici les principaux dogmes : l'âme humaine était de la même substance que la divinité; chaque partie du corps, divisée en douze portions, présidait à un des signes du zodiaque; il ne fallait point faire usage de la chair des animaux parce qu'elle n'est point l'ouvrage de Dieu, mais des auges ; le démon n'avait point été créé : principe du mal, il était sorti du chaos et des ténèbres; JésusChrist n'avait point pris la nature humaine; il était né et n'avait souffert qu'en apparence, etc., etc. Tout le midi de l'Espagne fut infecté de cette hérésie ; et Idace, évêque de Mérida, la déféra au concile de Saragosse en 380. Priscillien, Elpidius et deux évêques, Instantius et Salvianus y furent cités et ne comparurent point; mais un décret y comdamna leur doctrine, et excommunia Hygin, évêque de Cordoue, qui après avoir le premier dénoncé l'hérésie en avait admis les sectateurs à sa communion. Cette condamnation, au lieu d'intimider les nouveaux hérétiques, les irrita et les rendit plus hardis. Priscillien résolut de se rendre à Rome près du pape Damase, pour essayer de se justifier; mais il ne put, ainsi que les deux évêques Instantius et Salvianus qui l'accompagnaient, obtenir une audience du pontife. Quelque temps après l'empereur Maxime ordonna que Priscillien et ses principaux adhérents se présentassent à Bordeaux, devant un concile qui se tint en 384. Priscillien en ayant appelé à l'empereur, fut conduit à Trèves, où Maxime tenait sa cour. Les instances de Saint-Martin, qui se trouvait alors dans la même ville, ne purent empêcher que Priscillien et plusieurs de ses partisans ne fussent condamnés à mort, et la sentence fut exécutée. Le priscillianisme

domina encore long-temps en Espagne, malgré les nombreuses condamnations dont cette hérésie fut frappée, et ne disparut entièrement qu'à la fin du 6e siècle.

PRISES EN MER. (Droit maritime.) Avant de parler spécialement des prises maritimes, telles qu'on les voit se pratiquer en temps de guerre, il ne semble pas inutile de jeter un coup d'œil sur la nature des prises que l'état hostile admet sur la terre ferme.

Sans doute, si les regards se portaient vers ces anciens temps de rudesse et de barbarie où la guerre, soit de horde à horde, soit de peuple à peuple, mettait hommes et biens à la disposition des vainqueurs, l'on trouverait plus d'un exemple de populations entières traînées en esclavage, et dépouillées de tout ce qu'elles possédaient.

Mais dans la marche progressive de la civilisation, la guerre même a reçu d'importantes modifications sur terre. Les personnes qui ne portent point les armes ne sont plus arrachées de leurs demeures pour devenir esclaves du vainqueur; et le terrible droit de la guerre a même été adouci envers les combattants pris les armes à la main : le guerrier vaincu n'est plus voué à un perpétuel esclavage, il n'est plus qu'un prisonnier de guerre traité jusqu'à échange avec les ménagements dus à l'humanité.

Ceci ne regarde que les personnes ; mais à l'égard des biens, il s'est aussi établi, dans les guerres sur terre, une raisonnable distinction entre les propriétés de l'État et celles du simple sujet : si le vainqueur pénètre sur le territoire ennemi, et s'approprie ce qui est dans les magasins de l'État, il respecte ordinairement, ou tout au moins il ménage la boutique du simple particulier ; s'il s'empare de ce qu'il trouve dans les arsenaux ou autres établissements publics, il laisse au laboureur ses instruments aratoires, à l'artisan les outils de sa profession; en un mot, il permet à la partie inerme de la nation vaincue de suivre ses affaires, et d'en disposer à peu près comme en paix, sauf certaines fournitures ou contributions réclamées par les besoins de l'armée victorieuse, et dont la répartition est ordinairement laissée aux magistrats du pays.

Que ces restrictions au droit du plus fort aient été dictées par les lois mieux connues de l'humanité, ou commandées par la crainte de pousser des populations entières au désespoir, c'est ce que nous n'examinerons pas :

nous ferons seulement remarquer que, si de justifier de sa nationalité, soit conformésemblables restrictions eussent été appli- 'ment aux traités spéciaux qui existeraient quées aux guerres maritimes, l'appropriation hostile n'eût atteint que les vaisseaux de guerre et autres propriétés de l'État ennemi dans les ports qu'on fût parvenu à occuper, mais non des propriétes particulières, telles que de simples bâtiments de commerce, à la navigation desquels il eût suffi, pour désintéresser les États belligérants, d'interdire tout transport de munitions de guerre, et tout voyage dirigé vers un port réellement bloqué.

Voilà ce qu'aurait demandé et ce que réclamerait encore aujourd'hui la philanthropie, si sa voix pouvait être entendue au milieu des armes; mais c'est une utopie à laquelle il faut renoncer malgré soi, pour fixer son attention sur la triste réalité.

Loin que, par la législation européenne les sujets des États belligérants soient, pour leur commerce maritime, placés hors des atteintes de la guerre, ce commerce a nonseulement à redouter la rencontre des vaisseaux de guerre ennemis, mais aussi celle des bâtiments qu'il a été permis à de simples particuliers d'armer en course.

Ceci présente encore une notable différence avec les usages de la guerre sur terre: dans celle-ci, c'est l'État ou le souverain qui retient le commandement direct des forces qu'il emploie et solde, tandis que, dans la course, c'est une partie de son droit que le souverain délègue à quelques-uns de ses sujets, sous certaines conditions qu'il leur impose : c'est une force auxiliaire que l'appât du gain lui procure.

Courir sur l'ennemi à leurs risques et profits, voilà la mission des corsaires; mais, bien qu'il soient armés, rarement ils le sont assez pour se mesurer avec des vaisseaux de guerre. C'est donc sur les bâtiments de commerce que se dirigent le plus souvent leurs efforts; c'est le commerce ennemi que la course a pour objet d'inquiéter, de fatiguer et de détruire le plus qu'il est pos

sible.

Mais de ces rigueurs autorisées par un long usage, et exercées contre le commerce ennemi, naissent une foule de mesures qui réfléchissent même sur les neutres. En effet, puisque les bâtiments qui sont la propriété de sujets ennemis ne sont pas moins que les bâtiments de guerre susceptibles de capture, il en résulte que tout navire rencontré en mer peut être interrogé et tenu de

entre sa nation et celle du capteur, soit, en l'absence de semblables traités, selon des formes ou mesures qui, nées du trop commun désaccord des belligérants sur les priviléges de la neutralité, méritent moins le nom de règles que celui de représailles. D'après de justes règles, ne devrait-il pas, en effet, suffire au sujet neutre de justifier de cette qualité par son passeport et la composition de son équipage, pour être admis à continuer son voyage? Si la raison exerçait en cette matière une juste influence, son arrêt serait bientôt prononcé; car il est dé l'essence de la neutralité que l'État qui en jouit souffre le moins de restrictions qu'il est possible dans ses relations avec les nations belligérantes.

Ainsi, le sujet neutre, naviguant sous le pavillon de son souverain, devrait pouvoir commercer avec les sujets respectifs des puissances en guerre, de même qu'avec ceux des autres puissances, sous deux limitations seulement : l'une, que la cargaison ne contînt pas de munitions de guerre; l'autre, qu'il ne se dirigeât point vers un port réellement bloqué. Voilà, dans l'ordre rationnel, et dans la pureté des idées primitives se rattachant à la neutralité, ce qui devrait être ; mais qu'est-ce qui s'est pratiqué?

Si l'on essayait de rassembler ici les règles diverses et souvent opposées qui, depuis les lois romaines jusqu'aux usages du moyen âge, et depuis ceux-ci jusqu'à nos jours, ont été suivies par les nations européennes sur le fait des prises maritimes, et si l'on tentait de retracer toutes les variations que cette matière a subies, non-seulement d'État à État, mais souvent chez le même peuple, ce ne serait qu'un long tableau d'incohérences et de confusion (1).

Que si, en ce qui regarde plus spécialement la France, on désire connaître la manière dont la neutralité y a été comprise et traitée depuis le dix-septième siècle jusqu'au commencement du dix-neuvième, les détails en sont chronologiquement rapportés dans un ouvrage auquel il nous suffira d'emprunter ce qui a trait à la jurisprudence suivie

(1) Ce tableau se trouve avec tous ses détails dans le tom. 2 du Droit maritime de l'Europe, par Azuni, qui a exploré ce sujet à fond. L'ou peut voir

aussi Vatel, Hubner, d'Habreu avec les notes de Bonnemanj, etc., etc.

en matière de prises dans le cours de nos dernières guerres (1).

Il était impossible que cette jurisprudence ne se ressentit point des circonstances difficiles où la France était placée envers les nations par la résistance de son principal ennemi (l'Angleterre) à reconnaître le pavillon neutre comme couvrant la marchandise. Quelques pages, vu l'importance du sujet, ne seront vraisemblablement pas jugées de trop pour l'histoire et l'explication d'un système dont le germe se montre dans un fort ancien traité (celui de Westphalie, de l'année 1646), mais dont l'application, alors méconnue par plusieurs États, et plus tard abandonnée par tous, ne régissait point la France elle-même, lorsque, dans son ordonnance de la marine de 1681, et ensuite dans son réglement de 1744, elle traçait des règles plus ou moins opposées aux priviléges de la neutralité, tels que le règlement de 1778 a plus récemment essayé de les faire admettre.

C'est donc seulement à cette époque de 1778 que la France s'appliqua à faire reconnaitre l'immunité de la cargaison par le respect dû au pavillon neutre, en consacrant elle-même ce principe dans son règlement de la même année.

Il y avait sans doute de puissantes raisons pour que cette règle fût généralement adoptée. En rattachant la validité ou l'invalidité de la prise, tant pour le navire que pour la cargaison, à la seule qualité ennemie ou neutre du pavillon, tout se simplifiait; et si le sujet neutre perdait la cargaison qu'il eût imprudemment placée sur un navire ennemi, il pouvait fréter, quel qu'en fût le proprié taire, toute cargaison ou partie de cargaison, pourvu qu'elle ne consistât point en munitions de guerre, ou ne fût pas destinée pour un port bloqué : la navigation purement commerciale eût été par là dégagée de beaucoup d'entraves, sans nuire aux belligérants dans les points qui appartenaient directement à leur situation hostile.

Mais le système que la France voulait introduire comme le plus propre à maintenir les justes intérêts de tous les États, ne convient point à l'Angleterre, qui n'y répondit que par des mesures de plus en plus restrictives du droit des neutres.

Dès la même année 1778, l'Angleterre

(1) Voyez le Code des prises, par Dufriche-Foulaine, imprimé en 1805, 2 vol. in-4o.

étendit à ce qu'elle appelait contrebande de guerre, tous les objets propres à la construction des navires; elle refusa aux neutres la faculté de naviguer d'un port ennemi à un autre port ennemi, même non bloqué; elle éleva des doutes sur le droit appartenant aux puissances neutres de faire escorter par des vaisseaux de guerre les bâtiments de commerce de leurs sujets, et prétendit qu'en tout cas l'escorte n'affranchissait plus de la visite les bâtiments escortés.

De telles prétentions ne pouvaient être proclamées sans blesser les puissances neutres; aussi vit-on, les souverains du Nord s'élever contre elles, et former, en l'année 1780, cette neutralité armée qui imposa à l'Angleterre, et se termina par la paix de 1783.

Rien toutefois n'avait été positivement réglé, lorsqu'une nouvelle guerre s'alluma, en 1793, entre la France et l'Angleterre qui non-seulement reprit ses anciennes prétentions, mais les étendit encore, en soutenant qu'une place était censée bloquée même hors la présence d'une escadre, quand cette escadre s'était éloignée par l'effet d'une tempête, par le besoin de faire de l'eau, ou par d'autres circonstances aussi vagues.

Par une fâcheuse coïncidence, les ÉtatsUnis d'Amérique, qui étaient alors en mésintelligence avec la France, et qui allaient bientôt entrer en guerre avec elle, voulurent bien reconnaître ces énormes prétentions de l'Angleterre.

De son côté, la France, en haine de laquelle tant de restrictions étaient imposées aux neutres, crut devoir, comme par représailles, autoriser la capture de tout navire qui serait rencontré avec une cargaison anglaise en tout ou partie. C'était de la part du gouvernement français une dérogation bien formelle au privilége dont elle avait voulu précédemment investir le pavillon neutre; mais alors l'irritation était grande entre les deux pays, et cette irritation était parvenue à son plus haut point, quand la première magistrature de la république échut à Napoléon.

En se rendant favorable aux vues et aux intérêts de l'Amérique, le nouveau chef du gouvernement français ne tarda point à ramener les États-Unis à des sentiments pacifiques envers la France; et le traité du 8 vendémiaire an IX (30 septembre 1800), qui rétablit la paix entre ces deux nations, reconnut en même temps le privilége du pavillon neutre.

Peu de temps après, les puissances du Nord, la Russie, le Danemarck, la Suède et la Prusse proclamèrent elles-mêmes ce principe, dans une convention du 16 décembre 1800, stipulant une neutralité armée, dont l'Angleterre osa, contrairement au droit des gens, et sans explications préalables, se faire un prétexte pour attaquer inopinément et détruire la flotte danoise. La malheureuse bataille de Copenhague, du 2 avril 1801, et l'assassinat de l'empereur Paul, opérèrent encore un changement de scène. Les puissances du Nord se désistèrent des principes de leur neutralité armée, et reconnurent, dans un traité du 17 juin 1801, les prétentions de l'Angleterre. L'Europe se trouva ainsi replacée, par l'issue d'une bataille, sous l'empire des restrictions dictées par le vainqueur.

Dans ces conjonctures, la France se vit entraînée à appliquer aux neutres avec les quels elle n'avait pas de traités spéciaux, les mesures auxquelles les nations maritimes de de l'Europe s'étaient soumises envers l'ennemi, et qui par là même devenaient une sorte de droit commun.

Toutefois les choses furent encore poussées plus loin dans les hostilités qui suivirent la rupture de la paix éphémère d'Amiens. La France s'étant emparée du territoire hanovrien, le gouvernement anglais, au mois de juin 1803, déclara en état de blocus l'Elbe et ses côtés, et, peu de temps après, le Weser et l'Ems, puis le port de Gênes et la Spézia ; enfin, et dans le cours de deux à trois ans, toute l'étendue des côtes appertenant à la France, ou occupées par des troupes françaises ou alliées.

La France se vit donc contrainte à user de représailles; et de là, les fameux décrets datés, l'un de Berlin, 21 novembre 1806, et l'autre de Milan, 23 novembre 1807, soumettant à la confiscation tous navires destinés pour l'Angleterre ou ses colonies, ainsi que tous vaisseaux ayant touché le sol britannique.

Telle était alors la position des deux pays, que, si l'Angleterre dominait sur les mers, de son côté, la France était parvenue à exercer sur le continent une influence sans bornes, et que, dans la lutte élevée entre ces deux colosses directement inaccessibles l'un à l'autre, le succès semblait définitivement réservé à celui des deux qui pourrait se maintenir le plus long-temps sur l'élément qui lui était propre.

Il s'agissait pour la France d'isoler l'Angleterre du continent, et Napoléon, jusqu'alors étranger aux revers, s'était sans doute flatté de réussir; mais pour obtenir ce résultat, il fallait être aidé par la patience des gouvernements amis ou neutres ; et avant qu'on eût pu recueillir le fruit d'une si vaste entreprise (que la concession de lettres appelées licences, et surtout l'extrême difficulté d'empêcher la contrebande avaient déjà fort altérée), de fâcheuses défections et de nouvelles guerres vinrent déranger et définitivement détruire les moyens que la France s'était vue forcée d'opposer à l'Angleterre comme représailles de la conduite insolite que le cabinet britannique avait tenue envers les neutres.

Ainsi se termina, après de longues souffrances endurées par toutes les nations ennemies, amies ou neutres, une lutte qui n'obtint pas l'effet d'obliger l'Angleterre à reconnaître le pavillon neutre comme couvrant la marchandise (1), et à adopter des principes plus purs sur la neutralité en général.

Telle est, au surplus, la connexion des mesures dictées par l'état de guerre, ou, plus exactement peut-être, la réflexion des unes sur les autres, qu'on peut se voir contraint quelquefois à appliquer le système même que l'on regarde comme vicieux ; et c'est ce qui est arrivé à la France dans la dernière guerre : Voilà vos droits, disaitelle aux neutres; je les reconnais et suis prête à les observer; mais réunissez-vous et agissez pour les faire respecter aussi de l'ennemi, sinon je serai forcée de vous traiter comme vous souffrirez qu'il vous traite. C'est ainsi que, durant le cours de la der nière guerre, d'une guerre qui a duré près de vingt-quatre ans, les droits' du pavillon neutre, méconnus et repoussés par l'Angleterre, sont restés sans application en France, et n'offrent aujourd'hui qu'une théorie malheureusement dénuée de toute sanction légale.

Jusqu'ici l'on a négligé de parler des bâ timents naviguant sous pavillon ennemi (2),

(1) Voyez sur le droit des neutres une fort belle dissertation, insérée dans les Mémoires de Napoléon, dictés à Sainte-Hélène, et publiés par le général Gourgaud, tom. 2, pag. 91 et suivantes.

(2) Ces prises sous pavillon ennemi étaient ordinairement adjugées par l'administration des ports où elles étaient conduites, et l'autorité supérieure n'en prenait connaissance juridictionnelle qu'en cas de

réclamations; ce qui arrivait très-rarement.

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