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car non seulement les États signataires réuniraient le faire respec

à des forces déjà suffisantes

pour

ter, celles des puissances secondaires qui viendraient y adhérer, mais ils trouveraient encore un appui chez celle des deux monarchies rivales qui verrait ses intérêts compromis par les envahisse[ ments de l'autre. Leur refus n'aurait donc eu pour résultat que de les priver de l'influence naturelle qu'elles seraient appelées à exercer sur les autres États qui auraient concouru au traité. Il est enfin une dernière considération que nous désirons présenter à l'attention de nos lecteurs.

L'histoire, ce grand maître, qu'il est si utile de consulter, nous enseigne que, parmi les peuples qui ont exercé une haute influence, les uns ont dû leur puissance avant tout aux forces matérielles que la Providence leur avait départies, à leur nombreuse population, à l'étendue et à la richesse de leur territoire; les autres, au contraire, aux forces morales dont ils étaient doués, à leur habileté, à leur valeur, à leur patriotisme. Le rôle de ces derniers a été plus brillant, leur action plus énergique, mais lorsqu'ils ont perdu les vertus auxquelles ils devaient cette prééminence, et qu'ils n'ont plus été soutenus que par leurs forces maté

rielles, ils sont tombés au rang secondaire, ou plus malheureux encore ils ont perdu leur indépendance.

L'Europe, qui n'est qu'une si petite partie du monde habité (1), ne doit qu'à sa force morale la supériorité dont elle jouit. Mais cette influence qu'elle possède encore deviendra fort difficile à conserver dans les temps futurs; et bien que tout danger à cet égard paraisse encore éloigné, il n'est peut-être pas inutile d'attirer sur ce point l'attention des hommes réfléchis: leurs prévisions ne doivent pas seulement s'exercer dans d'étroites limites, elles doivent s'étendre aux chances lointaines de l'avenir.

Les émigrations, qui sont devenues si faciles, feront pénétrer partout la civilisation européenne: de nouveaux peuples prendront rang, ainsi que l'a fait l'Union américaine parmi les nations indépendantes. L'expérience prouve que les colonies ne restent attachées à la mère-patrie qu'aussi

Milles géog.

(1) La superficie totale des continents et îles, est de: 37,673,000 La superficie de l'Europe jusqu'à l'Oural,

2,742,000

Celle de l'Europe occidentale, soit la France, l'Angleterre, l'Espagne, le Portugal, la Suisse, l'Italie, l'Autriche, la Prusse, la Confédération germanique, la Hollande, la Belgique, le Danemarck.

876,000

longtemps qu'elles ne peuvent se suffire à ellesmêmes. Elles s'en séparent dès qu'elles croient pouvoir se passer de cet appui.

:

Le nouvel ordre de choses où nous a fait entrer depuis un demi-siècle l'émancipation des EtatsUnis, doit faire sentir aux peuples européens la nécessité de mettre enfin un terme aux luttes qui les divisent ceux-là même qui en auraient momentanément profité en reconnaîtraient bientôt, si elles se prolongeaient, les funestes conséquences, et l'Europe affaiblie, après avoir usé ses moyens d'action, ne tarderait pas à voir décliner sa supériorité et diminuer son influence.

Si la destinée des peuples considérés chacun isolément est la conséquence de leurs institutions et de leurs mœurs, celle des Etats, envisagés collectivement, ne dépend-elle pas essentiellement des transactions qui fixent la politique internationale?

Laisser l'Europe sous le régime des traités incomplets, que nous ont légués d'autres temps et d'autres circonstances, c'est la placer dans un état d'infériorité vis-à-vis des nations qui préparent leur grandeur future.

Les hommes auxquels est confiée la tâche diffi

cile de

gouverner, ne peuvent méconnaître

que

la

découverte des nouveaux moyens de communication est plus favorable aux grands pays qu'aux États d'une médiocre étendue, par la même raison qu'un perfectionnement agricole profite plus à une grande propriété qu'à une simple ferme. Ils savent que les autres parties du globe possèdent déjà les éléments de puissance, qui furent longtemps l'apanage exclusif de l'Europe: si elle devait être de nouveau déchirée par des divisions et des guerres intestines, les nations rivales de sa puissance profiteraient seules de son affaiblissement.

Prévenir un si funeste résultat, en conciliant les intérêts opposés qui sont en présence, ouvrir la plus vaste carrière au développement de l'intelligence et assurer au commerce de tous les peuples une extension illimitée, tel serait le but d'un traité maritime en est-il un plus digne d'être offert aux méditations des amis de l'humanité? Si les gouvernements de l'Europe, faisant trêve aux rivalités qui les divisent, cherchaient sincèrement à préparer les bases d'une paix durable et de la liberté du commerce, ils mériteraient la reconnaissance des peuples, et les races futures jouiraient longtemps du fruit de leurs travaux.

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