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CHAPITRE IX.

DE LA DISLOCATION DANS SES RAPPORTS AVEC LE SERVICE

INVALIDES.

Les développemens où nous sommes entrés, en rappelant le droit de propriété collective des hommes de mer, ont pu faire apprécier suffisamment le fond de toute combinaison dont le résultat actuel serait de leur enlever cette propriété, sauf à promettre de subvenir différemment aux dépenses de l'établis

sement.

La Commission est ainsi dispensée du soin pénible de discuter la proposition, qui est d'abord faite de saisir, au profit du Trésor, les rentes, les actions de la Banque successivement achetées des deniers des Marins.

Après cette saisie des valeurs, qui sert de base au projet, le cahier venant à la dépense, explique comment il entendrait diviser le personnel des pensionnaires en deux catégories :

L'une comprenant les Officiers et autres au-dessous de ce rang, dont tous les services seraient des services rendus à l'État.

L'autre, comprenant les gens de mer qui ne réuniraient sur les bâtimens de la flotte que peu de services, et qui auraient complété les 25 ans de mer dans la marine commerciale.

La dépense de la première catégorie serait mise au compte du Trésor public, comme dette de l'État.

Pour couvrir la dépense de la seconde catégorie dont les in

dividus, est-il dit, n'ont pas de droit à être pensionnés par l'État, on proposerait de maintenir la Caisse spéciale des Invalides, et d'y faire verser 1° le produit de la retenue exercée sur tout le personnel des deux Marines, ainsi que différens autres produits éventuels, notamment la prestation réduite à 5 p. % sur les prises; 2o un subside égal à la différence en moins de la recette comparée à la dépense, et dont le chiffre figurerait, chaque année, au budget de la Marine.

Tel est le système. C'est le même que celui qui a été réfuté une première fois en 1829, et qui, reproduit sous forme d'amendement à la session de 1851, fut alors unanimement repoussé par la Chambre des Députés*.

Dans l'écrit de 1829, après avoir fait remarquer, d'une part, que la dépense de la seconde catégorie s'élève à 2,500,000 fr. environ, et, d'une autre part, que la loi du 25 mars 1817 a défendu de comprendre aucune pension dans les différens budgets, la commission supérieure s'exprimait en ces termes :

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« Dépouillés, rejetés, les gens de mer et leurs pauvres familles échangeraient le brevet qu'ils ont aujourd'hui sur un fonds spé»cial paternellement administré, pour des pensions placées dans » le budget de la Marine, en contravention manifeste à la loi. »

Ajoutons que plus tard, dans les débats, après l'objection tirée de la violation de la loi, on ne manquerait pas d'insister sur cette seconde objection fondamentale dès à présent articulée par le cahier; savoir que les services dans la Marine commerciale ne peuvent constituer aucun droit à pension sur l'État.

Et le principe admis, il n'y aurait plus qu'à en déduire les conséquences logiques: 1° pour faire rejeter le subside comme étant une charge dont les contribuables ne doivent pas être grevés;

* Extrait du Moniteur du 29 mars 1832. M. le Président :--« Nous passons à la >> Caisse des Invalides (plusieurs membres réclament à la fois la parole); voici >> l'amendement de M. Allier.... L'amendement est-il appuyé? (De toutes parts:) -Non, non! (Voir aux Annexes, sur cet amendement, le no II, page 45.)

2 pour refuser à tous les élémens de la première catégorie le droit de faire compter, à titre de bénéfice de campagne, le temps de navigation sur les navires de commerce et sur les bâtimens armés en

course.

Envisagé sous un dernier point de vue, le plan de dislocation des trois caisses, réfuté en 1829, repoussé à la session de 1831, sera reconnu pour impraticable absolument si l'on veut bien se reporter aux faits de 1810.

Le décret du 13 août 1810, opérant d'abord une dislocation, faisait passer au Trésor la Caisse des Invalides uniquement, et laissait à la Marine les deux autres caisses, c'est-à-dire, celle des Gens de mer et celle des Prises.

Il fut impossible d'assurer l'exécution*. Le Trésor lui-même demanda l'ajournement au 1er janvier 1811. Enfin, l'unique moyen de sortir de la fausse situation où l'on se trouvait engagé fut de renoncer à l'inexécutable partage d'un Établissement, dont tous les rouages sont engrenés les uns dans les autres, et de consommer l'incorporation pleine et entière des trois services au Trésor **.

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** C'est à cette occasion que M. le duc Decrès, alors ministre de la Marine, ajouta de sa main sur une lettre en date du 24 décembre 1810, adressée au Ministre du Trésor public, ce post-scriptum remarquable: « Cette lettre se réduit, » monsieur, à vous prier de prendre le plus promptement possible ces caisses que, » dans l'intérêt de ceux pour lesquels elles sont établies, j'aurais toujours voulu » garder dans mes attributions, que j'en vois sortir avec beaucoup de peine, mais » qui ne sont plus qu'un embarras pour moi depuis que leur sort est décidé. »

CHAPITRE X.

L'AVANTAGE PROMIS AU TRÉSOR REPOSE SUR UNE ERREUK.

Si le plan de dislocation était adopté, dit le cahier, une des conséquences serait de procurer actuellement au trésor un bénéfice annuel de 1,500,000 fr.

Comme on l'a vu, ce plan, en droit, ne repose pas sur le respect inviolable dû à toutes les natures de propriétés : en fait, il serait inexécutable de même qu'il l'a été en 1810. Cela le condamne irrévocablement.

En supposant, contre la réalité, que le plan fût exécutable, ses futures conséquences seraient désastreuses.

Et quant à l'avantage actuel évalué pour le trésor à 1,500,000 fr. de revenu, il s'évanouit devant cette réflexion que le cahier raisonne sur la situation à la fin de 1850, tandis que, depuis lors, la Caisse des Invalides a été chargée d'acquitter le triple bienfait :

De la loi du 30 mars 1831, concernant les officiers réformés de 1824 à 1827;

De celle du 18 avril suivant, applicable à toutes les pensions dont la liquidation avait été suspendue à partir de 1829, ainsi qu'à toutes les retraites qui ont été la suite des événemens politiques de juillet 1830, et aux concessions résultant du mouvement ordinaire du service;

Enfin de celle du 15 février 1832 relative aux grades des cent jours.

L'erreur est donc grave autant que manifeste.

Elle avertit de n'user, pour le raisonnement applicable aux propositions d'avenir, qu'avec une réserve extrême, des comptes sur pièces ou autres documens qui présentent les faits, non comme ils sont, mais comme ils étaient il y deux ans.

Pour apprécier la situation véritable de la Caisse des Invalides, au lieu de remonter à son compte de 1830, il faut consulter son budget de 1855*.

Là, on verra que, loin de présenter un excédant chimérique de 1,500,000 fr., c'est à peine si l'établissement peut balancer ses ressources et ses charges.

* Voir aux Annexes, le n° III, page 46.

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