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SUR LA SÉANCE DE LA CHAMBRE des députés du 7 aout.

Nous donnons plus bas le tableau de cette séance, mais ce tableau rapide ne rendroit que foiblement les impressions que fait naitre tout ce qui s'est passé en peu d'heures dans la nouvelle chambre. Une Charte décrétée, des articles supprimés, d'autres ajoutés, les dispositions les plus importantes remplacées par des dispositions contraires, un trône déclaré vacant, une nouvelle dynastie créée, la chambre des pairs décimée; voilà ce qu'on a improvisé dans une matinée. Nous respectons les autorités établies, nous ne sommes point de ceux qui organisent des insurrections pour défendre une Charte qu'ils renversent quelques jours après; mais nous nous alarmons d'une précipitation qui tranche imprudemment les questions les plus graves de l'ordre social. Comment la chambre a-t-elle cru pouvoir prendre en si peu de temps tant de déterminations importantes? Est-il bien constant qu'elle eût mission à cet effet, que les électeurs l'eussent chargée de prononcer la vacance du trône, et qu'elle fût autorisée à proclamer un autre roi? Un si grand changement etoit-il bien de la compétence d'une chambre incomplète, et qui ne comptoit que 252 membres sur 430? Comment concilier la déchéance avec l'article 13 de la Charte, qui déclare la personne du roi inviolable et sacrée? Comment annulle-t-on d'un trait de plume les nominations de pairs faites depuis six ans, tandis qu'elles ont été aussi constitutionnelles que les précédentes? Comment des décisions de cette nature sont-elles portées par un seul des trois pouvoirs, sans consulter la chambre des pairs, et comme si elle n'avoit pas d'avis à émettre sur ces questions?

Ces doutes et une foule d'autres qui se présentent à Tome LXV. L'Ami de la Religion.

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l'esprit ne permettent pas de voir avec indifférence tout ce qui s'est passé samedi. Cette journée vaut seule une révolution. L'attitude qu'y a prise la chambre nous annonce qu'elle n'en restera pas là. La déclaration qu'elle a portée aura des suites graves. Nous souhaitons qu'elle ne donne pas lieu à des inquiétudes pour les consciences, et qu'elle ne place pas des hommes droits et loyaux dans des circonstances difficiles. Pour nous, nous nous hâtons de faire notre profession de foi; nous adhérons à la généreuse réclamation de M. de Conny, nous donnons son discours comme l'expression des sentimens et des vœux d'une classe encore nombreuse. Nous applaudissons à ce qu'il y a de noble et de courageux dans les déclarations de MM. Hyde de Neuville, de Lézardière et de Martignac. Loin de nous l'idée de faire une opposition hostile, de troubler le nouvel ordre de choses et de chercher à agiter les esprits. Nous plaindrons le prince qui pouvoit gouverner avec un titre légitime, mais nous nous abstiendrons de lui donner les épithètes dures que les feuilles libérales prodiguoient naguère à don Miguel pour une entreprise à peu près semblable. Nous respecterons le nom d'un Bourbon, nous raconterons ce qu'il fera selon le nouveau titre qui lui est déféré, mais ce sera sans discuter ses droits et sans préjuger la question. Du reste, nous promettons hardiment de n'être pas plus flatteur que frondeur, et nous dirons franchement notre avis sur les actes de cette autorité nouvelle, comme nous l'avons dit sur ceux de la monarchie legitime. Mais il est temps de citer le discours de M. de Conny :

α

Dans les circonstances terribles où nous sommes placés, la liberté des délibérations est une loi plus sacrée encore ; je l'invoquai toujours, et lorsque de nos bancs déserts s'élèvent à peine quelques voix, vous ne refuserez pas de nous entendre.

» Je me présente à la tribune, pressé par le cri de ma conscience, le silence seroit une lâcheté; n'attendez pas de moi de longs discours; les devoirs que nous devons remplir sont tracés avec une trop vive clarté.

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L'ordre soaial est ébranlé jusqu'en ses fondemens; ces mouvemens tumultueux qui suspendent tout-à-coup l'action des pouvoirs légitimes, institués pour établir l'ordre dans la société, sont des époques de calamités qui exercent sur la destinée des nations la plus funeste influence; long-temps pressentis à l'avance par l'observateur attentif, ils deviennent aux yeux de tous dans ces jours de douleur et d'effroi, l'expression matérielle de cette anarchie morale qui existoit au cœur de la société.

» L'inexorable histoire, s'élevant au-dessus des passions contemporaines, imprime à ces jours lamentables le caractère qu'ils doivent avoir. Et le cri de la conscience humaine s'élève pour consacrer cette vérité éternelle : La force ne constitue aucun droit.

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En ces temps de trouble, on invoque la liberté; mais l'expression de la pensée a cessé d'être libre; la liberté est baillonnée par ces cris sanglans qui portent l'effroi de toutes parts; il y a alors oppression, et j'ajouterai même la pire de toutes, car elle s'exerce au nom de la liberté ; elle est empreinte d'un caractère d'hypocrisie et de fureur.

» Vous ne vous laisserez point subjuguer par les cris qui retentissent autour de nous; les hommes d'état restent calmes au milieu des périls, et lorsque des voix confuses appellent au trône le fils de Napoléon, invoquent la république ou proclament le duc d'Orléans, inébranlables dans vos devoirs, vous vous rappellerez vos sermens, et vous reconnoîtrez les droits sacrés de l'enfant royal qu'après tant de malheurs la Providence a donné à la France.

» Les cris de la conscience parlent plus haut que ces voix tumultueuses qui retentissent autour de nous; pensez au jugement de l'avenir; il seroit terrible: vous ne voudrez point qu'un jour l'histoire puisse dire de nous : Ils furent infidèles à leurs sermens.

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L'Europe nous regarde; trop long-temps nous lui donnâmes le spectacle de la plus étrange mobilité; trop longtemps nous changeâmes de partis aussi souvent que la victoire changeoit de drapeau; ramenés par le malheur à la vérité, restons calmes au milieu de tant de passions soulevées, et couvrons de nos respects et de nos larmes de grandes et royales infortunes.

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» Dynastie sacrée, recevez nos hommages! auguste fille des D

rois, que tant de cris d'amour recurent en France, sur la terre d'exil que vous revoyez encore, puisse notre douleur rendre plus légers tant de peines et tant de malheurs!

» En restant fidèles à vos devoirs, Messieurs, vous épargnerez à notre patrie tout ce que l'usurpation traîne après elle de calamités et de crimes.

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» Fixant d'un œil inquiet les destinées de la France, je vois, Messieurs, le double fléau de la guerre civile et de la guerre étrangère menacer notre pays; je vois la liberté disparoître sans retour; je vois le sang français couler, et ce sang retomberoit sur nos têtes.

»

La consécration du principe de la légitimité, de ce principe reconnu par la Charte, peut seule préserver notre pays du plus redoutable avenir; ce principe sacré je l'invoque dans la tempête comme je l'invoquai en des jours plus heureux; c'est là qu'est l'ancre du salut. L'Europe toute entière

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est menacée d'un vaste embrasement si nous oublicns la sainteté de nos sermens, et nos sermens sont écrits dans la Charte. Rappelons-nous le, Messieurs, la France est enchaînée par ses sermens; ses sermens la lient au trône où doit monter celui que deux abdications y appellent; nulle puissance n'a le droit de nous délier de ces sermens; l'armée, toujours fidèle, toujours française, inclinera ses armes devant son jeune Roi. J'en atteste l'honneur national; ne donnons point au monde le scandale du parjure. En présence des droits sacrés du duc de Bordeaux, l'acte qui éleveroit au trône le duc d'Orléans seroit la violation de toutes les lois humaines.

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que,

Députés de mon pays, c'est devant Dieu qui nous jugera, me rappelant mes sermens, je viens d'exprimer la vérité tout entière; j'aurois perdu l'estime de mes adversaires, si, dans les périls qui nous environnent, j'avois pu garder le silence. Les sentimens qui m'animent, je les proclame à la face du ciel, je les exprimerois à la bouche du canon.

» En descendant de cette tribune, j'ai besoin d'exprimer le vœu le plus ardent de mon âme : puisse la Providence éloigner de notre pays les malheurs qui le menacent! Puisse cette France si chère à nos cœurs revoir enfin des jours plus heureux !

» Si le principe de la légitimité n'étoit point reconnu par la Chambre, je dois déclarer que je n'ai pas le droit de participer aux délibérations qui vous sont soumises. »

Au milieu de toutes les discussions graves accumulées dans cette séance, il est pourtant quelques points sur lesquels on peut féliciter la chambre du parti qu'elle a pris. Quelques journaux la poussoient à dépouiller la magistrature actuelle de son inamovibilité ; d'autres vouloient qu'on

parlât plus de la religion catholique dans la Charte et qu'on supprimât le traitement du clergé. La chambre s'est heureusement défiée de tous ces projets enfantés dans un moment de délire par des têtes extravagantes; aussi les feuilles libérales lui en font un reproche et l'accusent de foiblesse. Puisse-t-elle mériter souvent de semblables reproches! Puisse-t-elle ne jamais se laisser influencer par des calculs mesquins ou par des déclamations haineuses, et ne pas isoler entièrement la religion de l'Etat ! L'Etat et la société ont encore plus besoin de la religion que la religion n'a besoin d'eux. Ce seroit une bien fausse politique que de redouter l'influence d'un ministère de paix et de charité, et ce seroit une bien injuste et bien imprudente économie que de refuser à des prêtres pauvres et laborieux le modeste traitement qui leur a été promis et qui leur est dû à tant de titres. La délibération de samedi nous fait espérer qu'on n'a plus à craindre ce que l'indifférence et l'impiété appeloient à grands cris.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Il nous est pénible d'avoir à raconter de nouveaux désordres arrivés dans la capitale pendant les derniers jours de juillet. La même troupe qui pilla l'archevêché trouva le moyen de pénétrer par la cour dans la grande sacristie de Notre-Dame. Elle fit main basse sur tout ce qui y étoit renfermé. Ni la richesse des ornemens, ni leur pieuse destination ne purent arrêter l'avidité du pillage. Plusieurs ornemens complets, dont un très-beau qui servoit pour les solennités, des vases sacrés, le trésor, des aubes, tout le mobilier enfin

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