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des gardes nationales. Toutes les nominations de pairs faites par Charles X sont annullées.

La chambre déclare en outre qu'il est nécessaire de pourvoir, par des lois séparées, à l'extension du jury aux délits de la presse, à la responsabilité des ministres et de tous les agens du pouvoir, à la réélection des députés fonctionnaires, au vote annuel du contingent de l'armée, à l'organisation des gardes nationales, lesquelles choisiront leurs officiers; à un code militaire, assurant aux officiers leurs grades; à l'administration départementale et communale; à l'abolition du double vote et à la fixation des conditions électorales; à la liberté de l'enseignement.

Moyennant l'acceptation de ces dispositions, M. le duc d'Orléans est appelé au trône, et prendra le titre de Roi des Français.

A la suite d'une vive discussion, la proposition de M. Bérard est renvoyée à une commission spéciale. L'extrême gauche s'y opposoit, en appuyant le vœu de M. Demarcay, que la Charte soit annullée, et qu'une constitution soit rédigée.

Cette commission est composée de MM. Bérard, de Sade, Humann, Delessert, Aug. Perrier, Sébastiani, Bertin-Devaux, Rouillé de Fontaine, Destutt de Tracy.

La commission de l'adresse se compose de MM. Villemain, Pavée de Vandoeuvre, Humblot-Comté, Kératry, Dupin aîné, Matthieu Dumas, Benjamin Constant, J. Lefebvre, Etienne. A huit heures du soir, les députés reviennent à leur poste. Une foule immense assiégeoit dès six heures les alentours de la salle, et poussoit toutes sortes de cris. On entend surtout les cris: Vive la république! point de duc d'Orléans! plus de roi! à bas les pairs! M. Girod (de l'Ain), préfet de police, et Lafayette, sortent pour haranguer cette foule; mais ils ne peuvent faire cesser le désordre. M. Aug. Perrier pense qu'il faut ajourner les délibérations, parce qu'on veut les violenter. Enfin, M. Bənj. Constant va luimême pour essayer d'apaiser le tumulte, et obtient du calme.

La séance est reprise à neuf heures. M. Laffitte, vice-président, donne lecture de l'acte d'abdication de Charles X et du dauphin, qui lui est envoyé par M. le lieutenant-général,

Une foule de voix : Nous n'en voulons pas ; c'est un acte sans valeur... Malgré de vives réclamations dans ce sens, de M. Mauguin, le dépôt en est ordonné aux archives par la majorité des deux

centres.

M. Bavoux demande que la chambre vote des remercîmens à la ville de Paris, pour sa conduite dans les glorieuses journées des 27, 28 et 29 juillet, et que l'on érige en son honneur un monument portant pour inscription: A la Ville de Paris, la Patrie reconnoissante. Adopté.

A dix heures, M. Dupin ainé fait le rapport de la commission qui a examiné la proposition de M. Bérard.

La commission, dit-il, a reconnu, à l'unanimité la nécessité de proclamer la vacance du trône. Elle demande que l'on déclare que la religion catholique est celle de la majorité des Français (et non de l'Etat). L'art. 8, sur la liberté de la presse, sera dégagé de ces mots : sauf les mesures propres à empêcher les abus. Ce sera devant les chambres que le roi prêtera serment d'observer la nouvelle Charte et les lois. La commission ne pense pas qu'on puisse annuller de suite les pairies conférées par Charles X; mais elle propose de stipuler que cette question sera examinée dans la prochaine session.

M. de Rambuteau demande que l'on commence immédiatement la discussion sur cet objet. MM. B. Constant et Salverte s'y opposent. M. Mauguin verroit avec peine que l'on appelât la religion catholique et romaine celle de la majorité des Français; car, selon lui, cette majorité professe le gallicanisme, qui seroit différente de la religion romaine.

Après une nouvelle discussion, et sur les conclusions de M. Guizot, on décide que le rapport de la commission sera imprimé dans la nuit, et sera distribué pour le lendemain matin.

Le 7, la séance s'ouvre dès huit heures, d'après une convocation faite pendant la nuit; mais comme les journalistes ne sont pas arrivés, on croit devoir retarder le commencement des délibé

rations.

De nombreux détachemens de garde nationale circulent autour de la chambre pour empêcher de nouveaux attroupemens et désordres.

On reçoit des adresses d'habitans de Paris et de la Meuse. M. Marschall demande qu'elles soient renvoyées à la commission des pétitions, afin que l'on fasse connoître à la chambre les beaux sentimens qu'elles renferment.

L'ordre du jour est la discussion de la proposition de M. Berard sur la modification de la Charte, la déchéance de la famille royale et l'appel au trône de M. le duc d'Orléans.

M. de Conny prononce le discours que nous avons donné au commencement du numéro.

M. B. Constant cherche à établir que l'insurrection est un devoir pour un peuple dont les droits sont violés, et qu'il n'y a d'autre légitimité que celle des vœux d'une nation; qu'il nous faut un autre prince, et que M. le duc d'Orléans offre de dignes antécédens et d'excellentes garanties.

M. Hyde de Neuville est affligé de tout ce qui est arrivé; il croit avoir fait tout ce qu'il a pu pour l'empêcher. Il pense que la mesure que l'on va prendre est si grave qu'on ne devroit point ainsi Pimproviser; et comme il ne peut s'y opposer, il se borne à faire des vœux pour le bonheur de la patrie.

M. Al. Delaborde ne veut pas entendre parler de M. le duc de Bordeaux. Ce n'est qu'un enfant; et d'ailleurs la légitimité que l'on invoque se trouve avoir péri dans le sang des Français. Au surpins, selon l'orateur, M. le duc d'Orléans descend de plus près en ligne directe du seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire, de Henri IV.

M. de Lézardière croit que sa conscience est engagée par le serment de fidélité au roi qu'il a prêté dans le collége électoral qui l'a nommé. Il condamne les conseillers des ordonnances du 25 juil. let; mais il ne se croit pas obligé d'aller plus loin. La France est menacée d'interminables malheurs, si le droit de détrôner le roi et de changer la forme du gouvernement devient notre droit public. L'orateur vote donc contre la proposition, quels que soient les dangers qui menacent peut-être les députés de cette opinion.

M. Salverte ne pense pas qu'on doive s'arrèter à la légitimité de M. le duc de Bordeaux. Il rappelle qu'en Angleterre, dans une occasion semblable, on s'est hâté de choisir une autre famille héréditaire.

MM. Anisson-Duperron, de Corcelles et Petou, appuient la proposition. Ce dernier donne pour principale raison que les députés sont arrivés à travers des flots de sang, et qu'ils y ont trouvé la légitimité noyée.

M. Berryer demande subsidiairament la division de la question. Il admet que l'on puisse modifier quelques dispositions de la Charte; mais on ne peut voter sur l'élection d'un roi de France et sur l'annullation des pairies que Charles X a conférées dans son droit.

M. Villemain combat la division, en soutenant que les modifi cations doivent avoir lieu en même temps que l'installation d'un nouveau prince.

MM. Pas de Beaulieu, Arthur de la Bourdonnaye, Berryer, de Sirieys, A. de Noailles, de Lardemelle, Blin de Bourdon, de Saunac, de Berbis, de Mackau, d'Augier, et les autres membres de la droite, déclarent que leur conscience et leur mandat s'opposent à ce qu'ils prennent part à une semblable délibération. Un député du centre gauche fait la même déclaration.

La clôture de la discussion générale est prononcée. On passe aux différens articles de la proposition.

M. Podenas demande que l'on mette que le trône est vacant par suite de la violation par Charles X de la Charte et des lois. Il se livre ensuite aux plus grands outrages contre ce prince.

On lui crie de la gauche : C'est assez, vous allez tout perdre. M. de Martignac monte à la tribune tout ému. Il est indigné d'avoir pu entendre accuser de férocité Charles X, qu'il a connu dans l'intimité, et qui brûloit au contraire d'amour pour son peuple. Les ordonnances du 25 juillet ne sont pas son ouvrage; il ne faut

s'en prendre qu'à des conseillers qui l'auront trompé. (Vive agitation).

M. A. de Noailles appuie ces paroles, après quelques mots de dénégation de M. Bernard.

M. Dupin aîné, rapporteur, fait observer que la rédaction adoptée par la commission est conçue dans le sens que demande M. Podenas, et le paragraphe passe par la majorité des deux parties de la gauche.

M. Persil propose par amendement de déclarer : La souveraiheté appartient à la nation; elle est inaliénable et imprescriptible. On s'en tient au deuxième paragraphe, qui est à peu près sem

blable.

On adopte la suppression de l'art. 6, qui déclare que la religion catholique est celle de l'Etat.

La commission proposoit de modifier ainsi l'art. 7 de la Charte : Les miuistres de la religion catholique, professée par la majorité des Français, et ceux des autres cultes chrétiens, recevront seuls des traitemens de l'Etat.

MM. Viennet, B. Constant et Marchall, demandent vivement la suppression de ces mots ajoutés.

MM. Ch. Dupin et Kératry pensent que cela jeteroit l'alarme dans les départemens de l'Ouest.

M. Berryer réclame vivement la parole; mais il ne peut se faire ⚫ entendre.

A la suite d'une vive discussion, on vote sur différens sousamendemens. On maintient les mots: par la majorité des Français; on retranche le mot seuls, sur la proposition de M. Rambuteau, qui vouloit que le culte israélite fût aussi rétribué : enfin, on termine l'article par les mots : trésor public, au lieu de par l'Etat.

On retranche de l'art. 8 (portant: Les Français ont le droit de faire publier leurs opinions, en se conformant aux lois) cette phrase, qui doivent réprimer les abus de cette liberté.

Au milieu de vifs débats, on adopte cet amendement de M. Devaux sans que jamais la censure puisse être rétablie.

L'art. 14 portera que le roi fait des ordonnances et règlemens pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni se dispenser de leur exécution.

M. Sappey voudroit que les traités de paix et de guerre fussent soumis aux chambres avant d'être conclus: cette motion n'a de suite.

pas

On adopte un sous-amendement de M. Jacqueminot, portant qu'aucune troupe étrangère ne sera admise au service de l'Etat sans une loi.

1

M. Berryer voudroit qu'on prît une disposition, d'après laquelle une proposition de loi rejetée, par l'un des trois pouvoirs, ne pût être reproduite dans la même session. Adopté.

On adopte l'art. 26, qui déclare nulle et illicite toute assemblée de la chambre des pairs, hors du temps de la session de la chambre des députés, sauf le cas où elle seroit réunie comme cour de justice, et alors elle ne peut exercer que des fonctions judiciaires.

L'article portant que les séances de la chambre des pairs seront publiques, passe également.

La commission propose de fixer à 30 ans l'âge d'éligibilité. M. Villemain demande que ce soit à 25 ans. M. Berryer représente que cela mettroit les lois civiles en contradiction avec les lois politiques; les premières ne croient pas qu'un homme à 25 ans puisse devenir sans guide et sans conseil chef de famille, comment alors le croiroit-on capable de diriger les affaires de l'État?

L'amendement de M. Villemain, appuyé seulement par M. Salverte et par l'extrême gauche, est rejeté. La chambre fixe l'éligibilité à 30 ans.

L'art. 39 est supprimé : on adopte cependant une disposition proposée par M. Berryer pour en tenir lieu.

La nomination du président de la chambre des députés par la chambre elle-même, et l'élection des présidens de colléges électoraux par les électeurs, sont admises.

Il en est de même pour les modifications portant que les colonies seront régies désormais par des lois particulières; que les rois jureront devant les chambres d'observer la nouvelle Charte, et que celle-ci sera confiée au patriotisme des gardes nationales et de tous les citoyens.

On arrive à l'article annullant les nominations de pairs, faites par Charles X, et voulant qu'une nouvelle loi revise l'art. 27, relatif aux créations de pairs.

M. de Lafayette, après avoir protesté de ses sentimens républicains et de son aversion pour l'aristocratie, demande que, comme aux Etats-Unis, la pairie ne soit point héréditaire.

M. Berryer combat vivement ce principe, et l'article d'annullation lui-même. Il montre que ce seroit entrer dans des réactions funestes, et faire une rétroaction qui pourroit se renouveler plus tard pour d'autres institutions.

MM. Petou, Sébastiani et Bernard, appuient fortement l'article, et rappellent avec chaleur les évènemens de la fin de juillet. La majorité fait adopter l'article. On a remarqué que messieurs Royer-Collard, Gautier et Lepelletier-d'Aulnay, se sont levés contre.

MM. de Brigode et Mauguin demandent que les juges cessent leurs fonctions dans six mois, s'ils ne reçoivent d'ici là une insti

tution nouvelle.

M. Dupin aîné convient qu'il y a eu des choix peu satisfaisans dans la magistrature; mais il représente le tort que feroit à la nouvelle cause une semblable réaction.

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