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JEUDI 2 SEPTEMBRE 1830.

(N° 1679.)

Sur la mission des îles Sandwick.

Les iles Sandwick, dans la mer du Sud, furent découvertes en 1778 par Cook; elles sont au nombre de treize, dont sept principales, les autres ne sont que des rochers. On y compte environ un million d'habitans, qui étoient idolâtres et qui immoloient même, à ce qu'on croit, des victimes humaines; mais ils ont renoncé et à ces sacrifices et à l'idolâtrie depuis leurs relations avec les Européens. Du reste, ceux-ci y ont porté leur corruption; pouvoit-il en être autrement, puisque les étrangers établis dans ces iles sont des aventuriers, des matelots déserteurs et d'autres gens aussi peu propres à donner de bons exemples? On dit qu'autrefois ce peuple ne faisoit qu'une seule famille, dont le roi étoit le père commun. Les Sandwickois étoient bons, simples, confians, hospitaliers; tout cela s'est bien altéré depuis quelques années.

L'avant-dernier roi de ces iles, Taméhaméa, régnoit à Hawau ; il attaqua les rois des autres iles, et réunit presque tout l'archipel sous sa domination. Il chercha à introduire parmi ses sujets les mœurs et les usages de l'Europe. Son fils et son successeur, qui est mort il y a peu d'années, en Angleterre, n'hérita point des talens de Taméhaméa. Le roi actuel est Kuikeori, second fils de Taméhaméa.

Des missionnaires protestans de la secte des moraves sont venus dans ces iles, ont fait connoître aux naturels les caractères anglais, et leur ont appris un peu à lire et à écrire. Ils ont, dans la seule ile de Oahu, plus de soixante écoles qui servent en même temps de prêches. D'abord le zèle étoit assez grand, aujourd'hui il s'est bien refroidi, Mais les moraves ont pour eux la reine régente, qui les favorise de tout son pouvoir. Nous annonçâmes, il y a deux

Tome LXV. L'Ami de la Religion.

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ans (n° 1477), que trois missionnaires français s'étoient embarqués en 1826 pour ces îles; c'étoient trois ecclésiastiques de la maison de Picpus, MM. Bachelot, Armand et Short, accompagnés de trois Frères ou catéchistes. Ils se sont dévoués pour aller évangéliser ces insulaires; ils arrivèrent à leur destination le 13 juillet 1827. Les missionnaires protestans n'omirent rien pour les empêcher d'être reçus, mais leurs efforts échouèrent contre l'avis des principaux chefs du conseil du roi. Le frère de la reine s'est prononcé en faveur des Français, et les a visités quelquefois. Ceux-ci ont baptisé quelques enfans; mais leur premier soin a dû être d'apprendre une langue fort difficile, puisqu'il faut en faire soi-même la grammaire et le dictionnaire. M. Bachelot, qui a le titre de préfet apostolique, a parlé quelquefois aux naturels par interprète, et en a toujours été écouté avec attention. On trouve dans le numéro 21 des Annales de la propagation de la foi (*), une lettre de lui datée d'Anaroura en décembre 1828; nous en donnerons un extrait.

La ville d'Anaroura peut contenir 2,000 habitans; c'est un amas de cases grossièrement construites. Cependant, depuis l'arrivée des Européens, ces cases deviennent plus commodes, on voit même quelques maisons en pierres. Honolohe est un bon port près d'Anaroura; on y voit dans deux saisons de l'année jusqu'à cinquante bâtimens qui vont d'Amérique en Chine ou au Japon, ou qui en reviennent. La vigne vient très-bien, et donne deux récoltes par an. La chaleur est tempérée par un vent du nord qui souffle constamment. Les femmes s'occupent à faire des nattes, quelques-unes savent coudre; les hommes sont grands, lestes et robustes, mais ils n'aiment point un travail assidu. On raconte beaucoup de choses de Taméhaméa, qui paroît avoir été un homme de tête. Il mourut en 1819, ayant été constamment attaché à l'idolâtrie. Il avoit plusieurs femmes,

(*) Voyez aussi, sur la mission des îles Sandwick, les numéros 14 et 16 des Annales, pages 152 et 350 du tome III.

entre autres Tamanu, la régente actuelle. Liholiho, qui lui succéda, prit goût aux mœurs des Européens, et fit mettre le feu aux temples des idoles; il rencontra, à ce sujet, quelque opposition dont il triompha. Ce fut lui qui passa en Angleterre en 1823, apparemment pour se mettre sous la protection des Anglais. Il étoit accompagné de sa sœur, qui étoit en même temps sa femme, et qui mourut comme lui à Londres en 1824. Un Français qui avoit beaucoup de crédit sur son esprit l'avoit suivi dans ce voyage.

On connoit peu la mythologie des îles. Sandwick. On adoroit à Hawau la déesse Pelé, qui est un volcan mainnant éteint. Taméhaméa avoit érigé des temples au dieu de la guerre, qui étoit son dieu favori. On y immoloit des victimes humaines; cependant on assure que ces sacrifices étoient rares. Les insulaires n'aiment pas à parler de cette barbare coutume, dont sans doute ils rougissent ajourd'hui. En général, on remarque que les jeunes gens ne parlent qu'avec mépris du temps passé; ils se croient sages et éclairés, et ne se doutent pas qu'ils aient beaucoup à apprendre. Ces peuples ont l'idée de l'immortalité de l'ame et la tradition d'un déluge universel. Le Tabou, tel qu'il existoit autrefois, donnoit aux prêtres un grand pouvoir; c'étoit comme la manifestation de la volonté des dieux, et la violation entrainoit la peine de mort. Liholiho entreprit d'abolir le Tabou; ce mot n'exprime plus qu'une défense de faire telle ou telle chose.

Les missionnaires ne savent point encore assez la langue pour faire des instructions, mais ils commencent à faire des catéchismes. Ils n'ont encore baptisé aucun adulte, voulant se donner le temps de les instruire complètement. Les catéchumènes montrent de la bonne volonté. D'abord il ne venoit qu'une dixaine d'infidèles au catéchisme, mais depuis les invectives des ministres protestans, ce nombre a augmenté. On est venu par curiosité, et on écoute avec intérêt. Le 8 décembre, jour de la fête de la Conception, un des missionnaires, M. Armand, baptisa un adulte

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mourant et un enfant aussi en danger de mort. Les insulaires paroissent désirer d'être instruits. Les missionnaires aspiroient à former un noyau de chrétiens fervens, qui pussent être d'un grand exemple pour les infidèles et attirer les bénédictions de Dieu sur leur œuvre. Ils pensoient qu'il leur faudroit encore plusieurs années pour posséder la langue, mais ils n'en étoient point découragés. La lettre de M. Bachelot est pleine de sentimens de zèle et de dévoûment.

Le plus grand obstacle qu'il ait à vaincre est la présence des ministres protestans. Ceux-ci arrivèrent dans les iles en 1820, ils firent peu de progrès les deux premières années; mais ayant gagné les chefs, ils établirent des écoles, distribuèrent des imprimés et obtinrent un grand crédit. Il y eut ordre de se rendre aux écoles; on construisit une case pour servir de temple, toute espèce de travail et de jeux fut interdite le dimanche, la polygamie de droit fut abolie, l'infanticide fut puni. Tamanu soutient les ministres, elle a du caractère et aime l'ordre; elle est trompée, dit M. Bachelot, mais elle veut le bien; elle ne nous a. persécutés que parce qu'elle n'a pu discerner la vérité de l'erreur. Quelques insulaires furent envoyés en Amérique et revinrent assez instruits pour être préposés aux écoles. Mais les idées de religion qu'ils ont reçues sont froides et spéculatives, il faut la grâce pour les rendre efficaces dans la pratique.

Les missionnaires catholiques réclament les prières des ames pieuses pour leur entreprise, qui mérite en effet d'intéresser tous ceux qui ont quelque zèle pour la propagation de la foi.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. La semaine dernière, un nombreux rassemblement s'est porté à des maisons de campagne à Gentilly; l'une de ces

maisons appartient au séminaire du St-Esprit, et l'autre, à MM. de Saint-Lazare. On y est entré par-dessus les murs, on a dévasté le jardin et causé des dégâts dans la maison. Le rassemblement étoit principalement formé, à ce qu'il paroît, d'ouvriers des carrières voisines; on leur avoit dit que ces maisons étoient occupées par des Jésuites et qu'elles renfermoient des armes. Ils ont fait une exacte recherche, et n'ont rien trouvé, comme on le pense bien. On a aussi pillé une maison à Vitry, comme appartenant aux Jésuites.

Des feuilles allemandes avoient dit que M. l'évêque de Metz étoit aussi sorti de France; c'est sans doute une erreur. Le Courrier de la Moselle nomme ce prélat comme étant le 24 août à Metz, et comme ayant fait ce jour-là une visite au nouveau préfet.

On a porté dernièrement aux assises de Grenoble l'affaire du nommé Meunier, accusé d'un vol sacrilége, et déjà repris de justice pour vol d'argenterie. Le 18 mars dernier, il se présenta chez M. le curé de Saint-Joseph, à Grenoble; M. le curé étoit à l'église. Meunier y entra, sous prétexte de l'attendre, et, en passant par la sacristie, trouva moyen de s'emparer d'un beau calice. On ne s'en aperçut que le lendemain. Les soupçons tombèrent sur Meunier, et on donna son signalement au commissaire de police, qui le reconnut aussitôt comme placé déjà sous sa surveillance par suite d'une condamnation à quinze mois de prison. Le 21 mars Meunier fut arrêté; on trouva à son domicile des fragmens d'argent qui pouvoient avoir fait partie d'un calice. Il ne put donner d'explication sur l'origine de ces fragmens, et, confronté avec les personnes de l'église et du presbytère, il fut reconnu. Traduit aux assises, les débats ont confirmé les charges de l'information. M. de Boissieu, avocat-général, s'est attaché à montrer que le vol d'un vase sacré dans une sacristie étoit le vol commis dans un édifice consacré à la religion de l'Etat, et que la sacristie, étant une dépendance de l'église, devoit être assimilée à l'église même. L'avocat de Meunier a soutenu la thèse contraire. Mais la cour d'assises, sur la déclaration affirmative du jury, appliquant à Meunier le second paragraphe de l'article 10 de la loi de 1825, l'a condamné à sept années de réclusion et à l'exposition. Meunier, qu'on dit avoir été autrefois au séminaire, et qui prend aujourd'hui le

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