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M. le président et M. Berryer représentent que l'on doit suivre la formule établie, qu'une loi seule pourroit la changer, et que cette formule a été suivie par la chambre des pairs.

L'amendement de M. Mercier est rejeté.

M. Pavée de Vandoeuvre, secrétaire, fait l'appel nominal en lisant la formule, et chaque député présent répond: Je le jure. Deux cent neuf ont prêté le serment sans aucune explication.

M. d'Abancourt, quoique navré de douleur des malheurs d'une famille qu'il a toujours fidèlement servie, croit devoir néanmoins prêter le serment. MM. Becquey, de Berbis, Béranger, Berryer, Bizien du Lézard, Bourdeau, de Caux, Fr. Durand, d'Hautpoul, Jacquinot, de la Briffe, Lafont, de Martignac, Mestadier, de Montozon, Raudot, de Sassenay, Thomassin de Bienville font entendre presque tous que, malgré leur attachement à la légitimité, ils croient devoir au repos de leur pays de prêter le serment. M. de Brigode voudroit qu'on lui expliquât la différence entre fidélité et obéissance, cependant il fait le serment. M. de Corcelles met une restriction au sien, et croit que l'approbation de la nation est indispensable. Il s'élève une discussion à ce sujet, on demande que ce député prête son serment purement et simplement. Il s'y détermine, mais il ajoute toujours que le consentement de la nation est indispensable, et il fait des vœux pour qu'il soit manifesté dans le plus bref délai.

M. Demarçay dépose une proposition relative à la division du budget.

M. Delessert développe la sienne, qui a pour objet de donner des récompenses nationales aux personnes qui se sont distinguées les 28 et 29 juillet. Elle est appuyée, et renvoyée dans les bureaux. M. de Sade présente des observations sur la reconstruction de la salle.

M. Ch. Dupin réplique par des détails minutieux. La proposition est renvoyée dans les bureaux.

On nomme une commission pour la révision du réglement de la chambre.

M. Mercier revient sur sa proposition, tendant à astreindre tous les fonctionnaires à prêter le serment de fidélité au nouveau Roi, sous peine d'être considérés comme démissionnaires. Elle est renvoyée aux bureaux, et sera examinée avant toute autre.

Le 11, l'admission des députés de la Gironde est prononcée. Quatre membres absens la veille prêtent serment.

MM. d'Augier et Fleury ne le prêtent que parce qu'ils croient accomplir un devoir commandé par l'intérêt du pays.

M. de Lardemelle dit que ce n'est qu'après avoir consulté un certain nombre de ses commettans qu'il s'y soumet.

Par suite d'une protestation, M. Crignon de Montigny propose Pannullation de l'élection de M. Dudon dans l'Ain. Ces conclu

sions, appuyées par MM. Girod (de l'Aîn), Chevrier de Corcelles et Rodet, sont adoptées.

M. Gaëtan de La Rochefoucault veut soumettre un projet de loi pour remédier à la stagnation qu'éprouvent depuis les évènemens le commerce et les manufactures. Plusieurs membres représentent que le règlement encore en vigueur s'oppose à ce que la discussion ait lieu immédiatement. M. Aug. Perrier répond qu'il y a urgence. M. Louis, ministre des finances, fait observer que le gouvernement ne peut ouvrir aucun crédit par des escomptes sans qu'il y soit autorisé. Sur la proposition de M. Dupin aîné, on se retire dans les bureaux pour conférer à ce sujet.

A la reprise de la séance, M. Laffite cède le fauteuil à M. B. Delessert.

M. G. de La Rochefoucault retire sa proposition, d'après l'assurance qu'on vient de recevoir qu'il seroit pris des mesures pour avancer des fonds aux négocians et aux manufacturiers qui éprouvoient des refus d'escompte à la Banque et chez les banquiers.

M. Laffite pense qu'une plus longue discussion à ce sujet auroit jeté l'alarme. Il annonce qu'il doit y avoir demain une réunion de banquiers pour faciliter la négociation des effets de commerce. M. Laffite reprend ensuite le fauteuil.

M. de Curzay écrit que, victime de l'émeute populaire de Bordeaux, et blessé de sept contusions et d'un coup de poignard, il ne peut se rendre encore à la chambre.

MM. Hygonet, député du Cantal; Ruinard de Brimont, de la Marne; Dumaisniel, de la Somme; de Châteaufort et de Lamandé, de la Sarthe; de Villemorge, de Maine-et-Loire; Béraud, de l'Allier, donnent leur démission, en déclarant que leur conscience leur en fait un devoir, et que leur mandat, d'après les derniers évènemens, n'existe plus.

M. de Cormenin écrit qu'il n'a pas reçu du peuple un pouvoir constituant; qu'il se croit absolument sans pouvoir pour faire un roi, une charte et un serment, et qu'en conséquence il donne sa démission.

Etudes philosophiques, par M. de Commequiers (1).

L'auteur regrette de voir la philosophie se perdre en spéculations plus curieuses qu'utiles, et voudroit la ramener à des méditations qui eussent une influence plus directe pour nous éclairer

(1) In-8°, prix, 3 fr. et 3 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez Blaise, rue Férou, et au bureau de ce journal.

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et nous guider. Il montre ce que la saine philosophie gagne en s'unissant au christianisme, qui lui donne une force et une sanction qu'elle n'auroit jamais par elle-même. La religion a dévoilé ce que la philosophie avoit à peine entrevu; elle offre à l'homme une autorité pour résoudre ses doutes: elle est la seule qui puisse mettre fin aux incertiudes de notre esprit.

On voit par là que les Etudes de M. de Commequiers ont un caractère tout-à-fait moral et religieux. Il traite, dans une suite de chapitres, de la conscience, de la foi, de la vérité, de la vertu, de la prière, etc. Ses considérations sur ces divers points sont graves et solides. Nous aurions voulu pouvoir citer quelque chose du chapitre de la foi, où l'auteur en montre les avantages et les bienfaits. Dans le chapitre de la vertu, il rappelle que la religion a inspiré des traits de dévouement et d'héroïsme, et qu'elle a rendu en quelque sorte commun et vulgaire ce qui n'appartenoit qu'à quelques ames élevées.

Dans les derniers chapitres, l'auteur s'occupe de l'accord de la religion avec la philosophie, et de l'état actuel de la littérature. Là, il a quelques idées que nous ne partagerions pas entièrement: il suppose que nous devons à l'Allemagne et au nord de l'Europe une plus noble et plus sage direction donnée à la philosophie et à la littérature: il fait un grand éloge du Génie du christianisme et des autres ouvrages de M. de Châteaubriand. En louant ce qu'il y a de beau dans ces ouvrages, il seroit juste de remarquer que le Génie du christianisme n'est pas toujours d'un goût bien pur pour le style, et qu'il offre en religion bien des choses inexactes, fausses, exagérées et même erronées.

Du reste, nous nous empressons de reconnoître que l'auteur montre partout un profond respect et même un vif attachement pour la religion. Il désavoue tout ce qui, dans son ouvrage, seroit opposé à la foi catholique. La vérité toute entière, dit-il, est comprise dans la religion; et toute philosophie contraire à nos dogmes, loin de conduire à la sagesse, ne peut qu'égarer l'esprit et le cœur. Tel est l'esprit des méditations de M. de Commequiers; et nous ajouterons qu'il y règne un ton de raison et un goût de vertu qui donnent la plus heureuse idée de ses principes et de ses sentimens.

A la fin est un épisode intitulé la Vierge de l'île de Saine; il se rattache à l'époque de l'établissement du christianisme dans l'Armorique. L'auteur y met en opposition le paganisme expirant avec la religion nouvelle. Sa fiction n'a rien que de religieux et de

moral.

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Le Gérant, Adrien Le Clere. ན་

Précis sur le pillage de l'Archevéché.

Quel que soit le parti qu'on embrasse et la cause que l'on défende, il est toujours indigne d'un honnête homme d'employer contre ceux dont on s'est fait l'ennemi l'arme de la cafomnie, et de s'en servir surtout lorsque les objets de la haine sont malheureux. Telle a été cependant la conduite de quelques journaux à l'époque du désastre de l'Archevêché. Non contens d'avoir précédemment, par leurs déclamations, provoqué la haine contre les prêtres, ils n'ont pas craint d'avancer des faits matériellement faux pour justifier la conduite de ceux qui ont dévasté cette maison. Ainsi ils ont assuré que des chanoines, des séminaristes et des domestiques avoient tiré sur le peuple, et qu'on avoit trouvé dans l'Archevêché cent poignards avec deux barils de poudre. L'absurdité de la première assertion est patente pour quiconque connoît le chapitre de Notre-Dame, qui ne compte que deux chanoines un peu jeunes, et qui renferme un nonagénaire, plusieurs octogénaires et septuagénaires. Quant à la seconde assertion, elle est aussi dénuée de fondement que la première. Je connois parfaitement cette maison, en détail et depuis long-temps; j'affirme donc hardiment, sans crainte d'être démenti, que jamais il n'y est entré aucune espèce d'armes, ni de munitions, et je défie qui que ce soit de prouver qu'on y en ait trouvé, à moins qu'elles n'y aient été portées au moment de l'évènement. Après avoir à juste titre réclamé contre des faussetés insignes, je crois devoir faire connoître la vérité sur les évènemens qui se sont passés à l'Archevêché les 28 et 29 juillet dernier. Depuis le commencement de mai, M. l'archevêque n'habitoit plus cette maison; mais il y venoit souvent, soit pour donner des audiences, soit pour aller de là dans les paroisses de la ville et de la campagne; car cette année surtout, que sa santé le lui avoit permis, il s'étoit en quelque sorte multiplié, pour répondre aux voeux de MM. les cures et aux besoins de son diocèse. Le secrétaire, le sous-secrétaire de l'Archevêché

Tome LXV. L'Ami de la Religion.

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et deux laïcs attachés au secrétariat étoient, avec les concierges, les seuls qui résidassent alors dans le palais archiepiscopal. Le mercredi 28, les deux ecclésiastiques furent, dès le matin, avertis qu'un rassemblement alloit se porter sur l'Archevêché. Forts de leur innocence, et ne pouvant se persuader qu'on en viendroit aux dernières extrémités, ignorant d'ailleurs qu'on se battoit en ville, ils ne s'effrayèrent pas beaucoup de ces avis. Cependant le sous-secrétaire sortit à dix heures et alla chercher un asile hors de la maison. Le secrétaire se livra à ses occupations ordinaires jusqu'à onze heures, que de nouveaux avis le déterminèrent aussi à partir. L'un et l'autre se retirèrent sans prendre aucune précaution pour sauver leurs effets, tant étoit grande encore leur sécu→ rité. Il y avoit peu de temps qu'ils avoient fui, lorsqu'une troupe se présenta à la grande grille du palais, demandant à grands cris l'archevêque, afin, dirent-ils, de le pendre au drapeau tricolore qui venoit d'être arboré au haut d'une des tours de Notre-Dame. D'après l'assurance qu'on leur donna qu'il n'y étoit pas, ils demandèrent les calotins de sa suite pour les pendre à sa place. C'est à peu près tout ce qui eut lieu ce jour à l'Archevêché; mais ce n'étoit que le prélude des scènes de dévastation qui étoient préparées pour le lendemain.

Dès le matin du 29, on fut informé que le pillage auroit lieu dans la journée; malheureusement on n'en fut pas averti assez à temps pour en prévenir les effets déplorables, en sauvant au moins quelques objets. A neuf heures du matin, des hommes, au nombre de 80 environ, se présentent à la grande grille et commandent impérieusement qu'on la leur ouvre. Le concierge ayant voulu leur faire des représentations, est ex→ posé à perdre la vie. Force lui fut alors d'obéir. Dès que la première grille est ouverte, ces hommes, suivis d'une multitude qui se montoit bien à 12 ou 1500 personnes, parmi lesquelles se trouvoient plusieurs femmes, se précipitent dans la première cour. C'est alors, à ce qu'il paroît, que des fenêtres de la maison on tira des coups de fusil. Des jeunes gens avoient devancé les autres et s'y étoient introduits par le jardin; ils donnèrent de cette manière le signal au reste de la troupe. Plus tard, le vestiaire de l'église ayant été envahi et les armoires enfoncées, quelques-uns des assaillans s'affublèrent de soutanes et de bonnets carrés, et dans ce costume, ils firent aussi feu des fenêtres. Voilà ce qui explique la fausse accusa

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