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CHAPITRE II.

DISCUSSION DE L'EXPOSÉ GÉNÉRAL SUR LES SPÉCIALITÉS. ÉCLAIRCISSEMENS RELATIFS A L'ETABLISSEMENT DES INVALIDES.

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Il faut d'abord analyser cet exposé.

Les spécialités, y est-il dit, n'offriraient pas la garantie de la publicité : elles auraient été soustraites ou tendraient à se soustraire au contrôle de la Cour des Comptes elles occasioneraient un double rouage de trésorerie fort coûteux; elles entraîneraient une stagnation de capitaux; elles présenteraient le tableau d'une sorte de privilége pour certains créanciers de l'État : fondées sous le gouvernement impérial dans un but de déguisement, elles seraient inconciliables avec les formes constitutionnelles, et cette incompatibilité serait la raison pour laquelle, depuis 1814, on s'est efforcé de les faire supprimer.

Toutes ces allégations vont être successivement examinées : Et d'abord, le défaut de publicité ne peut pas être reproché ut degré sérieusement à la Caisse des Invalides. Ses concessions successives de pensions, après avoir été insérées au Bulletin des lois, sont annuellement reproduites dans une liste qui est imprimée et distribuée aux Chambres. On leur distribue également chaque année ses comptes, ses budgets. En un mot, tous ses actes publiés par la presse sont non-seulement répandus dans la capitale, mais adressés

Loiu de résister à ancun coutrole, l'Établissement des In

niment multipliés.

aux ports militaires, et à tous les ports de commerce. L'administration s'applique à les faire pénétrer partout: elle a la ferme conviction que la Caisse des Marins Invalides (la plus ancienne caisse d'épargne du royaume, et qui fournit un exemple frappant de tout ce que le système de ces caisses renferme de puissance pour faire le bien), ne peut que gagner à être parfaitement connue dans l'ensemble comme dans les détails. Déjà, les résultats commencent à répondre à ses efforts. C'est que les publications sur les spécialités, présentant une masse de faits homogènes, une suite de déductions naturellement liées entre elles, doivent laisser des idées plus nettes, surtout des souvenirs plus durables, que beaucoup de documens où la réunion de matières incohérentes fatigue l'attention sans éclairer l'esprit, ni frapper la mémoire.

En résultat, si l'on veut comparer, on trouvera que dans aucun service les principes, les habitudes de la publicité n'existent à un plus haut degré que dans l'établissement spécial des invalides. Une seule différence se laisse apercevoir avec la forme de ses publications, il est plus facile d'atteindre le but que toute administration doit se proposer, en comparaissant devant le pays, et qui n'est pas de disserter sur de vagues généralités, mais de répandre la connaissance des faits positifs méthodiquement classés, en même temps que la connaissance des lois et des réglemens qui leur sont spécialement, c'est-à-dire véritablement applicables: de telle manière qu'avec le temps et le secours de la presse journalière, chaque nature de service puisse être comprise et appréciée en déhors du cercle des administrations respectives. Il est donc permis de conclure que, pour la plus grande diffusion des connaissances utiles, l'avantage demeure au système de spécialité.

Sans doute, ce système dont le propre est d'agréger, de lier forvalides les a sponta- tement les parties de chaque tout homogène, arme mieux la défense contre les tentatives d'envahissement, de quelque part qu'elles se manifestent. Si c'est là un moyen de protéger les intérêts engagés dans les spécialités, on y peut voir aussi, jusqu'à certain point, une égide pour tous les droits. Car, au fond, chacun est interessé dans toutes les positions, à ce que devant ou à côté de

soi, il ne suffise pas d'être attaqué pour succomber inévitable

ment.

Mais parce que des spécialités ont résisté à l'invasion de doctrines qu'elles considéraient comme subversives de leurs droits est-on fondé à avancer qu'elles ont été soustraites ou tendent à se soustraire aux contrôles que la loi leur a imposés, notamment au contrôle de la Cour des Comptes? Quelle preuve rapporte-t-on à l'appui de cette imputation, par exemple en ce qui touche la spécialité des Invalides? On n'en rapporte aucune. Or, voici ce que l'établissement oppose pour démontrer le contraire :

1o La loi du 16 septembre 1807, constitutive de la cour des comptes, ne lui conférait aucune juridiction * sur l'Établissement des Invalides. Cette Caisse envisagée comme une caisse d'épargne et de tontine, comme une association privée de tous les hommes de mer agissant pour eux et leurs familles, jusque-là avait été formellement dispensée de compter, soit devant les Chambres des Comptes du royaume**, soit devant la comptabilité nationale.

* Voir le titre II, art. xi, de la compétence de la Cour des Comptes.

** Dans l'ensemble comme dans les détails, le mode des écritures était simple et approprié à la nature spéciale des affaires maritimes. On y découvrait dès-lors la pensée dominante de faire contrôler fortement la comptabilité en la plaçant sous la surveillance de l'administration.

Quant aux comptes annuels, les trésoriers particuliers étaient tenus de les dresser dans les six mois de l'année suivante; et c'était avec ces comptes partiels ajoutés à celui qu'il avait dressé pour son service personnel que le trésorier général formait le compte général de l'Etablissement. Ces comptes étaient rendus devant une commission nommée par le Conseil de Marine; et du reste, l'édit de 1720, titre XI, article 2, portait : « Les comptes ainsi arrêtés serviront partout où il » appartiendra, de décharge valable auxdits trésoriers particuliers, lesquels ne » pourront être tenus d'en rendre aucuns autres en nos Chambres des Comptes, >> ni ailleurs, dont nous les avons de nouveau déchargés et déchargeons pour tou» jours en tant que de besoin » ( Exposé préparatoire, pages 11 et 12). Voir, en outre, la loi du 13 mai 1791, titre V, art. 9.

Voir aussi la loi du 8 juin 1792, portant art. 13: « Les dispositions relatives à » la comptabilité de la Caisse des Invalides de la Marine seront exécutées no>>nobstant toutes les lois postérieures et inapplicables à l'espèce.

Toutefois, après la fondation de la Cour des Comptes, le Ministère de la Marine s'abstint d'invoquer les précédens, et il ne fit aucune difficulté de laisser étendre par un décret* la juridiction de cette cour, au trésorier général des Invalides, puis et par voie de conséquence, à tous les trésoriers des ports.

2o Aussitôt après la loi du 25 mars 1817, il a été organisé au Ministère de la Marine, pour la liquidation de ses pensions, des contrôles analogues à ceux du département de la guerre.

3° Une ordonnance du 2 octobre 1825 a fondé, au point central, une commission permanente de surveillance, avec droit illimité d'investigation et de vérification dans toutes les parties administratives ou comptables de l'Établissement.

40 En obtenant la restitution de la caisse, le département de la marine a néanmoins conservé aux inspecteurs des finances la faculté de vérifier le matériel et les écritures des trésoriers. Outre ces vérifications éventuelles (les seules auxquelles soient assujettis les comptables du trésor public), les trésoriers des Invalides sont passibles des inspections mensuelles, ainsi que des vérifications inopinées qui sont faites, tant par les administrateurs des classes que par les agens de l'inspection de la marine. Il en est de même du trésorier général à Paris : la commission supérieure elle-même, de temps à autre, délègue un ou deux de ses membres pour s'assurer inopinément si tout est en bon ordre chez ce comptable. En fait, les caisses de l'établissement, au nombre de quatre-vingts, ont été vérifiées, quinze fois, dans le cours de l'année 1832.

50 A l'égard des comptes annuels, le Ministère de la Marine a adopté, pour la Caisse des Invalides, le mode des comptes de gestion usité dans toutes les administrations financières. Le système des écritures est aussi le même.

Toutefois, deux observations doivent être faites:

La première, c'est que l'intervention d'un agent (le trésorier

* 41 février 1809.

général), chargé de centraliser toute la comptabilité et de présenter e compte général de l'Établissement, empêche qu'il puisse échapper des doubles emplois; garantie particulière à la spécialité des Invalides.

La seconde observation se rapporte au mécanisme des écritures tenues contradictoirement. Comme chaque Trésorier ne peut rien toucher, ni rien payer sans un mandat préalable signé et enregistré par le commissaire des classes, cet administrateur, en pleine possession de l'initiative du chiffre, peut toujours vérifier, d'après ses propres écritures, la situation du comptable; combinaison efficace contre les dissimulations de recette, et qui ne peut exister qu'avec l'organisation actuelle de cette spécialité *.

6o Le Ministère de la Marine a tenu la main à ce que les comptes financiers, appuyés de toutes les justifications prescrites par les réglemens, fussent remis chaque année, en temps utile, à la Cour des Comptes. Il lui a prêté son concours pour mettre les Trésoriers des Invalides en mesure de satisfaire à toutes les injonctions contenues dans les arrêts. Cette année, il est vrai, un conflit s'étant élevé, l'Établissement des Invalides s'est vu forcé de discuter la valeur de certaines injonctions relatives au compte de 1850, ainsi que plusieurs documens accessoires. Et, comme la censure prononcée par ces élémens divers et qui concluait à la destruction de la Caisse avait été publique, les explications fournies en réponse ont aussi été publiées.

Voilà l'ensemble des faits.

Ils montrent que la spécialité des Invalides n'élude, ne redoute aucuns contrôles; loin de là, elle les a spontanément multipliés, et dans le même esprit elle facilite à tous les contrôles, sans exception, les moyens de s'exercer dans les limites qui leur ont été respectivement tracées par la loi.

* Voir sur les résultats comparés des deux modes d'écritures, à l'occasion d'un lait récent, la note annexée, n° I, page 41.

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