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nesse est allée le féliciter d'avoir demande la dissolution de la chambre et une nouvelle élection générale. Des affiches, des pétitions ont exprimé le même vou. Mais c'est dans les journaux que la discussion étoit la plus vive et la plus animée. La France Nouvelle, la Révolution, la Tribune des départemens, le Globe, le Constitutionnel, appeloient des changemens plus ou moins importans; d'autres, et surtout le Journal des Débats et le Natioual, plaidoient pour l'état actuel. Il est assez curieux d'observer que le premier employoit, pour arrêter le mouvement qu'il avoit naguère contribué à produire, les mêmes argumens qu'on employoit alors contre lui. Il se plaignoit de cette manie qui rêve sans cesse de nouveaux changemens :

«La source du mal, disoit-il le 12 de ce mois, est dans l'agitation morale de certaines classes, dans ce goût d'innovation sans fin qui tourmente quelques esprits systématiques, dans ces symptômes d'anarchie qui menacent notre avenir, dans l'incertitude où on nous laisse sur le sort de la chambre attaquée avec violence. Voilà ce qui détruit la confiance et ce qui paralyse le commerce. Le commerce a besoin de paix et de stabilité; il faut qu'il puisse compter sur l'avenir, et par le temps qui court, c'est tout au plus si on peut compter sur une semaine. Le commerce ne se laisse pas séduire par de vaines utopies. Tandis que des esprits ardens ne rêvent que réformes, améliorations, perfectionnemens, il s'aperçoit trèsbien qu'il est plus aisé de détruire que de réédifier, et qu'au bout de toutes ces belles réformes, il se pourroit qu'on trouvât l'anarchie au lieu de la liberté, le despotisme d'un parti quelconque au lieu du règne des lois....

»

Notre Charte n'a pas encore de sanction définitive; elle résisteroit difficilement aux coups d'un parti audacieux qui entreprendroit d'en faire une Charte toute démocratique, et voilà pourquoi la dissolution de la chambre en ce moment effraie si fort les hommes sages... Avant tout, il faut respecter les lois établies et les autorités constituées, et ne pas s'imaginer que c'est à force de désordre qu'on arrive à l'ordre, à force de mal qu'on arrive au bien. Cette malheureuse préoccupation n'est que trop commune. Allons, encore ce jour de trouble et de tumulte, chassons cette chambre par la violence,

s'il le faut; laissons cette fois encore dormir les lois, demain tout sera fini. C'est ainsi qu'on raisonne et qu'on se fait illusion; mais le lendemain il y a un autre parti qui veut à son tour faire sommeiller encore les lois, et le désordre ne finit pas. »

Il seroit assez piquant de comparer ce langage avec celui que le même journal tenoit il y a trois mois. Il étoit entrainé alors par les mêmes illusions qu'il combat aujourd'hui, et on peut appliquer à la plupart de ses articles de ce temps-là ce qu'il dit, actuellement de l'esprit des journaux qu'il réfute. Il ne songeoit pas alors qu'il est plus aisé de détruire que de réédifier, que l'anarchie pourroit se trouver au bout de tous ces beaux changemens, que le lendemain de la victoire, il y auroit encore un autre parti qui voudroit encore faire sommeiller les lois, et qu'ainsi le désordre ne finiroit pas. Il étoit impossible de faire plus nettement le procès à sa propre conduite, et de se convaincre plus franchement soi-même d'une ardeur inconsidérée et d'une étonnante imprévoyance.

Quelle sera l'issue de cette lutte entre les journaux ? Quand on considère la marche des esprits et l'audace de cette jeunesse qui s'avance, qui gagne chaque jour du terrain, qui veut du nouveau, et qui se moque de l'expé rience du passé, il est permis de concevoir des craintes sur un avenir si couvert de nuages. La chambre sera dissoute tôt ou tard, et alors ne verra-t-on pas dominer dans les élections cette même jeunesse si confiante et si décidée, qui fera peut-être prendre au gouvernement une direction nouvelle? Tout conspireroit à la fois pour la précipiter dans la carrière périlleuse des essais et des changemens, l'ardeur de son âge, les éloges qu'on lui donne, les conseils qu'elle reçoit dans les journaux et les encouragemens des hommes à systèmes et à utopies, dont on nous parloit tout à l'heure, et qui, livrés à leurs abstractions, braveroient pour les réaliser tous les obstacles et tous les dangers.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Dans la séance de la chambre des députés, du 13 dont nous avons rendu compte, M. le ministre de l'intérieur a lu un rapport sur la situation du royaume. Ce rapport a paru généralement froid et peu satisfaisant; il est surtout fort incomplet, et ne touche point certaines cordes délicates qu'aussi bien il étoit assez difficile de manier. Ainsi il ne parle point de la stagnation absolue du commerce, stagnation qui est la suite nécessaire des troubles et de l'agitation des esprits, mais qui commence à devenir inquiétante, et pour l'Etat et pour les particuliers. Toutefois, ce n'est point là ce que nous voulons remarquer ici; mais nous croyons devoir citer textuellement la partie du discours qui concerne le clergé. Le ministre s'est exprimé en ces termes sur ce sujet:

<«< Une autre inquiétude se fait sentir; on craint que notre révolution et ses résultats ne rencontrent, dans une partie du clergé français, des sentimens qui ne soient pas en harmonie avec ceux du pays. Le gouvernement du Roi n'ignore, Messieurs, ni les imprudentes déclamations de quelques hommes, ni les menées ourdies à l'aide d'associations ou de congrégations que repoussent nos lois. Il les surveille sans les redouter. Il porte à la religion et à la liberté des consciences un respect sincère; mais il sait aussi jusqu'où s'étendent les droits de la puissance publique, et ne souffrira pas qu'ils reçoivent la moindre atteinte. La séparation de l'ordre civil et de l'ordre spirituel sera strictement maintenue; toute infraction aux lois du pays, toute perturbation de l'ordre seront fortement réprimées, quels qu'en soient les auteurs. >>

Nous craignons, nous, que le ministre ne connoisse mal les sentimens du clergé; il en auroit en effet une idée trèsfausse, s'il s'en rapportoit, à cet égard, aux imprudentes déclamations de quelques écrivains et journalistes contre la religion et ses ministres. Le principal danger de notre situation vient de ces déclamations et des menées ourdies par des associations libérales et patriotiques. Voilà ce qui devroit inquiéter le gouvernement, bien plus que les mandemens des évêques et l'existence des congrégations. Nous avons cité des circulaires de quelques évêques, et on a yu combien elles

étoient modérées. M. le ministre de l'intérieur apprécieroit mieux l'esprit du clergé par ces actes que par des accusations qui partent de bouches ennemies. Au surplus, puisqu'il promet la séparation de l'ordre civil et de l'ordre spirituel, nous avons lieu d'espérer que la religion ne sera point asservie par l'autorité temporelle. M. Guizot, par-là même qu'il est protestant, sentira la nécessité de montrer plus d'équité pour le clergé catholique; il ne voudra pas qu'on puisse l'accuser d'une partialité qui, dans sa position, répugneroit à la fois, et à la délicatesse de l'honnête homme et à la sagesse de l'administrateur.

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Le moment est bien choisi pour nous parler des violences du clergé, et c'est bien le cas, quand les prêtres sont en butte à tant de préventions et de haines, de les peindre comme des gens entreprenans et redoutables. Il paroit, dit un journal, que dans quelques communes plusieurs membres du clergé, d'abord étourdis par la révolution de juillet, ont repris leur ancienne violence. Le journaliste cite-t-il des faits à l'appui de son assertion? Non, pas un; mais c'est égal. Ce mot jeté en passant trouvera des lecteurs crédules, et pour punir les prêtres de leurs violences chimériques, on en exercera peut-être envers eux de très-réelles. Quoi qu'il en soit, l'accusation du journal avoit pour objet de motiver la jurisprudence qu'il met en avant, c'est qu'on n'a pas besoin d'autorisation du conseil d'Etat pour poursuivre les prêtres prévenus de quelque délit, et qu'on peut les traduire immédiatement devant les tribunaux. Il est sûr que ce seroit une grande jouissance de voir les prêtres traduits fréquemment en justice sur les dénonciations de leurs ennemis, de les voir humiliés, sur la sellette, interrogés, en butte aux plaidoieries des avocats et aux moqueries des spectateurs, etc. Mais une loi, une loi formelle, celle du 18 germinal an 11, porte qu'il y a recours au conseil d'Etat pour toute entreprise ou procédé de la part des ecclésiastiques dans l'exercice du culte, contre l'honneur ou le repos des citoyens. La marche légale est donc ces cas de s'adresser au conseil d'Etat, et nous croyons que, malgré les violences du clergé, cette marche suffit pour protéger les citoyens contre les envahissemens et l'intolérance de gens aussi redoutables que le sont les prêtres dans l'état actuel des choses, où tout prospère à leur gré, et où leur influence devient plus dangereuse de jour en jour.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Tandis que la plupart des jouruaux se lamentent sur la stagnation du commerce, le Constitutionnel nous assure que tout va le mieux du monde, et que rien n'est comparable au riant aspect de la capitale. Il nous dit très-sérieusement que, de mémoire d'hommes, on n'avoit vu les visages plus épanouis, le peuple plus gai et plus sémillant. Ce qui le charme principalement, c'est l'air de luxe et de magnificence répandu partout; ce sont les boutiques et les magasins ouverts comme aux plus beaux jours de fêtes. Pour ouverts nous n'en disconvenons pas, et c'est une justice à rendre aux marchands, ils ne tiennent pas leurs portes fermées. Du reste, nous sommes parfaitement de l'avis du Constitutionnel, quand il dit que ce nouvel état de choses provient de ce qu'il y a en France un homme de moins. Il ne s'agit plus que de s'entendre sur l'état de choses en question: c'est aux marchands dans tous les genres de commerce à nous dire ce qu'ils en pensent...?

Il est dit que nous ne sortirons pas des congrégations: en voilà une nouvelle qui pousse effrontément sur les ruines de l'autre, et qui cause au Courrier français les plus vives appréhensions; c'est celle dont M. le duc de Broglie est le chef et le ministre. Il la signale comme la grande plaie de notre ère de régénération. Vous la reconnoîtrez à ses déclamations contre la liberté de la presse, et aux efforts qu'elle fait pour enchaîner ces mêmes journaux qui ont enfanté les trois glorieuses journées, et auxquels le ministère doit la vie, M. de Broglie tout le premier. Aussi le Courrier est-il outré de cet oubli des services, et de cette ingratitude noire dont la nouvelle congrégation les paie. Que les nouveaux ministres y prennent garde; le Courrier français observe attentivement leur allure; et sous quelque forme que l'esprit de congrégation se reproduise, il est mort.

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Grande est la joie des libéraux de France d'avoir appris que l'armée belge s'affoiblit par la désertion, et qu'à Bruxelles on crie aussi Vive la ligue! Mais il n'est point de bonheur pur et sans mélange : ce même peuple qui crie vive la ligue! crie en même temps vive la dynastie et la légitimité! C'est un terrible correctif et un grand crève-cœur pour des frères qui voudroient que tout fût pur et complet dans la révolution de nos voisins comme dans la nôtre! Cette pensée d'ordre et de légitimité qui reste au fond des esprits, gate bien une insurrection patriotique. C'est une ombre qui suffiroit pour attrister à elle seule

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