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fixé par l'art. 36 de la Charte; les députés devoient être élus et la chambre renouvelée suivant l'art. 37 de la Charte. Les patentes n'auroient plus donné le droit d'élection; les scrutateurs et secrétaires des collèges n'auroient plus été au choix des électeurs, et les votes n'auroient plus été secrets. Enfin, une quatrième ordonnance convoquoit les collèges électoraux d'arrondissement pour le 6 septembre, ceux de département pour le 13, et la session des deux chambres pour le 28 du

même mois.

Ces ordonnances furent aussitôt mises à exécution pour les journaux, qui ne parurent le lendemain qu'avec autorisation. Le Journal des Débats, le Constitutionnel et la plupart des autres, ne furent pas publiés. Le National, le Globe, et peut-être quelques autres, se hasardèrent à paroître, et furent saisis. Cependant un grand mouvement régnoit dans les esprits, et une vive résistance se préparoit. Beaucoup d'imprimeurs, de manufacturiers et de chefs d'ateliers renvoyèrent leurs ouvriers. Le mardi matin ceux-ci se formèrent en groupes, qui grossirent successivement; des jeunes gens de toutes les classes se mêlèrent à ce mouvement. La gendarmerie et les troupes essayèrent vainement de dissiper les rassemblemens. Sur les places publiques et dans les grandes rues, on jetoit des pierres aux gendarmes: bientôt on se procura d'autres armes, soit en forcant toutes les boutiques d'armuriers, soit en pillant des établissemens publics, soit en s'emparant de plusieurs postes militaires. A trois heures, les rues Saint-Honoré, de Richelieu, et autres adjacentes, étoient encombrées par la foule. On cassa tous les réverbères, ce qui fut imité plus tard dans les autres quartiers le mouvement se propageoit de plus en plus.

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Le mercredi 28 au matin, une ordonnance royale mit Paris en état de siége, et nomma le maréchal Marmont pour commander la force armée. Des rassemblemens plus nombreux encore se forment à la Grève, autour du Palais-Royal, sur les quais et les boulevards. La foule s'empare de l'Hôtel-deVille dont on vouloit faire un point central. Les troupes envoyées pour le reprendre n'y parviennent qu'à l'aide du canon et de fusillades prolongées. Pendant douze heures, de midi à minuit, des décharges continuelles d'artillerie et de mousqueterie eurent lieu à la Grève, sur les quais, et dans les environs du Louvre et des Tuileries. Cette journée fut meurtrière, et un grand nombre de blessés furent portés aux

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L'AMI DE LA RELIGION.

Précis des derniers évènemens de la Capitale.

Les derniers évènemens dont la capitale a été le théâtre expliquent suffisamment l'interruption de nos Numéros. Le Numéro du mercredi 28 étoit imprimé et ne put être publié. Celui du samedi a manqué aussi. Nous profitons des premiers momens de tranquillité pour tenir nos lecteurs au courant des évènemens qu'ils doivent désirer ardemment de connoître. Nous nous bornerons à un précis rapide, mais qui indiquera au moins toutes les principales circonstances dégagées de détails inexacts ou douteux, et des réflexions hasardées qu'y ont mêlées les journaux.

Le lundi 26 parut dans le Moniteur un long rapport au roi sur les abus de la liberté de la presse; ce rapport étoit signé de M. de Polignac et des six autres ministres, et étoit suivi de quatre ordonnances principales.

La première ordonnance suspendoit la liberté de la presse, et remettoit en vigueur la loi du 31 octobre 1814 sur l'autorisation des journaux; cette autorisation pouvoit être révo– quée, et devoît être renouvelée tous les trois mois : tout journal qui auroit paru sans autorisation auroit été saisi. La seconde ordonnance prononçoit la dissolution de la nouvelle chambre des députés, à raison des manoeuvres pratiquées sur plusieurs points du royaume, pour tromper et égarer les électeurs. La troisième ordonnance établissoit un mode d'élections. La chambre n'auroit plus eu que des députés de département; les collèges d'arrondissement auroient élu des candidats, parmi lesquels les collèges de département auroient pris la moitié des députés. Le nombre des députés auroit été celui qui est

Tome LXV. L'Ami de la Religion.

fixé par l'art. 36 de la Charte; les députés devoient être élus et la chambre renouvelée suivant l'art. 37 de la Charte. Les patentes n'auroient plus donné le droit d'élection ; les scrutateurs et secrétaires des collèges n'auroient plus été au choix des électeurs, et les votes n'auroient plus été secrets. Enfin, une quatrième ordonnance convoquoit les collèges électoraux d'arrondissement pour le 6 septembre, ceux de département pour le 13, et la session des deux chambres pour le 28 du même mois.

Ces ordonnances furent aussitôt mises à exécution pour les journaux, qui ne parurent le lendemain qu'avec autorisation. Le Journal des Débats, le Constitutionnel et la plupart des autres, ne furent pas publiés. Le National, le Globe, et peut-être quelques autres, se hasardèrent à paroître, et furent saisis. Cependant un grand mouvement régnoit dans les esprits, et une vive résistance se préparoit. Beaucoup d'imprimeurs, de manufacturiers et de chefs d'ateliers renvoyèrent leurs ouvriers, Le mardi matin ceux-ci se formèrent en groupes, qui grossirent successivement; des jeunes gens de toutes les classes se mêlèrent à ce mouvement. La gendarmerie et les troupes essayèrent vainement de dissiper les rassemblemens. Sur les places publiques et dans les grandes rues, on jetoit des pierres aux gendarmes : bientôt on se procura d'autres armes, soit en forcant toutes les boutiques d'armuriers, soit en pillant des établissemens publics, soit en s'emparant de plusieurs postes militaires. A trois heures, les rues Saint-Honoré, de Richelieu, et autres adjacentes, étoient encombrées par la foule. On cassa tous les réverbères, ce qui fut imité plus tard dans les autres quartiers le mouvement se propageoit de plus en plus.

Le mercredi 28 au matin, une ordonnance royale mit Paris en état de siége, et nomma le maréchal Marmont pour commander la force armée. Des rassemblemens plus nombreux encore se forment à la Grève, autour du Palais-Royal, sur les quais et les boulevards. La foule s'empare de l'Hôtel-deVille dont on vouloit faire un point central. Les troupes envoyées pour le reprendre n'y parviennent qu'à l'aide du canon et de fusillades prolongées. Pendant douze heures, de midi à minuit, des décharges continuelles d'artillerie et de mousqueterie eurent lieu à la Grève, sur les quais, et dans les environs du Louvre et des Tuileries. Cette journée fut meurtrière, et un grand nombre de blessés furent portés aux

hôpitaux. Les morts furent depuis déposés dans un bateau sur la rivière, d'où on les a descendus pour les enterrer hors la ville. C'est alors que l'insurrection prit un caractère particulier. Le drapeau tricolore fut arboré sur les tours de NotreDame. La garde nationale, supprimée par ordonnance, fut invitée à se réunir dans les diverses mairies; le général La Fayette en prit le commandement. Les élèves de l'école polytechnique forcèrent la consigne et dirigèrent sur plusieurs points les rassemblemens. On abat les signes du gouvernement royal, les armoiries, les noms des princes, etc. Au milieu de ce mouvement, nous voudrions pouvoir dire avec un journal qu'il n'y eut pas un seul acte de répréhensible commis, et que tout s'exécuta sans cris, sans violence et dans un ordre parfait. Trop de faits malheureusement démentent une si consolante assertion. Ainsi, pour nous borner à un seul exemple, on a brisé les presses mécaniques dans plusieurs grandes imprimeries. On sait que ces presses, qui diminuent beaucoup le nombre des bras, sont par là même odieuses aux ouvriers. On a brisé de même les machines dans plusieurs grandes manufactures et ateliers Ce qu'il y a de remarquable, c'est que ces dégats ont été exercés par les ouvriers mêmes que les imprimeurs et les fabricans avoient renvoyés pour favoriser le mouvement.

Le soir commencèrent les barricades; on dépava les rues. A chaque coin de rue on entassoit des pavés, des voitures couchées, des pièces de bois et toutes sortes de débris. Cela se pratiqua successivement dans tous les quartiers, et dans ceux même où il n'y avoit pas eu de combat. On coupa une partic des arbres du boulevard. Toute la nuit on sonna le tocsin à Notre-Dame, à Saint-Sulpice, et dans d'autres clochers dont le peuple s'étoit emparé. Depuis le matin les églises étoient fermées, et elles ne se sont rouvertes que le dimanche.

Dans la nuit de mercredi à jeudi les ministres et le maréchal Marmont couchèrent aux Tuileries. La fusillade cessa peu après minuit. Les troupes se retiroient au Louvre, aux Tuileries et aux environs de ces deux palais. La garde nationale оссира l'Hôtel-de-Ville. Le drapeau tricolore flottoit de tous les côtés, et le tocsin continuoit à sonner. Plusieurs prisons furent ouvertes, entr'autres la Conciergerie, les Madelonnettes, Saint-Lazare, etc. Le Louvre fut emporté à une heure et les Tuileries à quatre heures; on mutila le tableau

du sacre et le portrait du maréchal Marmont. Le Louvre, les Quatre-Nations, le quai furent criblés de balles. On enterra le vendredi les morts sur l'Esplanade du Louvre, une croix a été érigée au-dessus de la fosse. Dans l'après-midi, la caserne des Suisses, rue de Babylone, fut emportée; la plupart des Suisses qui étoient restés gagnèrent le boulevard, après s'être défendus quelque temps. Quelques-uns de ceux qu'on trouva dans la caserne n'échappèrent point, dit le Constitutionnel, à la fureur des vainqueurs. La garde royale se retira vers SaintCloud avec les Suisses, l'artillerie et les lanciers.

Le même jour, la multitude se porta à l'archevêché. Un journal prétend que la foule ne cherchoit d'abord que des vivres et des rafraîchissemens, mais que cette disposition pacifique a été tout-à-fait changée par la découverte inattendue de deux barils de poudre et de cent poignards; que dès ce moment la fureur de la multitude n'a plus connu de bornes... Nous devons dire que cette découverte inattendue est un mensonge absurde et atroce, avec lequel on a pu monter les têtes d'une foule crédule, mais qu'on ne pouvoit espérer de persuader à quiconque est susceptible de réflexion. Il en est de la découverte des deux barils de poudre et des cent poignards, comme de cet autre conte répandu aussi parmi le peuple, que les chanoines de Notre-Dame avoient jeté des pierres sur la garde nationale. Il est en effet bien probable que de vieux prêtres étoient fort empressés de se mêler à cette lutte! Chacun sait que, pendant ces jours d'orage, tous les ecclésiastiques se sont tenus renfermés dans leurs demeures. Ce qui est certain, c'est qu'on a tout pillé à l'archevêché, au secrétariat et chez tous les ecclésiastiques qui demeuroient chez M. l'archevêque. Plusieurs séminaires et établissemens ont été visités par des détachemens d'hommes armés. Quelques-uns se sont bornés à rechercher s'il y avoit quelque dépôt d'armes; car, comme au commencement de la révoluion, on vouloit voir partout des armes cachées. Chez les missionnaires de France, on a pillé les meubles et la bibliothèque, et on avoit même commencé à mettre le feu; il a fallu appeler des pompiers pour l'éteindre. Plusieurs missionnaires ont été maltraités. A Montrouge, on a pillé entièrement la maison appartenant aux Jésuites, et dévasté même le jardin; des habitans de la maison ont été maltraités et frappés. Nous apprenons que le même jour des attroupemens formés à Amiens s'étoient portés à Saint-Acheul,

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